Renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence fournie par les organismes des Nations Unies, 2013

12-12-2013 Déclaration

Assemblée générale des Nations Unies, 68e session, Séance plénière, Point 70(a) de l’ordre du jour, déclaration du CICR, New York, le 12 décembre 2013.

Monsieur le Président,

Merci de donner la parole au Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Cette année marque le 150e anniversaire du CICR, et l'année prochaine, nous célébrerons le 150e anniversaire de l'adoption de la première Convention de Genève pour l'amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne. Ces anniversaires témoignent de l’engagement indéfectible des États à respecter une action humanitaire en temps de guerre, ne présentant aucun objectif politique mais visant exclusivement et sans discrimination à soulager la souffrance humaine.

A ce jour, l’ensemble des Etats ont ratifié les quatre Conventions de Genève de 1949 et divers autres instruments clés s'acheminent également vers une semblable acceptation universelle. Par ailleurs, 189 Sociétés nationales à travers le monde, conjointement avec la Fédération internationale et le CICR, continuent à travailler dans le but d’alléger ou de prévenir la souffrance humaine.
Ces commémorations ne doivent toutefois pas nous conduire à relâcher nos efforts. Des millions de vies sont encore affectées par les conséquences des conflits armés. Ces derniers perdurent souvent des années, voire des décennies, se caractérisant par une extrême violence, l’indifférence envers les populations civiles et l'absence de respect généralisé des règles du droit international humanitaire.
Monsieur le Président,

Le CICR est une organisation dont le mandat est de protéger les victimes de conflits armés et de leur porter assistance. L'accès aux victimes nous est essentiel pour y parvenir. Dans bon nombre de contextes, il est cependant de plus en plus difficile d'atteindre les personnes affectées ; dans certains, c’est même devenu impossible. Parfois, les parties aux conflits refusent explicitement l'accès à certains lieux, y compris aux centres de détention. Il se peut aussi qu’elles refusent implicitement l’accès, en imposant des restrictions inacceptables, ou en dressant des obstacles administratifs sur notre chemin. Dans d'autres cas, de par l’absence de conditions de sécurité minimale, le CICR ne parvient plus ou que très difficilement à accomplir sa mission.

Enfin certaines approches, qui intègrent réponses humanitaires, mesures politiques et actions militaires, peuvent contribuer à mettre en doute les véritables objectifs des acteurs humanitaires et compliquer leurs efforts pour obtenir l’accès aux populations dans le besoin. Le CICR est convaincu que dans des contextes extrêmement polarisés et politisés, une action humanitaire véritablement  neutre et indépendante s’impose pour accéder à l'ensemble des personnes affectées.

Le CICR est parfaitement conscient des controverses politiques sur la question de l'accès humanitaire. En tant qu’organisation humanitaire strictement neutre, le CICR n'a aucune intention de prendre part à ces controverses. Il soulève néanmoins régulièrement la question dans son dialogue bilatéral avec les autorités, afin d’obtenir leurs points de vue sur la question et de parvenir à un consensus politique sur une action humanitaire véritablement apolitique.

Monsieur le Président,

La destruction des infrastructures, le départ forcé du personnel qualifié, et l’arrêt d’activités économiques essentielles à la survie de la population sont souvent les conséquences principales des conflits armés. Lorsque, dans ces circonstances, le refus d'accès aux personnes vulnérables engendre des souffrances généralisées, celles-ci peuvent facilement conduire à la mort, faute notamment de secours essentiels et de services de base tels que l’eau potable, vivres, abris ou soins médicaux. Si le CICR n'est pas en mesure d'établir un dialogue confidentiel avec les forces militaires en présence, les groupes armés et les autorités civiles, il ne sera pas en mesure d'assister les personnes menacées ou harcelées, ou bien mises en danger par les hostilités ; l'incapacité du CICR à agir fera également courir aux détenus un risque accru de mauvais traitements ou de disparition forcée.

Les instruments du droit humanitaire contiennent de nombreuses dispositions qui régissent la fourniture des secours aux civils vulnérables. Un élément commun de ces dispositions est que les opérations de secours nécessitent le consentement des parties concernées. Toutefois, un État ne peut refuser l'accès aux secours que pour des motifs valables, comme une nécessité militaire impérieuse, ou le caractère non humanitaire et non impartial, ou non nécessaire des secours proposés, ou encore s’ils sont déjà fournis par d'autres.

Monsieur le Président,

Le CICR négocie constamment avec toutes les parties et cherche à établir un dialogue confidentiel avec chacune d'entre elles. Il le fait dans le seul but de faire accepter sa présence et d’établir une relation de confiance avec toutes les parties concernées afin que celles-ci  respectent le droit international humanitaire. L’expérience du CICR a montré que l'adhésion aux principes fondamentaux du Mouvement, à savoir l’humanité, l’impartialité, la neutralité et l'indépendance, est le meilleur moyen de s’acquitter de son mandat et de servir les intérêts des personnes affectées.

Cela vaut également pour les autres composantes du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui agissent elles aussi conformément aux mêmes principes fondamentaux. Nos principaux partenaires sur le terrain sont les Sociétés nationales qui, en raison de leur connaissance approfondie des conditions locales, ainsi que de l'engagement de leurs volontaires, ont souvent accès là où d'autres ne peuvent agir. Cet accès est précieux, il doit être garanti, et il est donc crucial de préserver la neutralité et l'indépendance des Sociétés qui agissent dans ces environnements.

Pour les gouvernements, cela signifie qu’il faut permettre aux Sociétés nationales de travailler avec le degré d'autonomie nécessaire : les Sociétés nationales doivent être libres de décider comment répondre au mieux aux besoins humanitaires qui prévalent. Pour d'autres organisations également actives sur le terrain, il s’agit aussi d’adapter leurs mécanismes de coordination et les accords de coopération afin que les Sociétés nationales ne soient pas perçues comme étant sous leur contrôle, ou au service d’objectifs politiques ou militaires.

L'action humanitaire ne peut à elle seule prévenir ou résoudre les problèmes humanitaires : ce sont les parties aux conflits armés - les États et les groupes armés non étatiques - qui ont l'obligation légale de respecter le droit humanitaire et d'épargner aux civils des souffrances inutiles. Nous appelons tous les gouvernements et les groupes armés d'accorder et de faciliter un accès sans entrave aux personnes vulnérables, afin que le CICR et d'autres organisations humanitaires impartiales puissent apporter assistance et protection avec neutralité, impartialité et indépendance.
Monsieur le Président,

Le CICR est également très préoccupé par le mépris flagrant pour le respect et la protection du personnel médical et des installations de santé. En 2012, le CICR, avec d'autres composantes du Mouvement, a initié le projet « Health Care in Danger. Des données non exhaustives émanant de 23 pays ont montré que de janvier 2012 à mai 2013, plus de 1 200 incidents ont affecté les services et l'accès aux soins de santé : 112 membres du personnel médical ont perdu la vie, et quelque 250 de ces accidents se sont produits lors d’attaques d’ambulances ou de refus d'accès aux ambulances prodiguant une aide urgente, souvent vitale. Dans la plupart de ces cas, c'est le personnel médical local qui a été touché. Il se peut également que le personnel médical et les blessés ou les malades renoncent à se rendre dans les structures médicales, par peur  d'être arrêtés, intimidés, harcelés, agressés, voire tués. Les conséquences de ces exactions pour l'ensemble de la population sont graves et ont un effet de longue durée,  notamment lorsque cela aboutit à la destruction des infrastructures, à la fuite du personnel qualifié et la perturbation des systèmes de santé. Ces exactions augmentent ainsi de manière significative le nombre de victimes indirectes des conflits armés.

Nous appelons ici les gouvernements à améliorer la situation et à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à ces violations du droit humanitaire. En conclusion, Monsieur le Président, nous souhaitons réaffirmer que c’est aux États et autres parties aux conflits armés qu’incombe la responsabilité première de respecter le droit humanitaire. Le CICR en appelle à leur volonté politique pour engager ou soutenir activement les efforts visant à répondre aux préoccupations humanitaires urgentes susmentionnées, et dans la mesure du possible, de convaincre les  autres d'en faire faire de même.

Nous espérons à cet égard que le prochain Sommet Mondial Humanitaire (World Humanitarian Summit) conduira à des améliorations tangibles pour la vie de millions de personnes qui subissent les conséquences des conflits armés à travers le monde. En se fondant sur le système d'aide d'urgence mis en place il y a plus de 20 ans par la résolution 46/182 de l’Assemblée générale des Nations Unies, le Sommet devrait insuffler un élan qui permettra de procéder à une analyse approfondie de l'évolution actuelle de la mondialisation de l'action humanitaire et contribuer à identifier des approches positives afin de résoudre les problèmes identifiés. Nos objectifs communs devraient consister en un meilleur respect du droit humanitaire et une protection efficace de toutes les victimes des conflits armés.

Je vous remercie, Monsieur le Président.