Les armes portatives et les armes légères illicites : le CICR insiste sur la nécessité de se préoccuper en priorité des conséquences pour les civils

17-06-2004 Déclaration

Déclaration du CICR devant le Groupe de travail à composition non limitée chargé de négocier, à l'intention des États, un instrument international d'identification et de traçage rapides et fiables des armes légères illicites, siège des Nations Unies à New York, 14-25 juin 2004. Le CICR précise que la menace posée par ces armes dure souvent plus longtemps que les conflits armés eux-mêmes et rend ainsi plus difficile le retour à la paix et à la primauté du droit.

Monsieur le Président,

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) saisit cette occasion pour prendre la parole lors de la première session du Groupe de travail à composition non limitée. Le CICR appuie énergiquement toutes les mesures qui peuvent contribuer à réduire les souffrances humaines résultant de la prolifération non contrôlée des armes portatives et des armes légères. Comme beaucoup d'entre vous le savent, le CICR a pour mission de protéger la vie et la dignité des victimes de la guerre, ainsi que de promouvoir et de renforcer le droit international humanitaire. Cette tâche est rendue beaucoup plus difficile par les effets conjugués du contrôle insuffisant des transferts d'armes et de l'emploi fréquent d'armes qui viole le droit humanitaire, ce qui expose les civils à un plus grand risque d'abus pendant et après les conflits armés et réduit l'efficacité des normes juridiques destinées à les protéger.

Nous sommes par conséquent encouragés par le fait que les États se rendent compte de plus en plus que le renforcement des contrôles visant à réduire la prolifération non réglementée de ces armes est, lui aussi, une préoccupation humanitaire urgente. Dans la décision de l'Assemblée générale d'engager des négociations sur un nouvel instrument international d'identification et de traçage des armes portatives et des armes légères illicites, nous voyons une prise de conscience accrue parmi les États à cet égard et, bien entendu, nous nous en félicitons.

Le CICR reconnaît que la disponibilité généralisée et l'emploi abusif des armes est un problème complexe et multiple qu'aucune mesure ou solution unique ne peut efficaceme nt prévenir. Ce problème exigera un ensemble de mesures concrétisées par diverses initiatives prises au niveau mondial, régional et national. Sans doute serait-il naïf de penser qu'un nouvel instrument d'identification et de traçage des armes portatives et des armes légères illicites suffirait, en soi, à mettre fin à leur commerce illicite, mais nous estimons que la mise en place de normes communes permettant une identification et un traçage efficaces et fiables sera une mesure concrète – certes pas suffisante à elle seule mais absolument nécessaire – qui contribuera à assurer les contrôles adéquats au niveau mondial.

Nous espérons en outre que des systèmes de marquage fiables et des mécanismes de traçage efficaces inciteront les fournisseurs d'armes à rendre des comptes et à se montrer responsables. Si la responsabilité première de respecter le droit international humanitaire incombe à ceux qui utilisent ces armes, il est largement admis que les États et les entreprises impliqués dans la production et l'exportation d'armes ont une responsabilité politique, morale et, dans certains cas, juridique de l'emploi qui sera fait de leurs armes.

Ce point de vue a été mis en évidence en décembre 2003 lors de la dernière Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, à laquelle participaient les États parties aux Conventions de Genève ainsi que les composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. L'Agenda pour l'action humanitaire, adopté par consensus, prévoit qu’afin de « [r ] éduire les souffrances humaines provoquées par la disponibilité non contrôlée et l'emploi abusif des armes » et « [c ] ompte tenu de l'obligation qu'ont les États de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire, la disponibilité des armes – en particulier, les armes portatives, les armes légères et leurs munitions – fait l'objet de contrôles renforcés afin que celles-ci ne se retrouvent pas dans les mains de ceux dont on peut s'attendre qu’ils les utilisent pour violer ce droit… ».

Le CICR demande instamment aux gouvernements de saisir cette occasion pour fixer des règles qui rendront effectivement plus difficile la tâche de ceux qui, n’ayant aucune considération pour le droit ou pour la vie des personnes, continuent de fournir des armes aux régions qui sont touchées par un conflit armé et où les règles essentielles du droit humanitaire sont constamment violées.

Il est temps de s’assurer que les effets des progrès réalisés ces dernières années au niveau diplomatique se font aussi sentir sur le terrain. Les conséquences graves du commerce illicite des armes portatives et des armes légères pour les civils et les communautés partout dans le monde ont été mises en évidence ces récentes années, notamment par le CICR. Il peut par conséquent paraître superflu de répéter la raison pour laquelle les États devraient agir en urgence dans ce domaine. Cependant, comme les négociations avancent et que les questions juridiques et les détails techniques focalisent de plus en plus l’attention, on peut facilement perdre de vue le but ultime de cet exercice. Le CICR demande donc au Groupe de travail de ne pas oublier les innombrables civils qui, chaque jour, dans les conflits armés du monde entier, sont tués ou blessés, violés ou contraints de quitter leur maison sous la menace d’une arme à feu, ou qui vivent constamment dans la peur qu’un tel sort ne s’acharne sur eux ou sur l’un de leurs proches. Souvent, ces menaces durent des années après la fin des hostilités, car les armes en libre circulation affaiblissent la primauté du droit et maintiennent les personnes et les communautés dans l’insécurité. Voilà la réalité constatée par le CICR dans les contextes bien trop nombreux dans lesquels il travaille.

Aussi longtemps que nous ne serons toujours pas parvenus à réduire le nombre de morts et de blessés et à a lléger les souffrances provoquées par des armes portatives et des armes légères illicites, il ne faudra pas se demander ce qui a été accompli, mais se concentrer sur ce qui doit être fait. Le CICR demande instamment aux États de garder cet objectif ultime à l’esprit pendant les négociations à venir.

Le CICR se félicite vivement du mandat qui a été donné au Groupe de travail et espère qu’il réussira à stimuler plus encore les efforts entrepris à l’échelon de la planète dans la voie du renforcement du contrôle des transferts d’armes dans le monde. Nous encourageons les États à conclure leurs travaux dès que possible par l’adoption de nouvelles règles juridiques internationales strictes qui permettront aux États de procéder efficacement au traçage des armes portatives et des armes légères illicites et de leurs munitions.

Monsieur le Président, je vous remercie.