Kenya : la Croix-Rouge aide une mère à retrouver son fils disparu depuis 20 ans

02-05-2008 Éclairage

Avec la signature de l’accord de paix et la formation d’un gouvernement de coalition au Kenya, les espoirs sont grands de parvenir à une solution pour les plus de 170 000 personnes qui vivent actuellement dans des camps pour déplacés. Les équipes de recherches du CICR et de la Croix-Rouge du Kenya ont réuni plus de 120 familles dont les membres avaient été séparés par les violences post-électorales. Anne Mucheke raconte.

Keziah Nyaituga*, jeune fille de 17 ans à la santé fragile, a cherché refuge au camp pour personnes déplacées d’Ekerenyo, dans la ville de Kisii (ouest du pays), avec son fils de neuf mois, après avoir fui de chez elle à la suite des violences post-électorales au Kenya, en début d’année. Vu son état de santé qui se dégradait, les responsables de la Croix-Rouge lui ont fait passer un test de dépistage du VIH, qui s’est révélé positif.

Ils ont alors pris des dispositions pour qu’elle soit transférée à l’hôpital de district de Nyamira, à près de 30 km ; mais alors s’est posée la question de savoir qui s’occuperait du nourrisson lors de son hospitalisation.

  Recherches fructueuses pour retrouver sa famille, malgré le manque d’informations  

Keziah, dont les capacités mentales avaient été altérées en raison de son état de santé, n’a pu donner aux volontaires de la Croix-Rouge du Kenya des informations détaillées concernant sa famille. Avec les maigres renseignements obtenus, l’équipe de volontaires s’est mise en route, à la recherche de la famille, qu’elle a réussi à retrouver dans le village de Bonareri (Kisii).

L’oncle d’Keziah a accompagné l’équipe jusqu’à l’hôpital pour confirmer que la jeune fille était bien sa nièce. Le bébé de neuf mois a été emmené au village natal, et la grand-mère a accepté de s’occuper de lui pendant que la mère était hospitalisée. La famille a également demandé à la Croix-Rouge de transférer la malade à l'hôpital de district de Kisii, plus proche. Keziah y est actuellement en traitement.

  Les violences post-électorales offrent l’occasion de retrouver un fils disparu depuis longtemps  

Plus au nord, à Kisumu, Mama Okumbo n’aurait jamais imaginé que les violences post-électorales lui donneraient l’occasion de retrouver son fils Noah, disparu depuis longtemps. Un après-midi, elle a reçu la visite de responsables de la Croix-Rouge : ils apportaient un message de son fils, qui vivait au camp pour personnes déplacées à Endebess.

« Je suis toujours sous le choc : apprendre que mon fils était encore vivant après tout ce temps ! Il était parti de la maison il y a 20 ans, et nous n'avions plus jamais entendu parler de lui. Au cours de ces années, j'ai perdu mon mari et huit de mes enfants, et je croyais que Noah était mort, lui aussi », raconte Mama Okumbo, en larmes.

Obligé de quitter sa maison d’Eldoret, dans la vallée du Rift, Noah, qui est aujourd’hui marié et à la tête d’une famille, avait cherché refuge au camp de déplacés d’Endebess, à proximité. C’est là qu’il a entendu parler du service de recherches de la Croix-Rouge, qui s’emploie à réunir les membres de familles séparés les uns des autres ; il a alors demandé de l’aide pour retrouver sa famille, dont il avait perdu la trace depuis longtemps.

Il a écrit un message Croix-Rouge à sa mère pour lui dire où il vivait et dans quelle situation difficile. Bien qu’il ne soit pas retourné chez ses parents depuis 20 ans, il a donné à l’équipe de recherches des indications pour qu’elle retrouve leur maison, sans être sûr que quelqu’un y vive encore.

L’équipe de la Croix-Rouge a, comme elle l’avait promis, transmis le message à sa mère, qui veut maintenant revoir son fils.

« Je veux que la Croix-Rouge me dise comment aller à Endebess pour que je puisse confirmer qu’il s’agit bien de mon fils et l’accueillir, lui et sa famille, plutôt qu'ils reste nt dans des camps, a dit Mama Okumbo. Maintenant, Noah a de nouveau un foyer. »

Plus de 170 000 personnes vivent actuellement dans des camps pour personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, et quelque 100 000 autres ont été intégrées dans des familles d’accueil ; mais elles dépendent toutes de l’aide alimentaire fournie par la Croix-Rouge.

  Encore beaucoup de familles à réunir avec leurs proches  

Malheureusement, il reste beaucoup de familles à réunir avec leurs proches. « Ne pas savoir où se trouvent des proches portés disparus, surtout des enfants, peut être très traumatisant », déclare Caroline Rouvroy, coordonnatrice des activités de protection du CICR à Nairobi. « C’est pourquoi la recherche de personnes est un service essentiel de la Croix-Rouge en cas de catastrophe ou de conflit armé, où que ce soit dans le monde. »

Les équipes de recherches du CICR et de la Croix-Rouge du Kenya ont permis le regroupement de plus de 120 familles dont les membres avaient été séparés à cause des violences post-électorales. Davantage de cas encore sont en suspens, avec au moins 400 demandes concernant des mineurs non accompagnés, reçues par l’institution depuis le début de l’année.

Il suffit parfois d’un appel téléphonique pour retrouver des proches ; d’autres fois, il faut beaucoup voyager, et cela peut prendre un certain temps, surtout s’il s’agit d’enfants non accompagnés. Nombreux sont les déplacés qui n’ont pas accès au téléphone dans le camp, et les rares personnes qui possèdent un téléphone portable n’ont pas l’argent pour appeler leurs proches. Avec les ressources fournies par le CICR et la Croix-Rouge du Kenya, les gens peuvent avoir des nouvelles des leurs.

  * Nom fictif. Les noms été changés afin de protéger l’identité des personnes.