Le Comité international de la Croix-Rouge et l'assistance humanitaire : analyse d'une politique

31-10-1996 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 821, de David P. Forsythe

  David D. Forsythe   est professeur et directeur du Département de sciences politiques à l'Université de Nebraska-Lincoln (USA). Il est l'auteur de Humanitarian Politics: The International Committee of the Red Cross, Johns Hopkins, 1977, et d'analyses plus courtes sur le CICR et le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.  

Dans les conflits armés et les situations d'urgence complexes actuels, les civils sont plus nombreux à souffrir que les combattants [1,2 ] . Après la guerre froide, il était possible de délimiter des zones de troubles où les civils enduraient de grandes souffrances ; mais on pouvait aussi circonscrire une zone de stabilité où fonctionnait un système complexe d'assistance humanitaire visant à alléger les souffrances des civils. Les médias mettaient l'accent sur la souffrance mais, jamais auparavant dans l'histoire, un tel kaléidoscope d'acteurs de l'humanitaire s'était efforcé de fournir des secours d'urgence lors de conflits armés ou de situations d'urgence complexes. Il était inévitable que des voix s'élèvent pour réclamer une meilleure organisation et une meilleure coordination et, en 1991-1992, les Nations Unies ont créé un Département des affaires humanitaires (DAH).

Depuis ses origines, au milieu du XIXe siècle, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge s'est préoccupé des souffrances engendrées par les conflits armés. Alors qu'au début, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), comme il s'appelle aujourd'hui, se consacrait aux combattants blessés, il s'est ensuite occupé également des civils. Depuis le conflit au Nigéria (1967-1970), le CICR a apporté une assistance humanitaire considérable au cœur des hostilités, sans se limiter à des territoires occupés et pacifiés. L'histoire de son action dans le domaine général de l'assistance est toutefois beaucoup plus ancienne. Au début des années 90, le CICR fournissait une assistance plus importante que jamais auparavant depuis son origine, en 1863. Le Mouvement, au sein duquel le CICR joue le rôle d'intermédiaire humanitaire dans les conflits armés, met l'accent sur sept principes, dont ceux d'impartialité, d'indépendance et de neutralité. Le CICR, dont l'Assemblée, organe directeur, est composée de ressortissants suisses, ne souhaite être ni le bras humanitaire des Nations Unies ni une vitrine humanitaire pour la Suisse, avec laquelle il entretient des relations particulières [3 ] .

Quel est, dès lors, le rôle actuel du CICR et du Mouvement en matière d'assistance internationale humanitaire et que leur réserve l'avenir ? Continueront-ils de se forger un rôle unique et utile ? Ou se trouveront-ils marginalisés par des faits nouveaux, tels qu'une meilleure coordination de la part des Nations Unies et/ou une plus grande efficacité d'autres organismes de secours ?

Pour répondre à ces questions, d'aucuns se référeront au droit international ; la question de l'intervention fondée sur des raisons humanitaires et du droit à l'assistance humanitaire a beaucoup retenu l'attention. Il s'agit, certes, d'un sujet important. Toutefois, un autre point mérite d'être souligné. Quoi que disent les ouvrages de droit sur qui est habilité à apporter une assistance et dans quelles situations, et qui est en droit de la recevoir, de nombreux belligérants dans le monde de l'après-guerre froide n'ont jamais entendu parler des Conven tions de Genève, ne connaissent pas le CICR ni les emblèmes de la croix rouge et du croissant rouge, ou considèrent la mort et la souffrance des civils comme des moyens d'atteindre leurs objectifs personnels et politiques. Comme cela a été dit à propos de la Somalie en 1992, « pratiquement aucun de ceux qui portaient une arme n'avait entendu parler des Conventions de Genève... [4 ] » (traduction CICR).

Le CICR et d'autres organismes ont à faire à des enfants-soldats drogués, à des seigneurs de la guerre brutaux qui s'intéressent avant tout au pouvoir personnel, et à des chefs militaires qui donnent l'ordre d'attaquer des civils et des collaborateurs des organismes de secours. Des membres du personnel du CICR et d'autres organisations humanitaires ont été tués, dont trois délégués du CICR au Burundi, en 1996. Dans certains endroits, comme le Libéria, d'autres délégués du CICR ont été les témoins de telles horreurs qu'ils ont eu besoin d'une assistance psychiatrique.

Les opérations de secours particulièrement importantes nécessitent la coopération de ceux qui détiennent le pouvoir par les armes, quoi que stipule le droit au sujet d'un droit à l'assistance humanitaire. La seule alternative à la coopération négociée consiste à submerger l'autre par la force des armes. Dans la plupart des situations, cette option n'est pas réalisable, en raison de l'absence de volonté politique de la part de la communauté internationale. La « guerre humanitaire [5 ] » se heurte également à une opposition fondée sur des raisons morales. Même en Somalie, en 1992-1993, la force militaire internationale n'était pas au départ dirigée contre divers leaders politiques mais contre des bandits et des voyous. Les chefs de clan somaliens avaient accepté calmement le déploiement militaire.

Étant donné que le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme sont sou vent des facteurs généraux passifs, une évaluation de la politique du CICR en tant qu'organisme de secours exige que l'on prête attention à cinq tâches : 1) négocier l'accès aux civils dans le besoin ; 2) évaluer les besoins humanitaires ; 3) mobiliser les ressources ; 4) fournir une assistance ; 5) évaluer les résultats et planifier pour l'avenir [6 ] .

     

  I. Négocier l'accès  

En 1995, le CICR comptait un effectif de 645 personnes à Genève. Parmi d'autres tâches, elles suivaient de près le sort des civils dans les guerres et les situations d'urgence complexes. La même année, il comptait 1 029 autres collaborateurs sur le terrain, dont 185 détachés par des Sociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, répartis en délégations régionales et sous-régionales. Au cours de l'année 1995, il a mené à bien plus de 20 grands programmes d'assistance qui ont coûté environ 360 millions de dollars US, dans divers endroits du monde en proie à des troubles [7 ] . Il convient de souligner que de nombreuses Sociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge des États les plus pauvres sont trop démunies pour apporter un véritable soutien opérationnel au CICR. Mais parfois, la Société nationale est bien placée pour lui fournir des informations sur une situation donnée ou peut avoir de bons contacts avec un des belligérants. Ces dernières années, le CICR s'est davantage efforcé de maintenir des contacts avec les Sociétés nationales, sans être toujours soutenu par leur association, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui a son propre siège à Genève. Le CICR possède le statut d'observateur auprès des Nations Unies et est également en liaison directe avec les gouvernements par d'autres canaux. Le chef du bureau du CICR à New York rencontre chaque mois le président du Conseil de sécurité de l'ONU. À New York et Genève, le CICR participe à deux groupes consultatifs d'organisations non gouvernementales spécialisées dans les secours. En 1995, il a ouvert un bureau à Washington. Son siège de Genève entretient des contacts permanents avec les organisations non gouvernementales œuvrant pour les droits de l'homme et avec les médias internationaux. Le CICR semble donc bien informé de l'endroit où s'adresser pour accéder aux civils dans le besoin.

L'objectif principal du CICR est de parvenir à un accord explicite avec les parties belligérantes pour entreprendre à la fois une action de secours et des visites aux prisonniers détenus par toutes les parties à un conflit. En ce qui concerne les secours, le CICR demande habituellement : la liberté de mouvement pour mener des évaluations, le droit de surveiller la fourniture des secours, de manière à assurer l'impartialité, un contrôle administratif du système de distribution et le droit de procéder à des évaluations de suivi quant à l'impact de son action [8 ] . Mais, compte tenu du manque évident d'engagement humanitaire de divers belligérants et de la présence d'autres organismes de secours vers lesquels les parties peuvent se tourner, obtenir l'accès aux victimes à ces conditions relève de l'art du diplomate.

L'idée est assez répandue selon laquelle le CICR, dans les négociations en vue d'avoir accès aux victimes, se montre rigide et intransigeant, en insistant sur les règles du droit humanitaire et les principes de la Croix-Rouge. Le président du Conseil international de Médecins sans frontières pense que le CICR n'essaie jamais d'apporter une assistance humanitaire sans consentement, en raison de ses liens avec le droit international [9 ] . MSF a été créé en partie parce que certains croyaient que des secours suffisants n'avaient pu parvenir au Biafra pendant la guerre civile nigériane, car le CICR se préoccupait trop d'obtenir l'accord de la partie fédérale. Un expert des secours considère l'engagement du CICR envers les principes de la Croix-Rouge comme « inviolé » [10 ] . Un examen superficiel de certains événements semblerait confirmer ce point de vue.

Dans certaines situations, le CICR suspendra ses opérations ou se retirera d'une région plutôt que de violer les critères existants. Pendant la guerre civile nigériane de 1967-1970, après que l'armée de l'air fédérale eut abattu un avion qui tentait de livrer des secours de la Croix-Rouge à l'enclave biafraise sans l'autorisation de Lagos, le CICR a suspendu ses opérations [11 ] . L'article 23 de la IVe Convention de Genève de 1949, applicable aux conflits armés internationaux, stipule qu'un État belligérant peut s'assurer de la neutralité de l'assistance matérielle.

En 1988, en Éthiopie, dont le territoire était alors plus vaste, le CICR s'est retiré d'une action d'assistance, parce qu'il estimait que les plans de secours du gouvernement central étaient à la fois rigides et exagérément politiques. Le gouvernement Mengistu utilisait les secours internationaux pour attirer les civils dans des projets de réinstallation, de manière à les éloigner des zones de rébellion. Certaines familles ont ainsi été séparées. D'autres organismes de secours étaient disposés à participer au programme d'assistance. Mais après un engagement long et compliqué, au cours duquel le CICR n'a pas, entre autres, réussi à obtenir l'autoris ation de visiter les prisonniers détenus par le gouvernement central, il s'est finalement retiré. À la grande consternation du CICR (exprimée en privé seulement), la Fédération internationale est alors intervenue pour assumer l'assistance selon les conditions du gouvernement qu'il venait juste de rejeter.

Au début des années 90, en ex-Yougoslavie, où le CICR dirigeait une opération de secours qui, par son ampleur et son importance, venait juste après celle du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), certains observateurs ont trouvé le CICR plus pointilleux sur les principes que le HCR [12 ] . Selon eux, comparé au HCR, le CICR serait plus susceptible d'interrompre ses distributions de secours pour des considérations d'impartialité et de neutralité, même si cela devait signifier de nouvelles épreuves pour les civils. En comparaison, le HCR semblait plus tolérant quel e CICR au sujet des diversions et des objectifs politiques, même si les deux institutions agissaient avant tout pour les civils. En Bosnie-Herzégovine, le CICR et le HCR, semblables à maints égards, différaient parfois sur la définition d'un espace suffisant pour que les organismes humanitaires puissent agir au plus fort de la guerre.

Tout comme au Soudan, pendant de nombreuses années, le CICR n'acceptait pas les programmes de secours destinés au Sud de ce pays en proie à des troubles, à moins que des assurances ne lui fussent données qu'il n'y aurait pas de détournements par les militaires. Si cela signifiait que, parfois, aucun civil ne recevait de secours, il était vrai également que certains accords satisfaisants étaient conclus, mais leur durée et leurs effets étaient limités [13 ] .

Les responsables du CICR eux-mêmes contribuent à créer une image soucieuse des règles et des principes, en déclarant que le CICR ne saurait ignorer le droit international humanitaire, dont il demande le respect par les États, c ar il a lui-même contribué à développer ce droit [14 ] . Il ne fait aucun doute que les juristes du CICR feront valoir que toute l'action de l'institution, ainsi que son droit d'initiative, sont basés sur les principes de la Croix-Rouge et l'esprit du droit international humanitaire.

Cependant, le CICR n'a pas seulement agi de manière plutôt « révolutionnaire » pendant un certain temps, au cours de la guerre civile nigériane, en livrant des secours d'une manière qui a contribué à certains objectifs politiques biafrais, tout en froissant diverses parties du côté fédéral. Le CICR est aussi allé pertinemment à l'encontre des désirs du gouvernement central éthiopien : à partir de 1976, il a participé à une opération de secours « transfrontalière » depuis le Soudan, d'où il fournissait des secours au Tigré et à l'Érythrée, alors en rébellion. Il s'efforçait également d'obtenir l'autorisation des Tigréens de visiter les combattants éthiopiens détenus par le mouvement rebelle. Dans ce contexte, le CICR a même retiré l'emblème de la croix rouge de ses camions, pour mieux éviter les attaques aériennes éthiopiennes contre les convois de secours. En mai 1987, le CICR s'est retiré de l'opération transfrontalière en faisant valoir que les besoins urgents des civils au Tigré avaient diminué. Il était vrai aussi que ses tentatives de visites de prisonniers n'avaient jamais abouti. Si le droit international humanitaire n'est pas très clair lorsqu'il est appliqué à ce type de situation, il ne fait en revanche aucun doute que, du point de vue éthiopien [15 ] , le CICR a « forcé la porte » pour s'introduire au Tigré.
 

Dans un certain nombre de cas, le CICR aurait informé un gouvernement qu'il apportait des secours dans une situation de guerre ou d'urgence complexe, mais il n'en aurait pas demandé l'autorisation. Ce type d'action semble avoir prévalu pendant les années 80 en Afghani stan, où le CICR a déployé son action depuis le Pakistan. Une variante assez marquante de ce comportement a été appliquée au Cambodge après l'invasion vietnamienne de 1979. Trouvant des civils dans le besoin dans l'arrière-pays, le CICR et l'UNICEF ont lancé une opération transfrontalière depuis la Thaïlande. Quand le gouvernement de Phnom Penh a protesté, le CICR et l'UNICEF ont continué, en invoquant le devoir d'aider la population démunie, mais sachant sans doute pertinemment que le gouvernement cambodgien n'avait pas les moyens de corroborer leurs objections. Finalement, le gouvernement a accepté la réalité des secours internationaux [16 ] .

Le CICR s'était déjà engagé dans une modeste opération d'assistance transfrontalière en faveur des kurdes irakiens, en agissant depuis l'Iran avant la chute du Shah. Alors que dans le même contexte, le CICR s'est récemment montré réticent, il est peu probable que Saddam Hussein ait été notifié de l'aide apportée à ses ennemis intérieurs sur le plan ethnique [17 ] . Dans des endroits comme le Libéria, sans véritable gouvernement central, il était hors de question de demander une autorisation. Le CICR, à l'instar d'autres organismes de secours, a fait ce qu'il a pu en essayant de s'assurer la coopération des forces paramilitaires locales.

En Somalie, au début des années 90, le CICR a poursuivi ses distributions de secours, même après le retrait des autres institutions et malgré la perte de quelque 5% (1993) à 20% (1992) des secours, détournés à des fins politiques et autres. Le CICR a décidé d'embaucher sa propre force de protection locale, constituée d'hommes armés, et les a payés en riz, afin de pouvoir apporter quelques secours aux civils affamés qui se chiffraient par centaines de milliers. Après que les Nations Unies eurent autorisé le recours à la force militaire pour garantir la sécurité de l'assistance humanitaire, le CICR a accepté de coo pérer avec cette présence militaire assez considérable, en travaillant, avec le Croissant-Rouge de Somalie, à l'extrémité d'un système logistique dominé par les forces armées américaines. D'un certain point de vue, il s'agissait d'un système de secours militarisé qui était néanmoins censé être impartial, dans la mesure où il était supposé bénéficier aux civils sans tenir compte de l'orientation politique, du sexe, de considérations ethniques, de clan ou d'autres formes d'identification. Plus tard, le CICR a estimé que les militaires devaient rester en dehors de l'assistance et la laisser à des institutions non gouvernementales impartiales. Mais en Somalie, le CICR a coopéré avec les forces militaires et avec des groupes armés locaux pour sauver des civils [18 ] .

Quels enseignements peut-on tirer de ces exemples, à propos du CICR et des négociations pour accéder aux victimes et leur apporter une assistance humanitaire ? L'indépendance, l'impartialité, la neutralité et d'autres règles chères au CICR sont négligées en temps de guerre et de situations d'urgence complexes. En raison de la prolifération des organismes de secours, le CICR peut difficilement insister avec succès sur ses valeurs ou se concentrer sur un quelconque droit à l'assistance humanitaire énoncé par le droit international. Le CICR cherche à la fois à mener une action guidée par des principes et à venir en aide de manière concrète aux civils dans le besoin (et aux prisonniers, en l'occurrence). Il a aussi pour tradition, du moins dans les opérations de faible envergure, d'accorder une marge de manœuvre considérable à ses délégués sur le terrain. Tous ces éléments empêchent une cohérence parfaite.

Il n'existe donc pas un comportement unique, dominant, du CICR pour accéder aux civils dans le besoin. L'institution préfère nettement un accord négocié avec toutes les parties, conforme aux règles juridiques et à celles de la C roix-Rouge. Mais, quand cette situation idéale est impossible, il agit de différentes manières dans diverses situations en faisant preuve de beaucoup de pragmatisme. Le CICR n'est pas aussi formaliste que certains ont pu le penser mais, en même temps, il n'est pas simplement un autre organisme de secours privé. Comme ses porte-parole, il travaille des deux côtés de la barrière. Il met l'accent sur le droit international public et les principes de la Croix-Rouge (qui sont adoptés par les Conférences de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, où les États sont représentés), mais il a parfois agi à l'encontre de la volonté de certains pouvoirs publics, pour le bien des civils dans la plus grande détresse. Il est aussi intervenu dans des situations peu claires, dans lesquelles l'on peut se poser la question de savoir s'il y a ou non été autorisé.

     

  II. Évaluation des besoins  

Le même système incohérent qui fonctionne pour déterminer quels sont les civils dans le besoin vaut pour évaluer ces besoins. À partir de 1992, les Nations Unies ont nommé un secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, qui a été aussi son coordonnateur pour les secours d'urgence et qui était relié à un embryon de système d'alerte précoce des Nations Unies doté d'une certaine capacité d'évaluation. Même les services nationaux de renseignements, avec leurs antennes dans différents pays, pouvaient être mis au service de l'évaluation.

Dans la plupart des situations de conflit, il n'y a pas une unique évaluation coordonnée des besoins humanitaires. Si le conflit attire suffisamment l'attention, il y aura probablement toutes sortes d'évaluations — de la part du HCR concernant les réfugiés et les personnes se trouvant dans une situation analogue, de l'UNICEF concernant les mères et les enfants, de l'OMS concernant la santé, éventuellement du représentant résident des Nations Unies dans des pays qui accueillent des projets dirigés par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), etc. En Somalie, en février 1992, Africa Watch (qui était alors une subdivision de Human Rights Watch , une organisation qui insiste normalement sur les droits civils et politiques) a envoyé une mission d'évaluation avec Physicians for Human Rights pour évaluer les besoins d'assistance dans cet État à la dérive [19 ] . Le CICR présentait déjà un rapport sur une évaluation menée en Somalie, tout comme le faisait un représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies, ou USAID et d'autres encore. De même, en ex-Yougoslavie au début des années 90, il y a eu de nombreuses évaluations concernant les besoins des civils, y compris par les bureaux locaux de la Croix-Rouge de Yougoslavie [20 ] . « Le CICR n'accepte pas au pied de la lettre, de rapports ou de demandes émanant de sources extérieures. » [21 ] (Traduction CICR). Au cours du printemps 1991, les États-Unis et certains États occidentaux sont intervenus par la force dans le nord de l'Irak, officiellement pour protéger et assister les Kurdes irakiens. Certaines Sociétés nationales, comme la Croix-Rouge américaine, ont suivi leur gouvernement dans cette situation. Le CICR, qui se trouvait déjà à Bagdad depuis une dizaine d'années, a effectué ses propres évaluations des besoins des civils dans le nord de l'Irak. Le CICR n'a pas agi sur la base de rapports émanant des gouvernements intervenus dans le pays ni de leurs Sociétés nationales.

Mais l'évaluation menée par lui-même n'est pas un principe absolu, car le CICR peut agir en se fondant sur un rapport d'un « partenaire de son choix » [22 ] . En Irak, au mili eu des années 90, il a utilisé une évaluation des besoins des civils effectuée par l'OMS, dans le cadre de son appel de fonds pour mener à bien une opération de secours [23 ] . La vaste enquête de l'OMS concordait avec les propres données du CICR concernant des catégories plus limitées de la population. Le CICR a ensuite fait pression sur les Nations Unies pour qu'elles s'intéressent davantage au sort de l'ensemble de la population civile irakienne, dont les privations étaient directement liées aux sanctions économiques imposées en vertu de l'autorisation des Nations Unies.

Le CICR compte un certain nombre de collaborateurs qui se spécialisent dans l'évaluation des besoins des civils en matière de santé, de nutrition, de logement, d'eau potable, etc. Dans une grande délégation régionale du CICR, comme celle de Nairobi (Kenya), par exemple, plusieurs spécialistes de ce genre sont déjà sur le terrain. D'autres peuvent être envoyés de Genève à bref délai. Évidemment, si le CICR est exclu d'un pays, comme au Cambodge sous les Khmers rouges ou au Soudan pendant une bonne partie des années 90, il n'est pas en mesure d'évaluer correctement la situation.

En général, le problème n'est pas dû à l'exactitude de l'évaluation mais à une réaction adéquate. La Somalie est un exemple typique. Plusieurs organismes ont reconnu la perspective d'une immense famine vers la fin de 1991 et le début de 1992. Le CICR, Save the Children Federation (section britannique) et peut-être d'autres encore, prévoyaient le problème de manière suffisamment précise. Les Nations Unies ont nommé un représentant spécial en mai 1992, mais il a fallu attendre le mois de juillet pour qu'une action internationale plus importante soit lancée. Et ce n'est pas avant octobre que les Nations Unies ont conçu un plan international coordonné pour venir à bout de la famine en Somalie. Fina lement, en décembre 1992, la force militaire a été autorisée et déployée pour assurer la fourniture de l'assistance humanitaire [24 ] .

     

  III. Mobilisation des ressources  

Le CICR est bien placé pour mobiliser des ressources dans le domaine des secours, puisqu'il fait partie d'un mouvement international largement respecté, qu'il joue un rôle reconnu juridiquement dans les conflits armés et qu'il est bien connu des grands donateurs tels que USAID et l'Office humanitaire de la Communauté européenne (ECHO). Mais l'ampleur des catastrophes peut dépasser la capacité d'intervention du CICR ; l'institution n'a pas toujours pu réunir certains types de secours et ne s'est pas toujours montrée habile à mobiliser l'opinion.

Depuis dix ans environ, soit depuis le milieu des années 80, le CICR a quadruplé ses dépenses en matière de secours, qui ont atteint plus de 350 millions de dollars US. L'institution a également trouvé le personnel nécessaire pour gérer ses programmes de secours, en faisant en partie appel à des non-Suisses. Ceux qui voulaient que le CICR se concentre sur les questions relatives à la détention et ceux qui voulaient que l'institution se limite à des opérations de secours très modestes ont nettement été dépassés par les événements. Mais les limites de la capacité du CICR dans le domaine des secours ne sont pas vraiment claires.

L'exode de plusieurs millions de personnes du Rwanda, au cours de l'année 1994, ou la famine annoncée de centaines de milliers de Somaliens, en 1992 et 1993, dépassaient largement la capacité du CICR à faire face seul à la situation. En remontant jusqu'en 1971 et aux événements du Pakistan oriental (qui allait bientôt devenir le Bangladesh), l'ample ur des besoins humanitaires nécessitait l'action des Nations Unies [25 ] . Selon une opinion largement répandue, certains problèmes relatifs aux secours sont si gigantesques que seuls les gouvernements, et en particulier leurs forces armées, peuvent y répondre de manière adéquate [26 ] . Mais les opérations de secours du CICR n'étaient pas modestes en Somalie jusqu'à la fin de 1991, et au début des années 90, en Bosnie-Herzégovine et en Jordanie, il a coordonné d'importantes actions de secours.

Il est possible que l'amélioration de la coordination des appels de secours par l'intermédiaire des Nations Unies et de son Département des affaires humanitaires l'emportera sur le rôle du CICR en tant que principal mobilisateur des secours. Il est toutefois peu probable que cela se produise prochainement. Les grands donateurs, comme USAID et ECHO, n'insistent pas sur un tel système de mobilisation coordonnée, en partie parce qu'ils considèrent que le CICR est particulièrement fiable et, aussi, bien placé dans certains conflits. Certaines tentatives des Nations Unies concernant les appels coordonnés, se sont révélées décevantes [27 ] .

Étonnamment, pour une institution dont les origines remontent à l'assistance médicale aux blessés sur le champ de bataille, en 1859, le CICR n'a pas essayé de jouer un rôle important en matière de mobilisation des secours médicaux jusqu'aux années 70. Ces secours étaient essentiellement laissés aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. À partir de 1977, le CICR a inclus une Division médicale, et pas uniquement un coordonnateur médical, dans sa structure de Genève. Vers le milieu des années 90, partiellement en raison de la concurrence de Médecins sans frontières (MSF) et d'autres groupes médicaux, le CICR a développé son action médicale à un point tel qu'environ 20% de son budget extraordinaire et quelque 10% de son budget ordinaire étaient consacrés à des acti vités médicales sur le terrain. Au siège de Genève, d'aucuns pensaient que cette activité faisait double emploi avec les efforts déployés sur le plan national, ou les sapait. Toujours est-il que le CICR a mis du temps avant de reconnaître la nécessité de secours médicaux internationaux, un besoin auquel répondaient en partie d'autres organisations qui avaient généralement un mandat plus large et, parfois, une approche différente de celle du CICR [28 ] . Vers le milieu des années 90, la concurrence acharnée a quelque peu diminué [29 ] . Dans certains endroits comme le Rwanda en 1994, le personnel de MSF a travaillé sous l'égide du CICR et selon ses critères.

Quant à savoir si le CICR mobilise le type de secours qui convient, il y a là matière à discussion. La plupart des membres de la Division des Secours du CICR ne considèrent pas la question comme un problème majeur et persistant. Il existe des directives précises concernant les dons en nature [30 ] . Mais les donateurs ne suivent pas toujours ces directives et les témoignages abondent au sujet d'une Société de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge ou d'un gouvernement qui aurait insisté pour fournir des articles inadaptés ou inutiles. Les allégations selon lesquelles le CICR aurait lui-même demandé des secours inadaptés sont peu nombreuses, même si certains pensent qu'il aurait dû utiliser du sorgho plutôt que du riz en Somalie, au début des années 90, et ce, pour réduire les tentatives de détournement du riz, une denrée précieuse.

Enfin, il convient d'évoquer brièvement la mobilisation de l'opinion, ainsi que des ressources matérielles et humaines. Dans les années 70, le CICR a été critiqué par un groupe d'experts international qui lui reprochait son manque d'ouverture et de sens des relations publiques [31 ] . Ce groupe d'étude estimait que le CICR avait inutilement et anormalement insisté sur la discrétion, au-delà de ses visites de prisons, de sorte que le siège d e Genève n'avait pas pu obtenir un soutien optimal dans divers milieux. La « distance » du CICR à l'égard des Sociétés nationales était un cas typique. Depuis la parution de ce rapport, pour diverses raisons, quelles qu'elles soient, le CICR a considérablement développé ses activités relatives aux médias et aux relations publiques. En Somalie, au cours de l'année 1992, le CICR a organisé une visite sur le terrain et une séance d'information à l'intention de 730 journalistes amenés depuis le Kenya, afin de mieux comprendre la situation [32 ] . Les hauts responsables du CICR ont cherché à utiliser l'arme de la protestation publique ou des déclarations publiques beaucoup plus fréquemment que par le passé [33 ] , et sans mettre en danger les victimes que l'institution cherche à aider. La question essentielle n'est pas la protestation publique en soi,   mais le véritable esprit d'ouverture intervenant à des moments et d'une manière plus propices à la mobilisation d'un soutien moral et matériel en faveur de l'assistance humanitaire (et des questions de détention).

Cependant, c'est en 1995 seulement que le CICR a ouvert un bureau à Washington. Compte tenu de l'importance des États-Unis, et spécialement de son Congrès, dans tous les aspects des relations internationales après la guerre froide et étant donné que d'autres institutions, comme le HCR, avaient depuis longtemps un bureau à Washington pour faire valoir leurs préoccupations, la démarche du CICR a été tardive. Dans d'autres situations, le CICR était lent à mobiliser l'intérêt pour les victimes de la guerre et des situations d'urgence complexes [34 ] . Au siège de Genève, certaines personnes coopéraient avec des chercheurs et des journalistes, mais d'autres refusaient en invoquant les plus piètres excuses. Un chercheur s'est référé à « la manière polie du CICR de donner des réponses évasives » (traduction CICR) à ses demandes de coopération[35 ] . Il n'est pas rare que d'autres responsables des secours trouvent difficile de travailler avec le CICR ou le trouvent « irritable » dans sa position à l'égard des activités de secours. Pour reprendre la phraséologie diplomatique de deux auteurs, le CICR n'était pas « une organisation qui prenait son statut spécial à la légère »[36 ] (traduction CICR).

Dans l'ensemble, le bilan du CICR, en ce qui concerne la mobilisation des ressources et l'inquiétude quant aux victimes de la guerre et des conflits, semble mitigé. Le CICR a aidé à apporter d'importants secours dans des endroits comme la Somalie, la Bosnie-Herzégovine et la Jordanie, bien qu'il soit parfois difficile de préciser son rôle exact par rapport à USAID, etc. Il a toutefois été lent à répondre au besoin de secours médicaux internationaux, lent à réaliser l'importance d'un bureau à Washington, et lent à reconnaître le besoin d'un soutien et d'une coopération étendus. En raison de l'importance qu'il accorde à la discrétion de son action à l'intérieur des pays, le CICR a rarement été la principale institution à attirer l'attention du public sur un grave problème humanitaire, même si quelques démarches diplomatiques discrètes ne sont peut-être pas étayées par des documents.

     

  IV. Fourniture des secours  

Après la Seconde Guerre mondiale, le CICR a fourni des secours limités au Moyen-Orient, mais c'est seulement à l'époque de la guerre civile nigériane qu'il a commencé à apporter une aide alimentaire durable et significative, au cours d'un conflit armé [37 ] .

Malgré la création du DAH par les Nations Unies, il est encore vrai que la plupart des conflits armés et des situations d'urgence complexes donnent lieu à un « pluralisme déchaîné » [38 ] . En ex-Yougoslavie, au début des années 90, quelque 125 ONG déployaient des activités de secours, sans compter les groupes intergouvernementaux, gouvernementaux, nationaux ou locaux [39 ] . Si tant est que l'on puisse tirer des généralités de cette complexité, on peut dire que la coopération technique ou logistique entre les divers organismes de secours est souvent bonne, mais que la coordination de la stratégie est une autre histoire.

Il n'est pas rare que le CICR en arrive à une division du travail avec d'autres grands organismes de secours, tels que le HCR, l'UNICEF, le Programme alimentaire mondial (PAM), etc. Cette division du travail concerne les vivres, l'eau, le logement et les services médicaux. En ex-Yougoslavie, le HCR a dirigé le plus important programme de secours ; celui du CICR était le deuxième en importance, avec très peu de chevauchement ou de confusion entre les deux. Les deux institutions avaient leur siège à Genève, elles poursuivaient des objectifs similaires et se respectaient mutuellement Au Soudan, pendant une grande partie des années 80, l'UNICEF a été le chef de file des institutions des Nations Unies. Le CICR et l'UNICEF ont conclu un accord précisant le mandat et le lieu de leur action respective. Au Rwanda, en 1994, le CICR a travaillé à l'intérieur du pays avec d'autres organisations comme MSF, tandis que le HCR et d'autres se consacraient aux quelque deux millions de civils nécessiteux au Zaïre et ailleurs. À Sri Lanka, dans les années 80 et 90, le CICR a « neutralisé » les secours gouvernementaux acheminés dans la péninsule de Jaffna où un mouvement rebelle sécessionniste se retranchait la plupart du temps. D'autres organisations, comme le HCR, Oxfam, Save the Children Fund , MSF et des groupes locaux se sont tous chargés d'autres tâches, sans trop empiéter les uns sur les autres. Au Libéria, l e CICR a conclu un accord avec l'UNICEF (qui a repris un programme d'urgence du CICR en faveur des enfants abandonnés) et avec le PAM (qui a fourni des vivres pour une opération de secours du CICR destinée à aider des civils isolés par les combats). Nous avons déjà mentionné la coopération entre le CICR et l'UNICEF au Cambodge et nous avons cité en passant la coopération entre le CICR et les Nations Unies dans ce qui est devenu le Bangladesh. Selon une source bien informée, « en 20 ans, la rapidité et l'efficacité de la réaction humanitaire face à ces crises se sont considérablement améliorées, et cela permet de mesurer le chemin parcouru, d'un strict point de vue technique » [40 ] .

Il convient tout à fait de dire que « lorsqu'il s'agit d'urgences humanitaires, il n'y pas place pour les rivalités et les chasses gardées » (traduction CICR) [41 ] . Mais il y a effectivement concurrence et nous avons déjà évoqué celle qui a opposé le CICR à Joint Church Aid au Nigéria, à la Fédération internationale en Éthiopie, et à des groupes médicaux comme MSF. Les organismes de secours privés rivalisent pour les « parts de marché » et veulent se forger une image indépendante, ne serait-ce qu'à des fins de futures recherches de fonds. Les différentes institutions des Nations Unies cherchent aussi à se faire une réputation indépendante, en partie parce qu'elles dépendent des contributions volontaires de donateurs comme les États-Unis. Les principaux dirigeants des organismes de secours peuvent rechercher l'indépendance en quête d'une reconnaissance personnelle. Certains organismes se soucient plus que d'autres des règles internationales, qu'elles soient juridiques ou autres. Certains comptent plus sur la protestation publique concernant les infractions. D'autres encore pensent qu'ils devraient se servir de leur présence pour prendre part à des poursuites pénales ; le CICR n'est pas de ce t avis. La complexité de situations comme en Éthiopie dans les années 70 et 80, ou au Zaïre dans les années 90, permet divers points de vue des organismes de secours quant à la sagesse d'une quelconque politique [42 ] .

Les décisions du CICR en matière d'assistance peuvent être influencées par son mandat qui inclut les questions de détention et par le fait qu'il assume parfois des tâches particulières. Il est fort probable que ses décisions relatives aux secours en Éthiopie aient été, dans une certaine mesure, influencées par ses tentatives de visiter des combattants détenus. Il semble assez évident que le CICR a parfois utilisé l'assistance comme un « appât » ou une « carotte » pour avoir accès aux détenus. Au Mexique, dans les années 90, les décisions du CICR de fournir des secours dans la province du Chiapas ont semblé liées à des préoccupations plus générales concernant les prisonniers et d'autres questions qui requièrent la présence d'un intermédiaire neutre [43 ] .
 

Le CICR prend des décisions de manière indépendante lorsque la situation sur le plan de la sécurité exige qu'il suspende ses activités. Il est resté en Somalie bien après le retrait de la plupart du personnel des Nations Unies. Mais, ailleurs, il a suspendu son action de secours pour des raisons de sécurité, comme en Bosnie-Herzégovine et au Libéria, au début des années 90. Entre 1988 et le début de 1994, 18 personnes qui travaillaient dans des délégations du CICR ont été retenues en otage plus ou moins longtemps, et huit autres ont été tuées de différentes manières [44 ] .

Le CICR essaie de fournir uniquement des secours de base ou des secours d'urgence en opérant une certaine transition vers des secours plus axés sur le développement ou la réhabilitation d'urgence. Dans certains cas, il distribue des semences, des outils agricoles, du matériel de pêche, etc., pour que les bénéficiaires puissent subvenir à leurs besoins après la phase d'urgence. Le CICR a également mené des programmes de vaccination du bétail, à la fois par souci d'autosuffisance et pour respecter la dignité de la population. L'institution cherche à éviter une dépendance prolongée à l'égard de ses secours. Mais, à Genève, il existe un débat concernant l'accent mis sur les secours d'urgence associés à peu d'assistance au développement, une situation susceptible de conduire à des crises périodiques.

Le CICR observe les stipulations des Nations Unies sur les embargos, même s'il pense que l'ONU est dans l'erreur. Ainsi, quand le Conseil de sécurité a imposé des sanctions générales à l'Irak dans les années 90, le CICR n'a pas cherché à les enfreindre, bien qu'il estimait les mesures trop dures pour les groupes vulnérables de la population civile irakienne.

Dans l'ensemble, le CICR s'est acquis une réputation dans la fourniture de secours rapides et efficaces,

notamment dans les opérations de petite à moyenne envergure. Il est capable d'agir au bon moment, car il est plus petit et plus flexible que les institutions des Nations Unies, et dispose de délégués déjà sur place dans denombreuses régions du monde. Il est particulièrement réputé pour son efficacité logistique, sa discipline et l'engagement de son personnel [45 ] .

     

  V. Évaluation et planification  

Le CICR, qui se considère comme le gardien du droit international humanitaire, cherche de manière systématique à traduire son expérience pratique en principes d'action humanitaire. C'est ainsi qu'il procède actuellement à un examen de sa politique générale, propose des résolutions pour adoption par les Conférences internationales de la Croix-Rouge et du Croissant -Rouge et collabore à l'élaboration de normes juridiques internationales susceptibles d'obtenir l'assentiment des États.

Cependant, avant la guerre civile nigériane, le CICR ne se livrait pas toujours à des évaluations et des planifications rigoureuses. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les hauts responsables du CICR se sont rencontrés irrégulièrement à Genève, dans le cadre de réunions sans caractère officiel et guère systématiques. Ils ne disposaient pas des sources d'information nécessaires pour prendre des décisions rapides concernant l'assistance et les visites de lieux de détention. Certains protagonistes se montraient extrêmement prudents et légalistes. Ils subissaient les pressions des autorités suisses qui leur recommandaient de ne pas se montrer trop durs à l'égard de l'Allemagne nazie, dans l'intérêt de la neutralité et de l'indépendance de la Suisse [46 ] . La situation était telle qu'il y avait une volonté d'internationaliser le CICR entièrement suisse [47 ] .

Immédiatement après la guerre civile nigériane, quand d'anciens hauts responsables du CICR ont bien insisté sur la question du manque de politiques judicieusement planifiées [48 ] , des changements importants sont intervenus à Genève [49 ] . L'institution a confié à un personnel qualifié la mise en œuvre de politiques à appliquer au jour le jour, elle a amélioré la formation des délégués, réexaminé le rôle de l'Assemblée composée de volontaires et, d'une manière générale, elle est devenue une institution humanitaire plus réfléchie et plus professionnelle. Contrairement à certains organismes, dont les membres se précipitent d'un jour à l'autre lors de crises particulières ou qui se lancent dans l'action avec une grande ferveur morale mais sans avoir soigneusement réfléchi au préalable, le CICR a de plus en plus cherché à amener sa mémoire institutionnelle à se pencher sur les questions actuelles et futures en matière d'assistance humanitaire.

Le CICR a participé à un effort général au sein du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour que les Sociétés nationales présentent « des évaluations nationales sur la vulnérabilité », de manière à anticiper les problèmes. Il a coopéré avec d'autres organismes pour aider à élaborer des codes de conduite à l'usage des institutions humanitaires et des projets relatifs au droit explicitement formulé à l'assistance humanitaire [50 ] . À plusieurs égards, le CICR est apparu comme un protagoniste essentiel, alors que la communauté internationale tentait difficilement de planifier un système de secours amélioré applicable aux guerres et aux événements analogues, à la veille du XXIe siècle.

     

  VI. Conclusion  

Le CICR n'est pas la seule et unique organisation dans le domaine de l'assistance internationale humanitaire pour les conflits armés et les troubles civils. Le défi mondial est trop immense ; le CICR est trop petit. On demande de plus en plus une gestion publique saine dans le domaine de l'assistance humanitaire. Le CICR demeure une institution privée suisse, même si elle est reconnue en vertu du droit international public. Le CICR n'a pu maîtriser l'évolution du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, avec l'apparition de nouveaux symboles et de nouvelles entités qui ont affaibli l'unité du Mouvement. De même, il n'a pas réussi à contrôler les secours dans les conflits armés et les situations d'urgence complexes. Quant à savoir s'il aurait pu en être autrement, je laisse aux historiens le soin d'en débattre.

Les changements intervenus après la guerre civile nigériane ont fait du CICR l'un des fournisseurs d'assistance les plus respectés et les plus efficaces dans les situations de conflit. Mohamed Sahnoun, un diplomate algérien qui était le représentant du secrétaire général des Nations Unies en Somalie et qui n'hésitait pas à critiquer la mauvaise gestion, a reconnu le CICR comme une des deux institutions (l'UNICEF étant la seconde) qui avait apporté une « contribution solide » dans les circonstances extrêmement difficiles qu'a connues cet État à la dérive pendant les années 90 [51 ] . Larry Minear, qui a pris part à une étude majeure sur l'assistance humanitaire dirigée par la Brown University , a conclu que « le CICR compte les réalisations les plus cohérentes de bon fonctionnement sous la contrainte » dans des situations de conflit [52 ] (traduction CICR). Feu Fred Cuny, expert très respecté en matière d'assistance en cas de catastrophes, a également fait l'éloge du CICR. Il pensait toutefois que le penchant de l'organisation pour le secret l'empêcherait de jouer un rôle de premier plan dans la plupart des situations de conflit [53 ] . James Ingram,qui possède une longue expérience dans l'assistance alimentaire internationale, a déclaré : « Le courage et la compétence du personnel du CICR sont irréprochables et ont suscité une grande admiration » [54 ] (traduction CICR).

On peut imaginer des scénarios qui limiteraient le rôle du CICR à celui de coordonnateur des secours de la Croix-Rouge dans les situations de conflit. Le DAH se verrait conférer le véritable pouvoir de coordonner les actions de secours des institutions des Nations Unies, même si cela paraît peu probable au moment de la rédaction de ce texte. Inversement, le DHA pourrait être dissout et une institution améliorée des Nations Unies pour les catastrophes serait créée, éventuellement comme une ramification du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Cela apparaît également improbable. Troisième possibilité : les grands donateurs, USAID et ECHO, pourraient eux-mêm es insister sur la nécessité pour les organismes existants d'adopter un système plus efficace, en vertu de leurs dons et de la capacité logistique qui y est liée. Comme le CICR s'oppose à ce type de coordination verticale par des organismes publics et politiques, il pourrait être en partie mis à l'écart et n'aurait plus que les rôle d'alerte précoce et de secours temporaires limités.

Mais, dans la mesure où le système actuel de l'assistance internationale humanitaire est conservé, le CICR restera probablement l'un des plus importants fournisseurs de secours. Il s'est passablement bien acquitté des diverses tâches relevant de l'assistance. Il souscrit à la coordination horizontale ou volontaire qui existe au sein d'autres institutions, et le système actuel fonctionne mieux que l'on pourrait s'y attendre à première vue, compte tenu de sa complexité.

La prolifération d'autres institutions n'a pas marginalisé le CICR dans la fourniture de l'assistance humanitaire. Il s'est trouvé, avec le soutien des donateurs, divers rôles importants qui varient de cas en cas. Le CICR, comme d'autres organismes de secours, a été marginalisé dans certains conflits et à certains moments par les belligérants eux-mêmes. S'il a été empêché de fournir l'assistance qu'il voulait apporter dans des endroits comme le Libéria ou le Soudan, cela n'est pas imputable à l'institution, mais aux valeurs inhumaines des combattants.

Le CICR pourrait-il assumer un jour le rôle joué par la British Broadcasting Corporation   (BBC) en 1984, lorsqu'elle a déclenché une gigantesque assistance en faveur de l'Éthiopie par le biais de ses reportages dramatiques sur la famine ? Ce ne sera sans doute pas le cas, compte tenu du penchant du CICR pour l'action discrète à l'inté rieur d'un pays. Mais les temps changent et l'on peut rêver.

     

  Notes :  

Original : anglais.

1. L'auteur tient à remercier plusieurs représentants du CICR qui ont fourni des informations ou apporté des remarques aux précédents projets de cet essai. Ces projets ont également été relus par William De Mars, Martha Finnemore et Thomas G. Weiss. L'auteur tient en outre à remercier le rédacteur de la Revue internationale de la Croix-Rouge   (RICR ) pour ses observations utiles. La responsabilité de toutes les déclarations incombe à l'auteur.

2. Selon des sources de la Croix-Rouge, « pendant la Première Guerre mondiale, ils [les civils ] représentaient 15% des victimes. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ce pourcentage a passé à 65%. Aujourd'hui, ils sont 90%. » « Campagne mondiale pour la protection des victimes de la guerre », RICR , no 789, mai-juin 1991, p. 327. Voir également le « Rapport sur les catastrophes dans le monde », Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (éd.), Genève, 1994, p. 34. — « Situations d'urgence complexes » est un terme vague utilisé par les Nations Unies pour éviter le débat sur la distinction entre les conflits armés et les autres situations. Il implique, au minimum, l'effondrement de l'ordre public, des souffrances humaines et l'absence de contrôle de la situation par le pouvoir, quel qu'il soit.

3. Parmi une vaste documentation sur le Mouvement, voir en particulier deux publications récentes : François Bugnion, Le Comité international et la protection des victimes de la guerre , CICR, Genève, 1994 ; et John Hutchinson, Champions of charity: War and the rise of the Red Cross , Westview Press, Boulder, 1996.

4. Jennifer Leaning, « When the system doesn't work: Somalia in 1992 », dans Kevin Cahill (éd.), A framework for survival: Health, human rights, and humanitarian assistance in conflicts and disasters , Basic Books for the Council on Foreign Relations, New York, 1993.

5. Voir également Adam Roberts, « Humanitarian war: Military intervention and human rights », paru dans International Affairs , 69/3, juillet 1993, pp. 429-450.

6. Ce schéma est tiré de l'ouvrage de Larry Minear et Thomas G. Weiss, Mercy under fire: War and the global humanitarian community , Westview Press, Boulder, 1995.

7. Rapport d'activité , CICR, Genève, 1995. Les chiffres du CICR séparent l'assistance d'autres catégories, telles que le « soutien opérationnel aux délégations » et la « gestion » ; il est donc difficile de se faire une idée globale du coût des opérations d'assistance.

8. Marion Harroff-Tavel, « L'action du Comité international de la Croix-Rouge face aux situations de violence interne », RICR, no 801, mai-juin 1993, p. 211.

9. Montieth Illingworth, « Remedies for an ailing world: An interview with Doris Schopper », paru dans Hemispheres , United Airlines, Chicago, juin 1995, pp. 19-24.

10. Andrew S. Natsios, « NGOs and the UN system in complex humanitarian emer gencies », dans Thomas G. Weiss and Leon Gordenker (ed)., NGOs, the UN and global governance , Lynne Rienner Publishers, Boulder, 1996, p. 73.

11. Thierry Hentsch en fait un récit particulièrement bien documenté dans Face au Blocus : La Croix-Rouge internationale dans le Nigéria en guerre (1967-1970) , Institut universitaire de hautes études internationales, Genève, 1973. Le CICR avait obtenu de Lagos la permission de voler à ses risques et périls. Après l'annulation de cette autorisation, il a continué de participer à des vols de nuit, dans lesquels les avions de la Croix-Rouge se mêlaient à des avions transportant des munitions destinées aux forces biafraises. Ce pont aérien n'était donc pas une opération totalement neutre. Mais le CICR se préoccupait du sort des civils dans l'enclave biafraise et devait concurrencer Joint Church Aid   (JCA) , une coalition d'organismes de secours peu soucieux des subtilités du consentement de l'État ou de la neutralité. Si le CICR s'était retiré plus tôt, il aurait laissé à JCA l'assistance en temps de guerre et aurait perdu une bonne partie du soutien de l'opinion publique en Europe et en Amérique du Nord, qui était pro-biafraise.

12. Larry Minear et Thomas G. Weiss, op. cit . (note 6). Voir également Larry Minear et al., Humanitarian Action in the former Yugoslavia: The U.N.'s Role 1991-1993 , Occasional Paper #18, Brown University, Watson Institute, Providence, RI, 1994, pp. 43, 78.

13. Pour une analyse équilibrée, voir Larry Minear, Humanitarianism under siege: A critical review of operation lifeline Sudan , Red Sea Press, Trenton, NJ, 1991; et Francis M. Deng et Larry Minear, The challenges of famine relief: Emergency operations in the Sudan , Brookings, Washington, 1992.

14. Bugnion, op. cit . (note 3), p. 364, citant Jacques Freymond : Le CICR « ne peut ignorer cet ensemble de règles qu'il a contribué lui-même à établir et dont il demande le respect par les États. »

15. Voir aussi William De Mars, « Contending neutralities: Humanitarian Organizations and war in the Horn of Africa », dans Charles Chatfield, Ron Pagnucco and Jackie Smith (eds), Solidarity beyond the State: The dynamics of transnational social movements , Syracuse University Press, Syracuse, 1996.

16. Bugnion, op. cit . (note 3), pp. 946-948.

17. Christophe Girod, Tempête sur le désert : le Comité international de la Croix-Rouge et la guerre du Golfe 1990-1991 , Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 28.

18. En ex-Yougoslavie, à peu près à la même époque, le CICR a accepté une protection militaire afin de garantir la libération et l'échange de prisonniers, mais pas pour les secours destinés aux civils. Le HCR a accepté la protection militaire de la FORPRONU pour fournir son assistance.

19. Leaning, dans Cahill, op. cit . (note 4), p. 108.

20. Minear et al. , op. cit. (note 12), p. 31.

21. CICR, The role of the ICRC in relief operations , mars 1994, document non publié, lecture autorisée.

22. Ibid.  

23. I CRC, Emergency appeal , 1995, p. 155.

24. Voir en particulier Leaning, dans Cahill, op. cit . (note 4), pp. 114-117.

25. Thomas W. Oliver, The United Nations in Bangladesh , Princeton University Press, Princeton, 1978. Dans cette situation et pendant un certain temps, le coordonnateur des Nations Unies pour les secours était un ressortissant suisse qui était également membre du CICR. Il n'était pas toujours évident de savoir si la personne en question représentait les Nations Unies ou le CICR lorsqu'elle dirigeait les activités de secours.

26. Thomas G. Weiss (ed.), Humanitarian emergencies and military help in Africa, Macmillan, for the International Peace Academy, Londres, 1990.

27. Larry Minear et Thomas G. Weiss, op. cit. (note 6), p. 118.

28. MSF ne s'orientait pas sur les conflits armés et ne s'intéressait guère, initialement, aux questions relatives à l'assentiment des États. Physicians for Human Rights était particulièrement intéressé par la médecine légale, tandis que le CICR refusait de coopérer dans des poursuites pénales afin de faciliter son action à l'intérieur des pays. Quelle que fût sa diplomatie discrète, le CICR ne cherchait pas non plus à mobiliser l'opposition au sujet des abus de la déontologie médicale en relation avec les détenus. Sur le dernier point, voir Eric Stover, The open secret: Torture and the medical profession in Chile, American Association for the Advancement of Science, W ashington, juillet 1987, et Gregg Bloche, Uruguay's military physicians: Cogs in a system of State terror, American Association for the Advancement of Science,   Washington, mars 1987.

29. Rony Brauman, « The Médecins sans frontières experience » , dans Cahill, op. cit. (note 4), chapitre 13.

30. CICR (Division des Secours), Handbook for donors: Technical guidelines for donations in kind to ICRC relief operations , CICR, Genève, septembre 1989.

31. Donald D. Tansley, Rapport final : Un ordre du jour pour la Croix-Rouge, Institut Henry-Dunant, Genève, 1975, pp. 22, 23, 53, 73, 76, 122-23. Il convient de signaler que le présent auteur était conseiller de ce groupe d'experts et qu'il a rédigé une partie du rapport.

32. Claudio Caratsch, « Humanitarian design and political interference: Red Cross work in the post-Cold War period », dans International Relations, no 11/4, avril 1993, p. 308. M. Caratsch, un vice-président du CICR, a ajouté alors que cela représentait davantage que ce que le CICR faisait normalement pour la presse et que les journalistes trouvaient que, souvent, les communiqués de presse du CICR n'étaient pas suffisamment « excitants », p. 312.

33. Voir, par exemple, The Economist , 21 mai 1988, p. 80.

34. Michèle Mercier, Crimes sans châtiment : l'action humanitaire en ex-Yougoslavie 1991-1993 , Bruylant, Bruxelles, 1994 ; et Christophe Girod, op. cit. (note 17). Ces deux ouvrages ont d'abord été publiés en français. Le premier a également été publié en anglais : Crimes without Punishment , Pluto Press, London, 1995. Mais le second n'a pas été publié en anglais à l'issue d'une protestation diplomatique. La version française du livre de Girod ne contient toutefois pas grand-chose qui justifie sa non-publication en anglais, selon l'opinion de l'auteur. Une personne interrogée à Genève m'a dit : « Une protestation diplomatique ne doit pas être prise à la légère ». Il est plutôt improbable que beaucoup d'autres organismes de secours, qui insistent sur l'indépendance de l'action en faveur des civils, restreindraient la circulation d'un récit historique à cause du mécontentement d'un État au sujet de son contenu.

35. Hutchinson, op. cit . (note 3), p. 3.

36. Minear et Weiss, op. cit . (note 6), p. 164.

37. CICR, The   role of the ICRC in relief operations, op. cit. (note 21), pp. 1-2. Voir également Dominique-D. Junod, The imperiled Red Cross and the Palestine Eretz-Yisrael conflict 1945-1952 , Kegan Paul International, Londres et New York, 1996.

38. Tiré de Randolph C. Kent, Anatomy of disaster relief: The international network in action, Pinter Publishers,   Londres, 1987, p. 173.

39. Minear et al., op. cit. (note 12), p. 40.

40. Médecins sans frontières   (éd.), Populations en danger, MSF-Royaume-Uni, Londres, p. 13.

41. Jan Eliasson, tiré de : Erskine Childers, avec Brian Urquhart, Renewing the United Nations system, The Dag Hammarskjold Institute, for the Ford Foundation, Uppsala, 1994, p. 255.

42. Après l'exode massif des Rwandais en 1994, divers organismes de secours divergeaient sur la question de savoir s'il fallait fournir des vivres aux camps de réfugiés où les milices opéraient. Le HCR a poursuivi ses distributions de vivres, mais MSF a suspendu son action médicale, estimant qu'elle contribuait à une reprise des combats à l'avenir.

43. Béatrice Mégevand, « Entre insurrection et gouvernement », RICR , no 811, janvier-février 1995, pp. 107-121.

44. Croix-Rouge/Croissant-Rouge, janvier-avril 1994, p. 21.

45. Andrew S. Natsios, op. cit. (note 10), pp. 73-74.

46. Concernant les décisions prises par le CICR pendant la Seconde Guerre mondiale, voir en particulier Jean-Claude Favez, Une mission impossible ? Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis , Payot, Lausanne, 1988. M. Favez a pu consulter les archives du CICR. À comparer avec François Bugnion, op. cit. (note 3), qui donne une interprétation plus favorable, mais qui est un cadre du CICR.

47. Dominique-D. Junod, op. cit. (note 37).

48. Jacques Freymond, Guerres, révolutions, Croix-Rouge, Institut universitaire de Hautes études internationales, Genève, 1976. M. Freymond a été vice-président et président par intérim du CICR.

49. Certains changements sont recensés par Isabelle Vichniac, Croix-Rouge, les stratèges de la bonne conscience, Alain Moreau, Paris, 1988, mais ce récit comporte quelques erreurs.

50. Voir, par exemple , « Principes directeurs concernant le droit à l'assistance humanitaire », adoptés par le Conseil de l'Institut international de droit humanitaire (San Remo), dans RICR, no 804, novembre-décembre 1993, pp. 548-554.

  51. Mohamed Sahnoun, Somalia : The missed opportunities. US Institute of Peace Press, Washington, 1994, p. 18. Voir également son commentaire qui accuse « l'écrasante bureaucratie des Nations Unies qui, à la différence de la Croix-Rouge, est composée de fonctionnaires plus intéressés par leurs carrières et les avantages accessoires que par le travail dont ils sont chargés », (trad. CICR) tiré de J. Perlez « No easy fix for Somalia », New York Times, 7 septembre 1992, p. A1.

52. Larry Minear, « Making the humanitarian system work better », dans Kevin Cahill (ed)., op .cit . (note 4), p. 243.

53. Fred Cuny, « Humanitarian assistance in the post-Cold War era », dans Thomas G. Weiss and Larry Minear (ed.), Humanitarianism across borders, Lynne Rienner, Boulder, 1993, p. 168.

54. James Ingram, « The future architecture for international humanitarian assistance », dans Thomas G. Weiss and Larry Min ear, op. cit . (note 53), p. 189 et passim.