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Séisme en Asie du Sud : se souvenir des héros méconnus

15-09-2006 Éclairage

Près d’un an après le séisme en Asie du Sud, Raza Hamdani, collaborateur du CICR, parle avec des volontaires qui, malgré leurs propres tragédies familiales, ont risqué leur vie pour en sauver d’autres et aider les personnes dans le besoin.

À la suite du séisme, alors que l’armée pakistanaise, des organisations internationales et des ONG internationales et locales coopéraient pour distribuer des secours à la population touchée par le tremblement de terre, de nombreux Pakistanais de tout le pays ont également quitté leur domicile pour se rendre à Muzaffarabad. Sur la route de Kohala, on pouvait voir des voitures, des camionnettes et des fourgonnettes prises dans les embouteillages. Les véhicules étaient pleins. Certaines voitures contenaient quelques couvertures tandis que de plus gros véhicules transportaient de l’eau, des biscuits, des couvertures et des vêtements. Les véhicules emmenaient des volontaires qui se dirigeaient vers Muzaffarabad afin d’aider aux opérations de sauvetage et de secours. Ces volontaires ne savaient pas du tout ce qu’ils allaient faire une fois arrivés en ville, mais ils savaient qu’ils voulaient aider les victimes du séisme comme ils le pouvaient.

Alors que ces volontaires avaient quitté leur famille saine et sauve, d’autres, en provenance des zones touchées par le séisme, ont également choisi d’assister les blessés, les sans-abri et les personnes vulnérables. Ces âmes courageuses ont entrepris de sauver ou d’assister d’autres personnes dans le besoin. Des centaines de ces volontaires étaient rattachés à de nombreuses organisations. J’ai parlé avec certains d’entre eux, travaillant pour le Croissant-Rouge du Pakistan dans la partie du Cachemire sous administration pakistanaise.

 
   
       
    ©CICR/R. Hamdani      
   
    Tassawar Gardezi, volontaire du Croissant-Rouge du Pakistan, avec des collaborateurs du CICR, distribuant des secours à Rohimkot.      
         

  Après une grande perte, le héros intérieur se révèle  

« Avec le tremblement de terre, des héros intérieurs se sont révélés » dit Kashif Mumtaz, un des nombreux volontaires. Originaire de la ville de Muzaffarabad, il a perdu son père et son frère cadet dans la catastrophe, mais il a décidé d’aider les blessés et les personnes désorientées et de les guider en lieu sûr. « Je n’aurais jamais pensé que je continuerais à aider les autres après avoir perdu deux membres de ma famille directe. J’imagine que dans d es circonstances normales, j’aurais réagi différemment. J’ai décidé de tenter d’éviter que d’autres connaissent le même sort. Peut-être que Dieu voulait que je sauve des vies », ajoute-t-il.

Kashif dit qu’il était difficile de mobiliser des volontaires pour accomplir des actions collectives, par exemple pour préparer des abris lorsqu’il a commencé à pleuvoir, ce soir-là. « La situation était telle que chacun s’occupait de sa propre famille. J’ai essayé de convaincre plusieurs personnes de construire ensemble un abri provisoire où nous pourrions tous passer la nuit au lieu de rester à la belle étoile. Elles m’ont dit de ne pas jouer au chef ». Kashif raconte qu’après le séisme, il a rejoint le Croissant-Rouge du Pakistan comme volontaire et qu’il a travaillé dans des zones reculées. La Société nationale disposait de quelque 300 volontaires à l’œuvre dans les zones touchées par la catastrophe : le Cachemire et la Province de la Frontière du Nord-Ouest.

  Un choix impossible  

Mazhar Kazmi est un autre volontaire du Croissant-Rouge du Pakistan qui, après avoir trouvé sa famille directe saine et sauve, est parti à la recherche d’autres membres de sa famille. « En chemin, une vieille femme m’a demandé de sortir son fils et sa fille de sous les décombres. Je me suis arrêté pour les aider. Pendant que je leur portais secours, mon propre cousin luttait pour survivre sous les ruines de son école. Quand j’ai finalement atteint l’école et que j’ai réussi à le dégager, il est mort dans mes bras », raconte Mazhar, les yeux tournés vers le haut, comme pour empêcher les larmes de ruisseler sur ses joues. « Honnêtement, je n’ai aucun regret. C’était la volonté de Dieu », ajoute-t-il d’une voix calme.

« Nous avons passé des jours et des nuits interminables dans des régions reculées afin de distribuer des secours. Parfois, les chargements prenaient du tem ps pour arriver. Nous avons passé une semaine dans un froid extrême, sous la pluie et la neige, dans une installation de fortune », dit Tassawar Gardezi, volontaire du Croissant-Rouge du Pakistan depuis 2000 et instructeur principal en premiers secours.

Tassawar dit que le travail était gratifiant mais que, par ailleurs, il éprouvait des regrets en repensant à certaines situations car il se reprochait de ne pas en avoir assez fait. « À Garhi Dopatta, j’ai essayé de dissuader six enseignantes de continuer leur route, mais elles ne m’ont pas écouté. Elles sont toutes décédées dans un glissement de terrain. » Tassawar dit qu’il a tout essayé pour les raisonner, en vain.

Combien de ces volontaires ont perdu des membres de leur propre famille pendant qu’ils s’arrêtaient pour aider d’autres personnes ? Combien ne se sont interrompus que le temps nécessaire pour creuser les tombes de leurs proches, avant de recommencer à aider d’autres personnes en détresse ? Combien d’entre eux ont, dans leur détermination à aider, plusieurs fois risqué une mort imminente? Combien demeurent hantés par les images de personnes mourant sous leurs yeux ? Personne ne le sait, mais ces héros méconnus continuent leur travail avec beaucoup de passion et de conviction, quel qu’en soit le prix.

  Légende  

Tassawar Gardezi, volontaire du Croissant-Rouge du Pakistan, avec des collaborateurs du CICR, distribuant des secours à Rohimkot.