Bosnie-Herzégovine : Les familles des disparus ne baissent pas les bras

30-08-2013 Éclairage

Munira, Milan et Josip, tous trois de Bosnie-Herzégovine, vivent dans l'incertitude depuis que le conflit qui déchirait leur pays a pris fin avec la signature de l'accord de paix de Dayton en 1995.

Munira Subasic, une Bosniaque de Srebrenica, était sans nouvelles de sa famille depuis la chute de sa ville en juillet 1995, jusqu’à ce que le corps de son mari, Hilmo, soit exhumé dans les environs en 2004. Son fils, Nermin, âgé de 19 ans seulement au moment de sa disparition, a été retrouvé cette année. Ses restes étaient incomplets, et Munira a fait le choix déchirant de n'enterrer qu'un seul de ses os.

Milan Mandic, un Serbe de Sarajevo, a perdu son père âgé de 64 ans, Bozo, au tout début de la guerre, à Dobrinja, une banlieue de Sarajevo. Aujourd'hui, 21 ans après, Milan n'a toujours aucune information sur le lieu où son père pourrait se trouver.

Josip Brezjak, un Croate de Mostar, a perdu ses deux parents début septembre 1993. Il est le seul survivant d'une attaque militaire qui ciblait son village.

Tous trois viennent de communautés ethniques différentes qui s'affrontaient pendant la guerre. Aujourd'hui, ils sont le symbole de milliers de familles à travers le pays : ils trouvent la force de surmonter les anciennes animosités pour poursuivre leur objectif final, faire la lumière sur le sort de leurs proches. Les familles exigent toujours que les autorités, notamment les anciens ennemis, coopèrent et apportent des réponses. Les liens familiaux ont souvent tendance à se distendre, mais la souffrance finit toujours par réunir les membres des familles ; c’est elle qui fait avancer le processus de recherche dans le pays.

Le rôle du CICR

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a toujours été associé au processus. Nous avons réussi à inclure un article dans l'accord de paix, qui oblige les anciennes parties belligérantes à contribuer à élucider le sort des personnes portées disparues au cours du conflit de 1992-1995. Le CICR a aidé les familles à se constituer en associations et a défendu leur droit de connaître le sort de leurs proches. Nous avons aussi créé un forum dans lequel les anciennes parties au conflit peuvent échanger des informations sur les disparus.

Le CICR a en outre apporté son soutien à une autre institution, la Commission internationale des personnes disparues, qui a donné naissance à l’Institut des personnes portées disparues (Missing Persons Institute – MPI). Nous avons également contribué à l’établissement de la loi de Bosnie-Herzégovine sur les personnes portées disparues, qui définit clairement le statut et les droits de leurs familles et l'obligation qui incombe aux autorités d’élucider le sort de toutes ces personnes en fournissant des informations et un appui au MPI.

Le MPI a reconnu l'importance des familles en créant un conseil consultatif de six représentants des 52 associations de familles des personnes portées disparues du pays. Ce conseil, dans lequel les différents groupes ethniques et régionaux sont largement représentés, incarne la voix des familles et assure la communication entre elles et le MPI. Le CICR continue d’apporter un soutien au conseil consultatif.

Exhumation et identification

Les efforts déployés en Bosnie-Herzégovine pour faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues sont sans équivalent. Ils vont de l’établissement de définitions juridiques à l'identification de restes humains en passant par l’exhumation de fosses communes et de tombes individuelles. Des familles ont soumis au CICR des demandes de recherche concernant 22 438 personnes. Au total, 14 552 de ces familles ont reçu des informations, mais 7 886 sont toujours en quête de renseignements. Les exhumations sont un moyen important d'aider les familles à trouver une paix intérieure. Toutefois, le rythme auquel elles sont menées a considérablement ralenti l'année dernière. Sur les 12 derniers mois, seuls 650 ensembles de restes humains ont été identifiés, contre parfois jusqu’à 2 000 par an il y a quelques années. Le CICR et ses partenaires veillent à ce que la volonté politique d’apporter de nouvelles informations sur la localisation des tombes soit constante.

Un nouveau fichier central sur les personnes portées disparues a été établi pour accélérer le processus de recherche. D'aucuns voient dans ce type de registres les dernières preuves de l’existence de leurs proches ou un hommage à ceux qui sont morts et dont les restes n’ont pas encore été retrouvés.

Le temps du deuil

Les familles des personnes portées disparues disent toutes vivre dans la même angoisse et traverser les mêmes difficultés psychologiques. Bien des membres de ces familles se sentent mis à l'écart de leur communauté ou obligés d'assumer une fonction supplémentaire pour remplacer la personne absente. Souvent, ils se sentent coupables d'avoir survécu. Ils estiment que sans pierre tombale ou lieu de recueillement dédié, un proche disparu reste anonyme et perd tout lien avec la communauté à laquelle il appartenait.

Les rituels, tels que les commémorations et les enterrements, matérialisent la séparation avec le défunt et offrent à la famille la possibilité de lui rendre hommage et de lui dire au revoir.

Dans tout le pays, les familles refusent de renoncer à leur droit de savoir et jouent un rôle essentiel pour que cette question figure parmi les priorités des pouvoirs publics. Le CICR continuera de soutenir ces familles et de les aider à se faire entendre.

Photos

Munira Subasic et une amie consultent l'ouvrage du CICR Missing Lives (Chroniques de vies disparues). 

Bosnie-Herzégovine.
Munira Subasic et une amie consultent l'ouvrage du CICR Missing Lives (Chroniques de vies disparues).
© CICR

Exposition de photographies sur les familles des personnes portées disparues. 

Banja Luka, Bosnie-Herzégovine.
Exposition de photographies sur les familles des personnes portées disparues.
© CICR

Fiche de santé retrouvée dans une fosse commune avec les restes d'une personne portée disparue. 

Bosnie-Herzégovine.
Fiche de santé retrouvée dans une fosse commune avec les restes d'une personne portée disparue.
© CICR

Exposition de photos sur des familles de personnes portées disparues. 

Banja Luka, Bosnie-Herzégovine.
Exposition de photos sur des familles de personnes portées disparues.
© CICR

Inauguration de l'exposition de photographies Missing Lives, organisée par le CICR. 

Sarajevo, Bosnie-Herzégovine.
Inauguration de l'exposition de photographies Missing Lives, organisée par le CICR.
© CICR