Livres et revues : Tratado de Direito Internacional dos Direitos Humanos

30-09-2001 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 843, de Christophe Swinarski

  Antônio Augusto Cançado Trindade,    Tratado de Direito Internacional dos Direitos Humanos   , Vol. I (486 pages), vol. II (440 pages), vol. III (à paraître) Sergio Antônio Fabris Editor, Porto Alegre, 1997-1999  

L’auteur de l’ouvrage, actuellement président de la Cour interaméricaine des droits de l’homme et assurément un des plus éminents juristes de sa génération, possède non seulement une large expérience académique (Université de Brasilia et Institut Rio Branco), mais aussi l’expérience d’un diplomate (représentant du Brésil à plusieurs conférences et réunions internationales), d’un praticien (ex-jurisconsulte du ministère des Affaires étrangères) et d’un juge international. L’étendue de son savoir lui permet par conséquent de se lancer dans une entreprise aussi ambitieuse que la rédaction d’un traité des droits de l’homme, et ce, non seulement avec une parfaite maîtrise de la matière et l’assurance d’en connaître les recoins juridiques, mais aussi avec un véritable détachement des intérêts politiques et des partis pris qui si souvent la sous-tendent.

L’auteur donne, en 1987, un cours à l’Académie de droit international de La Haye sur la coexistence et la coordination des mécanismes des droits de l’homme, cours qui constitue le point d’orgue de la première phase de sa réflexion sur le sujet. À partir des conclusions de ce cours, il entreprend son ouvrage, en trois volumes, comme une étude dynamique de l’ensemble des systèmes normatifs existants relatifs à la protection internationale de l’individu. Il s’emploie principalement à montrer comment ces systèmes s’articulent entre eux et interagissent.

Dans le premier volume (chapitres I à X), il examine tout d’abord les origines juridiques de la législation internationale relative aux droits de l’homme, de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 à la Conférence de Téhéran de 1968. Il aborde ensuite la phase de consolidation des droits de l’homme en tant que branche du droit international et passe en revue aussi bien les règles de fond que les mécanismes de mise en oeuvre. Puis, il examine dans le détail les divers processus et travaux qui ont abouti à la Conférence de Vienne de 1993. Il analyse en profondeur tous les courants et controverses qui se sont exprimés sur le sujet et accorde une large place à la contribution d’acteurs non internationaux.

L’auteur se livre à une réflexion, novatrice à cet égard, sur les rapports qui existent entre les effets des droits de l’homme et ceux d’autres systèmes de protection internationale de l’individu ; il met l’accent sur leurs confluences, sinon leurs convergences, et sur les ressemblances de plus en plus marquées entre leurs mécanismes respectifs de développement et de fonctionnement. Se fondant sur la pratique et la jurisprudence internationales récentes, cette approche — qu’il appelle « l’approche des trois versants », à savoir, droits de l’homme, droit international humanitaire et droit des réfugiés — met en lumière la tendance qui se dégage progressivement en faveur d’une révision de la systématique actuelle du droit international. Cette systématique a en effet pour résultat que les conséquences des normes appliquées prennent le pas sur les considérations relatives aux origines, au développement historique et aux aspects institutionnels des différentes branches du droit actuel. Cette réflexion mérite à elle seule d’être signalée aux spécialistes du droit international humanitaire, lesquels se voient confrontés aux mêmes prob lèmes, tant sur le plan théorique que dans la pratique.

Dans la même optique, l’examen de l’évolution des droits économiques, sociaux et culturels — tout comme celui des rapports entre le droit interne et le droit international, abordés dans les deux derniers chapitres du premier volume de l’ouvrage — donne lieu à plusieurs propositions nouvelles susceptibles de répondre aux préoccupations communes du droit international humanitaire et des droits de l’homme.

Le deuxième volume (chapitres XI à XIV) débute par une discussion innovante sur les règles d’interprétation des instruments internationaux qui protègent l’individu. Elle couvre les aspects matériels et formels de l’interprétation, comme l’indérogeabilité, l’intangibilité et la hiérarchie des normes en la matière, d’une part, et l’épuisement des recours internes, la marge d’appréciation, le fardeau de la preuve, la hiérarchie entre les différentes instances et les difficultés d’exécution sur les plans législatif, exécutif et judiciaire, d’autre part.

Cette partie de l’ouvrage propose une nouvelle théorie de l’interprétation qui soit uniforme pour tous les systèmes internationaux de la protection de l’être humain, conçus en tant que corpus iuris unique de l’ordre public international. La théorie énonce, entre autres, des postulats herméneutiques qu’on ne saurait ignorer en droit international humanitaire, face aux défis à relever dans ce domaine.

Dans les deux chapitres suivants, l’auteur traite deux questions capitales, peu usuelles dans les ouvrages de droit. Il les aborde en juriste, certes, mais pleinement conscient de leur poids dans le débat politique sur les droits de l’homme. Il s’agit, d’une part, des rapports existant entre les droits de l’homme et le concept de démocratie et, d’autre part, du rôle et de l’importance de cette branche du droit dans le domaine du développement.

Le deuxième volume se termi ne par des propositions sur la valeur juridique des procédures internationales de supervision (monitoring) et de contrôle de la mise en oeuvre des droits de l’homme. Ces procédures constituent en effet le corollaire du caractère impératif des droits de l’homme et elles expriment la nécessité d’accorder à leur protection des effets erga omnes.

Le troisième volume (chapitres XV à XX, à paraître) traitera de l’évolution des systèmes régionaux des droits de l’homme (interaméricain, européen et africain), de la suite du processus mis en route par la deuxième Conférence mondiale sur les droits de l’homme au niveau universel et, pour terminer, de la signification contemporaine de l’universalité des droits de l’homme et de leurs perspectives d’avenir.

Il convient de donner à l’oeuvre l’attention qu’elle mérite. En effet, l’auteur entend y exposer de façon cohérente l’ensemble de la matière relative aux droits de l’homme en tant que système juridique complet dans le cadre du droit actuel des relations internationales. Il réalise ce pari, et son ouvrage devient ainsi non seulement la référence la plus à jour sur le sujet, mais aussi un ouvrage de portée générale, indispensable à tous ceux qui s’intéressent d’une manière ou d’une autre à la protection juridique de l’individu.

Un imposant appareil de références à la doctrine la plus récente ainsi qu’à l’ensemble de la jurisprudence pertinente confirme le caractère magistral de l’ouvrage et en souligne encore davantage la grande utilité.

  Christophe Swinarski  

Consultant en droit international humanitaire Genève