Kenya : l’indicible soulagement de retrouver un proche porté disparu

28-01-2008 Éclairage

En même temps qu'elle répond aux besoins matériels d'urgence des personnes déplacées dans la vallée du Rift, la Croix-Rouge placarde des affiches et a mis en service une hotline afin de multiplier les chances de pouvoir réunir les membres de familles dispersées par les violences post-électorales. Récit d’Anne Mucheke, du CICR.

     

© ICRC / Anne Mucheke / KE-E-00165      
   
Les photos des enfants portés disparus sont affichées dans les bureaux du parc des expositions, avec des informations sur ce que la Croix-Rouge du Kenya peut faire pour aider.

     
         

Philip Nderitu sort d'une salle du bâtiment principal du parc des expositions d’Eldoret et serre ses cinq fils dans ses bras. Il les revoit pour la première fois depuis le début de l'année après avoir été déplacé par les flambées de violence post-électorales qui ont secoué une grande partie de la vallée d u Rift au Kenya.

La famille de Nderitu avait une maison à Maili Nne, un village proche d’Eldoret et du parc des expositions, où elle campe actuellement avec des milliers d'autres déplacés. Au début des affrontements, Philip Nderitu a dû fuir la maison familiale et il a été séparé de sa femme, de son bébé et de ses cinq fils aînés.

Grâce aux efforts de recherches de la Croix-Rouge du Kenya et du CICR, la famille a finalement été réunie.

« Ils ont réduit notre maison en cendres et nous avons fui dans la forêt, explique Ben Karimi, l'un des fils de Philip Nderitu. Nous avons eu de la chance de pouvoir emporter quelques affaires avec nous. Après, nos voisins, que nous connaissons depuis de nombreuses années, nous ont accueillis et donné à manger, mais nous n'avons jamais quitté notre terre pendant la journée. »

« Nous essayons maintenant de recommencer une nouvelle vie et nous louons une maison à Kambi Moto, où la situation est plus sûre, ajoute Ben. Cependant, nous voulions absolument retrouver notre père. Quand une dame de la Croix-Rouge qui s'appelle Sebi est venue à notre recherche, elle nous a annoncé une bonne nouvelle : il était ici, dans le camp, et il nous cherchait. » Leur belle-mère avait pu rejoindre leur père deux jours plus tôt, grâce à la Croix-Rouge.

Nderitu est opérateur de machine et gagnait bien sa vie. Mais il a peur de retourner chez lui. « J'ai perdu tant de choses et je ne suis pas disposé à risquer ma vie à cause de cette situation, dit-il. Au moins, ma famille est saine et sauve! »

  Enfants non accompagnés  

Le même jour, deux enfants ont pu retrouver leur famille dans différentes zones de la province de la vallée du Rift : l’une à Timboroa, à environ 30 kilomètres au sud d’Eldoret, et l ’autre à Kitale, au nord.

« La Croix-Rouge a traité 234 cas de personnes qui voulaient retrouver leur famille. Huit ont déjà pu rejoindre leurs proches et 20 sont en attente, pour la plupart des enfants non accompagnés », explique Abdinoor Mohammed, responsable des opérations de la Croix-Rouge du Kenya pour la région du nord du Rift.

Le bâtiment principal du parc des expositions sert de bureau temporaire pour les volontaires de la Société nationale. Aux murs, les photos des enfants portés disparus et des feuilles indiquant les coordonnées des personnes à contacter si quelqu'un les voit dans le camp. Les mêmes photos se trouvent dans les différents camps de la vallée du Rift où ces enfants pourraient avoir échoué.

 
"Chacun, ici, espère que, d'une manière ou d’une autre, la Croix-Rouge pourra l'aider à retrouver ses proches disparus."
 
 

La Croix-Rouge du Kenya a également mis en place une hotline pour les demandes de recherches, avec des numéros locaux dans sept villes d'autres régions touchées.

Un homme vient demander ce qu’il peut faire pour retrouver sa femme, dont il a été séparé au cours des troubles ; un autre donne des informations sur deux frères disparus. Chacun, ici, espère que, d'une manière ou d’une autre, la Croix-Rouge pourra l'aider à retrouver ses proches disparus.

  Identifier les morts  

En plus de rechercher les membres de familles portés disparus, le CICR travaille à l'identification des corps à la morgue du Moi Teaching and Referral Hospital d’Eldoret.

« Le CICR a envoyé à l'hôpital deux experts en médecine légale pour aider à identifier les corps. Nous assistons aussi les familles des défunts en fournissant des cercueils et en assurant le transport des corps, afin qu'elles puissent leur donner une sépulture décente », explique Christophe Beney, qui dirige le bureau du CICR à Eldoret.

Ouvert depuis le 8 janvier et accueillant près de 13 000 personnes, Eldoret est le plus grand camp où trouvent refuge les victimes des violences post-électorales. La survie de ces déplacés dépend maintenant de la Croix-Rouge et d'autres organismes qui leur fournissent nourriture et biens de première nécessité.