Réfugiés et personnes déplacées : droit international humanitaire et rôle du CICR

30-04-1995 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 812, de Jean-Philippe Lavoyer

  Jean-Philippe Lavoyer   est né en 1950 à Berne (Suisse), où il a obtenu un brevet d'avocat en 1976. De 1984 à 1988, il a été délégué du CICR en Afrique du Sud, en Somalie et en Afghanistan. Après trois ans passés au sein de la Division juridique, il a été en poste au Koweït de 1991 à 1994. Il est à présent de nouveau membre de la Division juridique. Il continue de faire régulièrement des missions, en particulier dans le cadre des efforts de diffusion du droit international humanitaire.  

     

  1. Introduction  

     

Le but de cette brève étude est tout d'abord de faire ressortir l'importance que revêt, pour les réfugiés et personnes déplacées à l'intérieur de leur pays (ci-après personnes déplacées), le droit international humanitaire, et, en particulier, les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977. Non seulement cette branche du droit international protège ces catégories de personnes lorsqu'elles sont victimes de conflits armés, mais encore ses règles, si elles étaient appliquées scrupuleusement, permettraient d'empêcher la plupart des déplacements.

Il convient en outre de relever le rôle particulier que joue le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en faveur des réfugiés et personnes déplacées, rôle combinant l'intervention juridique avec l'action opérationnelle. Le mandat des autres composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (ci-après le Mouvement) est également exposé [1 ] .

Nous commencerons par rappeler quelques notions de base du droit international humanitaire, pour ensuite parler brièvement du mandat du CICR, et aborder les problématiques des réfugiés et personnes déplacées sous un angle juridique et institutionnel. Pour conclure, nous ferons quelques remarques quant à la réflexion en cours sur les personnes déplacées.

  2. Le droit international humanitaire  

Le droit international humanitaire, appelé aussi droit des conflits armés ou droit de la guerre, est constitué de règles qui, en temps de guerre, visent à protéger les personnes qui ne participent pas, ou qui ne participent plus, aux hostilités, et à limiter les méthodes et moyens de faire la guerre. Il s'agit d'un droit «réaliste», qui tient compte aussi bien des exigences d'humanité , principe sous-jacent à tout le droit humanitaire, que de considérations de nécessité militaire . [2 ]

Les principaux instruments de droit humanitaire sont les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs deux Protocoles additionnels du 8 juin 1977. Les Conventions de Genève protègent les personnes suivantes: les militaires blessés, malades et naufragés (Ilre et Ile Conventions), les prisonniers de guerre (Ille Convention), la population civile, en particulier sur territoire ennemi et dans les territoires occupés (IVe Convention). Les Protocoles additionnels ont surtout renforcé la protection de la population civile contre les effets des hostilités. Ils limitent également les moyens et méthodes utilisés en cas de guerre.

Pratiquement, tous les Etats sont aujourd'hui Parties aux Conventions de Genève de 1949 [3 ] . Pour ce qui est des Protocoles additionnels, la tendance à l'universalité se confirme [4 ] . Le droit international humanitaire connaît deux régimes de protection:

- les conflits armés internationaux: les Conventions de Genève et le Protocole I de 1977 sont applicables;

- les conflits armés non internationaux: dans ces situations de conflit interne ou de guerre civile, l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève et le Protocole Il de 1977 sont applicables [5 ] .

Parmi les traités de droit humanitaire concernant l'emploi de certaines armes, il convient de mentionner l'importante Convention de 1980 sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques, dont l'un des trois Protocoles limite l'usage des mines.

Les Etats ont une responsabilité collective par rapport au respect des Conventions de Genève et des Protocoles par les autres Etats et les mouvements d'opposition armés [6 ] . Ils ont en outre l'obligation de poursuivre devant leurs propres tribunaux les personnes soupçonnées d'avoir commis des infractions graves. Ils pourront aussi les remettre à un autre Etat afin qu'elles y soient jugées [7 ] .

Le droit humanitaire et le droit international des droits de l'homm e, quoique deux branches distinctes du droit international public, poursuivent un but commun: la protection de l'être humain. Le droit humanitaire protège les droits de l'homme les plus fondamentaux dans les situations extrêmes que représentent les conflits armés. C'est donc dans un esprit de complémentarité qu'il faut considérer ces deux domaines, auxquels il convient d'ajouter le droit des réfugiés.

Pour les situations de troubles et autres situations de violence non couvertes par le droit humanitaire, on aura recours au droit international des droits de l'homme et aux principes humanitaires fondamentaux, regroupés en particulier dans la «Déclaration sur les normes humanitaires minimales» adoptée à Turku (Finlande) en 1990 [8 ] .

Les Conventions de Genève et les Protocoles contiennent des dispositions très précises. On se limitera à résumer ci-après quelques règles de comportement particulièrement importantes qui s'appliquent à tous les conflits armés:

- les personnes qui ne participent pas, ou ne participent plus, aux hostilités, tels les blessés, les malades, les prisonniers et les civils, seront respectées et protégées en toutes circonstances;

- les civils doivent être traités humainement; sont en particulier interdites les atteintes à leur vie, toute forme de torture et de mauvais traitement, la prise d'otages, les condamnations prononcées sans un procès équitable;

- les forces années doivent toujours faire la distinction entre les personnes civiles et biens civils, d'une part, et les combattants et objectifs militaires, d'autre part; il est interdit d'attaquer des personnes et biens civils; toutes les mesures de précaution seront prises pour épargner la population civile;

- il est interdit d'attaquer ou de détruire les biens indispensables à la survie de la population civile (par exemple: les denrées alimentaires, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d'eau potable, les ouvrages d'irrigation); il est interdit d'utiliser la famine comme méthode de guerre;

- les blessés et les malades seront recueillis et soignés; les hôpitaux, les ambulances et le personnel médical et religieux seront respectés et protégés; l'emblème de la croix rouge ou du croissant rouge, symbole de cette protection, sera respecté en toutes circonstances, et tout abus sera puni;

- les Parties au conflit ont le devoir d'accepter les opérations de secours de caractère humanitaire, impartial et non discriminatoire en faveur de la population civile; le personnel des agences de secours sera respecté et protégé.

  3. Le mandat du CICR  

Fondé en 1863, le CICR a été chargé par la communauté des Etats, à travers les Conventions de Genève et suite à une longue pratique, de «travailler à l'application fidèle du droit international humanitaire» [9 ] . A cet effet, il entreprend auprès de toutes les Parties au conflit, c'est-à-dire les autorités gouvernementales et les groupes d'opposition armés, les démarches propres à obtenir le plein respect de ce droit. Il leur soumet ses constatations, fait des propositions et leur rappelle, si nécessaire, leurs obligations. C'est en essayant d'établir un rapport de confiance avec les belligérants que le CICR exerce ce mandat de supervision. Si le traitement confidentiel de ses observations découle de la volonté de coopérer et d'avoir accès aux personnes qu'il désire protéger et assister, ce principe n'est toutefois pas absolu, comme en témoignent de nombreuses dénonciations publiques ayant trait en particulier aux conflits en ex-Yougoslavie et au Rwanda [10 ] .

Afin que le CICR puisse mener à bien cette tâche de gardien du droit international humanitaire , les Conventions de Genève lui octroient un droit d'accès aux prisonniers de guerre et aux civils protégés par la IVe Convention [11 ] . Elles lui confèrent en outre un droit d'initiative étendu [12 ] . En l'absence de Puissance protectrice, le CICR peut en outre agir en tant que substitut de la Puissance protectrice [13 ] . Toujours dans le domaine du droit, le CICR est chargé, selon les Statuts du Mouvement, de «travailler à la compréhension et à la diffusion du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés et d'en préparer les développements éventuels».

Les Etats ont également confié au CICR la tâche d'apporter protection et assistance aux victimes des conflits armés ainsi que des troubles intérieurs, et de leurs suites directes [14 ] . De nombreuses activités opérationnelles ont été développées à ce titre, tout spécialement dans les situations de violence interne (en particulier lors de conflits armés et de troubles intérieurs) [15 ] .

Les Statuts du Mouvement énumèrent les autres tâches relevant du mandat du CICR, en particulier maintenir et diffuser les Principes fondamentaux du Mouvement [16 ] et assurer le fonctionnement de l'Agence centrale de recherches [17 ] .

Le CICR dispose finalement d'un droit d'initiative humanitaire statutaire , de nature coutumière, qui lui permet d'offrir ses services quand il estime que son statut d'intermédiaire spécifique ment neutre et indépendant peut contribuer à résoudre des problèmes humanitaires [18 ] .

Dans les situations non couvertes par le droit humanitaire, par exemple lors de troubles, le CICR se réfère, dans ses activités, aux principes humanitaires universellement reconnus, voire aux droits de l'homme auxquels aucune dérogation n'est permise («noyau dur»), ou à d'autres droits de l'homme.

C'est ce rôle d'intermédiaire neutre et indépendant qui caractérise finalement l'action du CICR: intermédiaire entre les Etats, mais aussi intermédiaire entre les victimes du conflit armé ou des troubles intérieurs et l'Etat ou l'opposition armée.

Ces nombreuses responsabilités font du CICR une organisation dont le statut est très spécifique . Quoiqu'il s'agisse en soi d'un organisme privé à caractère non gouvernemental, les fonctions qui lui sont confiées par le droit international lui donnent une orientation très internationale qui fait que l'on reconnaît généralement au CICR la personnalité juridique internationale. En 1990, l'Assemblée générale des Nations Unies a du reste accordé au CICR le statut d'observateur [19 ] . Ce dernier a par ailleurs conclu, avec de nombreux pays dans lesquels il est actif, des Accords de siège qui lui confèrent de nombreuses immunités et privilèges, l'assimilant ainsi aux organisations intergouvernementales [20 ] .

  4. Les réfugiés  

  4.1. Protection par le droit international humanitaire  

     

Si le droit des réfugiés contient une définition précise du réfugié, le droit humanitaire reste au contraire très vague et n'utilise même que rarement ce terme. Ce constat ne signifie toutefois pas pour autant que les réfugiés sont délaissés par le droit humanitaire. Ils sont protégés dans la mesure où ils se trouvent au pouvoir d'une Partie au conflit.

Lors d'un conflit armé international, les ressortissants d'un Etat qui, fuyant les hostilités, se rendent sur le territoire de l'Etat adverse, sont protégés par la IVe Convention de Genève en tant qu'étrangers sur le territoire d'une Partie au conflit (Arts. 35 à 46, IVe Convention). La IVe Convention demande au pays d'accueil un traitement de faveur pour les réfugiés: ils ne doivent pas être traités comme étrangers ennemis sur la seule base de leur nationalité, vu qu'ils ne jouissent pas, en tant que réfugiés, de la protection d'aucun gouvernement (Art. 44, IVe Convention). Le Protocole I a renforcé cette règle et mentionne aussi la protection des apatrides (Art. 73, Protocole I). Les réfugiés ressortissants d'un Etat neutre se trouvant sur le territoire d'un Etat belligérant sont protégés par la IVe Convention en l'absence de relations diplomatiques entre leur Etat et l'Etat belligérant. L'Article 73 du Protocole I maintient cette protection même quand des relations diplomatiques existent.

La IVe Convention de Genève stipule par ailleurs qu'une «personne protégée ne pourra, en aucun cas, être transférée dans un pays où elle peut craindre des persécutions en raison de ses opinions politiques ou religieuses» (principe du non-refoulement, Art. 45, para. 5, IVe Convention).

Si, lors de l'occupation d'un territoire, un réfugié se retrouve au pouvoir de l'Etat do nt il est ressortissant, il bénéficie également d'une protection spéciale: la IVe Convention interdit à la Puissance d'occupation d'arrêter ce réfugié, voire de le poursuivre, de le condamner ou de le déporter hors du territoire occupé (Art. 70, para. 2, IVe Convention).

Les ressortissants d'un Etat qui, fuyant un conflit armé, se rendent sur le territoire d'un Etat qui ne participe pas à un conflit international, ne sont toutefois pas protégés par le droit international humanitaire [22 ] , à moins que cet Etat ne soit à son tour en proie à un conflit armé interne. Les réfugiés sont alors protégés par l'Article 3 commun aux Conventions de Genève et par le Protocole II. Dans ce cas, les réfugiés en question sont les victimes de deux situations conflictuelles: d'abord dans leur propre pays, puis dans le pays d'accueil.

  4.2 Le rôle du CICR  

Par rapport au droit des réfugiés et à l'action de protection et d'assistance, le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR) exerce un rôle primordial en faveur des réfugiés.

Quant au CICR, il se sent directement interpellé par le sort des réfugiés qui sont les victimes civiles de conflits armés ou de troubles , voire de leurs suites directes, qui sont en soi couverts par son mandat [23 ] . L'action du CICR pour ces réfugiés dépend notamment de leur protection par le droit international humanitaire.

En ce qui concerne les réfugiés couverts par le droit humanitaire , le CICR intervient pour que les belligérants appliquent les règles pertinentes de la IVe Convention de Genève. Au plan opérationnel, le CICR s'efforce d'avoir accès aux réfugiés en question sur la base de la IVe Convention de Genève et de leur fournir la protection et l'assistance dont ils ont besoin [24 ] .

Comme cela a déjà été indiqué, les réfugiés ne sont souvent pas protégés par le droit humanitaire , vu que le pays hôte n'est pas Partie à un conflit armé international ou n'est pas lui-même en conflit. Ils sont alors uniquement protégés par le droit des réfugiés et bénéficient des activités du HCR. En règle générale, le CICR n'intervient alors qu'à titre subsidiaire, s'il est le seul à être sur place [25 ] . Il se retire dès que le HCR et d'autres organisations prennent la relève, pour se consacrer à des tâches où il peut mettre à profit sa spécificité. En tout temps, le CICR pourra cependant offrir aux réfugiés les services de son Agence centrale de recherches. Il a également développé des programmes de chirurgie de guerre pour des réfugiés blessés [26 ] .

Toutefois, le CICR se sent concerné quand les réfugiés sont confrontés, dans le pays d'accueil, à des problèmes de sécurité importants, en particulier lorsque leurs camps situés près de la frontière font l'objet d'actes de violence, voire d'opérations militaires [27 ] . Dans ces cas, le CICR est bien placé pour jouer son rôle d'intermédiaire neutre et indépendant, et possède une compétence parallèle à celle du HCR. En ce qui concerne les problèmes de sécurité dans les camps de réfugiés, les deux aspects suivants méritent d'être mentionnés: la localisation des camps dans des zones dangereuses, exposées aux hostilités, à proximité de la frontière; la présence de combattants dans les camps de réfugiés. Le droit international humanitaire fournit quelques éléments de réponse à ces problèmes, mais encore faut-il qu'il soit respecté.

Lorsque aussi bien le CICR que le HCR ont une compétence pour agir, le travail des deux institutions se fait dans un esprit de complémentarité.  Une concertation et une coordination étroite permettent de secourir au mieux les victimes.

On relèvera ici le rôle important que jouent les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi que leur Fédération, dans les opérations d'assistance aux réfugiés.

Le rapatriement des réfugiés représente une autre préoccupation majeure du CICR. En effet, même s'il n'est en règle générale pas impliqué dans des opérations de rapatriement [28 ] , le CICR considère que le moment et les conditions du retour des réfugiés doivent faire l'objet d'une évaluation précise par les Etats et organisations concernés. Sa bonne connaissance du pays d'origine des réfugiés lui permet d'avoir une vision circonstanciée et d'émettre des recommandations en vue d'un retour des réfugiés en toute sécurité et dignité. A plusieurs reprises, le CICR a mis en garde contre les risques de rapatriement prématuré, dans des zones instables ou dont l'infrastructure est détruite [19 ] .

Il convient d'évoquer ici la problématique des mines antipersonnel, dont les effets dévastateurs affectent surtout la population civile. Si ces mines peuvent être une cause de déplacement, elles entravent aussi sérieusement la reconstruction des pays qui ont souffert de la guerre. Elles représentent aussi un obstacle de taille au retour des réfugiés et des personnes déplacées. Le CICR est d'avis que seule l'interdiction totale des mines antipersonnel permettra de mettre fin à ce véritable fléau.

  5. Les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays  

  5.1 Protection par le droit international humanitaire  

     

Comme on l'a vu, la population civile bénéficie, en situation de conflit armé, d'une immunité qui devrait la mettre autant que possible à l'abri des effets de la guerre. Même en temps de guerre, la population devrait pouvoir mener une vie la plus normale possible. Elle devrait en particulier pouvoir rester chez elle; il s'agit là d'un objectif fondamental du droit international humanitaire.

Si toutefois un civil est contraint de quitter son foyer à cause de violations graves du droit international humanitaire, il est encore, à plus forte raison, protégé par ce droit. Cette protection peut relever du droit applicable dans les conflits armés internationaux ou dans les conflits armés internes, car ces deux types de conflits sont susceptibles de provoquer des déplacements de population à l'intérieur de leur pays.

Pour ce qui est des déplacements dus à un conflit armé international , les personnes déplacées, en tant que civils, font l'objet d'une protection très détaillée contre les effets des hostilités. Le Protocole I y consacre un important chapitre (Art. 48 ss.). En outre, la population civile a le droit de recevoir des biens essentiels à sa survie (Art. 23, IVe Convention; Art. 70, Protocole I). Tel est également le cas pour les habitants des territoires occupés (Arts. 55 et 59 ss., IVe Convention; Art. 69, Protocole I). La population ne pourra pas, par ailleurs, être déportée en dehors des territoires occupés [30 ] . D'une manière générale, la population civile bén éficiera des garanties fondamentales stipulées à l'Article 75 du Protocole I.

Quand la population civile fuit un conflit armé interne , elle fait l'objet d'une protection très semblable à celle des conflits armés internationaux. Si les principes de base de cette protection sont clairement énoncés, on admettra toutefois que les règles sont moins élaborées. Dans la mesure où les conflits armés internes prédominent de nos jours, il sera fait état des règles pertinentes de manière assez détaillée [31 ] .

L'Article 3 , commun aux quatre Conventions de Genève, est la pierre angulaire de cette protection. Très bref, il contient néanmoins des principes essentiels. Après avoir rappelé que les personnes ne participant pas directement aux hostilités seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité, il interdit les comportements suivants: les atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle (notamment le meurtre sous toutes ses formes, la torture, les mutilations et les traitements cruels), les prises d'otages, les atteintes à la dignité des personnes (notamment les traitements humiliants et dégradants) ainsi que les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendu par un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires fondamentales. En outre, les malades et les blessés seront recueillis et soignés.

Ces garanties fondamentales sont répétées dans le Protocole II qui, en plus des garanties de l'Article 3 commun, interdit notamment les punitions collectives, les actes de terrorisme et le pillage (Art. 4, paras. 1 et 2). En outre, l'interdiction des atteintes à la dignité de la personne inclut expressément le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à la pudeur. Les personnes privées de liberté jouissent de garanties supplémentaires (Art. 5). Des garanties judiciaires sont énoncées (Art. 6). Les blessés et malades seront respectés et protégés (Art. 7 à 12). Enfin, une protection spéciale est statuée pour les femmes et les enfants (en particulier Art. 4, para. 3).

Le Protocole Il protège ensuite la population civile contre les effets des hostilités. Ainsi, la population civile jouira d'une protection générale contre les dangers résultant d'opérations militaires (Art. 13). Elle ne devra en particulier pas faire l'objet d'attaques. Sont en outre interdits les actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile.

Par ailleurs, il est interdit d'utiliser contre les civils la famine comme méthode de combat (Art. 14). Il est dès lors interdit d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage des biens indispensables à la survie de la population civile (tels que les denrées alimentaires, les zones agricoles, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d'eau potable, les ouvrages d'irrigation). Les ouvrages et installations contenant des forces dangereuses, à savoir les barrages, les digues et les centrales nucléaires de production d'énergie électrique, ne seront pas attaqués, si des pertes sévères dans la population civile peuvent en résulter (Art. 15). Les biens culturels et les lieux de culte sont également protégés (Art. 16).

Le Protocole Il interdit également les déplacements forcés de la population civile . Ils ne pourront avoir lieu qu'à titre exceptionnel si la sécurité des civils ou des raisons militaires impératives l'exigent. Dans un tel cas, toutes les mesures possibles seront toutefois prises pour que la population civile soit acc ueillie dans des conditions satisfaisantes de logement, de salubrité, d'hygiène, de sécurité et d'alimentation (Art. 17). Même si cette disposition ne le précise pas expressément, le caractère exceptionnel des déplacements sous-entend qu'une telle mesure ne saurait être que temporaire.

Finalement, si la population civile est privée des biens essentiels à sa survie (tels que vivres et ravitaillements sanitaires), des actions de Secours «de caractère exclusivement humanitaire et impartial et conduites sans aucune distinction de caractère défavorable» seront entreprises avec le consentement de l'Etat [32 ] .

Pour ce qui est de la conduite des hostilités, l'Institut international de droit humanitaire de San Remo a adopté, en 1990 une «Déclaration sur les règles du droit international humanitaire relative à la conduite des hostilités dans les conflits armés non internationaux». Elle contient des principes généraux sur la conduite des hostilités ainsi que des règles sur l'emploi de certaines armes.

  On constate donc que le droit international humanitaire adopte une approche globale qui vise la sauvegarde de l'ensemble de la population civile. Le fait que les déplacements de population n'y sont que rarement mentionnés ne signifie pas pour autant que la protection juridique est déficiente. Le respect du droit devrait, bien au contraire, contribuer à prévenir les déplacements.  

     

La protection juridique ne pourra bien sûr jamais être totale, et même si toutes les règles du droit humanitaire étaient respectées, des déplacements de population auraient lieu [33 ] . Toutefois, le respect des règles pertinentes permettrait d'éviter la plupart des déplacements causés par la guer re. Or, la guerre est, de nos jours, la cause principale des déplacements de population.

  Il est dès lors crucial que les Etats qui ne sont pas encore liés par les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels deviennent Parties à ces instruments, et que les belligérants s'acquittent de leurs obligations et appliquent scrupuleusement les règles qu'ils se sont engagés à respecter.  

On n'insistera jamais assez sur l'obligation de faire connaître le droit humanitaire, tout spécialement auprès des forces armées, mais aussi au sein de la population en général. La diffusion des règles du droit international humanitaire est une importante mesure de prévention.  

  5.2 Le rôle du CICR  

La problématique des personnes déplacées interpelle le CICR à un double titre: en tant que promoteur et gardien du droit international humanitaire et en tant qu'agent opérationnel apportant protection et assistance aux victimes des conflits armés et des troubles intérieurs [34 ] .

Ce que le CICR cherche avant tout à obtenir, en combinant l'intervention juridique auprès des belligérants à l'action opérationnelle sur le terrain, c'est de permettre à la population civile de rester chez elle autant que possible, dans le respect de son intégrité et de sa dignité. Son action comporte donc un important volet de prévention.  L'ampleur des déplacements montre à l'évidence combien cette tâche est ardue, et qu'il est très difficile d'atténuer l'arbitraire et les exactions à l'égard de la population civile. L'action humanitaire joue toutefois un rôle important: elle sert de frein à la violence débridée et contribue à éviter que la situation ne se détériore davantage.

En tant que victimes de conflits armés ou de troubles, les personnes déplacées tombent clairement sous le mandat du CLCR. Elles bénéficient dès lors de son action générale de protection et d'assistance en faveur de la population civile, qu'il peut être utile de résumer très brièvement comme suit: [35 ]

- protection de la population civile; respect du droit international humanitaire et des principes humanitaires;

- visites aux personnes privées de liberté; [36 ]

- assistance médicale d'urgence ainsi que réhabilitation (chirurgie de guerre, orthopédie, soutien aux structures médicales, etc.);

- assistance dans le domaine sanitaire, en particulier l'approvisionnement en eau potable;

- secours alimentaires d'urgence et autre assistance couvrant des besoins essentiels (par exemple matériel de protection, produits d'hygiène, distribution de semences, d'outils agricoles et de matériel de pêche, vaccination du bétail); [37 ]

- activités visant à rétablir le contact entre les membres de famille séparés par la guerre ou les troubles, ou à faciliter leur regroupement. [38 ]

Le CICR peut aussi offrir ses bons offices pour faciliter la communication entre les Parties (par exemple en transmettant des messages de caractère humanitaire) ou la conclusion d'accords humanitaires (par exemple accords spéciaux pour étendre l'applicabilité du droit international humanitaire lors de conflits armés internes, ou pour permettre l'évacuation de blessés).

On notera que pour le CICR, les notions de protection et d'assistance sont étroitement liées et en fait non dissociables l'une de l'autre. [39 ]

C'est surtout dans les conflits armés que le CICR est amené à développer ses opérations pour les personnes déplacées. En effet, les situations où se déroulent des hostilités - c'est-à-dire là où les dangers, et donc les besoins humanitaires, sont les plus grands - sont celles où le CICR est, sur la base de son droit d'initiative reconnu et grâce à son statut neutre et indépendant, souvent le mieux à même d'agir. Sa spécificité et ses contacts quasi permanents avec toutes les Parties au conflit lui permettent généralement d'avoir accès aux victimes qu'il a pour mandat de protéger et d'assister, que ce soit du côté gouvernemental ou dans des zones sous contrôle de groupes d'opposition armés. Il coopère autant que possible avec les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Dans un passé très récent, le CICR a développé d'importantes activités en faveur de personnes déplacées, et cela tout spécialement au Rwanda et en Tchétchénie. Au Rwanda , le CICR s'est occupé de plus d'un million de civils, dont la plupart étaient des personnes déplacées [40 ] . En Tchétchénie, les activités du CICR ont permis d'atteindre plusieurs centaines de milliers de personnes, dont beaucoup de personnes déplacées.  Dans ces deux cas comme d'une manière générale, l'action du CICR ne visait pas seulement ce groupe de personnes mais s'inscrivait dans un ensemble d'efforts en faveur de la population civile.

On peut s'interroger sur l'opportunité d'avoir recours à des mécanismes susceptibles de mieux protéger la population civile, et en particulier les pers onnes déplacées, contre les hostilités. La création de zones sous protection spéciale a ainsi été proposée, telles que prévues par le droit international humanitaire [41 ] ou s'inspirant de lui. La pratique a toutefois démontré les grandes difficultés à mettre en oeuvre de telles zones, en particulier à en assurer une sécurité effective, ce qui nécessite un contrôle strict de la zone, et donc un dispositif en personnel important. Il s'est avéré qu'une zone de sécurité fonctionnera d'autant mieux qu'elle aura été acceptée par toutes les Parties concernées. Une zone protégée qui serait imposée aux Parties ne répondrait du reste pas aux exigences du droit international humanitaire. De son côté, le CICR a réussi, dans des cas d'extrême urgence et avec l'accord de toutes les Parties, à neutraliser des espaces limités en les plaçant sous son propre contrôle.

Une grande prudence s'impose lors de la création de zones de sécurité.  En effet, elles risquent de favoriser un sentiment de fausse sécurité auprès de ceux qu'elles sont censées protéger. Elles pourraient aussi avoir, dans certains cas, l'effet pervers d'exposer davantage les populations qui se trouvent à l'extérieur de la zone, ce qui reviendrait à relativiser le droit international humanitaire qui protège, sans faire de distinctions, l'ensemble de la population civile.

Il convient en outre de veiller à ce que de tels mécanismes ne limitent pas le droit des personnes déplacées de quitter leur pays et de demander l'asile à l'étranger.

  6. Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge  

Lorsque l'on évoque l'action en faveur des réfugiés et personnes déplacées, il convient de tenir compte également des efforts des autres composantes du Mouvement, c'est-à-dire des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ainsi que de leur Fédération. En fait, le Mouvement a adopté une véritable politique à l'égard des réfugiés et personnes déplacées.

Cette préoccupation du Mouvement est ancienne, mais c'est en 1981 que la XXIVe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, réunie à Manille, a pour la première fois clairement défini son rôle, en adoptant une résolution et une «Ligne de conduite» en dix points (résolution XXI et annexe). Parmi les aspects abordés, on retiendra surtout un appel général au Mouvement à secourir les réfugiés, personnes déplacées et les rapatriés. Il est précisé que toute action devra se faire dans le strict respect des principes fondamentaux du Mouvement.

En outre, les composantes du Mouvement sont invitées à collaborer avec le HCR et les autres institutions et organisations agissant en faveur des réfugiés; des consultations sont prévues avec le HCR, ainsi qu'une coordination des activités respectives, de manière à assurer la complémentarité des efforts. Afin de garantir une homogénéité de l'action du Mouvement, les Sociétés nationales informeront le CICR et/ou la Fédération de leurs négociations pouvant aboutir à un accord avec le HCR. Ces derniers devront être associés aux pourparlers et souscrire aux termes de l'accord.

Cette ligne de conduite met également en évidence la protection spécifique que le CICR est en mesure de donner en tant qu'institution neutre et indépendante. En outre, le rôle de son Agence centrale de recherches est souligné, visant à faciliter, en collaboration avec les Sociétés nationales, les réunions de famille, l'échange de nouvelles familiales et la recherche de personnes disparues.

La XXVe Conférence internationale, qui s'est tenue à Genève en 1986, a réaffirmé le rôle du Mouvement en faveur des réfugiés, personnes déplacées et rapatriés (résolution XVII), de même que le Conseil des Délégués [42 ] réuni en 1991 à Budapest (résolution 9) et en 1993 à Birmingham (résolution 7). La résolution adoptée à Birmingham en particulier «invite toutes les composantes du Mouvement, conformément à leurs mandats respectifs, à continuer à agir énergiquement en faveur des réfugiés, demandeurs d'asile, personnes déplacées et rapatriés».

L'action du Mouvement en faveur des populations déplacées s'articule autour des spécificités de ses composantes. En effet, le respect des rôles dans un esprit de complémentarité est la meilleure garantie d'une action efficace. Les Statuts du Mouvement et l'Accord passé en 1989 entre le CICR et la Ligue (maintenant Fédération) fournissent le cadre général aux différentes activités. Dans les grandes lignes, la répartition des tâches se fait de la manière suivante:

- dans les situations de conflit armé et quand la présence d'une institution spécifiquement neutre et indépendante est nécessaire, le CICR assume la direction de l'opération; [43 ]

- dans les situations de paix, la Fédération coordonne les secours des Sociétés nationales à la suite de toute grande catastrophe. [44 ]

Aujourd'hui, un grand nombre de Sociétés nationales ont développé d'importants programmes en faveur des réfugiés, personnes déplacées et rapatriés, souvent avec le soutien de la Fédération. Beaucoup de Sociétés nationales et la Fédération agissent comme agents opérationnels du HCR, voire d'autres agences des Nations Unies. Cette coopération doit être guidée par les Principes fondamentaux du Mouvement, ce qui est d'autant plus important dans un monde où l'action neutre et impartiale est menacée par le risque de politisation.

  7. Quelques défis actuels  

La problématique des déplacements de population, qu'il s'agisse de réfugiés ou de personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, représente un défi de taille pour la communauté internationale. Il sera question ici de quelques aspects relatifs aux personnes déplacées [45 ] .

On mentionnera tout d'abord l'important travail de M. Francis Deng, Représentant du Secrétaire général des Nations Unies pour les personnes déplacées [46 ] . Participent aussi à cette réflexion sur les personnes déplacées notamment la Commission des droits de l'homme, le Département des Affaires Humanitaires des Nations Unies [47 ] , le HCR, le Centre des droits de l'homme, ainsi que plusieurs organisations non gouvernementales, dont quelques-unes ont été chargées par M. Deng d'approfondir certains aspects juridiques [48 ] et institutionneIs [49 ] du phénomène des personnes déplacées. Plusieurs Etats contribuent également à ces efforts. Compte tenu de l'importance du sujet pour le CICR, ce dernier participe activement à ce débat, notamment à travers un dialogue avec le Représentant du Secrétaire général [50 ] .

Il est important que la communauté internationale s'interroge sur la réponse à donner à la problématique grandissante des personnes déplacées, et les efforts de sensibilisation en cours doivent être salués, car ils ont le mérite d'attirer l'attention sur un problème humanitaire grave. Nous formulons ci-après quelques commentaires ayant trait à la réflexion actuelle.

Il y a tout d'abord l'amélioration de l'action humanitaire en faveur des personnes déplacées. Vu leurs nombres et leurs besoins considérables, il est primordial que les acteurs de l'humanitaire, en particulier les a gences des Nations Unies et les organisations non gouvernementales, augmentent leur coopération, qui doit se faire dans un esprit de complémentarité, tenant compte des mandats respectifs. Il est en outre nécessaire que l'action humanitaire, si elle se veut véritablement neutre et impartiale, puisse se développer en toute indépendance de considérations politiques et militaires. Ce n'est qu'à cette condition qu'il sera possible d'atteindre toutes les victimes [51 ] . Il est aussi important que les Etats réalisent les limites de l'action humanitaire qui, bien qu'indispensable, ne peut être qu'un remède temporaire à des problèmes que seule une solution politique, le cas échéant avec l'aide de la communauté internationale, peut résoudre.

Se pose ensuite la question d'un éventuel développement du droit. Cette question est délicate, car face aux nombreuses normes légales qui existent déjà, il faut veiller, en créant de nouvelles règles (par exemple une Convention consacrée aux personnes déplacées), à ne pas affaiblir le droit existant. On devrait aussi s'interroger sur l'opportunité de créer des règles qui ne concerneraient que la protection des personnes déplacées. Ceci pourrait en effet conduire à une forme de discrimination par rapport aux autres victimes qui méritent d'être protégées autant qu'elles. L'approche traditionnelle du droit humanitaire, basée sur les besoins créés par une situation (le conflit armé), semblent dès lors préférable à une approche sectorielle visant des catégories spécifiques de personnes en toutes situations.

Les propositions visant à réaffirmer certains principes et règles essentiels du droit humanitaire et des droits de l'homme, dans le but d'améliorer la protection des personnes déplacées, doivent en revanche être soutenues, à condition que le droit existant soit sauvegardé, afin de ne pas l'affaiblir (on a parlé d'un ensemble de principes, d'un Code de conduite ou d'une Déclaration). Il est vrai que dans les situations non couvertes par le droit international humanitaire, le droit existant n'offre peut-être pas toujours une protection optimale à la population civile et, par conséquent, aux personnes déplacées, quoique la faculté de déroger à certains droits de l'homme dans des situations de danger public exceptionnel soit limitée. A noter que la «Déclaration de Turku» mentionne, à son Article 7, les déplacements de population.

D'une manière générale, les efforts de la communauté internationale devraient cependant surtout se concentrer sur une meilleure mise en oeuvre du droit international humanitaire par tous les belligérants, ce qui devrait contribuer à une réduction considérable du nombre des personnes déplacées, et aussi des réfugiés [52 ] .

  Notes  

     

1. Le Mouvement international se compose, en plus du CICR, des 163 Sociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge et de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (ci-après Fédération).

2. Au lecteur qui désire approfondir ses connaissances, nous conseillons les ouvrages suivants: Hans-Peter Gasser, Le droit international humanitaire , in: Hans Haug, Humanité pour tous , Institut Henry Dunant/Paul Haupt, Berne, 1993; Frits Kalshoven, Restrictions à la conduite de la guerre , CICR, Genève, 1991.

3. Nombre d'Etats parties au 31.3.1995: 185.

4. Nombre d'Etats parties au 31.3.1995: Protocole I, 137 Etats, Protocole II, 127 Etats.

5. L'Article 3 commun contient plusieurs principes fondamentaux considérés comme étant applicables en toute situation de conflit armé et représente, à lui seul, une «Mini-Convention». Le Protocole Il a un seuil d'application plus élevé que l'Art. 3: il faut que l'opposition armée exerce sur une partie du territoire un contrôle qui lui permette de mener des opérations militaires continues et concertées.

6. L'Art. 1 commun aux Conventions de Genève a la teneur suivante : «Les Hautes Parties contractantes s'engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances» (souligné par l'auteur). Cf. aussi l'Art. 89 du Protocole I, par lequel les Etats s'engagent à agir, dans les cas de violations graves, en coopération avec les Nations Unies.

7. Il s'agit du principe de la juridiction universelle. Les infractions graves (crimes de guerre) sont définies dans chacune des quatre Conventions de Genève (Art. 50, lre; Art. 51, IIe; Art.130, IIIe; Art.147, IVe) et au Protocole I (Art. 85, Art.11).

8. Aussi appelée «Déclaration de Turku». Elle est reproduite dans la Revue internationale de la Croix-Rouge , No 789, mai-juin 1991, p.348 ss.

9. Article 5, para. 2, let. c) des Statuts du Mouvement, révisés en 1986 par la XXVe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. A noter que les Etats parties aux Conventions de Genève participent de plein droit à ces conférences internationales et qu'en participant à l'adoption des Statuts, ils ont exprimé leur volonté de confier des tâches précises aux différentes composantes du Mouvement.

10. Le CICR dénonce les violations graves du droit humanitaire quand toutes ses démarches sont restées vaines et que la dénonciation est dans l'intérêt des victimes. Cf. «Les démarches du CICR en cas de violations du droit international humanitaire», in: Revue internationale de la Croix-Rouge , No 728, mars-avril 1981, p. 79 ss.

11. Articles 126, IIIe et 143, IVe Convention. Ces dispositions stipulent les critères de visite suivants: accès à toutes les personnes protégées, droit de s'entretenir avec elles sans témoins, droit de répéter les visites.

12. Articles 9, Ire; 9, IIe; 9, IIIe et 10, IVe Convention, Article 81, Protocole I de 1977.  Pour les conflits armés non internationaux: Article 3 commun aux quatre Conventions.

13. Articles 10, lre; 10, IIe; 10, IIIe; 11, IVe Convention; Article 5, Protocole I. Dans la pratique, le CICR se base plutôt sur son droit d'initiative.

14. Article 5, para. 2, let. d) des Statuts du Mouvement.

15. Pour des explications détaillées, cf. Marion Harroff-Tavel, «L'action du CICR face aux situations de violence interne», in: Revue internationale de la Croix-Rouge , No 801, mai-juin 1993, p. 211 ss.

16. L'action du Mouvement est guidée par les Principes fondamentaux suivants: Humanité, Impartialité, Neutralité, Indépendance, Volontariat, Unité et Universalité.

17. Article 5, para. 2, let e) des Statuts du Mouvement. L'Agence centrale de recherches vise en particulier à rétablir et à maintenir le lien entre les membres de familles séparées par un conflit ou des troubles, ainsi qu'à réunir les membres de familles dispersées.

18. Article 5, para. 3, des St atuts du Mouvement.

19. Résolution 45/6 du 16.10.1990. Cf. Revue internationale de la Croix-Rouge , No 786, novembre-décembre 1990, p. 639 ss.

20. Les Accords de siège prévoient notamment l'immunité de juridiction et l'inviolabilité des locaux et des archives. Les délégués du CICR bénéficient généralement de l'immunité diplomatique.

21. Article 1 de la Convention relative au Statut des réfugiés, du 28 juillet 1951; Article 1 du Protocole relatif au Statut des réfugiés, du 31 janvier 1967. Cette définition a été élargie par la Convention de l'Organisation de l'Unité Africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, du 10 septembre 1969, pour inclure notamment les personnes ayant fui un conflit arrné ou des troubles.

22. Ces situations sont fréquentes: par exemple les réfugiés afghans au Pakistan et en Iran, les réfugiés irakiens en Iran durant la guerre du Golfe, les réfugiés rwandais au Zaïre, au Burundi et en Tanzanie.

23. Cf. Françoise Krill, «L'action du CICR en faveur des réfugiés», in: Revue internationale de la Croix-Rouge , No 772, juillet-août 1988, p. 341 ss.

24. Durant le conflit Irak-Iran, le CICR s'est ainsi occupé de réfugiés iraniens qui se trouvaient en Irak, étant même impliqué dans leur réinstallation dans des pays tiers. Le CICR a aussi visité, suite à la guerre du Golfe, plus de 20 000 Irakiens internés dans le camp de Rafha en Arabie Saoudite; les activités du CICR et du HCR étaient complémentaires.

25. Le CICR est intervenu à plusieurs reprises dans la phase initiale de l'arrivée des réfugiés, par exemple dans les cas suivants: réfugiés kurdes irakiens en Iran à la fin de la guerre du Golfe (1991); réfugiés rwandais à Goma (Zaïre) et Ngara (Tanzanie) en 1994. En l'absence du HCR, le CICR s'est occupé de réfugiés mozambicains en Afrique du Sud et de réfugiés iraniens en Irak durant la guerre Irak-Iran.

26. Par exemple hôpitaux pour les réfugiés afghans à Peshawar et Quetta (Pakistan), et pour les réfugiés cambodgiens en Thaïlande.

27. Le CICR a par exemple lancé une opération d'envergure en faveur des réfugiés cambodgiens sur la frontière Thaïlande/Cambodge. Cf.René Kosirnik, «Droit international humanitaire et protection des camps de réfugiés», in: Etudes et essais sur le droit international humanitaire et sur les principes de la Croix-Rouge, en l'honneur de Jean Pictet , CICR, Genève; Martinus Nijhoff Publishers, La Haye, 1994, p. 387 ss.

28. Le CICR a en revanche supervisé de grandes opérations de rapatriement, en particulier de prisonniers de guerre, dans un passé récent entre l'Irak et l'Iran (1990, environ 79 000 prisonniers) et entre l'Arabie Saoudite et l'Irak (1991, environ 80 000 prisonniers). Le CICR s'est assuré auprès de chaque prisonnier de guerre qu'il acceptait d'être rapatrié.

29. Le CICR a montré sa préoccupation en particulier par rapport au rapatriement de réfugiés vers l'Afghanistan, le Cambodge, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine et le Rwanda. Concernant le Cambodge, cf. le Mémorandum du CICR du 14.11.1990, reproduit en partie dans: Frédéric Maurice et Jean de Courten, «L'action du CICR en faveur des réfugiés et des populations civiles déplacées», in: Revue internationale de la Croix-Rouge , No 787, janvier-février 1991, p. 9 ss.

30. Art. 49, IVe Convention. La Puissance d'occupation pourra exceptionnell ement procéder à des évacuations si la sécurité de la population ou d'impérieuses raisons militaires l'exigent. La population évacuée sera toutefois ramenée dans ses foyers aussitôt que les hostilités dans le secteur en question auront pris fin.

31. Cf. Denise Plattner, «La protection des personnes déplacées lors d'un conflit armé non international», in: Revue internationale de la Croix-Rouge , No 798, novembre-décembre 1992, p. 592 ss.

32. Art. 18, para. 2, Protocole Il. Si ces conditions sont réunies, I'Etat doit en principe donner son accord. En ce qui concerne les actions de secours en droit humanitaire, cf. Denise Plattner, «L'assistance à la population civile dans le droit international humanitaire: évolution et actualité», in: Revue internationale de la Croix-Rouge , No 795, mai-juin 1992, p. 259 ss.

33. La population civile peut subir des dommages collatéraux ou incidents, cf. Art. 5 1, IPara. 5 et Art. 57, para 2, Protocole I. Une attaque est interdite ou doit être interrompue si es pertes en vies humaines dans la populaion civile seraient excessives par rapport l'avantage militaire concret et direct attendu (principe de proportionnalité).

34. Cf. Frédéric Maurice et Jean de Courten, «L'action du CICR en faveur des réfugiés et des populations civiles déplacées», op. cit.

35. Cf. Marion Harroff-Tavel, «L'action du CICR face aux situations de violence inteme», op. cit.

36. Le but de ces visites est de vérifier les conditions de détention et le traitement des détenus. En 1994, le CICR a visité au total plus de 99 000 détenus dans 2470 lieux de détention dans 58 pays.

37. En 1994, le CICR a distribué 167 000 tonnes d'assistance de toute sorte dans 45 pays.

38. En 1994, l'Agence centrale de recherches a notamment organisé l'échange de 7 721 650 messages entre les membres de familles séparées.

39. Cf. Jean-Luc Blondel, «L'assistance aux personnes protégées», in: Revue internationale de la Croix-Rouge , No 767, septembre-octobre 1987, p. 471 ss.

40. L'aide matérielle du CICR, essentiellement de la nourriture et de la réhabilitation agricole, va aussi aux catégories particulièrement vulnérables des populations résidentes et, de manière ponctuelle, à des rapatriés de l'étranger. Au Rwanda, le CICR exerce aussi les activités suivantes: visites aux personnes privées de liberté; rétablissement du lien familial, notamment l'enregistrement des enfants non accompagnés; réhabilitation du système d'approvisionnement en eau potable et programmes médicaux de base.

41. En ce qui concerne la protection des civils, cf. Art. 14, IVe Convention («zones et localités sanitaires et de sécurité»), Art. 15, IVe Convention («zones neutralisées»), Art. 59, Protocole I («localités non défendues»), Art. 60, Protocole I («zones démilitarisées»). Pour un aperçu détaillé de la question, cf. Yves Sandoz, «The Establishment of Safety Zones for Persons Displaced within their Country of Origin», exposé donné à la Conférence sur les questions juridiques internationales dans le cadre de la Décennie des Nations Unies pour le droit international, Doha, Qatar, 22-25 mars 1994.

42. Le Conseil des Délégués est l'organe statutaire où les composantes du Mouvement se réunissent pour débattre des questions qui concernent le Mouvement dans son ensemble.

43. Art. 5, para. 4, des Statuts du Mouvement; Art. 18 e t 20 de l'Accord de 1989.

44. Art. 19 de l'Accord de 1989.

45. On estime le nombre des personnes déplacées à 25 millions ou même davantage, quoique la notion de personne déplacée ne soit pas clairement définie. Les causes de déplacements peuvent en effet être très diverses: conflit armé, troubles, répression, catastrophes naturelles, conditions socio-économiques, constructions d'infrastructures, par exemple de barrages hydroélectriques, etc.

46. Cf. en particulier son dernier rapport à la Commission des droits de l'homme du 2.2.1995 (ref. E/CN.4/1995/50).

47. Le Département des Affaires Humanitaires a constitué un groupe de travail interagence sur les personnes déplacées.

48. Institut Ludwig Boltzmann pour les droits de l'homme (Autriche); American Society of International Law et International Human Rights Law Group (Etats-Unis).

49. Refugee Policy Group (Etats-Unis) et Norwegian Refugee Council (Norvège).

50. Cf. la réponse du CICR de novembre 1992 à M. Deng qui paraît dans ce même numéro de la Revue , pp. 203-214.

51. Cf. Code de conduite pour le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et pour les Organisations non gouvernementales (ONG) lors des opérations de secours en cas de catastrophes.  

     

52. C'est dans le but d'améliorer le respect du droit humanitaire que le gouvernement suisse a organisé en 1993, à l'initiative du CICR, la Conférence internationale pour la protection des victimes de la guerre. La prochaine Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui se tiendra à Genève en décembre 1995, se penchera, elle aussi, sur les mesures à prendre pour obtenir un meilleur respect du droit international humanitaire.