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Congo : 24 heures du CICR dans le Pool

01-06-2006 Éclairage

Malgré la fin des hostilités entre troupes gouvernementales et rebelles en mars 2003, les habitants de la préfecture du Pool subissent toujours les conséquences humanitaires du conflit passé. Wolde Saugeron, responsable de la communication du CICR à Brazzaville, raconte une journée d'une équipe de collaborateurs qui se rend régulièrement sur le terrain.

Soleil de plomb, air saturé d'humidité, savane et forêts luxuriantes… nous venons de quitter Kindamba pour la localité de Kimba, chef lieu du district du même nom, 85 kilomètres plus au nord dans le département du Pool. Les puissants véhicules tout-terrain que nous utilisons sont les seuls qui puissent s'aventurer sur ces routes dont la physionomie change régulièrement au cours des saisons. En chemin, nous franchissons le pont de Mambio qui menaçait il y a encore peu de s'écrouler. Les riverains ont heureusement renforcé sommairement sa structure avec des lianes et des arbres abattus à la machette.

En mars 2004, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) décidait de rouvrir son bureau de Kindamba, dans le nord de ce département stratégique entourant la capitale Brazzaville. Le bureau compte aujourd'hui 26 employés et couvre trois districts : Kindamba, Vinza et Kimba. Conformément à son mandat, le CICR tente d'apporter protection et assistance à la population qui souffre encore des conséquences du dernier conflit qui a ravagé cette région. La plupart des organismes humanitaires d'urgence ont déjà quitté le Pool, alors que les services de l'État et agences de développement tardent à prendre la relève.

Après quatre heures de piste, nous faisons halte à la sous-préfecture du Kimba pour nous présenter aux autorités et expliquer les raisons de notre visite. L'accueil est courtois et la formalité rapidement exécutée.

  Soutien aux structures locales de santé  

 
© CICR / Wolde Saugeron 
   
Le CICR aide la population à se procurer des plants de manioc résistants aux maladies et aux ravageurs. 
        Nous nous rendons au Centre de santé intégré (CSI) de Kimba, récemment réhabilité par le CICR. Ce centre construit dans les années 1960, dont la première pierre fut posée par l'abbé Fulbert Youlou, premier président du Congo indépendant, a été pillé puis détruit pendant les combats de 2003. Les équipes du CICR ont dû le reconstruire, avec son bloc de latrines et de douches, y adjoindre un système de captation et de décantation des eaux ainsi qu'une fosse à déchets.

Le CICR assiste huit CSI dans le département en formant du personnel et en fournissant médicaments et matériel divers. Les quatre personnes qui travaillent à Kimba fournissent gratuitement des soins de base à une population de plus de 5,000 personnes. Gaspard Babana, infirmier et chef de centre, nous explique qu'il pratique de 15 à 20 consultations par jour, le paludisme et les infections pulmonaires étant les pathologies les plus courantes. Elisabeth, la sage-femme, effectue un à deux accouchements chaque jour.

Daniel Milandou, l'assistant médical du CICR, visite aujourd'hui le centre pour y effectuer un inventaire du stock de médica ments et le réapprovisionner, comme il a l'habitude de le faire tous les deux mois. Il supervise le fonctionnement, l'utilisation des médicaments et assure également une formation continue pour le personnel soignant.

Audy Koubaka est en charge des programmes de " sécurité économique " . En appuyant la relance de certaines activités, le CICR aide les personnes qui sont revenues chez elles après les combats à reprendre le cours de leur existence. Dans le Pool, les efforts se concentrent sur la lutte contre la maladie de la mosaïque qui affecte la production du manioc, aliment de base, et sur la réhabilitation d'étangs piscicoles, entièrement pillés durant le conflit.

Dans les environs de Kimba, 14 groupements paysans ont reçu des boutures de manioc et 5 groupements piscicoles des géniteurs et des alevins de tilapia, un poisson charnu à la croissance rapide. Audy vient faire un suivi des projets. Il réalise aussi une expertise des parcs d'adaptabilité variétale installés par le CICR, où est testée la résistance à la mosaïque de 12 variétés de manioc. Dès qu'il le peut, il organise des séances de vulgarisation sur les techniques de lutte contre cette maladie.

  Expliquer les règles de comportement au combat...  

Paul Mavoungou et Jean-Baptiste Mananga ont prévu de rencontrer la petite troupe des forces armés congolaises stationnée à Kimba. Pendant près de deux heures, ils vont en langue lingala exposer à ces jeunes militaires les principes de base du droit des conflits armés et les règles de comportement que tout combattant se doit de respecter. Quand les circonstances le permettent, ce travail de sensibilisation se fait également au profit des anciens miliciens ninjas présents dans le Pool.

18 heures : il est temps d'installer notre campement de fortune. Pour se décrasser, rien de mieux qu'un bain dans la Ndouo, rivière de couleur rouille comme le sable qu'elle charrie. Le dîner frugal est pris dans la cour d'une modeste parcelle autour d'une lampe à pétrole. Au menu, poisson d'eau douce cuit dans des feuilles, silures fumés aux aubergines et à la pâte d'arachide, accompagnés de foufou , la pâte de manioc traditionnelle. Le tout légèrement arrosé de tsamba, le vin de palme, fraîchement récolté. Puis c'est l'heure de dormir, bercé par un de ces orages puissants que cette terre du Congo sait offrir.

 
   
© CICR / Wolde Saugeron 
   
Les collaborateurs du CICR utilisent la langue lingala pour rejoindre au mieux tous les porteurs d'armes. 
        A 6 heures 45, je me lève pour me rendre compte que toute l'équipe est déjà sur le pont. C'est un peu plus nombreux que nous reprendrons la route du retour. Deux patients, identifiés la veille par Daniel, doivent se joindre à nous. Souffrant de hernies, ils doivent subir une intervention chirurgicale que le CSI ne peut pratiquer. Nous décidons de les transférer à l'hôpital de Kindamba, géré par Médecins sans frontières – Hollande qui, avec le CICR, est l'une des se ules organisations encore présentes dans le Pool.

Aujourd'hui la température est plus clémente. Une épaisse couverture nuageuse est venue adoucir l'atmosphère. J'en serais satisfait si cela n'avait pas l'air d'inquiéter les chauffeurs. Car eux savent combien il peut être malaisé de rouler sur ces routes de sable ou d'argile quand il pleut.

Nous marquons un petit arrêt dans le village de Mountséné où nous devons remettre à la population un puits récemment construit par le CICR. Un léger problème technique de dernière minute en décide autrement. Serge Djambou, ingénieur en eau et habitat, peut néanmoins rencontrer le président du comité de gestion de l'eau du village pour apporter une solution temporaire qui permettra aux 350 habitants d'avoir accès à de l'eau potable. Serge m'explique qu'un puits a déjà été foré dans le village de Dzokotro, dans ce même district de Kimba. Deux puits sont par ailleurs déjà fonctionnels à Kindamba et le CICR travail sur cinq puits supplémentaires dans les localités de Mihété, Impouo, Mpangala, Kingoma et Louo Mingali.

  ... et contourner les rivières en crue  

Alors que le véhicule transportant les patients poursuit sa route sur Kindamba, les deux autres font une dernière escale dans la localité de Vinza. Une séance de sensibilisation est prévue au profit des éléments des forces armés stationnés dans ce village. La séance est animée, les participants intéressés. A la fin, le lieutenant exalté veut nous offrir un sac de riz en signe de remerciement, tout en nous expliquant par ailleurs qu'il attend toujours son ravitaillement. Nous déclinons ce généreux cadeau.

Audy profite de cet arrêt pour aller rendre visites aux groupements paysans et piscicoles des alentours. A Vinza, il s'agit de faire le suivi de onze groupements paysans et de huit groupements piscicoles.

Puis le retour sur Kindamba. Nous quittons Vinza vers 14h20, avec deux heures de route en perspective. Optimiste. Trop sans doute. La dernière rivière avant d'arriver à Kindamba, franchissable habituellement à gué, est impraticable en raison des fortes pluies de la veille. Une déviation s'impose. Seule solution, traverser sur plus d'un kilomètre la " vasière " . Nous nous embourbons trois fois de suite dans ce marécage. Il faut creuser, et encore creuser… pelles, planches, cric forestier… de la boue, beaucoup de boue. Près d'une heure d'efforts plus tard, nous voilà enfin libérés. Sauvetage dirigé d'une main de maître par nos deux chauffeurs, Placide et Jean-Serge.

Juste avant d'arriver à Kindamba, nous croisons un malade au bord de la route que nous décidons d'emmener à l'hôpital. Dernier effort. Nous arrivons finalement au bureau, sales, fatigués, mais satisfaits. Une bonne douche et une nouvelle nuit bercée à la mélodie inquiétante d'un orage.

Ces quelques heures d'une équipe du CICR n'ont rien d'exceptionnelles. C'est à peu de choses près le lot quotidien de chacune des équipes du CICR qui rayonnent à partir des trois bureaux installés dans le département du Pool, à Kinkala, Mindouli et Kindamba. Ces équipes permettent à la délégation du Comité international de la Croix-Rouge en République du Congo de travailler à l'amélioration de la situation des civils affectés par les conséquences du dernier conflit.