8. Analyse des mesures susceptibles d'assurer le respect universel du droit international humanitaire

15-09-1995 Rapport

Extract from Droit international humanitaire : passer du droit à l'action rapport sur le suivi de la Conférence internationale pour la protection des victimes de la guerre; XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

 
  8.1 Le plein respect du droit international humanitaire et la protection des civils
    8.2 Les conflits "déstructurés"
    8.3 La disponibilité d'armes et les violations du droit international humanitaire
    8.4 Contributions volontaires destinées à soutenir les programmes de diffusion et de mise en oeuvre du droit international humanitaire
  Dans sa recommandation VIII, le Groupe d'experts intergouvernemental a invité le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à analyser les mesures susceptibles d'assurer le plein respect du droit international humanitaire, notamment en ce qui concerne les civils, les femmes, les enfants, les réfugiés et les personnes déplacées. Les experts ont en outre demandé au CICR d'examiner les situations où les structures de l'Etat se sont désintégrées en raison d'un conflit armé non international, et d'examiner à quel point la disponibilité des armes contribue, d'une part, à la prolifération de ces conflits et à l'aggravation des violations du droit international humanitaire, et, d'autre part, à la dégradation de la situation des civils.
 
 
     

  8.1 Le plein respect du droit international humanitaire et la protection des civils  

Le principe de distinction et de protection de la population civile et des personnes civiles, afin de leur épargner autant que possible les effets de la guerre, est à la base de toute réglementation des conflits armés. Cette question demeure néanmoins préoccupante, notamment lorsqu'on pense au destin souvent tragique de la population civile des pays déchirés par un conflit interne. En effet, alors qu'elle devrait être protégée, celle-ci devient fréquemment la cible principale des attaques. En violation des dispositions du droit international humanitaire, les parties à un conflit recourent à des actes ou à des menaces dont le but principal est de répandre la terreur au sein de la population. Il n'est pas rare que les civils participent temporairement mais directement aux hostilités, soit volontairement, soit sous la contrainte. Ils perdent ainsi la protection qui leur est accordée par le droit international, ce qui rend difficile, voire impossible, la distinction entre ceux qui participent aux hostilités et ceux qui s'en abstiennent.

Certes, il est difficile pour les parties à un conflit d'appliquer une distinction dans des situations particulières, notamment lors de guerres civiles. Cependant, toute personne doit être présumée civile, sous peine de supprimer toute protection de la population civile. En effet, si les règles du droit international humanitaire protégeant les civils étaient respectées, beaucoup de souffrances pourraient être évitées. De même, des catégories de personnes particulièrement vulnérables, comme les enfants, les femmes, ainsi que les réfugiés et personnes déplacées en raison d'un conflit, pourraient être é pargnées, si les règles spécifiques qui les protègent étaient appliquées.

L'efficacité des règles dépend principalement de la bonne foi des parties au conflit et de leur désir de se conformer aux exigences de l'humanité. Le problème se situe ainsi plutôt dans la mise en oeuvre de ce droit que dans l'adoption de règles nouvelles.

Les travaux du Groupe d'experts intergouvernemental ont cependant démontré que la protection des victimes des conflits armés soulevait des problèmes importants que les experts n'ont pas pu approfondir suffisamment. Afin d'en faciliter l'examen, le CICR est prêt à préparer une étude approfondie des différents sujets identifiés par les experts.
 
 
     

  8.2 Les conflits "déstructurés"  

     

Les structures étatiques se désintègrent de plus en plus fréquemment en raison de conflits armés non internationaux. Ces structures, souvent déjà faibles et fragiles avant l'éclatement du conflit, n'ont plus aucune emprise sur les événements et ne peuvent assurer, ni le respect du droit international humanitaire, ni l'approvisionnement minimal nécessaire à la survie de la population civile. Cette carence favorise l'émergence de nombreuses entités non étatiques. Pendant le conflit, de multiples groupes armés (souvent des dizaines, voire davantage) sont engagés dans les hostilités.

Si le droit humanitaire, et notamment l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève, régit toujours cet état de fait, force est de constater que les multiples groupes impliqués dans ces conflits ne se sentent pas liés par l ui, et qu'ils ne sont pas capables de faire respecter le contenu de ses règles. Même le geste humanitaire devient alors irréalisable. L'absence de volonté des belligérants et l'impossibilité, pour les organisations humanitaires, d'obtenir le consentement de toutes les parties au conflit empêchent d'apporter l'assistance nécessaire à la survie de toute une population. Les exemples récents de la Somalie, du Liberia et de l'Afghanistan en témoignent.

Pour une organisation humanitaire telle que le CICR, remplir son mandat de protection et d'assistance aux victimes de ces conflits " déstructurés " représente un défi majeur. S'il ne peut, de loin, examiner toutes les questions d'ordres politique, juridique et social qu'impliquent ces situations, le CICR a néanmoins le devoir de chercher, par tous les moyens possibles, à répondre aux besoins sur le plan humanitaire.

Le CICR organisera en 1996 une réunion sur les situations où les structures de l'Etat se sont désintégrées en raison d'un conflit armé non international. Cette réunion devrait contribuer à la formulation des réponses devant être fournies par la communauté internationale afin de préserver un minimum d'humanité dans ces conflits anarchiques. Le CICR présentera un rapport sur cette question; il le remettra à l'ensemble des participants de la Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
 
 
     

  8.3 La disponibilité d'armes et les violations du droit international humanitaire  

L'afflux d'armes a des conséquences visibles sur l'aggravation d'une situation conflictuelle et sur l'augmentation des violations du droit international humanitaire. C'est notamment le cas lorsque les structures en place se désagrègent et que les affrontements entre forces organisées dégénèrent en violence sans contrôle, proche du banditisme.

La disponibilité d'armes est souvent considérée comme une cause importante de tensions en temps de paix, et comme une source d'augmentation du nombre des victimes lors de conflits.

Le CICR est préoccupé par ce phénomène. Sur la base de ses expériences dans les conflits, il va examiner le lien entre l'afflux d'armes et les violations du droit international humanitaire. Il ne manquera pas d'associer à sa réflexion les Sociétés nationales et la Fédération. Il fera ensuite parvenir aux participants de la Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge les résultats de son étude, ainsi que des propositions pour d'éventuelles mesures à prendre face aux conséquences négatives du transfert d'armes.
 
 
     

  8.4   Contributions volontaires destinées à soutenir les programmes de diffusion et de mise en oeuvre du droit international humanitaire  

     

Dans le cadre de sa dernière recommandation, le Groupe d'experts intergouvernemental "invite le CICR à préparer, en collaboration avec la Fédération internationale, un projet de recommandation qui sera soumis à la Conférence, encourageant l'apport de contributions volontaires destinées à soutenir les programmes de diffusion et de mise en oeuvre du droit international humanitaire, l'accent étant mis sur la protection des victimes de la guerre".  

Dans leurs recommandations, les experts ont demandé que l'effort accompli pour la diffusion et la mise en oeuvre du droit international humanitaire soit considérablement accru.

C'est une responsabilité qui incombe en premier lieu aux Etats.

Toutefois, cet effort imposera également des charges nouvelles aux différentes composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, conformément aux responsabilités respectives que leur confèrent les Statuts du Mouvement.

Ces tâches ont été exposées de façon détaillée dans les pages qui précèdent. Il n'y a donc pas lieu de les rappeler ici.

Pour pouvoir s'acquitter de ces tâches et pour renforcer la fonction de diffusion dans leurs programmes de secours et de développement actuels, le CICR, la Fédération internationale et les Sociétés nationales de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge devront disposer de ressources additionnelles, notamment sur le plan financier.

Le CICR et la Fédération internationale espèrent vivement que les donateurs - notamment les Etats parties aux Conventions de Genève - accepteront de soutenir ces activités par leurs contributions financières aux programmes spécifiques de diffusion du CICR et de la Fédération et aux appels spécifiques de ces derniers pour les actions de secours et de développement.

Toutefois, il est évident qu'un grand nombre de Sociétés nationales ne pourront fournir un effort important en matière de diffusion du droit international humanitaire sans un soutien extérieur.

Tel est précisément l'objet de la rec ommandation des experts.

De l'avis du CICR et de la Fédération internationale, les contributions volontaires préconisées par les experts devraient viser, en priorité, à soutenir les programmes de diffusion mis sur pied par les Sociétés nationales ayant besoin d'un soutien extérieur.

Après un examen approfondi de cette question, le CICR et la Fédération sont parvenus à la conclusion qu'il convenait d'éviter de créer une nouvelle structure administrative dont la gestion entraînerait des charges additionnelles, de même qu'il serait peu opportun que le CICR, la Fédération et les Sociétés nationales fassent appel aux mêmes donateurs en vue d'obtenir des fonds destinés à financer les mêmes projets ou des projets de même nature.

En conséquence, le CICR et la Fédération ont adopté la solution suivante :

Une fois par an, le CICR et la Fédération présenteront ensemble un appel spécial destiné à financer des projets concrets de diffusion établis par les Sociétés nationales intéressées, en accord avec le CICR ou la Fédération selon les cas; cet appel spécial mentionnera également le soutien que le CICR et la Fédération apportent aux Sociétés nationales dans ce cadre.

Le CICR assurera la coordination des projets qui doivent être réalisés dans des situations de conflits armés. Dans tous les autres cas, la Fédération internationale ou le CICR assurera la coordination des projets relatifs à la diffusion en conformité avec les règles statutaires du Mouvement.

Les donateurs seront invités à verser leurs contributions volontaires soit directement à la Société nationale intéressée, soit au CICR, soit à la Fédération en fonction de la nature du ou des projets qu'ils entendent soutenir.

Le CICR, la Fédér ation internationale et les Sociétés nationales fourniront des rapports sur l'utilisation des contributions qui leur seront versées, conformément aux procédures habituelles à chaque institution.

Le CICR et la Fédération internationale sont convaincus que la solution préconisée ci-dessus permettra une intensification des activités de diffusion, sans entraîner de nouvelles charges administratives.

Ils feront parvenir aux Etats et aux Sociétés nationales intéressées, dans les meilleurs délais, un appel spécial pour les activités de diffusion envisagées pour l'année 1996.