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Bombes à sous-munitions : menace dans un jardin libanais

15-12-2006 Éclairage

Depuis l'été 2006, de vastes zones du Sud-Liban sont toujours infestées de munitions non explosées, provenant en grande partie d'armes à dispersion. Ces armes représentent une menace constante pour les civils – comme Hussein, mutilé lorsqu'une sous-munition (une « bombelette ») est tombée d'un arbre et a explosé en heurtant sa tête.

     

    ©CICR/A. Meier/lb-e-00592      
   
    Bombe à sous-munitions dans un champ de tabac, au sud du Liban.      
         

Un mois après la fin des hostilités entre le Hezbollah et Israël, Hussein Ali Ahmed Ali taillait un citronnier planté près de sa maison, à Yohmor, au Sud-Liban – celle-ci avait été détruite durant le bombardement, et il était en train de la reconstruire.

Au mome nt où Hussein a touché le citronnier, une sous-munition qui était restée accrochée à l'arbre lui est tombée sur la tête : l'explosion lui a brisé le crâne et l'a jeté à terre. Par miracle, il a survécu mais il a le côté droit du corps paralysé et il ne peut plus parler.

« Il était fort et avait la vitalité d'un jeune homme. Il était toujours actif et plein d'énergie… C'est d'ailleurs ça qui l'a sauvé », déclare Souad, une de ses quatre filles.

Pendant la guerre, Hussein et sa femme, Mothmina, étaient partis à Qa'ata, dans les montagnes. Sage décision car durant le bombardement, leur maison a pris feu, et leur petit jardin a été arrosé de quelque 200 sous-munitions qui n'ont pas explosé. Quand les hostilités ont pris fin, Hussein et Mothmina sont rentrés chez eux pour évaluer les dégâts et reconstruire leur maison – et leur vie.

Le couple a commencé les travaux de reconstruction après que les démineurs eurent débarrassé les ruines de leur maison et le jardin de toutes les sous-munitions non explosées. La maison reprenait forme, mais il restait encore du travail à faire avant que l'hiver ne les oblige à rester à l'intérieur.

  Une bombelette dans l'arbre  

 
Le 9 septembre, tôt dans la matinée, Hussein et sa femme prenaient le café devant leur maison. Il s'est levé et a dit à Mothmina qu'il allait tailler le citronnier.

« Il s'est approché de l'arbre et en attrapant une branche pour la couper, une petite bombe lui est tombée sur la tête. L'explosion l'a propulsé près de ma mère. Pendant plusieurs jours, nous avons cru qu'il ne survivrait pas », explique Souad.

C'est une histoire courante au Sud-Liban - ou pas tout à fait : Hussein et Mothmina sont désormais âgés, leurs filles et leurs trois fils sont maintenant adultes, presque to us mariés et ils ont des enfants. À la différence d'autres victimes, Hussein n'a plus à nourrir ses enfants ni ses 18 petits-enfants ; il n'a plus à travailler ses terres polluées par des munitions non explosées pour que sa famille puisse manger.

Malgré les actions de dépollution en cours, de vastes zones du Sud-Liban restent parsemées de sous-munitions mortelles. Les agriculteurs ne peuvent pas aller dans leurs oliveraies ni mener leur bétail dans les pâturages où les démineurs ne sont pas encore passés.

Trois mois après l'accident, Mothmina ne fait que s'occuper de son mari mutilé. Son visage et son regard sont empreints de douceur, mais elle ne dit pas un mot. Leur fille Souad prend soin d'eux maintenant.

« Ma mère n'est plus la même depuis qu'elle a vu l'explosion, raconte Souad. Elle est traumatisée ; elle semble perdue et oublie tout. »

  Le Centre de coordination de la lutte antimines des Nations Unies a estimé à un million le nombre de sous-munitions non explosées sur le sol du Sud-Liban. D'après l'Organisation, en décembre 2006, près de 79 000 sous-munitions avaient été enlevées – mais il faudrait encore une année de travail au moins pour terminer la dépollution.  

  Qu'est-ce que les armes à dispersion ?  

Il s'agit de boîtes contenant jusqu'à des centaines de sous-munitions (ou « bombelettes »), qui peuvent être larguées par avion ou lancées (sous forme d'obus). Elles sont conçues pour exploser à l'impact ou au bout d'un certain temps.

Cependant, dans la réalité, de nombreuses munitions à dispersion n'explosent pas comme prévu et deviennent de s menaces mortelles jusqu'à ce qu'on les touche. Le risque encouru par les civils est d'autant plus grand que la zone parsemée de bombelettes provenant d'une seule arme (ou zone d'impact) est étendue.

Les armes à dispersion, sous une forme ou une autre, ont été utilisées dans divers conflits à travers le monde, et ce, dès la Seconde Guerre mondiale. Les zones qui ont été le plus polluées par les bombes à sous-munitions sont des régions du Laos et du Viet Nam, du Kosovo, de l'Afghanistan, de l'Irak et du Liban.

  Le CICR et les armes à dispersion  

Depuis plusieurs années, le CICR fait part de son inquiétude concernant ces armes. En novembre 2006, à la 3e Conférence d'examen de la Convention sur certaines armes classiques des Nations Unies, le CICR a dit que vu les menaces spécifiques que constituaient ces armes, les gouvernements devaient prendre des mesures urgentes, à savoir :

  • mettre immédiatement fin à l'utilisation des armes à dispersion imprécises et non fiables ;

  • interdire l'utilisation des armes à dispersion contre tout objectif militaire situé dans une zone habitée ;

  • éliminer les stocks d'armes à dispersion imprécises et non fiables et, en attendant qu'elles soient détruites, ne pas transférer ces armes dans d'autres pays.

Le CICR a également proposé d'accueillir une réunion internationale d'experts début 2007 pour discuter de l'élaboration de nouvelles règles de droit international humanitaire visant à réglementer spécifiquement ces armes.