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Les Conventions de Genève remises en question: l'évolution du droit de la guerre et la difficulté à l'appliquer dans des situations de conflit en constante évolution

11-08-1999 Communiqué de presse 99/33

Le XXe siècle aura été le témoin de deux guerres mondiales, de l'invention et de l'emploi des armes chimiques et des armes nucléaires, et de la mort d'un nombre inouï de personnes, en particulier des civils, victimes des hostilités. On peut donc à juste titre qualifier ce siècle de «siècle de guerre ». Par ailleurs, il est aussi le siècle qui a produit les tout premiers traités humanitaires universels.

Les règles qui régissent la conduite de la guerre n'ont été énoncées dans des traités internationaux qu'à la fin du XIXe siècle, et l'expérience de la Première Guerre mondiale a bientôt mis en évidence leurs lacunes. Les pays en guerre avaient l'obligation de protéger les soldats blessés au cours du combat. Mais les droits des prisonniers n'étaient pas encore pleinement garantis. Le sort de deux millions de prisonniers de guerre dépendait de la bonne volonté de ceux qui les avaient capturés. Tout cela a changé dans les années 20, lorsque la communauté internationale a étendu la protection juridique aux prisonniers de guerre.

Depuis la guerre d'Espagne, les attaques contre les civils sont devenues un élément important de la guerre au XXe siècle. En Extrême-Orient également, de grandes villes ont été attaquées avec peu de respect pour la vie des civils et le Blitzkrieg nazi a changé la nature des conflits. Les autorités du IIIe Reich ont même fait valoir que les déportations et les camps de concentration n'étaient pas illégaux en vertu du droit de la guerre écrit. Le fait de tuer des civils en masse était effectivement illégal selon le droit coutumier, mais n'était pas expressément interdit par les traités internationaux. Les bombardements intensifs des villes, ont toutefois atteint un terrible paroxysme lorsque les bombes nucléaires ont explosé au-dessus de Hiroshima et Nagasaki.

À partir de là, la survie de la race humaine allait dépendre de sa capacité à réglementer la guerre. En 1949, les trois Conventions de Genève déjà existantes ont été révisées et une quatrième a été élaborée, spécifiquement pour protéger les civils dans les conflits armés.

Mais il est bientôt apparu que ces nouvelles lois comportaient des lacunes. Dans les années de l'après-guerre, des insurgés armés ont commencé à s'attaquer à des régimes en place. Et le traitement des civils est devenu un problème majeur. Les Américains ont fait des expériences similaires au cours de la guerre du Viet Nam, où ils se sont trouvés combattant un ennemi pratiquement invisible. Cela a conduit la communauté internationale à se pencher sur les leçons apprises des guerres civiles. Ses représentants ont développé le droit des conflits armés, accordant une protection accrue aux civils pendant les hostilités : les Protocoles de 1977 additionnels aux Conventions de Genève couvrent également les conflits armés internes.

Le mur de Berlin, ultime symbole de la guerre froide, est tombé en 1989. Mais au lieu de l'ère de paix et de stabilité dont chacun avait espéré qu'elle allait suivre, de nouvelles formes de conflits ont émergé. Avec la fin de la guerre froide, la rivalité qui existait entre les superpuissances dans la plupart des régions du monde a diminué. Avant 1989, les conflits en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud avaient été des guerres « par procuration ». Le monde politique tout entier suivait les événements. Aujourd'hui, on laisse ces conflits s'éterniser sans s'en mêler. En outre, ils ne sont plus en conformité avec les modèles traditionnels des guerres entre États et des guerres internationales, et ne sont pas toujours menés par des soldats professionnels. Dans des camps-prisons, des hommes sont affamés et maltraités. Des civils innocents sont massacrés et enterrés dans des fosses communes. Dans un tel vide moral et politique, la survie de la société civilisée elle-même est en jeu.

Mais maintenant la communauté internationale a décidé d'enquêter sur ces crimes et la poursuite des criminels de guerre n'est pas uniquement limitée à l'Europe (Tribunal de La Haye). Un Tribunal pénal international a également été créé à Arusha (nord de la Tanzanie), pour juger les personnes soupçonnées d'avoir été impliquées dans le génocide rwandais

Ces procès soulignent que la communauté internationale est de plus en plus résolue à poursuivre les criminels de guerre et également qu'elle s'efforce de donner du poids aux Conventions de Genève.

La plupart des guerres des années 90 sont marquées par le chaos et la barbarie. Les règles humanitaires, péniblement codifiées au cours du dernier siècle, semblent être devenues négligeables. Il faut trouver de nouveaux moyens et intensifier les efforts pour endiguer les pires horreurs de la guerre et pour faire en sorte que la dignité des victimes des conflits puisse être préservée. Il est grand temps d'entreprendre ces efforts car les Conventions de Genève reposent également sur le principe de base que la guerre est limitée par les exigences de la conscience publique.