Les moyens d'identification des transports sanitaires protégés

30-06-1994 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 807, de Gérald C. Cauderay

  Gérald C. Cauderay   a une formation de radio-navigant et de radariste de la marine marchande où il a servi durant plusieurs années. Ensuite, il a occupé différents postes à responsabilité dans l'industrie électronique, en particulier dans le domaine des télécommunications et de la radio-navigation maritime et aéronautique, avant d'être nommé conseiller industriel et scientifique près l'Ambassade de Suisse à Moscou. Au CICR, il est principalement responsable des problèmes liés à l'identification et à la signalisation des établissements et des transports sanitaires protégés et des télécommunications. Il a publié dans la Revue plusieurs articles: «Visibilité du signe distinctif des établissements, des formations et des transports sanitaires» juillet-août 1990), en collaboration avec L. Doswald-Beck, «Le développement des nouvelles armes antipersonnel» (novembre-décembre 1990) et «Les mines antipersonnel» juillet-août 1993).  

     

  Introduction  

Les Conventions de Genève (CG) du 12 août 1949 stipulent que le personnel et le matériel sanitaires seront en général identifiés par l'emblème distinctif de la croix rouge ou du croissant rouge [1 ] . La deuxième Convention de Genève (CG Il) [2 ] , applicable aux victimes de conflits sur mer, spécifie que les surfaces extérieures des navires-hôpitaux et des embarcations plus petites utilisés à des fins sanitaires seront blanches. Elle préconise que les parties au conflit utilisent «les méthodes les plus modernes» pour faciliter l'identification des transports sanitaires en mer (CG II, art. 43). Il est en outre recommandé que les aéronefs sanitaires portent ostensiblement le signe distinctif et leurs couleurs nationales sur leurs faces inférieure, supérieure ou latérale. De plus,   ils seront dotés de «toute autre signalisation ou moyen de reconnaissance   fixés par accord entre les belligérants soit au début, soit au cours des hostilités» (CG I, art. 36; CG II, art. 39).

L'emploi de la plupart des moyens d'identification cités dans cet article est mentionné dans l'Annexe I au Protocole I du 8 juin 1977 additionnel aux Conventions de Genève de 1949.

En 1990, une réunion d'experts techniques, convoquée par le CICR conformément aux dispositions de l'article 98 du Protocole I, a procédé à la révision de l'Annexe I. Les amendements proposés avaient essentiellement pour objet d'intégrer à l'Annexe I du Protocole I des dispositions techniques déjà adoptées par les organisations internationales compétentes.

Cette procédure de consulta tion a abouti en 1993, et les amendements proposés par les experts sont entrés en vigueur le 1er, mars 1994 [3 ] pour tous les Etats parties au Protocole I, à l'exception, et pour les amendements visés, de ceux qui ont fait une déclaration de non-acceptation [4 ] .

  1. Drapeaux et signes peints sur les coques des navires  

     

Les drapeaux et signes peints sur les coques ou figurant sur les voiles des navires sont probablement parmi les plus anciens moyens d'identification utilisés par les navires marchands ou les vaisseaux de guerre. Ils ont été suffisants pendant plusieurs centaines d'années, permettant d'identifier les navires relativement bien, même à une distance assez grande, et à temps pour engager une éventuelle action. L'utilisation de longues-vues puis, plus tard, de binoculaires a quelque peu amélioré le champ de vision et la distance de visibilité. Toutefois, pour être identifiés d'aussi loin que possible, les navires doivent utiliser les drapeaux et emblèmes de très grandes dimensions. A titre d'exemple, des tests de visibilité de l'emblème effectués par le CICR ont confirmé que, par temps clair, un drapeau croix rouge de 10 m. de large, n'est pas identifiable à une distance de 5000 mètres, et qu'un autre, de 5 m. de large, est à peine identifiable à 3000 mètres [5 ] . Leur visibilité et, par conséquent, leur identification, dépendent aussi, dans une large mesure, des conditions météorologiques: par exemple, une forte pluie ou le brouillard peuvent les rendre totalement invisibles, même à faible distance.

Ces considérations n'avaient toutefois pas grande importance, lorsque la guerre sur mer était limitée à des vaisseaux de guerre à voile, qui utilisaient une artillerie relativement modeste, à portée de tir limitée, et quand les sous-marins n'étaient pas encore une réalité.

Le développement dramatique, au cours du siècle dernier, des moyens techniques de la guerre navale, et depuis 1914-1918 de la guerre aérienne, a complètement modifié la situation.

Les méthodes de guerre modernes font appel de plus en plus à des moyens techniques très élaborés qui permettent la destruction d'une cible bien avant d'en avoir un contact visuel. En outre, la mécanisation des moyens de combat et le très large usage qui est fait aujourd'hui de dispositifs d'observation électroniques, voire une certaine automatisation de l'engagement militaire, principalement dans la marine et l'aviation, ont augmenté considérablement la portée et la rapidité des armes, ainsi que la vitesse de leurs vecteurs. En conséquence, il devient de plus en plus difficile, pour ne pas dire impossible, de reconnaître à temps le personnel, les établissements et, surtout, les véhicules protégés (terrestres, maritimes ou aériens), munis du seul signe distinctif.

Pour identifier efficacement les établissements et moyens de transports sanitaires, il est donc indispensable d'améliorer considérablement la visibilité du signe distinctif.

L'utilisation de différents systèmes visuels de signalisation n'est pas suffisante pour assurer une identification efficace des transports sanitaires protégés sur mer et dans les airs, particulièrement au cours d'opérations navales, aéroportées et amphibies.

Des moyens supplémentaires de signalisation et d'identification sont par conséquent nécessaires: radiocommunications, identification par radar, signalisation acoustique sous-marine et, dans une certaine mesure, signaux lumineux.

Ces derniers peuvent être comparés aux drapeaux et aux signes peints, mais offrent l'avantage d'être visibles de nuit, à plus grande distance. De jour, selon les conditions météorologiques, cette visibilité peut être augmentée. C'est surtout le cas lorsque le signal lumineux est un feu scintillant.

Dans cette catégorie, on peut aussi inclure l'utilisation du Code international de signaux et celle de la lampe de signalisation morse, et même la transmission par sémaphores. Jusqu'à une époque récente, ces moyens étaient encore utilisés pour les communications dans la marine marchande, comme dans la marine de guerre. Ils ont été progressivement, mais pas complètement, remplacés par les radiocommunications ou par des dispositifs électroniques.

On peut encore mentionner les feux à haute intensité, du type de ceux installés sur les aéronefs (feux anti-collision, feux stroboscopiques, phares d'atterrissage, etc.), ou dans les aéroports pour les indicateurs de trajectoire d'approche (PAPI [6 ] ) et le balisage des pistes. Des feux de ce type pourraient être utilisés, conformément aux Conventions de Genève et à leur Protocole I additionnel [7 ] , pour éclairer les signes distinctifs des navires-hôpitaux et d'autres vaisseaux protégés. Ils augmenteraient dans une certaine mesure leur distance de visibilité et permettraient de les identifier plus rapidement.

A titre d'exemple, l'emploi d'un feu bleu scintillant pour l'identification de navires-hôpitaux, aéronefs sanitaires et autres transports protégés est recommandé dans l'Annexe I du Protocole I additionnel aux Conventions de Genève (Article 7, version amendée en 1993). De nombreux tests ont été réalisés pour vérifier la distance maximale de visibilité po ssible selon cette méthode d'identification. Les résultats ont été assez décevants: dans le cas d'une identification d'aéronefs sanitaires, la distance maximale n'était que de 1,5 km de jour et environ 8 km de nuit. Autre inconvénient: au-delà d'une certaine distance, la couleur du feu apparaît blanche et non bleue.

Des tests plus récents, effectués en mer avec un nouveau type de feu bleu scintillant [8 ] ont donné des résultats plus encourageants. Alors que sa distance maximale de visibilité de jour est restée de 1,5 km, ce feu était encore visible de nuit au-delà de 9,5 km, en conservant sa couleur bleue; il répondait ainsi aux dispositions réglementaires existantes en la matière [9 ] .

Aussi intéressants qu'ils puissent être, ces moyens de communication et d'identification (techniquement plutôt rudimentaires) sont totalement insuffisants lorsqu'il s'agit d'identifier rapidement et efficacement un moyen de transport sanitaire dans un conflit armé moderne. C'est pourquoi ils ne sont utiles que comme moyens complémentaires d'identification.

Par ailleurs, l'utilisation de plus en plus fréquente de dispositifs de vision nocturne et diurne, utilisant le principe de l'imagerie thermique (IR thermique) [10 ] , pose un problème nouveau quant à la visibilité de l'emblème. Si ce dernier est peint avec de la peinture ordinaire, il ne sera pas visible lors de l'observation avec une caméra à imagerie thermique. Or, ces systèmes de vision ne sont pas seulement utilisés pour l'observation nocturne, mais également pour la surveillance et la visée de jour; en effet, ils permettent d'augmenter la distance de visibilité de l'ordre de 1,5 à 1,8 fois par rapport à celle obtenue avec les dispositifs optiques ordinaires.

Conscient de ce problème, le CICR a cherché une solution qui soit à la fois simple et efficace; il a récemment procéd é à des essais de rubans thermiques autocollants, de couleur rouge, pour dessiner les croix rouges équipant ses véhicules. Les premiers résultats obtenus sont tout à fait concluants et, pour autant que quelques précautions simples soient prises lors de l'application, rien ne devrait empêcher de recourir à ce procédé. Les dispositions de l'Annexe I [11 ] (version amendée) au Protocole I permettent en effet l'utilisation de matériaux spéciaux pour rendre l'emblème visible dans l'infrarouge.

  2. Radiocommunications  

Durant la Seconde Guerre mondiale, les transports sanitaires maritimes ont largement utilisé les radiocommunications pour se faire identifier et signaler leur position et leur route. Aujourd'hui, ces moyens sont encore plus efficaces pour l'identification des transports protégés (navires-hôpitaux, embarcations de secours, aéronefs sanitaires).

En outre, un navire-hôpital pourrait se faire identifier s'il devait traverser une zone dangereuse, par exemple s'il y avait risque d'opérations navales dans le secteur. Il transmettrait en «aveugle», sur une fréquence appropriée, en donnant son indicatif d'appel (ce qui renseigne sur sa nationalité), son nom, sa position, sa destination, son itinéraire. Cette pratique serait conforme aux dispositions du Règlement des radiocommunications de l'Union internationale des télécommunications (UIT) [12 ] . Pour des raisons évidentes de sécurité, aucune réponse ne serait transmise par les navires impliqués dans les opérations militaires.

  3. Identification par radar  

Depuis sa découverte au début de la Seconde Guerre mondiale, le radar joue un rôle de plus en plus grand pour détecter la présence d'objets et/ou d'obstacles - navires ou aéronefs - représentant un danger potentiel. Lorsqu'il s'agit d'objets mobiles, le radar permet également de déterminer leur distance et leur vitesse de déplacement. Dans la marine et l'aviation, le radar est également utilisé pour les besoins de la navigation, en particulier pour pallier les mauvaises conditions de visibilité. Enfin, certains systèmes de radar sont conçus pour l'observation du sol depuis un aéronef, sur le modèle des prises de vues aériennes; cependant, contrairement aux caméras, les radars ont l'avantage de ne pas être dépendants des conditions météorologiques (par exemple, une couverture nuageuse ne gênera pas l'observation).

Comme une «cible» ne peut pas être directement identifiée par le seul écho qu'elle produit sur l'écran du radar, un dispositif appelé IFF (Identification Friend or Foe - «identification ami ou ennemi») a été mis au point dès la Seconde Guerre mondiale et installé sur la plupart des navires de guerre et aéronefs militaires.

Depuis lors, ce système a été amélioré et adapté aux besoins de l'aviation civile. Appelé «répondeur radar» (ou «transponder»), il fonctionne avec les systèmes de radar secondaires de surveillance (SSR = Secondary Surveillance Radar). Il est aujourd'hui très largement utilisé, non seulement par tous les avions de ligne, mais aussi par l'ensemble des aéronefs, civils et militaires, utilisant l'espace aérien contrôlé, y compris la quasi-totalité des avions privés. Les SSR contribuent ainsi au niveau élevé de sécurité de vol que connaît aujourd'hui le tran sport aérien.

A notre connaissances tous les navires de guerre d'une certaine importance sont pourvus d'un équipement radar IFF et de systèmes SSR, qui leur permettent de contrôler et d'identifier le trafic civil maritime et aérien. Nous serions surpris si les avions AWACS (Airborne Warning and   Control System), affectés à des tâches similaires, ne disposaient pas des mêmes moyens de surveillance.

Des tests ont été effectués, afin de vérifier la possibilité d'utiliser des répondeurs radar de type aéronautique pour identifier des navires-hôpitaux. A cet effet, un répondeur radar standard aéronautique a été installé sur une vedette et réglé sur le mode 3/A, commun au contrôle aérien militaire et civil, En dépit du caractère rudimentaire de l'installation utilisée, et de la hauteur relativement peu élevée de l'antenne, les résultats obtenus ont été très positifs.

  4. Identification parles sous-marins  

Le développement de la technologie permet aujourd'hui aux sous-marins de rester en plongée Presque indéfiniment et d'attaquer des cibles bien au-delà de l'horizon, sans contact visuel préalable. C'est pourquoi, les navires protégés au sens des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels devraient être facilement identifiables par les submersibles,. Plusieurs solutions existent:

  a) Signature acoustiques [13 ]

La signature acoustique est largement utilisée par la marine de guerre pour identifier les navires appartenant à ses propres forces   ou à des force amies. Son principe est basé sur l'écoute et l'analyse de l'ensemble des bruits que génère tout navire faisant route. Ces bruits sont produits principalement par le moteur principal et les moteurs auxiliaires, la rotation de l'hélice, etc. Leur combinaison constitue la signature acoustique du navire. Théoriquement, chaque bateau a sa signature acoustique spécifique et unique, une sorte d'empreinte sonore qui petit être utilisée aux fins d'identification.

Néanmoins, il est possible que plusieurs bateaux de même type, construits dans les mêmes pavillons différents, présentent des caractéristiques presque identiques, et qu'ainsi leurs signatures acoustiques soient similaires et très difficiles à identifier correctement.

En outre, la signature acoustique d'un navire n'est pas immuable. Selon le chargement d'un bateau, son tirant d'eau change, ce qui modifie sa signature acoustique. Il en résulterait de même selon l'âge du navire, selon aussi tout dommage que l'on y causerait, ou toute modification que l'on y apporterait. Certains experts estiment que, pour avoir un niveau de fiabilité suffisant, la signature acoustique devrait être mesurée et enregistrée tous les six mois. L'identification est faite en comparant le signal capté au moyen d'hydrophones, avec un modèle de signature préenregistré.

L'établissement de la signature acoustique d'un navire est obtenu en enregistrant les bruits que le navire produit en évoluant dans un bassin spécialement équipé à cet effet; cette opération requiert des installations complexes et des instruments de mesure et d'enregistremen t sophistiqués. Habituellement, ce type d'installation n'est disponible que dans des pays qui ont une marine nationale bien développée et qui maîtrisent bien la technologie nécessaire. C'est pourquoi, en temps de guerre, un navire d'un petit pays - neutre de surcroît - utilisé comme transport sanitaire, aurait de grandes difficultés à faire enregistrer sa signature acoustique si même il y parvenait. Sans parler des obstacles qu'il aurait ensuite à la communiquer aux belligérants.

Enfin, compte tenu de la complexité d'établir la signature acoustique d'un navire, et des aléas de sa propagation dans la mer, seuls des spécialistes bien entraînés, disposant d'un équipement très élaboré, peuvent procéder à une identification fiable.

  b) Systèmes actifs d'identification acoustique sous-marine  

Les expériences vécues pendant la Seconde Guerre mondiale et au cours des conflits armés qui ont suivi, ont incité certains gouvernements, notamment ceux de pays neutres, à développer l'idée d'un système actif d'identification acoustique sous-marine. L'idée a été appuyée par le CICR, soucieux de la sécurité des navires-hôpitaux et des navires protégés par les Conventions de Genève.

La recherche d'une solution a abouti à un système qui repose sur la transmission sous-marine d'un signal acoustique, émettant l'indicatif d'appel du navire en code morse, précédé du préfixe NNN (pour neutre)

et YYY pour un navire-hôpital, conformément aux dispositions du Code international des signaux de l'Organisation maritime internationale (OMI) [14 ] .

La transmission est répétée automatiquement, soit en continu, soit à des intervalles donnés. L'indicatif d'appel du navire, utilisé pour toutes les communications, est un groupe de lettres qui lui est attribué selon le Règlement des radiocommunications de l'UIT. Il indique sa nationalité, et son identité peut être déduite en comparant ces lettres aux listes publiées par l'UIT.

Divers prototypes ont été testés ainsi que, plus récemment, un type d'équipement produit industriellement en séries limitées. Les résultats ont confirmé la validité du principe et la fiabilité du système. Non seulement le signal transmis a été reçu à une distance de 25 milles nautiques, mais un relèvement de la direction du signal a été obtenu à la même distance, avec une bonne précision.

A notre connaissance, plusieurs Etats ont manifesté de l'intérêt pour cette méthode d'identification et l'un d'eux au moins, a décidé d'équiper ses navires marchands de ce système.

  5. Autres dispositifs permettant de faciliter l'identification  

Les moyens techniques d'identification mentionnés plus haut sont, pour la plupart, déjà sur le marché, voire utilisés pour des activités civiles. L'emploi de la plupart d'entre eux est mentionné dans l'Annexe I au Protocole I du 8 juin 1977 additionnel aux Conventions de Genève de 1949.

Avec le développement continuel et rapide de la technologie, il est plus que probable que de nouveaux moyens techniques d'identification seront disponibles à l'avenir. Certains dispositifs, déjà utilisés à des fins militaires, pourraient en particulier être un jour mis à disposition pour des applications civiles.

Dans le domaine des répondeurs-radio, le Comité consultatif international des radiocommunications de l'UIT [15 ] a adopté en 1992 une recommandation (Rec 825) concernant les caractéristiques des répondeurs-radio VHF à appel sélectif, utilisés pour l'identification entre navires et par les systèmes de contrôle du trafic maritime (SCTM). Dans cette recommandation, les transports sanitaires se sont vu attribuer un code spécifique qui permettra ainsi de les identifier automatiquement.

Il faut également signaler le développement de systèmes de localisation et de positionnement par satellite. Parmi ceux-ci, le système Argos [16 ] est utilisé par l'Organisation météorologique mondiale (OMM) pour la compilation des données fournies par un vaste réseau de bouées de mesures, réparties sur tous les océans du globe. Le système Argos sert aussi à contrôler la position et la progression de bateaux qui participent à des régates de haute mer, sur de longues distances.

Le système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM [17 ] ), est à même de localiser les sinistres par des moyens sophistiqués mais efficaces: les systèmes INMARSAT [18 ] et COSPAS/SARSAT [19 ] sont en mesure de situer les radiobalises (EPIRB) [20 ] et émetteurs de détresse (ELT) [21 ] utilisés par les marins et les navigateurs. Depuis peu, les terminaux du SMDSM, tout comme les stations terriennes mobiles de INMARSAT, peuvent également être équipés d'une carte-récepteur GPS [22 ] . Cette dernière permet à ceux qui en son munis de communiquer leur position selon la nécessité, et même sur interrogation.

L'équipement ARGOS est embarqué sur deux satellites en orbite polaire circulaire (à l'altitude d'environ 800 km) qui assurent une couverture globale.

Ces nouvelles possibilités de localisation par radio et par satellite peuvent aussi contribuer de manière significative à simplifier et rendre plus précise l'identification des transports sanitaires, et à suivre leurs déplacements.

De n ouvelles technologies, déjà utilisées dans le domaine militaire, pourraient être appliquées aux transports sanitaires. Elles seraient susceptibles d'améliorer l'identification par radar: par exemple, le «radar fingerprinting» qui consiste à analyser électroniquement l'onde porteuse et les impulsions émises par un radar de navigation de type commercial, et à en établir la signature électromagnétique. Cette technologie devrait rendre possible l'identification d'une unité de transport sanitaire, aéronef ou bateau, par la simple observation et l'analyse des signaux émis par son radar de navigation, à condition que sa signature radar ait été préalablement enregistrée et communiquée à toutes les parties concernées, lors de la notification.

Il faut cependant rappeler que cette signature peut se modifier avec le temps en raison du vieillissement des composants, de l'entretien ou de modifications qui seraient apportées au radar concerné.

A notre avis, cette méthode d'identification pourrait être encore améliorée et rendue plus efficace. Par exemple, on pourrait introduire sur la fréquence porteuse un signal spécifique d'identification qui serait immédiatement reconnu par le système de surveillance et le dispositif d'analyse numérique de la porteuse. D'autres possibilités techniques pourraient certainement être considérées, néanmoins, elles devraient être aussi simples que possible à mettre en oeuvre et être compatibles avec les systèmes de surveillance utilisés par les Parties au conflit.

Les équipements modernes de radiogoniométrie automatique permettent de relever, rapidement et avec précision, la direction de tout émetteur de radiocommunications. Plusieurs relevés, faits simultanément à partir de différentes stations suffisamment éloignées les unes des autres, permettront ainsi de vérifier la position et/ou la route suivie par le navire, ou l'aéronef, bénéficiant d'une protection au sens des Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles additionnels de 1977.

Enfin, les méthodes d'identification décrites ci-dessus sont totalement passives en ce qui concerne les belligérants, n'exigeant de leur part l'émission d'aucun signal qui pourrait les faire repérer par l'adversaire.

  6. Usage abusif des moyens techniques d'identification  

Tout comme l'emblème de la croix rouge ou du croissant rouge, les moyens techniques d'identification peuvent être utilisés de façon abusive par l'une ou l'autre des parties au conflit. En effet, il peut paraître facile pour un avion ne bénéficiant pas de la protection, d'afficher un code radar spécifique préalablement attribué à un aéronef sanitaire. Cependant, le fraudeur devrait connaître le code en question, ce qui n'est pas si simple; ensuite, il ne manquerait pas d'attirer rapidement l'attention des services responsables de la sécurité aérienne. On peut également imaginer un navire non protégé, utilisant les dispositions des articles 40 et N40 du Règlement des radiocommunications de l'UIT; néanmoins sa position, sa route et d'autres caractéristiques, non conformes aux indications d'une notification officielle le rendraient immédiatement suspect. On pourrait citer d'autres exemples d'utilisation abusive; toutefois les forces armées disposent aujourd'hui de moyens modernes de surveillance, de repérage et de localisation - dont un grand nombre sont de type passif - qui devraient leur permettre de déceler très rapidement tout abus d'utilisation des moyens techniques d'identification.

  Conclusion  

     

Nous pensons donc que l'identification n'est plus vraiment un problème technique, mais qu'elle dépend beaucoup de l'attitude des parties concernées. Celles-ci doivent reconnaître aux transports protégés, et à ceux qui ne sont pas impliqués dans un conflit, le droit d'utiliser tous les moyens techniques modernes d'identification existants et disponibles pour se faire identifier. Ainsi, ces derniers éviteraient d'être pris pour cible, voire détruits, par l'une ou l'autre des forces armées belligérantes.

Il est cependant important de souligner qu'aucun moyen d'identification n'est totalement fiable . Les moyens visuels seront inévitablement amoindris par la distance, les conditions météorologiques, les rideaux de fumée et divers autres obstacles naturels ou artificiels. Les radiocommunications et l'identification électronique peuvent être sérieusement perturbées par des mesures de guerre électronique, tels que le brouillage de réseaux de communication et des systèmes radar. Enfin, la guerre électronique comprend aussi des mesures de ruse («déception») qui consistent à générer et introduire de fausses informations dans les systèmes adverses [23 ] .

En période de conflit armé, toutes ces possibilités doivent être prises en considération et, par conséquent, divers moyens d'identification devraient être utilisés simultanément pour que les transports protégés concernés aient les meilleures chances d'être rapidement et efficacement identifiés par toutes les parties au conflit.

  Notes :  

* Cet article reflète le point de vue personnel de l'auteur et n'engage pas la responsabilité du CICR. - (Original: français).

1. (Première) Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, du 12 août 1949, articles 35-38.

2. (Deuxième) Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, du 12 août 1949, articles 22, 24, 26, 27 et 43.

3. Cf. Revue internationale de la Croix-Rouge, No 805, janvier-février 1994,   pp. 29-43.

4.   La Suède pour les articles 8 et 9 et la Jordanie pour l'article 2.

5.   Gérald C. Cauderay: «Visibilité du signe distinctif des établissements, des formations et des transports   sanitaires», Revue internationale de la Croix-Rouge, No 277 , juillet-août 1990, pp.   319-347.

6. PAPI: Precision Approach Path Indicator (Indicateur de trajectoire d'approche de précision).

7. Art. 5, para. 2, Annexe I (version amendée de 1993) au Protocole I additionnel aux Conventions de Genève de 1949.

8. Cf. Bundesamt für Seeschiffahrt und Hydrographie, Hamburg, Protokoll ref.T2110 du 29 mai 1992

9. Article 7, Annexe I (version amendée) au Protocole I additionnel aux Convention de Genève de 1949; OMI, Code international de signaux, Chap. XIV, para. 4; OACI, Manuel technique de navigabilité Doc. 9051, 3e partie, Section 7, Chapitre 1er, paragraphe 4.

10. Imagerie thermique (IR Th. ou Infrarouge passif): il s'agit d'un procédé qui consiste à capter l'énergie électromagnétique, naturelle ou artificielle, émise dans le spectre IR lointain (8-12 mm) par les corps et à la transformer en signaux électriques, ceux-ci permettant alors d'établir une carte des points de chaleur du paysage et de former ainsi une image que l'on peut observer dans une lunette ou sur un écran, ou   enregistrer au moyen de dispositifs spéciaux.

11.   Cf.   note 7   supra.

12. Règlement des radiocommunications, articles 40 et N 40, UIT, Genève.

13. Philippe Eberlin: «L'identification acoustique sous-marine des navires-hôpitaux» Revue internationale de la Croix-Rouge, No   267, novembre-décembre 1988, pp.527-541.

14. Code international des signaux, chapitre XIV, para. 5, OMI, Londres, 1985.

15. CCIR : Il a été repris depuis lors par le Bureau des radiocommunications (BR) de l'UIT.

16. ARGOS : Système de repérage, de localisation et de transmission d'informations par satellite. Il est le résultat de la coopération entre le CNES (Centre national d'études spatiales, France), la NASA (National Space and Aeronautical Administration, USA) et le NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration, USA).

17. SMDSM : Système mondial de détresse et de sécurité en mer, OMI, Londres, 1987.

18. INMARSAT : Organisation internationale de télécommunications maritimes par satellite.

19. COSPAS/SARSAT: Cosmos Spacecraft/Search et Rescue Satellite Aided Tracking.  

20. EPIRB : Radiobalises de localisation de sinistre.

21. ELT : Emetteurs de localisation de détresse.

     

22. Global Positioning System (GPS) : également connu sous le nom de NAVSTAR, c'est un système de navigation globale, développé et exploité par le ministère américain de la Défense. Il s'appuie sur une constellation de satellites (18 d'entre eux sont actuellement opérationnels, sur les 24 prévus au total) et permet au possesseur d'un récepteur spécial de connaître sa position à la surface du globe, que ce soit au sol, en mer ou dans les airs, avec une précision de +/- 100 m.

23. Réunion d'experts techniques en vue d'une révision éventuelle de l'Annexe I au Protocole I de 1977, additionnel aux Conventions de Genève de 1949 - Genève, 20-24 août 1990 - commentaire des Etats-Unis d'Amérique sur les articles 8 et 14.