Soudan du Sud : pressants besoins alimentaires et détérioration des conditions de vie

12-06-2014 Point sur les activités N° 07/2014

Afin de lutter contre l’insécurité alimentaire, le CICR et le Croix-Rouge du Soudan du Sud ont distribué des vivres à quelque 250 000 personnes depuis le début de la crise.


 

« La situation humanitaire est désastreuse et pourrait encore se détériorer avec la saison des pluies qui vient de commencer. Les précipitations entravent en effet la fourniture de l’assistance, les routes étant rendues impraticables et les pistes d’aviation souvent transformées en bourbiers », explique François Moreillon, chef adjoint de la délégation du CICR au Soudan du Sud. « Si les conditions de sécurité dans le pays ne s’améliorent pas, et si nous continuons à buter sur des problèmes d’accès, l’insécurité alimentaire que connaît déjà le pays pourrait empirer et s’installer sur la durée. »

Des vivres ont été distribués dans les États suivants : Lacs, Unité, Haut-Nil, Warrap, Jonglei, Bahr el Ghazal septentrional et Bahr el-Ghazal occidental. Depuis mai dernier, le CICR a recours à des largages aériens pour distribuer massivement de la nourriture, des semences et d’autres biens de première nécessité. Sur place, des collaborateurs de l’institution évaluent les besoins et prennent les dispositions nécessaires pour réceptionner les secours largués sur différents sites. « En coopération avec des volontaires de la Croix-Rouge du Soudan du Sud et les communautés locales, ils veillent à ce que l’assistance soit distribuée équitablement à ceux qui en ont le plus besoin », explique M. Moreillon. La dernière fois que le CICR a eu recours à des largages aériens pour distribuer des secours, c’était en 1997, dans le nord de l’Afghanistan.

Leer, Soudan du Sud. Des femmes sont venues chercher du sorgho et de l’huile quelques heures après un largage aérien mené par le CICR. 

Leer, Soudan du Sud. Des femmes sont venues chercher du sorgho et de l’huile quelques heures après un largage aérien mené par le CICR.
© ICRC / Jacob Zocherman

Dans le comté de Leer (État de l’Unité, dans le nord du pays), des dizaines de milliers de personnes viennent de recevoir des vivres et des semences. Nymal (nom d’emprunt) est veuve ; elle a huit enfants. Son village, situé à proximité d’un site de largage, a été presque complètement détruit par les combats. « J’ai le cœur brisé quand je vois toutes ces destructions. Cela prendra du temps pour tout reconstruire ce qui a été anéanti. Nous souffrons du manque de nourriture et de soins médicaux. Ce que j’ai reçu, je le donnerai à mes enfants », dit-elle. La situation de cette femme est loin d’être unique dans la région. Nykouth (nom d’emprunt) a six enfants. Elle s’est enfuie de chez elle quand elle a entendu les premiers tirs. Quelques semaines plus tard, lorsqu’elle est retournée chez elle, elle a retrouvé sa maison en cendres. Elle vit aujourd’hui sous un arbre, où elle s’est installée avec sa famille. Ce n’était pas la première fois qu’elle était témoin de violences dans sa ville, mais c’était la première fois que les destructions étaient aussi étendues. « Ce qui s’est passé cette année, c’est différent, fait-elle remarquer. Mes enfants seront heureux quand ils verront la nourriture que j’ai rapportée aujourd’hui à la maison. »

« Nous intensifions notre assistance alimentaire dans cette région, car elle présente une des concentrations de personnes déplacées les plus élevées. Beaucoup viennent de Mayendit, de Bentiu, de Malakal et de Koch. Sans compter les personnes qui reviennent chez elles, après s’être réfugiées dans d’autres zones du comté, ajoute M. Moreillon. Nous axons notre action sur les zones les plus isolées du comté, où l’accès aux marchés est le plus limité et où les problèmes en termes de sécurité alimentaire se posent avec le plus d’acuité. »

Selon Asma Khaliq Awan, coordonnateur des programmes de secours du CICR, la situation est très préoccupante. « Cela déchire le cœur de voir ces enfants qui se précipitent sur les sites de largage et s’arrachent les quelques graines de sorgho éparpillées par terre après chaque distribution. Cela en dit long sur la situation désastreuse qui prévaut ici, dans le comté de Leer. » Ceux qui ont encore des têtes de bétail les abattent à tour de bras, et les réserves de semences sont largement épuisées. Les récoltes, qui se font en temps normal en octobre et novembre, sont fortement compromises.

Au total, 294 tonnes de nourriture destinées à environ 40 000 personnes ainsi que 60 tonnes de semences de sorgho, d’okra, de courge, de maïs et de haricot ont été larguées à ce jour, dans le double but de remédier à l’insécurité alimentaire et de soutenir les cultures vivrières. Sur place, dans le comté de Leer, des équipes du CICR et de la Croix-Rouge du Soudan du Sud se chargent de distribuer les vivres et les semences aux personnes recensées comme bénéficiaires.

Par ailleurs, le CICR rappelle en permanence aux parties au conflit les obligations qui leur incombent au titre du droit international humanitaire. « Nous insistons sur l’obligation qui est la leur de permettre un passage sans entrave aux travailleurs humanitaires et aux personnels de santé, et de témoigner aux civils et aux personnes qui sont blessées, malades, détenues ou qui se rendent, le respect qui leur est dû », conclut M. Moreillon. Le CICR est favorable à toute initiative susceptible d’améliorer la sécurité et, partant, de permettre aux habitants de cultiver leurs champs et d’avoir un meilleur accès aux services de bases.

Depuis le début de la crise, à la mi-décembre, le CICR, en étroite coopération avec la Croix-Rouge du Soudan du Sud, a :

  • réalisé près de 2 000 interventions chirurgicales dans 12 structures de soins locales et fourni du matériel médical à 34 postes de premiers secours et autres centres de santé, ainsi que du matériel de pansement utilisé à plus de 5 000 reprises par des volontaires du la Croix-Rouge du Soudan du Sud ;
  • assuré l’approvisionnement en eau potable de 230 000 personnes – déplacées, subissant d’autres effets du conflit ou se trouvant dans des structures de santé ou des lieux de détention – dans différentes régions du pays ;
  • fourni des tentes, des ustensiles de cuisine et des bâches pour la construction d’abris de fortune à quelque 400 000 personnes déplacées partout dans le pays
  • visité plus de 4 000 personnes détenues dans différents lieux de détention ;
  • facilité quelque 10 000 appels téléphoniques pour permettre à des personnes vivant dans des camps de déplacés de joindre les membres de leur famille.

Informations complémentaires :
Adebayo Olowo-Ake, CICR Juba, tél. : +211 912 360 038
Jean-Yves Clémenzo, CICR Genève, tél. : +41 22 730 22 71 ou +41 79 217 32 17

 

Leer, Soudan du Sud. Cette petite fille de 8 ans allait à l’école, mais ce n’est plus le cas depuis le début du conflit. L’école sert maintenant de refuge à de nombreuses personnes. © CICR/Jacob Zocherman