La coopération en tant que méthode nécessaire à l’exécution et au développement des activités de la Croix-Rouge cubaine

30-06-1998 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 830, de María de los Ángeles de Varona Hernández

  María de los Ángeles de Varona Hernández   est professeur titulaire à la faculté de droit de l’Université de La Havane et directrice de la diffusion du droit international humanitaire et de la communication à la Croix-Rouge cubaine.  

La Croix-Rouge cubaine, fondée le 10 mars 1909, a été reconnue la même année par le décret gouvernemental n° 401, comme « Société de secours auxiliaire des pouvoirs publics ». Pendant plus de 50 ans, elle s’est employée à fournir des soins de santé aux catégories sociales défavorisées. Elle assurait, dans ses dispensaires, divers services médicaux et de stomatologie, à titre gratuit ou moyennant une participation modeste.

Depuis les années 40, le sauvetage et le service d’ambulances font également partie de ses attributions.

En 1959, le pays a connu de profonds changements politiques, qui se sont traduits par une restructuration du système de gouvernement, des ministères et d’autres organismes. Dès lors, l’État a pris en charge la santé de toute la population cubaine, qui bénéficie depuis de la gratuité des soins médicaux. Les dispensaires de la Croix-Rouge ont donc mis fin à leurs activités de soins médicaux et de stomatologie pour exercer d’autres fonctions comme le secourisme, à mesure que se multipliaient, dans le nouveau contexte national, les manifestations attirant un public considérable et bien d’autres événements exigeant les services des secouristes de la Croix-Rouge, et que le nombre des personnes se consacrant aux travaux agricoles augmentait.

Jusqu’en 1993, nous n’avon s entretenu que des relations de fraternité et d’échange avec le Comité international de la Croix-Rouge, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et les Sociétés nationales. Une épidémie de neuropathie a été l’occasion de la première grande manifestation de coopération internationale, la Croix-Rouge cubaine ayant lancé un appel d’urgence par l’intermédiaire de la Fédération. L’assistance qui nous a été apportée fait la preuve des possibilités qu’offre la coopération au sein du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, preuve qu’avaient déjà donnée les intenses efforts déployés pour réparer les dégâts provoqués par les inondations dues à « la tempête du siècle ». En matière de coopération, il y avait eu d’autres appels et d’autres actions de moindre importance. Ainsi, nous avons accueilli des représentants du CICR qui ont donné quelques cours de droit international humanitaire, et des officiers des forces armées ont obtenu des bourses qui leur ont permis de suivre à San Remo une formation dans le domaine du droit international humanitaire.

Au cours des cinq dernières années, les problèmes économiques du pays se sont aggravés en raison du renforcement du blocus économique qui, décrété en 1962 pour certains produits, se généralise aujourd’hui. Cette situation a de nombreuses répercussions, en particulier, une vulnérabilité accrue de la population. C’est pourquoi la Croix-Rouge cubaine, conformément à son engagement et aux obligations qui sont les siennes en tant que société de secours, doit trouver des solutions pour répondre aux besoins de la population. Elle fait appel à la coopération internationale de la Croix-Rouge pour se donner les moyens d’assumer ses fonctions.

Ces circonstances exigent un certain niveau de développement institutionnel, sans lequel il est impossible de satisfaire les besoins de manière adéquate et professionnelle. La Croix-Rouge cubaine s’efforce donc d’élargir ses act ivités, afin de répondre aux demandes de plus en plus nombreuses et diverses de la population.

La coopération verticale et horizontale a joué un rôle déterminant. Sans elle, ce développement, qui a exigé des conseils, des échanges, une formation et un soutien financier, n’aurait pas été possible.

La Croix-Rouge cubaine s’est dotée d’une structure qui lui permet de déployer les activités suivantes : diffusion du droit international humanitaire, agence de recherches, opérations et secours, sauvetage, formation et programmes spéciaux. Plus récemment, des efforts ont été engagés pour renforcer la jeunesse Croix-Rouge.

Le premier accord de coopération avec le CICR a été mis en œuvre en novembre 1994 avec la création du Centre d’étude du droit international humanitaire (CEDIH), dont les activités bénéficient d’une aide financière. En revanche, le fonds salarial et le conseil des professeurs sont à la charge de la Croix-Rouge cubaine.

Un nouvel accord de coopération entre le CICR et la Croix-Rouge cubaine a été signé en février 1997.

Cet accord est essentiel à deux égards : tout d’abord, les parties engagent un effort commun et ensuite, les avantages fondamentaux de la coopération se concrétisent.

L’accord vise à définir les formes, les domaines, les instruments et les modalités de la coopération entre les deux parties. Les résultats sont évalués régulièrement. Des programmes annuels spécifiques doivent contribuer, pendant le quinquennat suivant la signature de l’accord, à la réalisation des objectifs généraux de la Croix-Rouge cubaine, qui a pour tâche de répondre aux besoins humanitaires des groupes les plus vulnérables.

Aux termes de cet accord, les différents domaines de la coopération sont les suivants : aide humanitaire, diffusion du droit international humanitaire et communication, aide aux migrants et aux réfugiés, se cours et opérations, agence de recherches, formation et projets spéciaux, adaptés à la structure du travail.

Il importe que les objectifs soient réalisables, avec les moyens qui sont demandés dans le projet et ceux qui sont fournis par la Société nationale, et que les résultats puissent être évalués.

À cet égard, la Croix-Rouge cubaine poursuit les programmes suivants :

  • Centre d’étude du droit international humanitaire (CEDIH).

  • Séminaires de droit international humanitaire pour juristes et journalistes ; conférences dans les universités.

  • Concours de travaux de recherche pour juristes ; concours et prix récompensant le meilleur travail journalistique sur l’action de la Croix-Rouge ; organisation ou concours de connaissance auprès du public.

  • Exposition de photographies.

Pour mettre au point les projets, il a fallu :

  • établir des projections sur l’action de la Société nationale ;

  • fixer les priorités, et parmi elles, celles qui nécessitent une aide extérieure ;

  • faire la distinction entre les missions relevant de la responsabilité du Mouvement, c’est-à-dire du CICR, et celles qui incombent à d’autres organes ;

  • décider des activités (projets).

Dans ce contexte, chaque projet a été élaboré séparément, après description et évaluation systématiques de la situation et de l’objectif à atteindre.

L’année 1997 étant terminée, nous pouvons présenter une évaluation succincte de ces projets.

Le Centre d’étude du droit international humanitaire est un projet à long terme. Il affiche d’excellents résultats, dont témoigne le fait qu’en seulement trois ans il a produit pl us de 900 diplômés, dont près de 800 officiers supérieurs des forces armées et des forces de l’ordre nationales. Les moyens d’enseignement modernes (fournis par le CICR dans le cadre du projet), ainsi que le savoir-faire des professeurs diplômés des cours de San Remo, ont permis au Centre de mettre ses salles à la disposition de la région et du monde. Il est en mesure d’assurer une formation à toutes les personnes intéressées et de garantir la diffusion du droit international humanitaire.

Concernant la diffusion du droit international humanitaire auprès des secteurs prioritaires, en l’occurrence les juristes et les journalistes, l’objectif est de leur faire connaître la question en les incitant à œuvrer à son perfectionnement et à sa diffusion.

Parmi les résultats les plus remarquables, il y a lieu de mentionner vingt-six travaux de recherche réalisés par des juristes cubains, tous d’une excellente qualité technique, qui traitent du développement historique du droit international humanitaire et de sujets d’actualité ; trois prix, financés par le CICR, ont été attribués.

Les concours de connaissance du droit international humanitaire, des principes du Mouvement et de l’action de la Croix-Rouge, organisés auprès du public, ont suscité l’intérêt et contribué à faire connaître le sujet. Pour la majorité des participants, c’était la première fois qu’ils entendaient parler du droit humanitaire et pour certains, il s’agissait d’un rappel et d’une incitation à poursuivre l’étude de la question et à élargir leurs connaissances.

Les conférences organisées dans les universités ont montré combien il est nécessaire de connaître le droit international humanitaire. Les jeunes s’y sont intéressés et les professeurs ont accordé à ce droit l’importance et l’attention qu’il mérite. Ces conférences exercent une influence décisive sur les milieux universitaires, plusieurs facultés de droit ayant décidé d’inscrire l’ enseignement du droit international humanitaire dans leur programme de licence dès l’année 1997/1998.

L’image de l’institution s’est également améliorée grâce à l’organisation de quatre expositions de photographies et à une exposition permanente qui, par le biais de l’image, présente au public l’action de la Croix-Rouge au service de la communauté. L’achat du matériel photographique et le montage ont été financés à travers ce projet. De nos jours, la publicité est un outil indispensable, auquel la Croix-Rouge cubaine, faute de moyens financiers, n’avait pas accès auparavant.

La coopération dont nous avons bénéficié en 1997 nous a également permis d’acheter quelques machines à écrire et du matériel de bureau pour certaines sections provinciales, qui disposent ainsi du minimum indispensable au travail quotidien. En outre, une aide a été apportée au titre de la réparation et de l’entretien de quatre véhicules que compte notre Société nationale.

Enfin, des mesures ont été prises pour constituer des réserves d’urgence en médicaments, produits alimentaires et articles de toilette, destinés aux réfugiés et aux migrants qui arrivent sur les côtes cubaines après le naufrage de leurs embarcations. Quand nous avons fourni la demande relative à ce projet, nos statistiques portaient sur les cinq années précédentes, pendant lesquelles 114 arrivées avaient été enregistrées. C’est eainsi que plus de 16 000 Haïtiens avaient été pris en charge dans les camps administrés par la Croix-Rouge cubaine.

Les résultats du travail accompli dans ce domaine sont satisfaisants, ce qui n’aurait pas été le cas sans la coopération que les projets ont amorcée.

Avant de conclure, nous tenons à souligner que la coopération n’est pas uniquement verticale, c’est-à-dire entre le CICR et les Sociétés nationales ; il faut aussi continuer de développer la coopération horizontale, c’est-à-dire entre les Soci étés nationales.

Cette potentialité doit être exploitée par le biais de la coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge. Au cours de certaines de nos réunions régionales, des représentants de Sociétés nationales ont évoqué la possibilité de promouvoir les échanges et un appui consultatif.

À diverses occasions, cette forme de coopération s’est concrétisée avec de bons résultats, grâce à la coopération du CICR. Nous nous félicitons vivement de cette pratique qui a porté en particulier sur l’utilisation en commun de manuels et de documents publiés par une Société nationale de la région. De plus, nous considérons qu’elle stimule le développement de la capacité institutionnelle, car ce type de coopération favorise une action en retour et l’échange d’expériences.

Il y a des régions et des Sociétés nationales qui peuvent coopérer en finançant des projets. Il y a aussi des organisations plus pauvres, qui doivent répondre aux besoins urgents de la population et qui ont besoin de ce financement. Enfin, il y a celles qui peuvent coopérer en mettant à disposition des ressources humaines hautement qualifiées.

L’universalité propre à notre Mouvement rend la coopération indispensable. Dans le cas de la Croix-Rouge cubaine, la coopération s’est traduite par le financement de projets, tant par le CICR que par la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. D’autres Sociétés nationales nous apportent également leur coopération, selon leurs moyens, et nous aident à satisfaire nos besoins qui, en cette période difficile que traverse notre pays, se sont accrus.

C’est ainsi que nous avons pu poursuivre et développer notre action en faveur des plus vulnérables, en répondant à leurs besoins les plus urgents. Dans ce contexte, la coopération aura donc été un facteur décisif.

Original : espagnol