En finir avec l'héritage de la contamination par les armes au Cambodge

27-06-2008 Interview

Mom Phireak est le coordonnateur du programme de formation à la réduction des risques dus aux mines réalisé par la Croix-Rouge cambodgienne à Phnom Penh. En 2005, à l'initiative de Mom, la Société nationale a lancé un projet de microcrédit innovant pour faciliter l'intégration économique des personnes vulnérables qui ont survécu aux mines terrestres et autres restes explosifs de guerre, ainsi que de leur famille. Mom présente le projet et ses résultats à Claudia McGoldrick.

     

© Croix-Rouge cambodgienne / V-P-KH-E-00187      
   
Le projet de microcrédit de la Croix-Rouge cambodgienne a aidé cette victime d'un accident dû à une mine à ouvrir un atelier de couture.       
         

  En finir avec l'héritage de la contamination par les armes au Cambodge  

     

Mom Phireak est le coordonnateur du programme de formation à la réduction des risques dus aux mines réalisé par la Croix-Rouge cambodgienne à Phnom Penh. En 2005, à l'initiative de Mom, la Société nationale a lancé un projet de microcrédit innovant pour faciliter l'intégration économique des personnes vulnérables qui ont survécu aux mines terrestres et autres restes explosifs de guerre, ainsi que de leur famille. Mom présente le projet et ses résultats à Claudia McGoldrick.

  Q'est-ce qui a décidé la Croix-Rouge cambodgienne à réaliser un projet de microcrédit en faveur des victimes ou des victimes potentielles de mines et autres restes explosifs de guerre ?  

     

Des efforts considérables ont été déployés ces quelque dix dernières années pour lutter contre le problème des mines et des restes explosifs de guerre au Cambodge. L'action de la Croix-Rouge cambodgienne dans ce domaine était essentiellement axée sur des méthodes plus traditionnelles de formation à la réduction des risques dus aux mines et de prévention contre le danger qu'elles représentent. Les enfants assistaient à des séances de prévention à l'école, tandis que des cours du soir étaient dispensés aux adultes.

Il est apparu clairement que les activités de formation et de prévention ne suffisaient pas pour éviter les accidents provoqués par des mines et autres restes explosifs de guerre. La grande majorité des victimes de ces engins ont été accidentées, alors qu'elles exerçaient des activités risquées comme la collecte de ferraille ou l'agriculture dans des zones infestées. Elles étaient en fait contraintes de prendre des risques pour gagner leur vie et subvenir à leurs besoins essentiels. En 2004, par exemple, la hausse du prix de la ferraille s'est traduite par une nette augmentation du nombre de victimes de mines et autres restes explosifs de guerre.

J'ai e u la chance de participer à diverses réunions sur l'action antimines, organisées chaque année par le CICR, durant lesquelles des représentants de Sociétés nationales d'autres pays concernés par le problème des mines ont échangé leurs données d'expérience quant à la manière de changer les comportements dans les communautés. Les discussions ont clairement montré que la seule solution consistait à offrir d'autres sources de revenus aux victimes – et aux victimes potentielles –, afin d'éviter qu'elles ne s'engagent dans des activités risquées. C'est de là qu'est venue l'idée de mettre en œuvre un projet de microcrédit en faveur des victimes de mines et autres restes explosifs de guerre au Cambodge.

Avec le soutien financier de la Croix-Rouge allemande et, depuis juillet 2007, de la Croix-Rouge australienne, le projet s'est considérablement développé et compte aujourd'hui plus de 400 bénéficiaires directs, alors qu'ils n'étaient que 18 au début du projet en 2005. Environ un tiers d'entre eux sont des victimes de mines, les autres étant des victimes dites « potentielles », que nous espérons pouvoir protéger contre le danger de ces engins. Toutefois, si l'on inclut les familles des 400 bénéficiaires, ces microcrédits sont profitables à quelque 2 000 personnes. D'ici fin 2008, nous prévoyons que le nombre de bénéficiaires directs s'élèvera à environ 560.

 

   
© Croix-Rouge cambodgienne / V-P-KH-E-00190      
   
Cet homme victime de l'explosion de restes explosifs de guerre a utilisé le prêt modeste qui lui a été accordé pour se lancer dans l'élevage de porcs.      
         

  Comment le projet fonctionne-t-il ?  

     

Dans les régions du pays les plus infestées de mines et autres restes explosifs de guerre, en particulier dans les six provinces qui longent la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, les communautés recensent elles-mêmes les victimes de mines et autres restes explosifs de guerre les plus vulnérables, ainsi que les victimes potentielles. Les volontaires de la Croix-Rouge s'entretiennent ensuite avec les candidats pour évaluer en substance leur motivation et leurs compétences. S'il y a lieu, ils les aident à remplir les formalités administratives requises (plan d'entreprise, demande de prêt, contrat, etc.).

Les prêts s'élèvent au maximum à 200 dollars US et peuvent être investis dans divers projets générateurs de revenus tels que des petites exploitations agricoles, l'élevage de bétail (porcs, vaches ou volaille), des épiceries ou des petits restaurants. Il s'agit de microcrédits sans intérêt et renouvelables, qui doivent être remboursés en espèces dans un délai de 12 mois. Une fois remboursé, le montant du prêt est immédiatement réinvesti dans le projet d'un autre bénéficiaire. De cette façon, les prêts sont ren ouvelés et le système prend de l'extension. 

     

  Le projet est-il concluant ?  

     

En 2004, avant que le projet de microcrédit ne débute, près de 900 personnes par an étaient tuées ou blessées par des mines ou des restes explosifs de guerre au Cambodge. De 2006 à 2008, le nombre d'accidents a chuté : on en a dénombré entre 350 et 450 par an. L'évolution de cet indicateur montre en soi un net progrès.

Bien entendu, notre projet n'est qu'un facteur déterminant parmi beaucoup d'autres. Par exemple, le gouvernement a adopté une politique qui interdit l'achat de ferraille. En outre, le redressement de l'économie dans son ensemble rend la collecte de ferraille moins attrayante et moins utile. Le déminage a lui aussi contribué à améliorer la situation.

     
© Croix-Rouge cambodgienne / V-P-KH-E-00189      
   
Les bénéficiaires du projet de microcrédit reçoivent l'aide dont ils ont besoin pour remplir les formalités administratives requises pour leur candidature (plan d'entreprise, demande de prêt, contrat, etc.).      
         

  Outre ce projet de microcrédit, la Croix-Rouge cambodgienne réalise-t-elle d'autres activités pour lutter contre le problème des mines et autres restes explosifs de guerre dans le pays ?  

     

Grâce à son vaste réseau de volontaires, la Croix-Rouge cambodgienne est chargée de collecter la plupart des données relatives aux accidents provoqués par des mines dans le pays. Elle permet ainsi aux organisations engagées dans l'action antimines de planifier le déminage et leurs activités connexes, et d'établir des priorités. Nous réalisons également des activités plus traditionnelles de prévention contre le danger des mines et de formation dans ce domaine, en particulier au sein des communautés de migrants qui sont constamment en mouvement et pour lesquels le programme de microcrédit serait inapproprié. La formation aux premiers secours dans les communautés figure également parmi ses principales activités, tout comme le recensement des victimes qui n'ont pas encore reçu de prothèses et leur transfert vers des centres d'appareillage du CICR.

  Le CICR contribue-t-il à soutenir les activités de la Croix-Rouge cambodgienne ?  

     

Au sein du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le CICR joue le rôle directeur pour les activités relatives à la contamination par les armes, autrefois regroupées sous l'appellation « action antimines ». À c e titre, il a pour mandat d'aider les Sociétés nationales comme la nôtre à planifier et à mettre en œuvre leurs activités. Le CICR nous apporte un soutien technique, nous conseille pour l'élaboration de nos politiques et la planification de nos activités, et nous aide à définir des stratégies. En outre, il coordonne l'action de la Croix-Rouge cambodgienne et d'autres Sociétés nationales, notamment pour nous aider à mobiliser les fonds nécessaires à nos projets, et nous permet d'échanger des données d'expérience et des bonnes pratiques.