Tchad : les mines terrestres ne sont pas une arme de guerriers

27-06-2014 Éclairage

La guerre de 1973 avec la Libye et les 30 ans de conflit interne ont fait du Tchad un pays infesté de mines antipersonnel et anti-véhicules, un ennemi souvent invisible et néanmoins mortel. Parmi les survivants, beaucoup ont du mal à obtenir l'assistance dont ils ont besoin. Anatole est l'un de ces survivants ; il fabrique aujourd'hui des membres artificiels après avoir été formé par le CICR.


Anatole et son collègue François préparant une prothèse de membre. © CICR / Lucas

Malgré les mesures encourageantes prises par le gouvernement tchadien qui a ratifié la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel en 1999, on ne connaît pas précisément à ce jour le degré de contamination du pays. Il se produit toujours des accidents, notamment dans le nord, dans les zones désertiques du Tibesti et de Wadi Fira qui n'ont pas encore été déminées de façon systématique.

Un atelier de l'espoir - de nouvelles prothèses dans le centre de réadaptation physique de N'Djamena. 

Un atelier de l'espoir - de nouvelles prothèses dans le centre de réadaptation physique de N'Djamena.
© ICRC / Lucas

Alexandre Ratebaye, directeur du département des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères du Tchad déclare que les mines sont une arme inhumaine et qu'elles ne devraient plus être utilisées dans les conflits armés. Selon lui, « le déminage des zones infestées demeure l'un des plus grands défis pour le pays à la fois en termes de vies humaines et de développement ».

Quand on n'a pas vraiment le choix

Les victimes tchadiennes des mines qui ont besoin de membres artificiels ou d'orthèses n'ont guère le choix. La superficie du Tchad dépasse celles de la France et de l'Espagne mises ensemble et il n'existe que deux centres de réadaptation physique dont le financement n'est pas toujours assuré, l'un dans la capitale N'Djamena et l'autre à Moundou dans le sud du pays. Il n'y a pas de centre de réadaptation dans les régions les plus touchées du nord et du nord-est, et il n'est pas facile de transporter les victimes qui survivent à leurs blessures de ces régions vers les centres de réadaptation.

Anatole et son collègue François prennent une pause bien méritée. 

Anatole et son collègue François prennent une pause bien méritée.
© ICRC / Lucas

La plupart des patients qui arrivent dans ces deux centres sont des victimes d’accidents déjà anciens, qui nécessitent une assistance médicale à long terme et doivent pouvoir remplacer leurs membres artificiels tous les deux ou trois ans. Anatole fait partie de ces patients qui ont besoin de contrôles réguliers. Il s'est très bien rétabli et comme il le dit lui-même,  « quelquefois, j'en oublie que j'ai un membre artificiel ».

Anatole a aujourd'hui la quarantaine. C'était un soldat de 20 ans lorsque son camion a sauté sur une mine dans le désert du Tibesti. Huit de ses camarades sont morts sur le coup et plusieurs autres, dont Anatole, ont été gravement blessés. « Je me suis évanoui après l'explosion, dit-il, et lorsque je suis revenu à moi, ma jambe gauche était en bouillie et je perdais beaucoup de sang par les oreilles. J'ai mis des mois à pouvoir entendre à nouveau. Après mon amputation, pendant des semaines je pensais mettre fin à mes jours. »

Pendant son séjour à l'hôpital, ce père de cinq enfants s'inquiétait surtout de savoir qui allait assurer un toit et des vivres à sa famille. C'est un vrai problème pour lui qui a été démobilisé après son accident et n'a jamais reçu aucune compensation pour ses blessures.

Espoir dans l'avenir

Anatole au travail dans le centre de réadaptation physique de N'Djamena 

Anatole au travail dans le centre de réadaptation physique de N'Djamena
© ICRC / Lucas

Heureusement, grâce à formation dispensée par le CICR, Anatole a maintenant un emploi stable comme assistant technicien au centre de réadaptation physique de N'Djamena où il fabrique des membres artificiels pour d'autres victimes de mines. Il dit qu'il est très heureux et fier de sa nouvelle vie et des responsabilités qui sont aujourd'hui les siennes. « Je veux aider mes frères. Du fait de ma propre expérience, je suis bien placé pour leur expliquer qu'ils doivent faire preuve de patience lorsqu'ils reçoivent leur nouveau membre artificiel. J'essaie de leur donner l'espoir d'une amélioration dans l'avenir. »

Cela dit, il n'oublie pas ceux qui ont inventé et qui produisent les mines antipersonnel et sa colère à leur égard est intacte. Il affirme : « Ces armes ne sont pas des armes de guerriers. Elles sont invisibles et continuent à frapper des années après la fin de la guerre. Dans mon village, ce sont généralement les enfants qui gardent les troupeaux et ils risquent leur vie quand ils doivent traverser des zones infestées. Les femmes qui vont chercher du bois sont aussi en danger. Ces armes ne devraient plus être utilisées. »

Les mines antipersonnel sont interdites au titre de la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel à laquelle 161 États sont parties. Les mines anti-véhicules sont quant à elles régies par le Protocole II additionnel à la Convention sur l’interdiction de certaines armes classiques, qui compte 100 États parties.
 

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