Assistance humanitaire : pour un droit à l’accès aux victimes des catastrophes naturelles

31-12-1998 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, No. 832, de Rohan J. Hardcastle, Adrian T. L. Chua

Rohan J. Hardcastle et Adrian T.L. Chua sont membres de la faculté de droit de la Western Australia University, Perth (Australie).

Si l’on en croit les estimations récentes, plus de deux millions de personnes ont sans doute succombé à la famine qui a ravagé la Corée du Nord en 1997 et 1998 [1]. En 1997, les Nations Unies ont estimé que 4,7 millions de Nord-Coréens risquaient de mourir de faim [2] La communauté internationale s’est engagée à fournir une aide alimentaire pour faire face à la situation. La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a lancé un appel de fonds élargi en juin 1997. En janvier 1998, le Programme alimentaire mondial (PAM) a lancé le plus grand appel de son histoire, avec pour objectif de recueillir 380 millions de dollars en aide alimentaire, soit pratiquement le double du montant sollicité pour 1997 [3]. Pourtant, la communauté internationale s’est heurtée à une résistance lorsqu’elle a voulu aider les Nord-Coréens atteints de malnutrition et menacés par la famine.

D’autres gouvernements, qui n’étaient pas capables d’aider les victimes sur leur propre territoire, se sont également montrés peu disposés à accepter rapidement l’aide humanitaire offerte par l’étranger. En Iran, lorsqu’un violent tremblement de terre a dévasté la province de Gilan en 1990, faisant plus de 50 000 morts et détruisant des villages entiers [4], le gouvernement a tardé à demander l’aide de la communauté internationale. Il a préféré appeler la population iranienne à « surmonter cette épreuve avec fierté, grâce à la patience, l’effort et la coopération » [5] (traduction CICR). Il a interdit l’atterrissage d’avions de secours venus directement de l’étranger et, dans un premier temps, a demandé que le personnel humanitaire n’intervienne pas. Même si, par la suite, l’Iran a fini par demander l’assistance de la communauté internationale, bon nombre des blessés sont morts à cause de ce retard, alors qu’ils auraient pu être sauvés. [6]

Six jours après le tremblement de terre qui a fait 4 500 victimes en Afghanistan [7], en février 1998, des informations ont signalé qu’à Ghanj, le village le plus touché, les victimes n’avaient pas reçu d’aide internationale et risquaient de mourir de faim [8]. Le mauvais temps était en partie responsable de ce retard, mais l’arrivée des secours était aussi entravée par les milices intégristes taliban, qui contrôlaient plusieurs accès à la région sinistrée, ainsi que par les réglementations imposées par les troupes russes à la frontière avec le Tadjikistan voisin. [9]

Ironie du sort, ces événements récents ont eu lieu à la fin de la Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles [10], qui a vu ce type de catastrophes devenir de plus en plus fréquentes et graves [11]. Ces tragédies ont soulevé des questions fondamentales quant au caractère approprié du régime international qui régit actuellement la fourniture de l’assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles. Il n’existe aujourd’hui aucun traité multilatéral équivalent aux Conventions de Genève de 1949 applicables aux victimes des conflits armés [12], qui garantisse aux victimes de catastrophes naturelles le droit de bénéficier de l’aide humanitaire. Alors que la Décennie internationale est sur le point de s’achever, il est opportun de reconsidérer le statut de l’aide humanitaire dans les situations de catastrophes naturelles et de l’assimiler à un droit fondamental de la personne humaine.

Le présent document commence par définir le concept d’aide humanitaire à la lumière de la pratique des organisations internationales telles que les composantes du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Il étudie les critères relatifs à l’élaboration de nouveaux droits de l’homme, et examine si le droit à l’aide humanitaire existe en tant que principe du droit international coutumier. Le flou qui entoure l’existence et le contenu de ce droit dans la coutume a amené les États et les organisations internationales à différer la fourniture de leur aide à une époque où la multiplication des catastrophes naturelles exige une action décisive. Le régime international actuel étant insuffisant, les auteurs de ce document recommandent qu’un accord international soit adopté à cet égard. Les principes régissant les secours internationaux en cas de catastrophe qui sont examinés ci-après sont résumés en annexe.

I. L’aide humanitaire et la pratique du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

L’expression « aide humanitaire » a été utilisée pour désigner une vaste gamme d’initiatives internationales, y compris les opérations d’aide aux victimes d’un conflit ou les interventions armées pour rétablir la démocratie [13]. Dans le présent document, elle désignera uniquement la fourniture des produits de base et du matériel nécessaires pendant les opérations de secours consécutives à une catastrophe naturelle. On entend par catastrophes naturelles les épidémies, famines, tremblements de terre, inondations tornades, typhons, cyclones, avalanches, ouragans, éruptions volcaniques, sécheresses, et incendies. L’aide apportée dans ces situations consiste habituellement en vivres, vêtements, médicaments, abris et équipement pour les hôpitaux. [14]

Dans le contexte des conflits armés, la Cour internationale de Justice a défini l’assistance humanitaire permise comme « la fourniture de denrées alimentaires, de vêtements, de médicaments et toute autre aide humanitaire », en précisant qu’elle « exclut la fourniture d’armes, de systèmes d’armes, de munitions ou autres équipements, véhicules ou matériel susceptibles d’être utilisés pour infliger des blessures graves ou causer la mort de personnes ». [15]

Il convient de distinguer l’aide humanitaire de l’aide fournie par un pays étranger ; elle s’en différencie par son caractère d’urgence et le fait qu’elle sert à secourir les victimes de catastrophes naturelles.

L’action de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge constitue peut-être le meilleur exemple de l’assistance humanitaire apportée aux victimes de catastrophes naturelles. Aux termes de l’article 5 de l’Accord sur l’organisation des activités internationales des composantes du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge [16], c’est la Fédération qui exercera la fonction d’institution directrice en ce qui concerne les opérations internationales en cas de catastrophes naturelles survenant en temps de paix, tandis que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) exercera la fonction d’institution directrice dans les situations de conflit armé, qui peuvent être concomitants de catastrophes naturelles. L’aide coordonnée par la Fédération ou par le CICR est fournie par le biais des Sociétés nationales. Deux tragédies récentes illustrent l’efficacité et l’ampleur des mesures prises par la Croix-Rouge à la suite d’une catastrophe naturelle.

Dans les deux semaines suivant le tremblement de terre qui a ravagé l’Afghanistan en février 1998, le CICR a fourni, malgré nombre de difficultés initiales, des secours alimentaires et non alimentaires à 16 des 27 villages touchés [17]. Du fait que cette catastrophe naturelle survenait dans une situation de conflit où le CICR était déjà à l’œuvre, ses délégués ont dirigé les opérations. Le CICR, qui intervenait donc en tant qu’institution directrice pour le Mouvement international dela Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, a ainsi fourni des vivres, des couvertures, des tentes, des bâches de plastique, des réchauds et du charbon. En raison du temps particulièrement effroyable, la seule manière de faire parvenir rapidement et efficacement les secours aux survivants étaient les largages ou l’acheminement par hélicoptère [18]. Malgré l’immensité de la tâche, au début du mois de mars 1998, tous les blessés victimes du tremblement de terre avaient déjà bénéficié d’un traitement chirurgical d’urgence, et même les villages les plus reculés avaient reçu des secours de première nécessité. [19]

De même, la Croix-Rouge a fourni rapidement des secours aux victimes du tremblement de terre survenu en Chine en janvier 1998. À la suite d’un appel lancé le 13 janvier, la Fédération a été exceptionnellement autorisée par le gouvernement chinois à se rendre dans la région sinistrée, ce qui lui a permis de mettre sur pied un vaste plan d’action [20]. C’est ainsi que, malgré le mauvais temps hivernal, la Croix-Rouge chinoise a pu distribuer des vivres, des couvertures et des abris pour répondre aux besoins les plus urgents des victimes [21]. Il est à noter que la capacité d’intervention de la Croix-Rouge face à ce tremblement de terre a été renforcée par le fait que le gouvernement chinois avait accepté de solliciter l’aide des organisations non gouvernementales.

II. Le droit à l’aide humanitaire dans le droit international

Il est difficile de déterminer si les victimes des catastrophes naturelles ont le droit de bénéficier de l’aide humanitaire en vertu du droit international, car cela soulève des questions fondamentales liées à l’évolution des droits internationaux de la personne humaine. Ces dernières années, les organes des Nations Unies et d’autres organisations internationales ont manifesté une certaine tendance à proclamer de nouveaux « droits de l’homme » sans examiner suffisamment leurs avantages, leur portée ou leurs chances d’être respectés. Il est admis de longue date que pour rester pertinent, le concept des droits de l’homme doit répondre aux besoins et aux points de vue changeants des individus et de la communauté internationale [22]. Malgré cela, la nécessité d’aller de l’avant doit être mise en balance avec celle, tout aussi importante, de préserver l’intégrité et la crédibilité des droits de l’homme comme « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations » [23]. Il appartient donc à ceux qui proposent de nouveaux droits de justifier que ceux-ci méritent le « statut très prisé de droit de l’homme » (traduction CICR) [24]. C’est là une tâche ardue, car cinquante ans après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, on continue de débattre des critères à adopter pour déterminer quels droits revendiqués ont atteint le statut de droit de l’homme universellement reconnu. Cette question dépasse cependant le cadre du présent document.

Aux fins de notre débat, nous considérerons qu’un droit a atteint le statut de droit de l’homme universellement reconnu s’il est conforme au processus d’élaboration des règles du droit international. Selon les sources traditionnelles du droit international, précisées dans l’article 38 du Statut de la Cour internationale de Justice, les règles de droit international découlent principalement des traités, de la coutume internationale et des principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées. À l’heure actuelle, il n’existe aucun traité multilatéral qui fixe le droit des victimes de catastrophes naturelles à recevoir une aide humanitaire. Dans la mesure où la Cour internationale de Justice n’a jamais fait expressément référence aux principes généraux du droit, ceux-ci ne constituent pas une base incontestable pour instaurer de nouveaux droits de l’homme. Ainsi, à moins d’être incorporé dans des traités, le droit à l’aide humanitaire découle plus vraisemblablement de la coutume internationale.

L’aide humanitaire en tant que règle du droit coutumier international

La question de savoir si les victimes des catastrophes naturelles ont le droit de bénéficier de l’aide humanitaire en vertu du droit coutumier international n’est pas nouvelle. On a proposé que ce droit à l’aide humanitaire soit inclus dans les droits de l’homme, sous le concept de « troisième génération des droits découlant de la solidarité » (traduction CICR) [25], conjointement avec le droit au développement, le droit à la paix, et le droit de jouir de l’héritage commun de l’humanité. De même, le Code de conduite pour le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et pour les ONG lors des opérations de secours en cas de catastrophe stipule : « Le droit de recevoir et d’offrir une assistance humanitaire est un principe humanitaire fondamental dont devraient bénéficier tous les citoyens de tous les pays. » [26] Il n’en reste pas moins que l’on n’a guère cherché à analyser si ce droit proposé satisfaisait aux exigences de la coutume internationale. Selon la doctrine traditionnelle du droit coutumier international, un droit ne devient contraignant pour un État que s’il existe une pratique des États étendue et uniforme, « manifestée de manière à établir une reconnaissance générale du fait qu’une règle de droit ou une obligation juridique est en jeu ». [27]

La pratique de la communauté internationale en matière d’assistance humanitaire

En 1984, le Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les secours en cas de catastrophe (UNDRO) a tenté d’élaborer une convention sur l’acheminement des secours d’urgence [28]. Le préambule du projet de cette convention souligne que « la communauté internationale n’a pas hésité à apporter son aide à l’occasion des diverses catastrophes qui se sont produites et qu’elle continue de le faire dans tous les cas où c’est nécessaire. » [29] Cette aide a été fournie par divers États et organisations internationales, aussi bien intergouvernementales que non gouvernementales. Bien que l’on considère généralement que le droit international coutumier découle de la pratique des États, on observe l’apparition d’un « concept plus moderne du droit coutumier international », qui reconnaît que des acteurs qui ne sont pas des États, comme les organisations internationales et « certaines organisations non gouvernementales ayant une incidence particulière et mesurable sur les affaires internationales », ont eux aussi « la capacité de créer une coutume » (traductions CICR). [30]

Les organisations internationales

Il s’agit notamment des Nations Unies, qui coordonnent des opérations de secours à grande échelle. L’UNDRO a été crée en 1971, afin de servir de centre nerveux, au sein du système de l’ONU, pour toutes les questions relatives aux catastrophes. En outre, une multitude d’autres organismes spécialisés des Nations Unies s’occupent également de secours d’urgence en cas de catastrophe naturelle. En 1995, le Département des affaires humanitaires a fourni des secours à 55 États membres à la suite d’une catastrophe naturelle [31]. En particulier, le PAM a assuré une importante aide alimentaire d’urgence. Il joue un rôle non négligeable dans les opérations de secours en cas de catastrophe, en fournissant des denrées alimentaires de base et en s’efforçant d’« établir, à l’échelle mondiale, des procédures appropriées et méthodiques pour faire face à des besoins alimentaires d’urgence » [32]. À la suite du tremblement de terre de 1998 en Afghanistan, le PAM a fourni 1 215 tonnes de farine de blé, 55 tonnes d’huile et 55 tonnes de sucre [33]. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a, elle aussi, aidé activement les pays confrontés à une catastrophe naturelle, comme le montre le rôle considérable qu’elle a joué à la suite du tremblement de terre de 1998 en Afghanistan [34]. De récentes réformes entreprises par les Nations Unies, telles que le remplacement du Département des affaires humanitaires par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), ont pour objectif de renforcer le rôle des Nations Unies dans les opérations de secours en permettant des interventions plus rapides en cas de catastrophe. [35]

Les organisations intergouvernementales

Diverses organisations intergouvernementales sont également engagées dans l’aide humanitaire. Il s’agit notamment de l’Union européenne (UE), de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) et de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). Parmi ces organisations, l’Union européenne a joué un rôle particulièrement important, par le biais de l’Office humanitaire de la Communauté européenne (ECHO), créé en 1992. La Commission européenne a par exemple alloué deux millions d’ECU aux programmes menés par les organisations humanitaires en faveur des victimes du tremblement de terre de février 1998 en Afghanistan. [36]

Les organisations non gouvernementales sur le plan international

Il est communément reconnu que les organisations non gouvernementales sont un outil essentiel de l’aide humanitaire d’urgence [37]. On ne peut les évoquer sans citer la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, et plus particulièrement la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui apporte une aide aussi considérable qu’efficace dans les situations de catastrophes naturelles [38]. En 1995, la XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a adopté deux instruments qui fixent des lignes directrices pour les opérations de secours : il s’agit du Code de conduite pour le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et pour les ONG lors des opérations de secours en cas de catastrophe [39], et des Principes et règles de secours Croix-Rouge et Croissant-Rouge lors de catastrophes[40]. Fondés sur des dispositions de résolutions plus anciennes ainsi que sur la vaste expérience acquise, ces deux textes définissent le rôle de chacune des composantes du Mouvement et fixent les conditions d’une coordination efficace de l’assistance aux victimes de catastrophes.

Les Principes et règles de secours Croix-Rouge et Croissant-Rouge lors de catastrophes, tels qu’amendés par la XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, disposent que la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge ont « un devoir fondamental de secourir toutes les victimes des catastrophes » [41]. De même, le Code de conduite stipule que « membres de la communauté internationale, [la Croix-Rouge et les ONG adhérant au Code reconnaissent] l’obligation qui [leur] incombe d’apporter une assistance humanitaire partout où le besoin s’en fait sentir » [42]. Le Code vise à préserver l’indépendance etl’efficacité de toutes les composantes du Mouvement lors de leurs interventions à la suite d’une catastrophe [43].

On se doit d’évoquer ensuite Médecins sans frontières (MSF), reconnue comme la plus grande organisation d’assistance médicale du monde [44]. Lorsque survient une catastrophe naturelle, MSF dépêche sur place des équipes médicales, ainsi que du matériel et des fournitures [45]. Par exemple, à la suite du tremblement de terre de février 1998 en Afghanistan, cette organisation a immédiatement assuré une assistance médicale et procédé à des interventions chirurgicales d’urgence. [46]

Les États

Le droit des victimes de catastrophes naturelles à bénéficier d’une assistance est également soutenu par la législation nationale dans de nombreux pays qui ont rendu obligatoire de leur venir en aide [47]. Il existe en outre un certain nombre d’accords régionaux et sous-régionaux relatifs à la coordination des secours en cas de catastrophe naturelle [48]. À l’instar des organisations non gouvernementales internationales, des États ont fourni rapidement une assistance humanitaire aux victimes de catastrophes survenues récemment. Par exemple, les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, le Danemark, la France, l’Allemagne, le Japon et les Pays-Bas se sont engagés à allouer des sommes importantes pour venir en aide aux victimes du tremblement de terre de 1998 en Chine [49]. De même, le gouvernement américain a promis d’accorder en 1998 une aide alimentaire pour une valeur de 75 millions de dollars supplémentaires à la Corée du Nord. [50]

Le problème posé par le droit international coutumier

Le fait que les États soient disposés à fournir une assistance n’implique pas pour autant que le droit international reconnaisse aux victimes de catastrophes naturelles le droit de recevoir une aide humanitaire. Dans les Affaires du plateau continental de la mer du Nord, la Cour internationale de Justice a estimé que la fréquence ou même le caractère habituel d’actes donnés ne suffisait pas en soi pour qu’une règle devienne un principe du droit international coutumier. Pour qu’un tel droit existe il faut que la fourniture de l’aide humanitaire exprime la conviction que cette pratique est rendue obligatoire par l’existence d’une règle de droit ou qu’un droit de l’homme l’exige [51]. Même si l’on peut arguer que l’opinio juris requise peut découler d’un certain nombre de droits de l’homme élémentaires —tels que les droits à la vie [52], à une nourriture [53], à des vêtements [54] et à un logement [55] suffisants —, cet argument n’est pas irréfutable.

Qui plus est, même lorsque l’opinio juris requise existe, la portée et le contenu du droit à l’assistance humanitaire dans le droit international coutumier demeurent flous. Par exemple, les États voisins sont-ils tenus d’apporter leur aide ou est-ce qu’il incombe avant tout à chaque État de fournir une assistance humanitaire à ses citoyens ? Quels sont le rôle et les droits des organisations internationales en cas de catastrophe naturelle ? Les États qui ne sont pas capables de fournir eux-mêmes des secours adéquats sont-ils tenus d’accepter l’assistance des organisations internationales ? L’incertitude suscitée par ces questions, à un moment où les catastrophes naturelles sont de plus en plus fréquentes et graves [56], a conduit les États et les organisations internationales à différer leur aide, alors que des secours d’urgence [57] étaient justement nécessaires.

Une telle situation est intolérable. Il est manifeste que le fait que certains gouvernements ne fournissent pas des secours ou ne sollicitent pas rapidement une aide extérieure s’est traduit par des souffrances humaines à grande échelle. Un accord international, sous forme de convention multilatérale, est donc nécessaire pour assurer une meilleure protection aux victimes de catastrophes naturelles. Un tel accord aiderait la communauté internationale à acheminer les secours et contribuerait également à promouvoir ce genre d’activités. L’intérêt d’une telle convention a déjà été reconnu dans le document intitulé Rapport final : un ordre du jour pour la Croix-Rouge. Réévaluation du rôle de la Croix-Rouge, qui déclare : « Une Convention internationale relative aux secours, sans désavouer la vieille doctrine de la souveraineté nationale ni le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un autre État, pourrait néanmoins donner le jour à un ensemble de normes raisonnables définissant quand et par quels mécanismes administratifs on pourrait attendre d’un État qu’il accepte de recevoir, au bénéfice de ses populations, une aide humanitaire proposée ». [58]

En fait, la possibilité d’un tel accord international a déjà été examinée par un groupe d’étude sur les questions morales et juridiques de l’aide humanitaire, créé en 1994 dans le cadre du programme d’aide humanitaire de la Conférence mondiale des religions pour la paix [59]. Cette étude a débouché sur l’élaboration des Mohonk Criteria for Humanitarian Assistance in Complex Emergencies [60], sur la base desquels le groupe d’étude appelait les États membres des Nations Unies à :

  • reconnaître le droit à l’assistance humanitaire et le devoir de la fournir et ;
  • reconnaître et garantir le droit des organisations humanitaires d’avoir accès aux populations en danger dans les situations d’urgence complexes. [61]

Nous allons maintenant présenter une proposition d’accord.

III. Un accord international

Lignes directrices pour l’élaboration d’instruments de défense des droits de l’homme

Consciente de l’incidence de la prolifération de nouveaux droits de l’homme sur l’intégrité et la crédibilité de l’action traditionnelle des Nations Unies en matière de défense de ces droits, l’Assemblée générale a défini des lignes directrices pour l’élaboration des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. L’article 4 de la résolution adoptée à ce sujet par l’Assemblée générale dispose que tous les projets de nouveaux instruments relatifs aux droits de l’homme doivent :

  1. concorder avec l’ensemble du droit international existant en matière de droits de l’homme ;
  2. revêtir un caractère fondamental, et procéder de la dignité et de la valeur inhérentes à la personne humaine ;
  3. être suffisamment précis pour que les droits et obligations en découlant puissent être définis et mis en pratique ;
  4. être assortis, le cas échéant, de mécanismes d’application réalistes et efficaces, y compris des systèmes d’établissement de rapports ;
  5. susciter un vaste soutien international. » [62]

Dans la suite du présent document, nous prendrons uniquement en considération les trois premiers critères, qui constituent les principaux obstacles à l’adoption d’un accord international sur le droit à l’aide humanitaire. Les propositions formulées au cours de notre débat figurent en annexe. Une fois qu’un accord sur les principaux droits et obligations aura été conclu, il sera possible d’envisager la création de structures institutionnelles efficaces et de systèmes d’établissement de rapports pour les secours en cas de catastrophe.

Le droit à l’aide humanitaire, corollaire indispensable des droits de l’homme fondamentaux

Le droit à l’aide humanitaire n’est pas seulement compatible avec le droit des droits de l’homme existant, il est nécessaire pour donner effet aux droits de l’homme fondamentaux tels que les droits à la vie, à une nourriture suffisante, à des vêtements et à un logement. Ces droits sont solidement établis dans le droit international coutumier, et l’on peut affirmer qu’ils ont atteint le statut de jus cogens [63]. En cas de catastrophe naturelle, c’est avant tout à l’État concerné qu’il incombe d’assurer une assistance et de veiller à ce que ces droits soient respectés [64]. Mais, lorsque l’État en question est incapable de fournir des secours et n’est pas non plus disposé à autoriser rapidement qu’une aide humanitaire extérieure soit apportée aux victimes, il faut, pour que ces droits fondamentaux puissent être assurés, que les victimes aient le droit de recevoir l’aide humanitaire venue de l’extérieur. Ce qui implique à son tour que l’État concerné soit corrélativement tenu de permettre aux acteurs extérieurs d’avoir rapidement accès aux victimes. Ce faisant, les États ne feront que remplir leur obligation de veiller au « respect universel et effectif » [65] du droit le plus fondamental de la personne humaine, à savoir le droit à la vie. Refuser le droit de bénéficier de l’aide humanitaire venue de l’extérieur revient à provoquer des décès en grand nombre, comme l’ont montré les récents événements en Corée du Nord et en Afghanistan, « heurtant la conscience humaine » (traduction CICR) et au mépris des « considérations élémentaires d’humanité ». [66]

La souveraineté nationale, argument des objections au droit à l’assistance humanitaire

La principale objection avancée contre ce que nous venons d’exposer est que le fait de demander aux États d’autoriser des acteurs extérieurs à avoir accès aux victimes est incompatible avec le principe fondamental de la souveraineté nationale reconnu par le droit international. [67]

Le rapport Tansley sur la réévaluation du rôle de la Croix-Rouge fait observer que : « Le droit international actuel, pour une bonne part fondé sur les pratiques traditionnelles, n’oblige en aucune manière un État à accepter une aide d’urgence, même si sa population est soumise aux plus graves dangers. » [68] Même si ce genre d’objections ont pu être convaincantes par le passé, elles sont aujourd’hui anachroniques. Le droit international et les droits de l’homme sont des concepts intrinsèquement dynamiques. Dans son avis consultatif portant sur le territoire du Sud-Ouest africain [69], la Cour internationale de Justice a souligné qu’il était absurde d’appliquer par habitude une règle ancienne sans tenir compte des changements constitutifs fondamentaux intervenus dans le système juridique international. L’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, puis, plus récemment, la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant par un très grand nombre d’États, sont autant de signes qui révèlent un changement d’approche constitutif, consistant à privilégier les droits de l’homme fondamentaux plutôt que la souveraineté nationale. Cette nouvelle approche a été acceptée même par les gouvernements traditionnellement partisans de « la rhétorique de l’étatisme » (traduction CICR) [70]. Les États ne peuvent s’abriter derrière la doctrine juridique selon laquelle la manière dont ils traitent leurs citoyens relève exclusivement de leur compétence [71]. Ainsi que l’a souligné Thomas Pickering, représentant permanent des États-Unis auprès des Nations Unies, « les peuples, et non les gouvernements, sont souverains » [72] (traduction CICR). Les principes tels que la souveraineté nationale doivent donc être réinterprétés à la lumière de ce changement constitutif, afin d’éviter les anachronismes. [73]

Principes directeurs pour l’aide humanitaire

L’article 4 de la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies relative à l’établissement de normes internationales dans le domaine des droits de l’homme [74] exige non seulement que tout droit proposé comme nouveau droit de l’homme soit compatible avec l’ensemble du droit international des droits de l’homme existant, mais aussi qu’il soit défini de manière suffisamment précise pour que les droits et obligations en découlant puissent être déterminés et mis en pratique. Nous consacrons la suite du présent document à la formulation d’une solution pratique permettant d’éviter que le principe de la souveraineté nationale ne soit invoqué pour objecter au droit à l’assistance humanitaire.

1. Proposition pour surmonter les objections fondées sur la souveraineté nationale

Il est utopique d’espérer que les États acceptent une convention multilatérale qui leur demande d’accorder à des États tiers le droit d’avoir accès à leur territoire, même en cas de catastrophe naturelle. La création d’un tel droit empiète sur la souveraineté nationale des États. Il faut cependant trouver le juste milieu entre la nécessité d’aider sans tarder les victimes et la volonté de préserver cette souveraineté. Ce point est souligné dans le Mohonk Criteria, qui affirme « les principes de non-intervention et de souveraineté ne devraient pas être utilisés pour faire obstacle à l’aide humanitaire. L’objectif de l’assistance humanitaire est de sauver des vies et non de défier l’État sur le territoire duquel l’aide doit être fournie » (traduction CICR) [75]. La raison première en est que l’aide humanitaire peut être considérée comme « des efforts de la communauté internationale pour soulager les souffrances humaines » (traduction CICR). [76]

Les objections reposant sur la souveraineté nationale peuvent être évitées en prévoyant que les États soient uniquement tenus d’accorder l’accès à leur territoire à des organisations de secours non gouvernementales. Cela permettrait de prévenir tout sentiment nationaliste et d’empêcher que l’action en faveur des victimes ne soit perçue comme une ingérence de la part d’un autre État. À l’appui d’une telle limitation, on peut d’ailleurs citer la décision de la Cour internationale de Justice dans l’Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci. La Cour a en effet défini l’aide humanitaire en fonction de la pratique d’une des principales organisations humanitaires neutres et non gouvernementales, à savoir la Croix-Rouge : « (...) pour ne pas avoir le caractère d’une intervention condamnable dans les affaires intérieures d’un autre État, non seulement l’« assistance humanitaire » doit se limiter aux fins consacrées par la pratique de la Croix-Rouge, à savoir « prévenir et alléger les souffrances des hommes » et « protéger la vie et la santé [et] faire respecter la personne humaine » ; elle doit aussi, et surtout, être prodiguée sans discrimination à toute personne dans le besoin (...) » [77]

Bien que cette opinion ait été exprimée dans le contexte d’un conflit armé, rien ne s’oppose, en principe, à ce que cette définition soit également appliquée aux catastrophes naturelles. C’est pourquoi le principe 3 énoncé dans l’annexe au présent document prévoit que les États qui ne veulent pas ou ne peuvent pas assurer une aide humanitaire sont tenus d’autoriser sans tarder qu’une aide extérieure soit fournie par des organisations de secours neutres.

2. Registre des organisations non gouvernementales de secours qualifiées

Pour éviter les pertes de vies humaines et les souffrances dans les situations de catastrophes, il est nécessaire que les secours soient fournis sans délai. Afin de limiter les discussions pour savoir quelles organisations sont neutres et non gouvernementales, nous proposons que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) tienne un registre des « organisations qualifiées ». L’OCHA n’inscrirait sur cette liste que les organisations qu’il juge indépendantes de tout contrôle gouvernemental et suffisamment efficaces en matière d’aide humanitaire. Il est probable que seul un petit nombre d’organismes de secours pourront satisfaire à ces critères. Parmi ceux qui peuvent de toute évidence prétendre à être inscrits figurent les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Médecins sans frontières, et les organes des Nations Unies tels que le PAM. Les États touchés par une catastrophe ne seront tenus d’accorder l’accès à leur territoire qu’aux organisations figurant sur la liste, en restant libres de l’accorder également aux organismes et hauts fonctionnaires gouvernementaux étrangers.

3. Coordination et réception de l’aide humanitaire

Le principe 5 énoncé dans l’annexe propose que la coordination globale des secours en cas de catastrophe incombe à l’État qui les reçoit. Le principe 4 exige toutefois que l’aide humanitaire soit régie par les principes établis par la Cour internationale de Justice dans l’affaire du Nicaragua [78], c’est-à-dire qu’elle soit fournie sans aucune discrimination et à la seule fin de prévenir et de soulager les souffrance s humaines.

V. Conclusion

Le régime international qui régit actuellement la fourniture de l’assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles n’est pas acceptable. Bien que l’on puisse affirmer que le droit de bénéficier de l’aide humanitaire existe dans le droit international coutumier, le flou qui entoure les droits et les obligations applicables en cas de catastrophe naturelle a eu pour effet de retarder la fourniture des secours d’urgence. De plus, les gouvernements qui ne sont pas capables de secourir les victimes de catastrophes naturelles se montrent réticents à autoriser rapidement une aide humanitaire extérieure.

Pour tenter de résoudre ce problème croissant, les auteurs du présent document estiment qu’il est nécessaire d’élaborer un accord international, qui codifie et développe les principes relatifs à l’aide humanitaire énoncés dans l’Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci. Si l’on veut garantir que le droit à l’aide humanitaire soit respecté, il faut que des organisations non gouvernementales neutres puissent avoir accès au territoire des États dont le gouvernement n’est pas en mesure de fournir des secours. Il est essentiel de garantir ce droit d’accès, car les catastrophes naturelles surviennent de plus en plus souvent dans des pays en développement, comme la Chine ou la Corée du Nord, qui ne disposent pas des ressources économiques nécessaires pour assurer la survie de leurs citoyens. Le fait de limiter ce droit d’accès aux ONG neutres permet de venir à bout des objections traditionnelles fondées sur le principe de la souveraineté nationale. À partir du moment où les États admettent que leur souveraineté n’est pas nécessairement menacée, on peut supposer que les pressions exercées par la communauté internationale et les ONG [79] les inciteront à devenir parties à une convention sur l’aide humanitaire.

L’accord international proposé ici constitue un premier pas important dans la démarche visant à garantir que les victimes de catastrophes naturelles reçoivent rapidement des secours efficaces. Une fois qu’un accord sur le principe aura été conclu, il sera possible de renforcer et de développer des mesures pratiques pour les secours en cas de catastrophe, visant par exemple à rendre plus appropriées les structures institutionnelles qui fournissent cette aide.

Annexe

Projet
Principes régissant les secours internationaux
dans les situations de catastrophe naturelle

Définitions

Les termes « aide humanitaire » désignent la fourniture des produits et du matériel nécessaires pour prévenir et soulager les souffrances humaines, et n’incluent pas la fourniture d’armes, de systèmes d’armes, de munitions ou d’autres équipements, véhicules ou matériel susceptibles d’être utilisés pour blesser ou tuer des personnes.

Les termes « catastrophe naturelle » s’appliquent aux épidémies, famines, tremblements de terre, inondations, tornades, typhons, cyclones, avalanches, ouragans, éruptions volcaniques, sécheresses, incendies et autres désastres non provoqués par l’homme qui entraînent la mort, des souffrances humaines et des dégâts matériels.

Les termes « organisation qualifiée » désignent toute organisation satisfaisant aux critères définis à l’article 2.

Les termes « État receveur » désignent l’État sur le territoire duquel est survenue une catastrophe naturelle et où les victimes ont besoin de recevoir une aide humanitaire.

1. Droit des victimes à recevoir une aide humanitaire

Toute personne a le droit de demander l’aide humanitaire nécessaire pour préserver la vie et la dignité humaines dans une situation de catastrophe naturelle, et de la recevoir des organisations gouvernementales ou des organisations qualifiées.

2. Organisations qualifiées

Une organisation qualifiée est une organisation non gouvernementale qui :

  1. n’est pas alignée sur, ni liée à aucun gouvernement ;
  2. possède une expérience démontrée en matière d’aide humanitaire efficace ; et
  3. figure sur la liste du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies en qualité d’organisation humanitaire dispensant des secours en cas de catastrophe.

3. Obligations de l’État receveur

  1. La responsabilité de protéger la population civile en cas de catastrophe naturelle incombe avant tout à l’État receveur.
  2. Lorsque les victimes dans l’État receveur ne reçoivent pas l’aide humanitaire nécessaire pour préserver la vie et la dignité humaines en cas de catastrophe naturelle, l’État receveur est tenu d’autoriser les organisations qualifiées à fournir cette aide.
  3. Les principes de non-ingérence et de souveraineté nationale ne doivent pas être invoqués pour faire obstacle à l’aide humanitaire.

4. Principes régissant l’aide humanitaire fournie par les organisations qualifiées

  1. L’aide humanitaire a pour seul objet de prévenir et de soulager les souffrances humaines, de protéger la vie et de garantir le respect de la personne humaine.
  2. L’aide humanitaire devra être fournie à tous ceux qui en ont besoin, sans aucune distinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, de naissance ou d’autre situation.
  3. L’aide humanitaire devra être fournie de manière prioritaire dans les cas de détresse les plus urgents.
  4. L’aide humanitaire ne pourra être utilisée pour servir une quelconque position politique ou religieuse.
  5. L’aide humanitaire devra, chaque fois que cela est possible, respecter la culture, la structure et les coutumes des communautés et des pays.
  6. Des mécanismes d’établissement de rapports devront être mis en place pour garantir un contrôle approprié des distributions de secours ainsi que des évaluations régulières du programme d’assistance.
  7. L’aide humanitaire devra être gratuite, à moins qu’il n’en soit convenu autrement entre l’organisation qualifiée qui fournit l’aide et l’État qui la reçoit.

5. Principes régissant la réception de l’aide humanitaire

  1. L’État receveur conserve le contrôle de la coordination générale des secours en cas de catastrophe. Il devra toutefois coordonner ces secours en tenant compte des conseils de l’organisation qualifiée qui fournit l’aide.
  2. L’État receveur utilisera l’aide humanitaire fournie par l’organisation qualifiée pour prévenir et soulager les souffrances humaines, protéger la vie, et garantir le respect de la personne humaine.
  3. L’État receveur fera en sorte que l’organisation qualifiée ait rapidement accès aux victimes de la catastrophe naturelle, en accélérant l’octroi des visas d’entrée dans le pays.
  4. L’État receveur autorisera l’organisation qualifiée à se rendre sans aucune restriction dans les régions touchées par la catastrophe, afin d’y apporter des secours humanitaires.
  5. L’État receveur veillera à ce que les biens et l’équipement apportés sur son territoire aux fins de l’aide humanitaire puissent circuler sans aucune restriction et ne soient pas soumis aux réglementations concernant l’importation et l’exportation.
  6. Les biens ou les fonds restant après la fourniture de l’aide humanitaire seront utilisés par l’État receveur pour des programmes de réhabilitation ultérieurs ou pour tout autre but convenu entre l’organisation qualifiée et l’État receveur.

Notes:

Original : anglais

1. R. Mc Gregor, « Hidden holocaust », The Australian, 21 février 1998.

2. « Koreans agree on food aid to the North », The Washington Post, 27 mai 1997.

3. « North Korea offers dialogue in rare ouverture », The Washington Post, 20 février 1998, p. 1.

4. « When the world shook », The Economist, 30 juin 1990, p. 45.

5. « The politics of humanitarianism », Time, 9 juillet 1990, p. 36.

6. « Death in the afternoon : Iran’s earthquake », The Economist, 8 mars 1997.

7. United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, « UN, ICRC seek $ 2.5 million for Afghan air drop », Reuters, 12 février 1998.

8. « Desperate Afghan quake victims await help », Reuters, 10 février 1998.

9. Ibid., voir également « Politics of the Afghan earthquake », The Economist, 14 mars 1998, p. 30.

10. AG ONU, résolution 44/236, 22 décembre 1989.

11. Agenda pour le développement, doc. ONU/A/AC.250, 1996, par. 157. Par exemple, le Service de l’atténuation des effets des catastrophes du Département des affaires humanitaires des Nations Unies a coordonné l’aide internationale apportée lors de 45 catastrophes naturelles en 1992, de 75 en 1994, et de 85 en 1995.

12. Plus particulièrement la IVe Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949.

13. L. Fielding, « Taking the next step in the development of new human rights: the emerging right of humanitarian assistance to restore democracy », Duke Journal of International and Comparative Law, n° 5, 1995, p. 329 ; M. Stopford, « Humanitarian assistance in the wake of the Persian Gulf War », Virginia Journal of International Law, n° 3, 1993, p. 491.

14. Voir l’avant-projet de convention des Nations Unies sur l’accélération de l’acheminement des secours d’urgence, art. 1er, par. 1 (c) 1984, doc. ONU/A/39/267/Add.2. Voir aussi « Renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence de l’ONU », AG ONU, résolution 46/182, du 19 décembre 1991.

15. Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Fond), arrêt, CIJ, Recueil 1986, pp. 57 et 125. Bien que cette définition fasse référence à un conflit armé, rien ne s’oppose, en principe, à ce qu’elle soit également appliquée aux catastrophes naturelles.

16. RICR, n° 829, mars 1998, pp. 169-186.

17. « Update No. 98/02 on ICRC activities for victims of the earthquake in Afghanistan », 17 février 1998.

18. « Update No. 98/03 on ICRC activities for victims of the earthquake in Afghanistan », 23 février 1998.

19. « Update No. 98/04 on ICRC activities for victims of the earthquake in Afghanistan », 3 mars 1998.

20. « Earthquake in Hebei Province, Situation Report No. 1 », 16 janvier 1998, www.reliefweb.int.

21. « China: Earthquake in Hebei Province, Situation Report No. 2 », 3 février 1998, www.reliefweb.int.

22. P. Alston, « A third generation of solidarity rights: Progressive development or obfuscation of international human rights law », Netherlands International Law Review, n° 29, 1982, pp. 307 et 309 ; P. Alston, « Conjuring up new human rights: A proposal for quality control », American Journal of International Law, n° 78, 1984, p. 607 ; R. Bilder, « Rethinking international human rights: Some basic questions », Wisconsin Law Review, 1969, p. 175 ; opinion dissidente de Luis Demetrio Tinoco Castro, résolution n° 23/81, affaire 2141 (États-Unis), 6 mars 1981, Annual Report of the Inter-American Commission on Human Rights 1980-1981, doc. OEA.Ser.L/V/11.54, doc. 9, 1981, p. 54.

23. Préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948.

24. P. Alston, op. cit., 1984, (note 22), p. 614.

25. P. Alston, op. cit. (note 22), 1982, p. 308 ; S. Marks, « Emerging human rights: A new generation for the 1980’s? », Rutgers Law Review, n° 33, 1981, pp. 435 et 449 ; K. Vasak, « For the third generation of human rights: The rights of solidarity » ; Conférence inaugurale de la 10e session annuelle d’étude de l’Institut international des droits de l’homme, Strasbourg, juillet 1979.

26. RICR, n° 817, janvier-février 1996, pp. 124-134 (à la p. 126).

27. Statut de la Cour internationale de Justice, art. 38, par. 1(b) ; Affaires du plateau continental de la mer du Nord, CIJ, Recueil 1969, p. 43, par. 74.

28. Supra (note 14).

29. Ibid.

30. I. Gunning, « Modernizing customary international law: The challenge of human rights », Virginia Journal of International Law, n° 31, 1991, pp. 212 et 221-222, et F. Bugnion, « Le droit de la Croix-Rouge », RICR, n° 815, septembre-octobre 1995, pp. 535-566.

31. Communiqué de presse doc. ECOSOC/5675, 19 juillet 1996.

32. AG ONU, résolution 1714 (XVI), 1961, et Statuts du Programme alimentaire mondial, par. 10 (a).

33. « Afghanistan-Earthquake », OCHA Situation Report No. 10, 25 février 1998, www.reliefweb.int.

34. Ibid.

35. Communiqué de presse, OCHA, 26 janvier 1998.

36. « European Commission is ready to mobilize up to ECU 2 millions for the victims of the earthquake in Afghanistan », 9 février 1998, www.reliefweb.int.

37. Y. Beigbeder, The role and status of international humanitarian volunteers and organizations: The right and duty to humanitarian assistance, Martinus Nijhoff Publishers, Londres, 1991, chapitres 5-7.

38. D.P. Forsythe, « Human rights and the International Committee of the Red Cross », dans Human Rights Quarterly, n° 12, 1990, p. 265.

39. Supra (note 26), pp. 124-134.

40. Ibid., pp. 107-117.

41. Ibid., point 2.1, p. 107.

42. Ibid., point 1, p. 126.

43. Ibid., « Objet », p. 124.

44. Médecins sans frontières/Suisse, Rapport annuel 1991.

45. Y. Beigbeder, op. cit. (note 37), p. 263.

46. « Afghanistan-Earthquake », OCHA Situation Report No. 4, 3 mars 1998, www.reliefweb.int.

47. Répertoire : bureaux nationaux, plans d’intervention et législations, et accords régionaux/sous-régionaux pour la gestion des urgences en cas de catastrophe, Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les secours en cas de catastrophe (UNDRO), 1992. Ce répertoire recense la législation de 64 pays.

48. Ibid. Ces sont notamment les suivants : Agreement for non-aggression and assistance in the field of defence between Member States of the West African Economic Community; Association of South-East Asian Nations — Declaration for mutual assistance on natural disasters; Caribbean Disaster Emergency Response Intergovernmental Agreement; North Atlantic Treaty Organization’s Civil Emergency Planning Department; Permanent Inter-State Committee on Drought Control in the Sahel; Agreement between countries of the European Free Trade Association and those of the European Community concerning collaboration in the field of civil defence and disaster assistance; Horn of Africa Declaration of commitment to the observance and promotion of humanitarian principles and norms; Council of Europe — Open Partial Agreement on the prevention of, protection against, and organization of relief in major natural and technological disasters; Pan-American Health Organization’s Emergency Preparedness and Relief Co-ordination Program.

49. « China Earthquake », Situation Report No. 2, 21 janvier 1998, www.reliefweb.int.

50. « North Korea says it is running out of food », The Washington Post, 3 mars 1998, p. 11.

51. Supra (note 27), p. 44, par. 77.

52. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 3 ; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, art. 6, par. 1 ; Convention relative aux droits de l’enfant, art. 1er ; Convention européenne des droits de l’homme/Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales art. 2 ; Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, art. 4 ; Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, art. 1er.

53. Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 11 ; Déclaration des droits de l’enfant (AG ONU, résolution 1386 (XIV), 1959 ; Déclaration universelle pour l’élimination définitive de la faim et de la malnutrition, AG ONU, résolution 3348 (XXIX), 1974, par. 1 ; Problèmes alimentaires et agricoles, AG ONU, résolution 39/166, 1984, principe 6.

54. Déclaration universelle des droits de l’homme, art. 25 ; Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, art. 11.

55. Ibid.

56. Organisation mondiale de la Santé, « The Challenge of African Disasters », UNITAR, 1991, p. 1.

57. Voir les exemples donnés au début du présent document.

58. Donald D. Tansley (éd.), Rapport final : un ordre du jour pour la Croix-Rouge. Réévaluation du rôle de la Croix-Rouge, Genève, 1975, p. 85.

59. J. Ebersole, « The Mohonk criteria for humanitarian assistance », Human Rights Quarterly, n° 17, 1995, p. 192.

60. Aux fins du présent document, une « situation d’urgence complexe » est une situation de crise humanitaire, pouvant impliquer un conflit armé ou des catastrophes naturelles.

61. J. Ebersole, loc. cit. (note 59), p. 195.

62. AG ONU, résolution 41/120, 3 décembre 1986.

63. M.N. Shaw affirme que le droit à la vie peut être qualifié de principe de jus cogens : M.N. Shaw, International Law, Grotius Publications, 3e édition, Cambridge, 1991, p. 240. Voir également R. Ago, « Droit des traités à la lumière de la Convention de Vienne. Introduction », Recueil des Cours, 1971, no 3, p. 324.

64. Décennie internationale de la prévention des catastrophes naturelles, AG ONU, résolution 49/22, 13 décembre 1994, préambule ; Renforcement de la capacité du système des Nations Unies de faire face aux catastrophes naturelles et autres situations revêtant le caractère d’une catastrophe, AG ONU, résolution 36/225, 17 décembre 1981, principe 2 ; Assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situations d’urgence du même ordre, AG ONU, résolution 43/131, 8 décembre 1988, principe 2 ; Assistance humanitaire aux victimes des catastrophes naturelles et situations d’urgence du même ordre, AG ONU, résolution 45/100, 14 décembre 1990, principe 2 ; Y. Beigbeder, op. cit. (note 37), p. 9.

65. Art. 55 de la Charte des Nations Unies.

66. Affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni c. Albanie), arrêt, CIJ, Recueil 1949, p. 22.

67. Lors des débats qui ont eu lieu à l’Assemblée générale des Nations Unies concernant la résolution sur l’assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles et autres situations d’urgence (AG ONU, résolution 46/182, 19 décembre 1991), les principes de la souveraineté nationale et de la non-ingérence ont été constamment invoqués par les délégations du Brésil, de l’Inde, du Pakistan, du Mexique, du Chili, du Nicaragua, du Pérou, de l’Éthiopie et du Soudan.

68. Op. cit. (note 58), p. 85.

69. Sud-Ouest africain – Procédure de vote, Avis consultatif, CIJ, Recueil 1955, p. 77 ; M. McDougal, H. Lasswell & J. Miller, The interpretation of agreements and World Public Order, Yale University Press, New Haven, 1967, chapitre 4.

70. A. D’Amato, « The invasion of Panama was a lawful response to tyranny », American Journal of International Law, n° 84, 1990, p. 518.

71. Tommy Koh, dans The Quest for World Order, Times Academic Press, Singapour, 1998, pp. 42-43. L’auteur est l’ambassadeur extraordinaire de Singapour. Une opinion analogue a été exprimée par Anwar Ibrahim, vice-premier ministre de Malaisie, dans « Cultural differences or Asian values no excuse », The Straits Time, 8 décembre 1994.

72. Doc. ONU/S/PV/2902, 23 décembre 1989, p. 8.

73. K. Mills, « Reconstructing sovereignty: A human rights perspective », Netherlands Quarterly of Human Rights, n° 15, 1997, pp. 267 et 278-279 ; M. Reisman, « Sovereignty and human rights in contemporary international law », American Journal of International Law, n° 84, 1990, pp. 866-873 ; T. Fleiner-Gerster et M. Meyer, « New developments in humanitarian law : A challenge to the concept of sovereignty », International and Comparative Law Quarterly, n° 34, 1985, pp. 267-277.

74. Supra (note 62).

75. J. Ebersole, op. cit. (note 59), p. 198.

76. P. Macalister-Smith, International humanitarian assistance, Martinus Nijhoff Publishers, Boston, 1985, p. 72.

77. Ibid., p. 125.

78. Op. cit. (note 15), p. 125.

79. Il a été reconnu que les ONG, telles que le CICR, contribuent considérablement à encourager les États à ratifierles traités internationaux. Voir H.P. Gasser, « Faire accepter les Protocoles par les États », dans RICR, n° 827, septembre-octobre 1997, pp. 567-575.