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La torture : « … la première étape, c'est faire tomber le mur du silence »

25-06-2004

Commentaire d’Alain Aeschlimann, chef de la Division de l’Agence centrale de recherches et des activités de protection du CICR, à l’occasion de la Journée internationale des Nations Unies pour le soutien aux victimes de la torture, le 26 juin.

Cette citation*, formulée simplement mais avec force, met en évidence ce qui, pour le CICR, a toujours été au centre de son action en faveur des personnes privées de liberté : la priorité que donne l'institution à leur situation et à leurs besoins.

Le mur du silence qui entoure les prisonniers peut être interprété de deux façons : la première est l’isolement des personnes qui sont détenues dans des situations de conflit armé ou de troubles internes et dont les autorités compétentes pourraient essayer de cacher l’existence, ou de la mettre en doute, et ce, de manière à augmenter la pression sur ces personnes, sur leur famille et sur leur communauté.

La seconde est le silence dans lequel les prisonniers eux-mêmes peuvent s’enfermer après avoir subi des traitements physiques et psychologiques épouvantables. Dans de nombreux cas, parfois aggravés par des considérations culturelles, il peut se révéler difficile, voire carrément impossible, pour eux de parler avec des codétenus, des parents ou des amis des traitements qu’ils ont subis – même si, ou peut-être précisément parce que les autres ont enduré les mêmes sévices.

Le CICR, qui s’efforce de prévenir et de mettre un terme à la torture (ainsi qu’à d’autres mauvais traitements décrits de différentes façons dans les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977 comme « cruels », « humiliants » et « dégradants ») concentre son action sur l’expérience et le témoignage des détenus. Faire tomber le mur du silence est la première étape de ce qui peut être un processus pénible (et péniblement lent) ayant pour but, par des démarches incessantes auprès des responsables, de faire cesser de tels actes.

Le rôle du CICR dans ce processus consiste à dialoguer avec les victimes, de manière aussi approfondie que possible, sans être lui-même perçu en tant qu'« interrogateur », à rédiger des rapports détaillés et des demandes de mesures à l'intention des autorités compétentes, à répéter les visites aussi souvent que possible pour s'assurer que les améliorations nécessaires sont apportées. Tout cela demande beaucoup de patience.

La Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, signée en 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987, ainsi que d'autres traités régionaux, ont pour but de faire en sorte que ce qui devrait être considéré comme un des droits les plus évidents – le droit de ne pas être torturé – soit inscrit dans les lois, qui reflètent la volonté des peuples.

Dans les conflits armés, quand tant d'autres règles de droit sont rendues moins strictes ou sont complètement ignorées, les Conventions de Genève disent clairement que même les guerres ont des limites.

Et pourtant...

Ces traités demandent aux ةtats – comme dans l'article 127 de la IIIe Convention de Genève – d'incorporer l'étude du droit international humanitaire dans les programmes d'instruction militaire, afin que personne portant l'uniforme ne puisse dire qu'« il ne savait pas... ».

Les victimes de la torture – dont la plupart ne jouissent pas du triste privilège de la couverture médiatique accordée aux personnes torturées en Irak – attendent de savoir quand ces traités auront des chances d'être pleinement mis en œuvre et d'entrer en vigueur.

  * * International Responses to Traumatic Stress, chapter 7: How visits by the ICRC can help prisoners cope with the effects of traumatic stress, par Pascal Daudin et Hernan Reyes (Baywood Publishing Company Inc. le document. , 1996, en anglais seulement) – lire   Voir aussi en français: La torture et ses conséquences   par Hernán Reyes