Balkans occidentaux : les autorités doivent apporter leur soutien aux familles des personnes disparues

28-08-2013 Interview

Près de vingt ans après les conflits qui ont fait rage dans les Balkans, quelque 12 000 personnes sont toujours portées disparues. Lina Milner est la coordinatrice régionale du CICR pour le dossier des personnes disparues dans les Balkans occidentaux. À l’occasion de la Journée internationale des personnes disparues, elle explique ce que le CICR fait pour venir en aide aux familles de ces dernières et appelle les autorités à prendre sans tarder les mesures qui s’imposent pour répondre à leurs besoins.

Combien de personnes sont toujours portées disparues ?

Depuis le début des conflits dans les Balkans, il y a 22 ans, près de 35 000 personnes portées disparues ont été notifiées au CICR. Le sort de 23 000 d’entre elles a désormais été élucidé, mais les familles de plus de 11 800 personnes attendent toujours des réponses. C’est particulièrement le cas en Bosnie-Herzégovine, où la trace de plus de 7 800 personnes n’a toujours pas été retrouvée. En ce qui concerne la Croatie et le Kosovo, les chiffres approximatifs font état de 2 200 et de 1 700 personnes, respectivement.

Qu’est-ce qui est entrepris pour tenter de résoudre le problème des disparus dans les Balkans occidentaux ?

Ces dernières années, un certain nombre de mesures ont été prises, notamment :

  • enregistrement et traitement de demandes de recherches ;
  • compilation de listes dans des livres des personnes disparues (Book of missing persons) à la disposition du public ;
  • appels à la population à notifier la disparition d’un proche ;
  • mise en place de mécanismes permettant aux autorités de répondre aux besoins des familles, pour qui c’est un droit de savoir ce qu’il est advenu de leurs proches ;
  • soutien à l’établissement d’associations de familles ;
  • appels au soutien de la communauté internationale.

Le CICR rappelle régulièrement aux autorités qu’elles sont responsables au premier chef de fournir des réponses aux familles. Nous les sensibilisons également à certaines difficultés et leur suggérons des solutions possibles.

Le CICR est-il satisfait des progrès réalisés à ce jour ?

Non. Ces 12 derniers mois, seuls 800 cas ont été élucidés dans la région tout entière, presque uniquement dans le cadre d’exhumations réalisées sur des lieux de sépulture déjà connus. Les autorités reconnaissent l’importance que revêt cette question et elles se sont engagées à venir en aide aux familles. Les progrès sont toutefois beaucoup trop lents. Les pouvoirs publics doivent faire bien davantage pour venir à bout des obstacles et veiller à ce que le droit des familles de savoir ce qui est advenu de leurs proches soit respecté.

Quels sont les obstacles qui empêchent le dossier des personnes disparues de progresser ?

Le principal obstacle est le fait que nous ne savons pas ce qu’il est arrivé aux personnes qui sont toujours portées disparues. Nous ignorons en particulier où les corps ont été enterrés. Il doit exister d’autres sites de sépulture à part ceux qui ont déjà été découverts. Dans chacun des différents contextes, il incombe aux autorités de rechercher ces sites et d’en faire connaître la situation. Pour ce faire, elles doivent, consulter leurs archives et s’informer auprès des services de renseignement, des ministères, des forces armées, des instances judiciaires, etc. Elles doivent également interroger les commandants qui, à l’époque des faits, étaient responsables de régions où des personnes pourraient avoir disparu.

Il y a aussi les obstacles d’ordre juridique et médico-légal. En Bosnie-Herzégovine et au Kosovo, en particulier, les autorités sont à la traîne s’agissant de mettre en œuvre les lois qui existent sur les personnes disparues et leurs familles. Elles disposent en outre de moyens limités pour retrouver, analyser et identifier les restes humains ; cela est notamment vrai pour les restes d’un certain nombre de personnes déposés dans des morgues et toujours pas identifiés. Les autorités sont tenues d’appliquer les législations existantes, de développer les capacités nécessaires dans le domaine médico-légal, d’allouer les ressources qui s’imposent et d’adopter une stratégie globale devant leur permettre de résoudre le problème des restes non identifiés.

Comment les familles font-elles face à la disparition d’un proche ? Que fait le CICR pour les aider ?

Des milliers de familles de la région et d’ailleurs vivent aujourd’hui avec l’angoisse de ne pas savoir ce qu’il est advenu d’un proche. Derrière chaque personne disparue il y a une famille qui doit gérer des années d’incertitude, certes, mais aussi souvent surmonter la perte du soutien de famille, l’isolement, la stigmatisation, sans compter d’autres problèmes d’ordre psychosocial et administratif.

Ce qui leur permet de faire face, c’est l’espoir ; l’espoir qu’ils vont un jour obtenir une réponse. Le CICR, avec ses partenaires de la Croix-Rouge, les aide dans ce sens. Tout ce que nous entreprenons, nous le faisons pour les familles ; pour que leur droit de savoir soit respecté.

À l’occasion de la Journée internationale des personnes disparues, nous appelons les autorités de la région à apporter un soutien sans réserve et sans condition à ces familles, et à prendre des mesures concrètes et rapides pour mettre un terme à leurs souffrances.

Photos

Lina Milner 

Lina Milner
© CICR

Les familles de disparus peinent à faire entendre leur voix.  

Les familles de disparus peinent à faire entendre leur voix. Chaque année, à l’occasion de la Journée internationale des personnes disparues, le 30 août, elles se souviennent des proches dont elles sont sans nouvelles et rappellent aux autorités d’honorer les responsabilités qui sont les leurs.
© CICR

Des hommes arborent une bannière sur laquelle figurent les noms et les photos d’habitants de Mitrovica toujours portés disparus. 

Pristina, Kosovo, Journée internationale des personnes disparues, 2012.
Des hommes arborent une bannière sur laquelle figurent les noms et les photos d’habitants de Mitrovica toujours portés disparus.
© CICR

Exposition de photos sur des familles de personnes portées disparues. 

Banja Luka, Bosnie-Herzégovine.
Exposition de photos sur des familles de personnes portées disparues.
© CICR