Sri Lanka : situation véritablement catastrophique pour les civils

21-04-2009 Conférence de presse

Lors d’une conférence de presse à Genève, le 21 avril, le directeur des opérations du CICR, Pierre Krähenbühl, a qualifié de « dramatique » la situation actuelle dans le nord-est de Sri Lanka. Il a lancé un avertissement, demandant explicitement au gouvernement et aux combattants des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) de prendre des mesures immédiates pour éviter de nouvelles pertes massives parmi la population civile.

     

     
   
Pierre Krähenbühl, directeur des opérations du CICR      
         

M. Krähenbühl a ouvert son exposé en disant qu’il ne se souvenait pas, au cours de ces dernières années, que des civils se soient retrouvés dans une situation aussi tragique et extrême que celle qui règne dans le Vanni, où des combats intenses font rage sans relâche depuis trois mois.

« Actuellement, les hostilités se déroulent sur une bande de terre très étroite le long de la côte est de Sri Lanka. Et des dizaines de milliers de civils sont pris au piège dans cette zone restreinte, qui avait été déclarée " zone de sécurité " par le gouvernement. Nous estimons leur nombre à 50 000 », a expliqué M. Krähenbühl, ajoutant que le CICR était profondément préoccupé par leur sort.

Il a souligné que les civils couraient un danger extrême dans la zone des combats, à cause de l’épreuve de force militaire qui s’y joue. « Ils ont été empêchés à plusieurs reprises de quitter cette zone par les LTTE et ils sont exposés à tout moment aux conséquences des affrontements qui opposent le gouvernement à ce groupe de libération ».

Il a ajouté : « Que l’on s'imagine la situation sur place : des milliers d'enfants, de femmes et d'hommes bloqués au milieu de la zone des combats. Chaque tir de roquette ou de mortier blesse ou tue des civils ».

Le nombre de blessés est très élevé depuis la mi-janvier. M. Krähenbühl a confirmé que, depuis février, l'institution avait évacué du Vanni 10 000 civils par ferry, dont 60% étaient blessés. « De nombreux autres sont gravement malades et vivent dans des conditions lamentables », a-t-il ajouté.

« Compte-tenu de l’extrême urgence de la situation, nous avons l’intention d’augmenter la rotation des ferries afin d’évacuer les blessés les plus graves et d’apporter davantage de secours. » Au cours de ces dernières semaines, le CICR est parvenu à fournir des vivres, des médicaments et du matériel médical aux civils se trouvant dans la zone des combats, mais en quantités insuffisantes.

  La crainte de nouvelles souffrances  

« En fait, aucun des besoins essentiels des civils n’est satisfait pour le moment, et la crainte d’assister à une augmentation des épidémies, de la malnutrition et du nombre de décès dus à l’absence de traitement s’accroît de jour en jour », a-t-il averti.

Des civils ont également fui la « zone de sécurité » pour se rendre dans des zones contrôlées par le gouvernement. Selon M. Krähenbühl, le CICR confirme que 10 000 civils sont arrivés à Omanthai depuis samedi dernier et plus de 3 000 à Jaffna. L’armée sri-lankaise parle de 25 000 à 30 000 personnes qui auraient fui la zone de conflit, en plus des 60 000 qui avaient déjà quitté le Vanni.

« Ceux qui sont partis ces derniers jours ou ces dernières heures sont totalement brisés par des mois d’exposition au conflit et par la perte de leurs proches et de leurs biens. Ils sont plongés dans l’incertitude quant à leur avenir, à leur propre sécurité et au sort des membres de leurs familles qui sont restés dans la zone des combats et dont ils risquent de perdre la trace », a souligné M. Krähenbühl.

Il a ajouté : « Dans ces circonstances, le CICR juge la situation actuelle réellement catastrophique. » Ces derniers jours, les combats ont tué ou blessé des centaines de civils qui n’ont qu’un accès minimal aux soins médicaux. « Nous pensons que le nombre de blessés qui ont besoin d'être soignés ou évacués immédiatement est largement supérieur à 1 000 », a-t-il encore souligné.

  Rappeler aux deux parties leurs obligations au regard du droit international humanitaire  

« Notre grande crainte, c'est que l'offensive finale des forces gouvernementales contre les combattants des LTTE se solde par une nouvelle augmentation dramatique du nombre de civils tués et blessés ».

Au cours de ces derniers mois, le CICR n'a cessé de rappeler aux deux parties l'obligation qui leur incombe de respecter le droit international humanitaire en toutes circonstances. Il a fait part de ses observations et conclusions spécifiques à la fois au gouvernement de Sri Lanka et aux LTTE.

« Dans le contexte actuel, qui est exceptionnel parce que les combats ont lieu dans une zone densément peuplée, des mesures de précaution tout aussi extrêmes et exceptionnelles doivent être prises pour éviter, ou en tout cas réduire au minimum, les pertes civiles », a répété M. Krähenbühl.

« Les LTTE doivent maintenir leurs combattants et autres ressources militaires loin des lieux où sont concentrés des civils, et ils doivent permettre immédiatement aux personnes qui le souhaitent de quitter cette zone en toute sécurité », a-t-il ajouté.

Quant aux forces gouvernementales, « il leur incombe de faire en sorte que les méthodes et moyens de guerre utilisés permettent en tout temps de faire la distinction entre les civils et les biens de caractère civil, d'une part, et les objectifs militaires, d'autre part ». M. Krähenbühl a ajouté qu’il était particulièrement préoccupé par l’impact qu’a sur les civils l’utilisation d'armes telles que l'artillerie.

  Un grand besoin d'assistance immédiate aux populations prises au piège  

Il a expliqué que la population bloquée et prise au piège avait grand besoin d’une assistance immédiate sous forme de vivres, d’eau, de mesures d'hygiène et de soins médicaux, regrettant vivement que « jusqu’à présent, elle n’ait pas reçu les soins et l’attention nécessaires ».

Au cours de ces derniers mois, le CICR a également rappelé aux parties l’interdiction d’attaquer des personnes hors de combat (donc ne participant plus aux hostilités) et l'obligation de traiter les combattants capturés avec humanité.

Tout en répétant que la priorité immédiate du CICR était le sort et la sécurité des personnes prises au piège des combats, M. Krähenbühl a souligné qu'il ne fallait toutefois pas oublier les personnes qui ont réu ssi à trouver refuge dans les zones sous contrôle gouvernemental. Il a expliqué qu'il était essentiel que le CICR ait accès aux camps de transit, ainsi qu’aux hôpitaux et aux structures médicales où sont accueillies des personnes déplacées, afin de pouvoir fournir une aide directe et indépendante à tous ceux qui en ont besoin.

M. Krähenbühl a conclu en soulignant que le CICR avait poursuivi son travail dans le Vanni tout au long de cette période dans des conditions très précaires et dangereuses. « Deux de nos collaborateurs locaux ont trouvé la mort en raison de ce violent conflit. Actuellement, 80 autres sont sur place et poursuivent partiellement leurs activités. Nous sommes très préoccupés par leur sécurité et celle de leurs familles ».



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