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Éthiopie : l'accès à l'eau potable, une lutte pour la survie

21-03-2007 Éclairage

De nombreux habitants d'Érythrée et d'Éthiopie continuent de subir les conséquences du conflit armé entre leurs pays, qui a pris fin en 2000. Il leur est notamment difficile d'accéder aux systèmes d'approvisionnement en eau potable. Vip Ogola raconte.

 

© CICR / Seyoum Dehre 
   
Village de Mezabir. Un enfant récupère de l'eau dans un puits non protégé. 
        Les conséquences du conflit armé vont bien au-delà des bâtiments détruits, des chars d'assaut abandonnés voire de la présence d'hommes armés en uniforme encore disséminés en différents endroits du Tigré, province la plus au nord en Éthiopie.

Les marques de destruction sont atténuées par un paysage spectaculaire et par la générosité et la volonté dont font preuve les habitants pour reconstruire ce qui a été détruit. Bien que la guerre généralisée entre l'Éthiopie et sa voisine, l'Érythrée, se soit officiellement terminée en 2000, la tension demeure palpable dans les villages proches de la frontière.

De nombreux travaux de déminage restent à faire. Mais certains dangers parmi les plus mortels pourraient se cacher derrière des actes aussi naturels et anodins que boire de l'eau ou se baigner.

« Sur les dix maladies les plus graves que nous nous employons à combattre, cinq sont d’origine hydrique », indique Milu Atsibaha Nerie, responsable du centre de santé régional d'Adigrat.

« Des cas de diarrhée, de conjonctivite, de palludisme, d'affection pulmonaire, de maladie de la peau et de parasites intestinaux sont régulièrement relevés dans les villages dépendant de ce centre. Ces maladies peuvent entraîner des complications parfois mortelles. »

M. Milu Atsibaha Nerie confirme les déclarations des communautés, selon lesquelles l'eau potable n'est toujours pas disponible en suffisance. La guerre a non seulement fait un nombre élevé de victimes et entraîné le déplacement de plus d'une centaine de milliers de personnes, mais elle a aussi causé la destruction d'habitations et de points d'eau. Étant donné le faible niveau de précipitations annuel (entre 200 et 500 mm), la surpopulation et le relief montagneux qui caractérisent le Tigré, il était nécessaire de lancer des opérations d'urgence afin de prévenir d'autres pertes en vies humaines liées au manque d'accès à l'eau potable.

Présent en Éthiopie depuis 1977, le CICR porte assistance, dans le cadre du mandat qui lui est propre, aux communautés touchées par la guerre dans les zones auxquelles les autres organisations humanitaires n'ont peut-être pas facilement accès.

Une partie de son travail consiste à installer ou à remettre en état des systèmes d'approvisionnement en eau. L'institution a par exemple approvisionné en eau la ville frontalière de Zalambessa au moyen de camions-citernes, pendant pas moins de 18 mois, jusqu'à ce que le système soit entièrement réhabilité en 2005. Le CICR a travaillé à ce projet urbain unique en son genre, en étroite collaboration avec le Bureau régional de l'eau, et la Croix-Rouge éthiopienne a reconstruit l'ensemble d u réseau d'adduction d'eau desservant environ 30 000 personnes.

 

   
© CICR / Seyoum Dehre 
   
Ce capteur solaire près de Mezabir fournit une énergie de 600 watts qui permet d'acheminer chaque jour 8000 litres d'eau au village situé sur les hauteurs. 
        Cela étant, la plupart des projets du CICR sont réalisés dans les zones rurales, où vivent 85 % des Éthiopiens. C'est la vulnérabilité des personnes qui détermine la communauté bénéficiaire du projet. Le village doit avoir été touché par le conflit et avoir un accès limité à l'eau potable. Les points d'eau que le CICR a construits ou remis en état au Tigré en 2006 ont profité à 135 000 personnes au moins. Les techniques employées sont aussi diverses que le forage, le creusement de puits à la main, l'installation de récupérateurs d'eau de pluie et de pompes solaires.

On consulte le village bénéficiaire sur le type de système le plus adapté à la zone. Un comité de l'eau comprenant des personnes influentes respectées dans la communauté reçoit ensuite une formation sur la valeur de l'eau potable et sur la façon d'utiliser et d'entretenir le point d'eau.

« Plus la communauté est impliquée, p lus le projet a des chances d'aboutir », explique José Ferreira Domingues, hydraulicien du CICR basé au Tigré.

« En effet, les villageois peuvent poursuivre la mise en œuvre du projet après que le CICR est parti. Les récupérateurs d'eau de pluie, s'ils sont bien entretenus, peuvent fonctionner pendant au moins 50 ans. »

L'institution fournit aux communautés les compétences, le savoir-faire et les équipements nécessaires. La main-d'œuvre et une grande partie des matières premières sont locales.

Les communautés doivent notamment faire en sorte que personne ne touche aux points d'eau. Avant que le CICR ne remette l'ouvrage à la communauté, celle-ci doit l'entourer d'une clôture, établir des heures d'accès et, au besoin, engager un gardien.

À Tekeze par exemple, village de 2 500 âmes, bien que le puits creusé à la main soit prêt, la communauté continue d'utiliser l'eau de la rivière, car la clôture n'est pas encore terminée. Des pierres empilées autour de la pompe montrent que le travail est en cours, et les membres du comité de l'eau confirment leur volonté de mener à bien le projet.

En effet, les risques liés à l'utilisation de l'eau de la rivière sont plus graves que le simple fait de tomber malade. Frawine, mère de six enfants, raconte que « durant la saison des pluies, quand le niveau de la rivière monte, il arrive fréquemment que des personnes allant y chercher de l'eau se fassent dévorer par un crocodile ».

 
Projets au Tigré en 2006 
   
Ouest
   
  • 3 forages bénéficiant à 9 500 personnes

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  • 1 puits creusé à la main destiné à 2 500 bénéficiaires et leur bétail

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  • Entretien de 62 pompes manuelles utilisées par 35 000 personnes    

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        Extrême Ouest
  • Entretien de 16 pompes manuelles utilisées par 15 000 personnes

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        Est
  • 1 pompe solaire destinée à 8 000 personnes
  • 1 berkat (citerne enterrée) destiné à 5 000 personnes
  • 2 récupérateurs d'eau de pluie destinés à 8 000 personnes
  • 7 forages destinés à 35 000 personnes

  • 2 puits creusés à la main destinés à 5 000 personnes

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De nombreuses communautés ciblées par ces projets se trouvaient à des heures de marche des points d'eau. En outre, dans la plupart des cas, l'eau n'était pas potable, et les communautés étaient exposées à des maladies d'origine hydrique.

À Mezabir par exemple, un village perché dans les montagnes, les habitants devaient parcourir environ dix kilomètres aller et dix kilomètres retour pour aller chercher de l'eau. Les femmes partaient à 3 heures du matin et ne revenaient que sept heures plus tard.

Aujourd'hui, un système de pompe solaire installé par le CICR fournit au village 8 000 litres d'eau potable par jour, ce qui bénéficie à 2 500 villageois. Wuldai Kahsay, habitant de Mezabir âgé de 71 ans, déclare : « La vie était dure avant que le CICR n'arrive. Surtout pour ceux d'entre nous qui sont âgés et malades ; nous restions souvent plusieurs jours sans manger. Je suis content que le point d'eau soit maintenant suffisamment proche pour que je puisse aller chercher de l'eau après que j'ai commencé à cuisiner. »

Pour améliorer la santé de la population, le CICR met en œuvre des programmes complémentaires de formation à l'hygiène, qui permettent aux communautés d'apprendre à utiliser l'eau disponible de manière à augmenter leur qualité de vie. Apprendre à se laver les mains avant de manger, à utiliser les latrines ou à déterminer des endroits pour déposer les ordures à ramasser, aussi éloignés que possible des zones de transformation et de stockage des aliments : des leçons simples mais cruciales.

Alan Braham, membre du comité de l'eau à Tezeke déclare : « Avec la formation, nous avons appris à ne plus aller faire nos besoins près de la rivière. Au début, les villageois étaient réticents à l'idée de creuser des latrines, et pendant deux semaines personne n'a utilisé les blocs fournis par le CICR. Maintenant, on ne peut plus satisfaire la demande. »

Abeba, une collègue âgée de 40 ans qui travaille dans le commerce, confirme : « Je me suis rendu compte à quel point il était important d'apprendre à utiliser le système d'approvisionnement en eau pour éviter les risques. C'est pourquoi j'ai participé à la formation. Nous vivons dans des conditions bien meilleures maintenant. »

Le CICR réalise des projets similaires dans d'autres régions d'Éthiopie. Au total, 7 hydrauliciens expatriés et 24 techniciens de l'eau recrutés localement sont actifs dans tout le pays. En dehors du Tigré, ils mettent en œuvre des projets dans les zones rurales des régions d'Afar, de Gambela et de Somali, ainsi que dans certains lieux de détention à travers le pays. Où qu'ils travaillent, ils ont besoin du soutien des communautés, élément indispensable à la réussite de leurs projets.