Les Commentaires mis à jour apportent un éclairage contemporain de l’importance, toujours actuelle, des Conventions de Genève

04 mai 2017

Qu'est-ce qui est acceptable et qu'est-ce qui est interdit dans un conflit armé ? Les quatre Conventions de Genève de 1949 constituent le fondement du droit international humanitaire et établissent un cadre pour répondre à cette question.

Les Commentaires mis à jour apportent un éclairage contemporain de l'importance, toujours actuelle, des Conventions de Genève

Dans les années 1950, le CICR a publié ses commentaires de ces Conventions qui donnent des conseils pratiques sur la mise en œuvre des Conventions. Afin de prendre en compte l'évolution du droit et de la pratique depuis 60 ans, l'institution s'est fixée pour objectif d'actualiser tous les Commentaires existants, en s'attachant à exposer fidèlement les interprétations des Conventions, telles qu'elles prévalent aujourd'hui.
Jean-Marie Henckaerts, chef de ce projet, nous en dit davantage.

Quel est le principal objectif de la mise à jour des Commentaires ?

La mise à jour des Commentaires vise principalement à offrir une compréhension du droit, dans son interprétation actuelle, pour qu'il soit mis en œuvre de manière effective dans les conflits armés contemporains. Cette contribution importante permet, selon nous, de réaffirmer que les Conventions ont encore toute leur pertinence, de générer leur respect et de renforcer la protection des victimes confrontées à des conflits armés. Grâce à l'expérience acquise dans l'application et l'interprétation des Conventions durant les soixante dernières années, il nous est possible de mieux comprendre comment elles opèrent durant les conflits armés dans le monde entier et dans des contextes très différents de ceux qui avaient conduit à leur adoption. Par ailleurs, les nouveaux Commentaires vont bien au-delà des premiers Commentaires élaborés dans les années 1950 qui se fondaient principalement sur les travaux préparatoires des Conventions et sur l'expérience de la Seconde Guerre mondiale.

Pouvez-vous citer quelques exemples des sujets sur lesquels les Commentaires apportent des précisions ?

Les Commentaires explicitent de nombreux aspects, qui vont de la manière dont s'appliquent les diverses dispositions du droit international humanitaire dans les conflits contemporains qui sont complexes, aux obligations qui s'imposent aux Parties à l'égard des blessés et des malades. Par exemple, en vertu de la Première Convention de Genève, les blessés et les malades doivent être protégés et respectés. Mais qu'est-ce que cela signifie en pratique ? Quelles sont les standards exigés en termes de soins médicaux pour le traitement des blessés et des malades ? Comment recueillir et soigner les blessés et les malades en l'absence de troupes sur le terrain ? Les réponses à ces questions et à d'autres revêtent une dimension à la fois juridique et opérationnelle qui est traitée par le Commentaire de la Première Convention.

À qui, d'après vous, ces Commentaires seront utiles ?

Les Commentaires sont un outil essentiel pour des praticiens du droit, tels que les commandants militaires, les officiers et les juristes, parce qu'ils leur permettent d'assurer la protection des victimes durant un conflit armé. Ils serviront aussi à former les membres des forces armées, à préparer les instructions pour les forces armées et à s'assurer que les ordres militaires sont conformes au droit. Mais ils seront également utiles aux juges qui doivent appliquer le droit humanitaire, notamment aux juridictions pénales devant lesquelles les personnes accusées d'infractions au droit peuvent être traduites. Ces Commentaires pourront aussi être utiles aux avocats au sein des gouvernements, aux organisations internationales, au CICR, aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi qu'aux universitaires. Nous savons que les Commentaires des années 1950 leur ont été utiles. Aussi, nous espérons que ces Commentaires actualisés leur seront également précieux dans la mesure où les idées et les références y sont plus denses.

En quoi les Commentaires reflètent-ils la prépondérance de conflits armés non internationaux de nos jours ?

Étant donné qu'aujourd'hui, la plupart des conflits armés ont un caractère non international, il est essentiel qu'ils soient réglementés. L'article 3 qui traite de ces conflits est une disposition capitale des Conventions et le nouveau Commentaire propose une interprétation exhaustive de tous les aspects de cette « mini-Convention », qu'il s'agisse de son champ d'application, de l'obligation d'un traitement humain, de la prise en charge des blessés et des malades, des activités humanitaires, des aspects pénaux et de son respect. Mais ce Commentaire traite aussi de sujets primordiaux, comme les violences sexuelles et le non-refoulement, c'est-à-dire l'interdiction de renvoyer des personnes vers des pays où leur vie risque d'être menacée.

Quelles sont les autres évolutions prises en compte par les Commentaires ?

La manière d'approcher la protection des femmes est un bon exemple. La référence que fait le premier Commentaire aux égards dus aux femmes car ce sont ceux que l'on « accorde à des êtres plus faibles et dont l'honneur et la pudeur doivent être respectés » ne serait plus considérée aujourd'hui comme appropriée. En fait, les premiers Commentaires exprimaient le contexte social et historique de l'époque. Mais, aujourd'hui, il y a une meilleure compréhension des besoins spécifiques des femmes, des hommes, des filles et des garçons et des divers effets que les conflits armés peuvent avoir sur eux. Le nouveau Commentaire reflète l'évolution de la société et du droit international sur l'égalité des sexes.

Est-ce que les nouveaux Commentaires prennent en compte d'autres branches du droit international ?

Lorsque les Conventions de Genève ont été adoptées, de nombreuses branches du droit international en étaient à leurs balbutiements, comme le droit des droits de l'homme, le droit international pénal et le droit des réfugiés, mais ces domaines se sont considérablement développés. Ces corpus normatifs sont complémentaires du droit humanitaire car ils visent tous à apporter une protection aux personnes qui en ont besoin. Le droit humanitaire n'est pas une branche autonome du droit ; il a de nombreuses interactions avec d'autres branches du droit international. Par conséquent, les interprétations actuelles proposées par les nouveaux Commentaires prennent en compte les développements dans d'autres domaines chaque fois que ceci peut être utile pour l'interprétation d'une disposition de la Convention. Les nouveaux Commentaires tiennent compte également des développements dans d'autres domaines, plus techniques, comme le droit des traités ou le droit sur la responsabilité des États.

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