L'emblème « non religieux » de la croix rouge et le Japon

31-03-2003 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 849, de N. Margaret Kosuge

Cet article retrace l’interprétation idéologique de l’emblème de la croix rouge au Japon, de sa création à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et analyse l’effet de cette interprétation sur les activités de la Société de la Croix-Rouge, les pratiques de l’armée nationale et l’identité nationale. Contrairement à la Turquie et à la Perse, le Japon avait décidé de ne pas conférer de caractère religieux à l’emblème. Cependant, le signe a fini par revêtir une dimension nationale ayant des liens avec la famille impériale et les traditions autochtones, y compris celles de la guerre.

     

Résumé 
Bien que le Japon ne soit pas une nation chrétienne, il n’a pas, contrairement à la Turquie et à la Perse, décidé d’adopter son propre emblème d’adhésion à l’organisation internationale de la Croix-Rouge. Le Japon a clairement et publiquement pris position contre toute interprétation religieuse du signe de la «croix rouge» et considéré, jusqu’en 1929, qu’il ne devait y avoir qu’un seul emblème international. Néanmoins, il y avait une certaine incohérence entre le mythe, né de l’adoption par la Turquie du «croissant rouge», selon lequel le Mouvement international de la Croix-Rouge n’avait jamais eu de liens «religieux», et le mythe selon lequel l’organisation nationale de la Croix-Rouge du Japon était dénuée de toute connotation «religieuse». Le Japon avait accepté le signe de la croix rouge puis s’était attaché à en faire un «signe national», qui devait se fondre dans les «traditions» locales pour créer une «tradition» nouvelle et plus cosmopolite. Au cours de ce processus, la Société de la Croix-Rouge du Japon s’était associée aux efforts déployés pour unifier la nation japonaise à l’intérieur d’un modèle qui conférait à l’Empereur et à la famille impériale la capacité de fa ire à la société internationale «eurocentrique». Ce modèle contribuait à nourrir le nationalisme japonais qui, dans un système international non occidental, devait à la fois répondre à l’Europe occidentale, et s’en tenir à l’écart, voire la surpasser à certains égards.
 

Ce passage de la neutralité au sens strict à une connotation fortement idéologique explique que, sur la scène intérieure, la plupart des Japonais aient éprouvé un sentiment d’admiration et de profond respect pour l’emblème de la croix rouge. Il explique aussi que, sur la scène extérieure (c’est-à-dire, les champs de bataille), les armées japonaises ne respectaient que rarement le message universel d’humanité du signe de la croix rouge, car il était en contradiction flagrante avec la vision «indigène» de l’emblème de la croix rouge.

 
       
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