Publication des actes du colloque « Katyn et la Suisse – Experts et expertises médicales dans les crises humanitaires, 1920-2007 »
06-11-2009 Communiqué de presse 217/09
Genève (CICR) – Le recours à l'expertise médicale dans les crises humanitaires pose de nombreux défis aux experts et médecins légistes qui enquêtent sur les crimes de guerre et les violations des droits de l'homme.
« Le travail de l'expert médical, au-delà de sa dimension purement technique, comporte aussi une dimension éthique. Le médecin légiste doit avoir la garantie de pouvoir agir en toute indépendance, en préservant sa neutralité. Il doit pouvoir, avant d'entamer une expertise, en évaluer les conséquences, sur un plan politique, juridique, et surtout humanitaire » , explique Ute Hofmeister, anthropologue légiste au Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
L'expérience de François Naville, médecin légiste qui participa à la commission d'enquête établie par l'Allemagne en 1943 sur le massacre, à Katyn (Pologne), de plus de 25 000 membres de l'élite et officiers polonais réputés hostiles à l'idéologie communiste – commission qui conclut à la culpabilité soviétique – illustre bien le dilemme entre éthique et raison d'État.
Les nombreux exemples d'expertises médicales, par exemple pour examiner le recours à des armes prohibées, ou le traitement des populations civiles victimes de conflits, ou encore les conditions d'interrogatoire et de détention de prisonniers – notamment dans l'URSS des années 1920, en Abyssinie, à Hiroshima, au Rwanda, en ex-Yougoslavie –, posent la question des rôles respectifs des experts, notamment médicaux, des États et des organisations humanitaires face aux crimes de guerre. Ils illustrent aussi les contraintes diplomatiques, militaires, politiques et éthiques qui entourent l’expertise médicale depuis les années 1920 jusqu’à nos jours.
« Beaucoup de progrès restent encore à faire quant à l'établissement de normes encadrant le travail de l'expert légiste dans les crises humani taires et au respect de telles normes, estime Ute Hofmeister. Si l'expertise légale a un rôle à jouer pour prévenir des violations futures, elle doit avant tout répondre à un objectif humanitaire, celui du droit des familles à connaître le sort de leurs proches. »
« Élargir la connaissance historique des événements entourant le massacre de Katyn est aussi une façon d'interroger le passé pour comprendre l’attitude des organisations humanitaires et des gouvernements face aux crimes de guerre et prolonger la réflexion sur l’expertise médicale dans les crises humanitaires contemporaines », précise pour sa part Jean-François Pitteloud, conseiller historique au CICR. « C'est également rendre hommage aux victimes du massacre et à leurs familles. »
Publiés par les éditions Georg, les actes du colloque viennent de paraître sous le titre Katyn et la Suisse. Experts et expertises médicales dans les crises humanitaires dans une édition bilingue et illustrée (prix en librairie : CHF 48.–).
Des interviews avec des experts peuvent être organisées sur demande en contactant les services de presse du CICR et des éditions Georg.
- Pour de plus amples informations sur le rôle de l'expertise médicale dans les conflits armés, lire aussi l'interview de Morris Tidball-Binz.
Contacts
Dorothea Krimitsas, CICR Genève, tél. : +41 22 730 25 90 ou +41 79 251 93 18
Michael Balavoine, Georg Editeur SA, tél. : +41 22 702 93 11 ou +41 79 759 54 78
Pr Antoine Fleury, Université de Genève, tél : +41 22 793 33 49, e-mail :Note pour les éditeurs / rédacteurs :
Massacre de Katyn : perpétré par le NKVD, la police politique de l’Union soviétique, en avril et mai 1940, dans la forêt de Katyn, près de Smolensk, et dans d'autres lieux de l’ouest de l’URSS. Ce massacre de plus de 25 000 membres de l'élite et d'officiers polonais réputés hostiles à l'idéologie communiste fut une « épuration de classe » selon l'expression de l'historien russe Victor Zaslavsky. Le crime de Katyn fut imputé à l'Allemagne par la propagande soviétique jusqu'à la révision entreprise en 1989 par Mikhaïl Gorbatchev et poursuivie en 1992 par Boris Eltsine.