Yémen : une grave crise humanitaire se profile

25-01-2010 Conférence de presse

Le CICR intensifie ses efforts pour faire face à une situation humanitaire qui ne cesse de se détériorer dans le nord du pays. Dominik Stillhart, chef adjoint des opérations au CICR, vient de rentrer du Yémen, où il a rencontré chefs tribaux et autorités gouvernementales. Lors d'une conférence de presse à Genève, il a expliqué de quelle manière les problèmes de sécurité entravent lourdement les efforts déployés par le CICR.

     
    ©CICR/Boris Maver      
   
    Dominik Stillhart, chef adjoint des opérations au CICR, durant une récente visite dans le gouvernorat d’Amran dans le nord du Yémen.      

       

M. Stillhart a passé deux jours à Sanaa, où il a rencontré les autorités gouvernementales, les responsables des agences des Nations Unies et la direction du Croissant-Rouge du Yémen. Il s'est ensuite rendu dans le gouvernorat d'Amran (nord du pays), où il est resté deux jours et a pu rencontrer plusieurs chefs tribaux de la région. Il avait prévu de se rendre plus au nord, plus près des lignes de front et des civils qui ont le plus besoin d'assistance, mais le voyage a dû être annulé à la dernière minute pour des raisons de sécurité.

Le gouvernorat d'Amran, situé au sud de Saada, est le plus durement touché par le conflit qui sévit dans le nord du pays. Il fait face à un afflux massif de déplacés internes en provenance de Saada, où se concentre l'essentiel des combats.

150 000 civils directement touchés par les hostilités    

« Ce que j'ai vu, c'est une grave crise humanitaire qui se profile », a déclaré M. Stillhart. Depuis la reprise des combats en août 2009 – la sixième flambée de violence entre forces gouvernementales et rebelles depuis le début du conflit –, au moins 150 000 civils ont été directement touchés, soit un habitant de la région sur cinq.  

« Nous sommes très inquiets pour les nombreuses communautés qui seraient prises au piège des hostilités dans des régions auxquelles les agences d'aide humanitaire n'ont pas accès », a-t-il ajouté. C'est le cas dans les régions situées au nord-est de Wadi Khaiwan, où M. Stillhart n'a justement pas pu se rendre en raison des problèmes d'insécurité.

  Le déplacement interne – un lourd fardeau pour les familles d'accueil  

Il a souligné que la plupart des personnes déplacées avaient trouvé refuge auprès de familles d'accueil, essentiellement des proches, faisant ainsi peser une charge supplémentaire sur ces communautés dont les ressources éta ient déjà étriquées avant le conflit.

« Les indicateurs socio-économiques du Yémen sont parmi les plus bas au monde », a-t-il dit. « Selon une enquête récente du Programme alimentaire mondial, près de la moitié des enfants âgés de moins de cinq ans souffrent de problèmes de malnutrition. »

  Les besoins dépassent les ressources des acteurs humanitaires  

Sur la base de son évaluation suite à sa brève visite, M. Stillhart a déclaré que les besoins de la population dépassent de loin les capacités dont disposent les acteurs humanitaires.

« Ces capacités sont fortement pénalisées par les problèmes de sécurité qui persistent », a-t-il ajouté. Les besoins étant supérieurs aux ressources disponibles, la frustration de la population ne fait que croître.

« Un chef tribal que j'ai rencontré à Amran m'a par exemple raconté que " c'est déjà extrêmement difficile d'être déplacé par le conflit et de devoir fuir de chez soi, mais ce qui est encore plus dur, c'est que je ne suis plus en mesure aujourd'hui de protéger mon peuple et de subvenir à ses besoins " . » M. Stillhart a expliqué que ce chef tribal avait le sentiment de manquer à son devoir envers son peuple et qu'il en éprouvait une grande honte.

Il a ensuite brièvement passé en revue l'aide que le CICR apporte à la population touchée par le conflit, en leur fournissant notamment de l'eau potable, de la nourriture, des abris et des articles ménagers de première nécessité. (voir encadré – Réponse aux besoins humanitaires)

« D'après les discussions que j'ai eues avec les leaders communautaires et plusieurs déplacés internes, la nourriture semble être ce dont la population a le plus besoin », a indiqué M. Stillhart.

  L’insécurité entrave sérieusement la distribution des vivres  

M. Stillhart décrit les difficultés, dont il a été témoin, lors de l’organisation de la distribution de vivres aux communautés touchées. « En plus des autorisations qu’il faut obligatoirement se procurer auprès des autorités, l’équipe du CICR doit négocier son accès séparément avec chaque tribu jusqu’au lieu de destination. »

Comme la plupart des communautés souffrent, du moins indirectement du conflit, elles se sentent toutes naturellement en droit de recevoir quelque assistance, explique M. Stillhart, et cela complique énormément toute l’organisation de l’aide. De longues négociations s’imposent qui peuvent durer sans fin du matin au soir juste pour obtenir l’autorisation de distribuer les vivres.

M. Stillhart précise qu’il suffit qu’une communauté ou qu’un leader communautaire quitte la table mécontent pour qu’un incident lié à la sécurité risque de se produire.

« Chacun de ces incidents ralentit considérablement les opérations d’aide car il faut alors négocier l’accès au jour le jour », ajoute M. Stillhart.

« Enfin, il mentionne qu’à l’approche de la conférence sur la situation au Yémen qui se déroulera à Londres cette semaine, il est important de prendre conscience que la situation humanitaire dans le nord du Yémen est maintenant pire que jamais.

M. Stillhart conclut donc en lançant un appel ferme à l’action.

« Les combats qui ont repris en août 2009 et se sont récemment propagés à la frontière de l’Arabie saoudite, ont considérablement aggravé la situation d’une population civile déjà en grande difficulté dans le nord du Yémen. Si aucune action n’est prise immédiatement pour inverser cette tendance, le nord du Yémen pourrait plonger dans une crise humanitaire à long terme, ce qui entraverait les efforts de développement pendant très longtemps ».

Réponse aux besoins humanitaires – Activités communes CICR/Croissant-Rouge du Yémen    

 Depuis la mi-août, le CICR et le Croissant-Rouge du Yémen ont approvisionné environ 75 000 personnes déplacées des gouvernorats de Saada et d’Amran en vivres et autres articles essentiels.      

Personnes déplacées    

  • Le CICR et le Croissant-Rouge du Yémen gèrent cinq camps de personnes déplacées ( Al-Ehsa’, Al-Jabbana, Sam et Al-Talh à Saada et alentours) qui hébergent plus de 19 000 personnes, ainsi que le camp de Mandaba dans le district de Baqem, au nord-ouest du gouvernorat de Saada (près de la frontière avec l’Arabie saoudite) ;
  • Le CICR et le Croissant-Rouge du Yémen ont aidé plus de 150 000 personnes depuis la reprise de combats à la mi-août dans les gouvernorats de Saada et d’Amran ; parmi elles, plus de 75 000 personnes déplacées (leur nombre ne cesse d’augmenter) ;
  • L’assistance humanitaire urgente comprend actuellement l’approvisionnement en eau potable, vivres, abris, articles de ménage essentiels et des secours médicaux au Croissant-Rouge du Yémen et aux unités du ministère de la Santé à Saada, ainsi qu’à deux unités du ministère à Waadi Khaiwan au nord d’Amran.

Secours médicaux   

  • Les secours distribués par le CICR comprennent des médicaments essentiels pour traiter des maladies courantes comme les infections respiratoires, les infections intestinales et la diarrhée, ainsi que des antibiotiques et du sirop au paracétamol pour enfants ;
  • Dans le gouvernorat de Saada, le CICR soutient les unités sanitaires du Croissant-Rouge du Yémen dans les camps pour personnes déplacées, un centre de soins de santé du Croissant-Rouge du Yémen à Saada et trois autres unités sanitaires du Croissant-Rouge du Yémen dans d’autres parties du gouvernorat ;
    Dans le gouvernorat d’Amran, le CICR soutient un centre de soins de santé à Amran, deux centres de soins de santé à Wadi Khaiwan dans le nord du gouvernorat d’Amran pour aider à faire face à l’afflux quotidien de patients ;
  • Le CICR a, en plus des autres secours médicaux, distribué des secours médicaux et chirurgicaux au ministère de la Santé pour aider à traiter 150 blessés de guerre.

Eau, vivres et abris   

  • Depuis le début du conflit, le CICR a approvisionné 150 000 personnes en eau potable ;
  • Plus de 60 000 personnes déplacées et habitants des gouvernorats de Saada et d’Amran ont reçu de l’eau potable ;
  • Plus de 70 000 personnes déplacées dans les gouvernorats de Saada et d’Amran ont reçu des rations alimentaires (farine de blé, haricots, riz, sucre, sel et huile de cuisine) ;
  • Environ 75 000 personnes de Saada et d’Amran ont reçu des articles de ménage essentiels (couvertures, matelas, jerricanes, bâches, savon et autres articles) ; à Saada, des personnes ont reçu à la fois des articles de ménage et des tentes.

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