Tunisie : à l'écoute des détenus touchés par les émeutes dans les prisons

18-02-2011 Interview

Il y a un mois, juste après le départ de l'ex-président Ben Ali, plusieurs émeutes éclataient dans les prisons tunisiennes. Jean-Michel Monod, chef de la délégation du CICR à Tunis, fait le point sur les visites aux détenus, évoquant aussi les récents départs de migrants vers l'Italie.

     
     
   
    Jean-Michel Monod      

          Depuis la reprise des visites du CICR aux détenus le 31 janvier dernier, avez-vous pu voir toutes les personnes arrêtées en lien avec les récents événements ?

Selon les termes de l'accord signé en 2005 avec les autorités tunisiennes, nous avons accès à toutes les personnes arrêtées et détenues en Tunisie, quelle que soit l'autorité détentrice. Pour le moment, nous avons pu nous entretenir avec des personnes qui ont été arrêtées en raison de leur participation aux pillages et aux violences, ainsi qu'avec d'anciens détenus. Nous aurons très bientôt accès à d'autres personnes arrêtées pour d'autres motifs liés aux récents événements.

  Quelles ont été les conséquences des émeutes dans les prisons tunisiennes mi-janvier ? Qu'avez-vous pu faire et prévoyez-vous une assistance ?  

     Selon les chiffres officiels communiqués par les autorités, 74 détenus sont morts et des dizaines de personnes ont été blessées. Quelques gardiens de prison ont également été blessés et il y aurait eu deux morts parmi eux. Certains lieux de détention ont été gravement endommagés. Parmi les milliers de détenus qui sont sortis de prison, beaucoup ont profité de l'ouverture des portes décidée par les autorités pour éviter un surcroît de violence. Leur nombre s'élèverait à 11 000, dont 3 500 environ seraient retournés en prison, selon les chiffres officiels.

Beaucoup de détenus, mais aussi des gardiens et des directeurs d'établissements, ont vécu des moments très difficiles pendant ces émeutes. Nous prenons donc le temps de les écouter. Il est en effet urgent d'améliorer la communication entre les uns et les autres.

Le CICR visite systématiquement tous les détenus dans toutes les prisons, en commençant par les plus touchées par la violence. Il discute de la situation qu'il a observée dans chaque établissement avec les autorités concernées du ministère de la Justice. Des solutions sont trouvées lorsqu'elles s'avèrent nécessaires.

Les autorités ont les moyens de subvenir aux besoins immédiats. Quant aux dégâts dans les prisons, ils sont en cours d'évaluation. Nous sommes disposés à aider les autorités à y faire face et no us en discuterons prochainement.

  En dehors de son travail en faveur des détenus, quelles sont les priorités du CICR dans le contexte actuel en Tunisie ?  

     Il y aura à terme un travail de formation à effectuer avec les autorités pénitentiaires et avec les forces de sécurité. Le CICR va aussi devoir renforcer son dialogue avec une société civile tunisienne en voie d'émancipation et dynamiser sa coopération avec le Croissant-Rouge tunisien.

  Quel regard portez-vous sur les départs de migrants tunisiens vers l'Italie?  

     Le changement de régime en Tunisie ne va pas créer des emplois du jour au lendemain, donc la pression sur les personnes sans emploi reste réelle. Et si une partie des forces de sécurité ou des gardes-côtes n'est pas à son poste, cela ne peut que favoriser le mouvement migratoire.

Les migrants quittant la Tunisie pourraient avoir besoin de rétablir le contact avec leur famille dans le pays. Nous sommes prêts à appuyer le Croissant-Rouge tunisien dans ce domaine.