Iran-Irak : une coopération dans la recherche et le rapatriement des dépouilles mortelles après la guerre Iran Irak (1980-1988)

Élucider le sort des personnes disparues et échanger des dépouilles mortelles, Iran et Irak : 2008–2015

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Chaque fois que les circonstances le permettent, chaque partie au conflit doit prendre sans tarder toutes les mesures possibles pour rechercher, recueillir et évacuer les morts, sans distinction de caractère défavorable.

Les parties au conflit doivent s’efforcer de faciliter le retour des restes des personnes décédées, à la demande de la partie à laquelle ils appartiennent ou à la demande de leur famille.

Les morts doivent être inhumés de manière respectueuse, et leurs tombes doivent être respectées et dûment entretenues.

Afin de permettre l’identification des morts, chaque partie au conflit doit enregistrer toutes les informations disponibles avant l’inhumation, et marquer l’emplacement des sépultures.

Chaque partie au conflit doit prendre toutes les mesures pratiquement possibles pour élucider le sort des personnes portées disparues par suite d’un conflit armé, et doit transmettre aux membres de leur famille toutes les informations dont elle dispose à leur sujet.

Résumé du cas d’étude

Entre 1980 et 1988, une guerre a été déclenchée entre l’Iran et l’Irak et le conflit s’est prolongé. Des années après la fin des hostilités, plusieurs milliers de personnes étaient toujours portées disparues.

En 2008, les gouvernements iranien et irakien ont signé un accord avec le CICR visant à ce que les deux pays coopèrent, pour la première fois, pour enquêter et résoudre les cas de disparition en raison du conflit et pour rapatrier les dépouilles mortelles retrouvées. De plus, les deux gouvernements ont pris des mesures pour accroitre leurs efforts dans cette voie.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. En octobre 2008, les gouvernements iranien et irakien et le CICR ont signé un accord fixant un cadre pour recueillir et partager des informations concernant des personnes disparues en raison du conflit et pour restituer les dépouilles mortelles à leur pays d’origine.
  2. Reconnaissant le besoin de renforcer les capacités forensiques nationales pour retrouver les derniers disparus, les autorités iraniennes et irakiennes et le CICR ont pris des mesures pour que les représentants des gouvernements participant au processus d’identification des restes humains bénéficient d’une formation spécialisée dispensée par l’équipe argentine d’anthropologie médico-légale en novembre 2008 (Téhéran) et en mars 2009 (Bagdad).

  3. En novembre 2008, l’Iran et l’Irak ont échangé les dépouilles de soldats irakiens (200) et iraniens (41) sous les auspices du CICR, démontrant ainsi leur volonté de coopérer. Trente soldats avaient déjà été identifiés avant cet échange. Un nouvel échange de dépouilles s’est tenu en janvier 2015.

Ce cas pratique a été élaboré par Clara Delarue, Ana-Paula Ilg, Claudia Langianese et Eleanor Umeyor, étudiantes en droit (LL.M) à l’université de Rome III, sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur de DIH) et de Tommaso Natoli et Alice Riccardi (assistants de recherche) de la clinique juridique de DIH de l’université de Rome III.

 

A. SIGNATURE D’UN MÉMORANDUM D’ENTENTE ET FORMATION DU PERSONNEL MÉDICAL AUX MÉTHODES MÉDICO-LÉGALES D’IDENTIFICATION

 [Source : EAAF (Équipe argentine d’anthropologie médico-légale), rapport triennal 2007-2009, [traduction CICR] disponible sur : https://paperzz.com/doc/7792057/iran-and-iraq] 

Iran et Irak

 

En octobre 2008, l’Iran, l’Irak et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ont signé un Mémorandum d’entente global pour enquêter sur le sort de centaines de milliers de personnes disparues ou portées disparues à l’issue de la guerre Iran-Irak, dans les années 1980. Dans ce contexte, l’équipe argentine d’anthropologie médico-légale (EAAF) a été invitée par le CICR à dispenser une formation médico-légale à Téhéran en novembre 2008 et à Bagdad en mars 2009.

 

[…]

 

Le document reflète d'importants progrès dans le processus de recherche des personnes portées disparues, vingt ans après la fin de la guerre et « établit un cadre clair pour la collecte et le partage d’informations [sur les personnes disparues] entre les deux pays, et pour la restitution des dépouilles mortelles. Ces tâches seront exécutées conjointement par des experts des deux pays avec l’appui du CICR ».

 

En novembre 2008, en présence de délégués du CICR, les dépouilles de près de 250 soldats irakiens et iraniens ont été échangées près de Bassorah et ont été remises aux autorités concernées de chaque partie. Avant 2008, les deux pays avaient échangé, de façon sporadique, de part et d’autre de la frontière, des dépouilles de personnes disparues ou portées disparues à la suite de la guerre.

 

[…]

 

Participation de l’EAAF

 

Le CICR a invité un membre de l’EAAF à participer en tant qu’intervenant et consultant externe à une formation sur les « avancées dans l’identification des restes humains : anthropologie et archéologie médico-légales ». Co-organisée par le CICR et l’Organisation iranienne de la médecine légale basée à Téhéran et à la demande des autorités iraniennes, la formation s’est tenue du 9 au 11 novembre 2008, à Téhéran. Elle a été suivie par le personnel médical et les généticiens locaux ainsi que par des membres de l’Organisation de la médecine légale, du centre de recherche Kawsar pour les martyrs disparus et du comité gouvernemental pour la recherche et la récupération des dépouilles mortelles. Le cours portait sur le renforcement des capacités dans les domaines de l’anthropologie et de la génétique médico-légales.

 

Cette formation de trois jours s’est appuyée sur les travaux humanitaires menés par le CICR, pour appuyer les efforts continus visant à élucider le sort des personnes disparues durant la guerre Iran-Irak. Un tel travail ne peut s'effectuer sans l’application des sciences médico-légales.

 

Un membre de l’EAAF a également pris part à un programme de formation qui s'est tenu à Bagdad en mars 2009, en tant qu’intervenant et consultant externe. Le programme était destiné à des fonctionnaires du ministère des Droits de l’homme, l’organisme chargé de superviser les efforts déployés pour enquêter sur ces affaires, ainsi qu'à des experts légistes associés à l’Institut médico-légal.

 

Se fondant sur les centres d’intérêt des participants, le cours était axé sur le défi majeur que constitue l’identification des dépouilles, en particulier à la suite de la guerre Iran-Irak, de la guerre du Golfe, ou des affrontements qui ont lieu depuis 2003. Une formation pratique réunissant des représentants des deux pays a également été planifiée, mais aucune date n’a encore été arrêtée. Les deux pays ont toutefois manifesté leur intérêt à mener des efforts coordonnées pour identifier et rapatrier les dépouilles issues de la guerre Iran-Irak. À la fin des ateliers de formation, les participants ont indiqué qu’ils souhaitaient vivement recevoir un soutien dans ce domaine et bénéficier d’autres formations, et ont reconnu la nécessité de standardiser les pratiques et d’établir des protocoles pour les travaux relatifs à la médecine légale.

 

B. L’IRAK ET L’IRAN ÉCHANGENT LES DÉPOUILLES DE SOLDATS TUÉS DURANT LA GUERRE DE 1980-1988

[Source : The San Diego Union Tribune, « Iraq Iran, swap remains of 1980-1988 war Dead », 30 novembre 2008, [traduction CICR] disponible sur : http://www.sandiegouniontribune.com/sdut-ml-iraq-iran-113008-2008nov30-story.html]

 

L’Iran et l’Irak ont échangé dimanche les dépouilles de 241 soldats tués durant la guerre qui a opposé les deux pays pendant huit ans. Il s’agit du dernier signe en date d’une coopération renforcée entre les deux nations voisines, qui s’étaient livré un combat sans merci par le passé, sous le régime de Saddam Hussein.

 

C’est la première restitution de ce type depuis la signature par les deux parties d'un accord, en octobre dernier, par lequel elles s'engageaient à travailler de manière coordonnée pour retrouver les corps de dizaines de milliers de personnes encore portées disparues à la suite de la guerre.

 

L’Irak et l’Iran avaient auparavant échangé des dépouilles et des prisonniers de guerre, mais la cérémonie de dimanche, organisée en grande pompe, laisse espérer que l’accord pourrait mettre fin à la longue attente des proches des personnes tuées ou portées disparues dans chacun des camps.

 

« Nous espérons que cette tragédie prendra fin aussitôt que possible et que ce dossier sera clos pour toujours, afin que les familles puissent trouver la paix après avoir obtenu des éléments sur le sort de leurs proches et l’endroit où reposaient leurs dépouilles », a déclaré Mahdi al-Tamimi, haut-fonctionnaire du ministère des Droits de l’homme irakien.

 

Les restes de 200 Irakiens et de 41 Iraniens ont été remis à leurs pays respectifs au poste frontière de Shalamcheh, non loin de la ville de Bassorah, dans le sud de l’Irak. D’après le Comité international de la Croix-Rouge, qui supervisait l’opération de restitution, seules 23 dépouilles irakiennes et 10 dépouilles iraniennes ont pu être identifiées.

 

Des proches endeuillés, en pleurs et se battant la poitrine de leurs poings, ont jeté des roses sur les cercueils en bois recouverts du drapeau de leur pays, alors que les dépouilles étaient portées, de part et d’autre de la frontière jusqu’au point de franchissement, par des soldats de l’armée de terre irakienne et de la marine iranienne. Des femmes drapées dans des robes noires islamiques pleuraient alors qu’une fanfare accompagnait la procession.

 

Plus d’un million de personnes sont mortes ou ont été portées disparues pendant la guerre Iran/Irak.

 

Les deux pays se sont mis d’accord mi-octobre pour coopérer en vue de collecter et partager des informations concernant les personnes disparues et de restituer toutes les dépouilles retrouvées. Il s’agit du premier accord direct visant à aborder ce problème de manière conjointe. Auparavant, Téhéran et Bagdad traitaient le problème chacune de leur côté, avec la Croix-Rouge.

 

« Le retour des corps est important pour les familles des défunts et constitue un élément essentiel du processus de deuil avec le passé », a déclaré Jamila Hammami, déléguée du CICR chargée du dossier des personnes disparues du côté irakien.

 

Jamila Hammami, qui assistait à la cérémonie de restitution, a ajouté que beaucoup de familles n’avaient jamais perdu espoir.

 

Si des personnes ayant perdu des proches étaient présentes à la cérémonie avec l’espoir de retrouver leurs dépouilles, aucune des dépouilles restituées du côté irakien n’a été réclamée, au dire des fonctionnaires.

 

 […]

 

Les relations entre l’Irak et l’Iran se sont considérablement améliorées après l’éviction de Saddam Hussein en 2003, qui a conduit à l’arrivée au pouvoir de la majorité irakienne chiite après des décennies d’oppression de la part de la minorité arabe sunnite, à laquelle appartenait Saddam Hussein.

 

[…]

 

C. IRAN/IRAK : LES DÉPOUILLES DE SOLDATS RENDUES À LEURS FAMILLES

[Source : CICR, « Iran/Iraq: Soldiers’ remains returned to families », 22 janvier 2015, [traduction CICR] disponible sur : https://www.icrc.org/en/document/iraniraq-soldiers-remains-returned-families]

 

Bagdad/Téhéran (CICR) - Le CICR a participé une fois encore à la remise des dépouilles de soldats tués durant la guerre Iran/Irak.

 

Les restes ont été rapatriés dans leurs pays respectifs le 22 janvier 2015, lors d’une cérémonie organisée au poste frontière de Shalamcheh près de Bassorah (Irak) à laquelle participaient des fonctionnaires civils et militaires des deux pays ainsi que des membres du personnel du CICR. Parmi les dépouilles restituées au cours de la cérémonie, les équipes légistes ont pu jusqu’à présent identifier 46 soldats iraniens et 3 membres des forces irakiennes. Les travaux d’identification des autres dépouilles se poursuivent.

 

« Il s’est écoulé plus de 25 ans depuis que les armes se sont tues. Pourtant, dans chacun des deux pays, des milliers de familles ne savent toujours pas ce qui est arrivé à leurs proches », a déclaré Patrick Youssef, chef de la délégation du CICR en Irak. « Il est vital que ces familles connaissent le sort de leurs fils disparus pour parvenir à clore leur processus de deuil et à faire face à leur douleur ».

 

Le CICR pratique actuellement une évaluation des besoins des familles de personnes disparues en Irak afin de déterminer l’aide dont elles ont besoin.

 

« Nous saluons les efforts déjà entrepris conjointement pour retrouver les restes humains de la guerre Iran-Irak et, en particulier, la coopération et la détermination des gouvernements iranien et irakien, sans qui la cérémonie d’aujourd’hui n’aurait pas été possible », a déclaré Olivier Martin, chef de la mission du CICR en Iran.

 

En vertu du droit international humanitaire, les familles ont le droit de connaître le sort de leurs proches disparus. Les deux camps se sont engagés à garantir que ce droit soit respecté.

 

[…]

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

1. Comment qualifieriez-vous la situation entre l’Irak et l’Iran pendant la période de 1980 à 1988 ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 2)

 

II. Traitement des personnes disparues et des morts

2. Quelles sont les obligations des parties au conflit concernant les personnes disparues et leurs plus proches parents ?

a. Les parties au conflit sont-elles tenues de prendre des mesures pour empêcher la disparition des personnes dans les conflits armés ? Dans l’affirmative, quelles sont ces obligations ? (CG I, art. 16 et 17 ; CG II, art. 19 ; CG III, art. 122 ; CG IV, art. 26 et 136 ; PA II, art. 8 ; DIHC, règle 117)

b. Lorsque des personnes sont portées disparues, quelles mesures les parties au conflit devraient-elles prendre pour élucider leur sort ? Que prévoit le DIH au sujet du « droit de savoir » ? (PA I, art. 33)

3. Quelles sont les obligations des parties à un conflit armé international concernant les morts ? Quel est le lien entre ces obligations et le devoir d’élucider le sort des personnes disparues ? Le DIH impose-t-il aux parties au conflit de restituer les dépouilles mortelles aux membres de la famille ? Ces règles du DIH sont-elles également applicables dans le cadre de conflits armés non internationaux ? (CG I, art. 15-17 ; CG IV, art. 16, et 129-131 ; PA I, art. 34 ; PA II, art. 8 ; DIHC, règles 112-116)

4. Des obligations incombent-elles aux parties au conflit concernant l’enregistrement des tombes et l’enterrement des dépouilles ? (CG I, art. 17 ; CG II, art. 20 ; PA I, art. 34)

5. Quelle est la valeur juridique du Mémorandum d’entente signé par l’Irak, l’Iran et le CICR ? De quelle manière ce document a-t-il contribué à établir une coopération entre les deux parties belligérantes ? Quel est le rôle du CICR en ce sens ?

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

6. (Document A) De quelle manière l’équipe argentine d’anthropologie médico-légale a-t-elle contribué à l’identification des dépouilles mortelles en Irak ? Pourquoi la coopération et le partage de bonnes pratiques entre les pays qui sont confrontés à des situations similaires sont-ils si importants pour garantir un plus grand respect du DIH ?

7. Comment les innovations technologiques et médicales peuvent-elles aider les parties à remplir leurs obligations au regard du DIH ?

8. (Documents B, C) Pourquoi le respect du « droit de savoir » des familles est-il important pour favoriser un retour à la paix après la fin des hostilités ?

9. (Documents A, B et C) De quelle manière le CICR soutient-il les efforts en cours visant à « élucider le sort des personnes disparues durant la guerre Iran-Irak » ? Qu’en est-il des ONG ? Les gouvernements irakien et iranien sont-ils également impliqués dans ces activités ? De quelle façon ? Selon vous, quelles sont les raisons qui expliquent que l’accord signé entre l’Irak et l’Iran ait été le premier accord direct entre les deux pays ?