Fédération de Russie / Daghestan: le programme de visites familiales vu à travers les yeux d’une mère

26-07-2012 Éclairage

Lorsqu’un habitant du Caucase du Nord est détenu pour des motifs liés à un conflit armé ou une autre situation de violence, il peut l’être loin de chez lui, n’importe où dans la Fédération de Russie. Pour ses proches, aller lui rendre visite est dès lors difficile et suppose des dépenses qu’ils ne peuvent souvent pas supporter. C’est la raison pour laquelle, trois fois par année, le CICR prend en charge les frais de déplacement et de séjour des familles pour qu’elles puissent entreprendre ces voyages qui leur tiennent tant à cœur. En 2011, l’institution a ainsi aidé 354 familles vivant dans le Caucase du Nord à rendre visite à leurs proches détenus. Olga Berezueva, du bureau du CICR au Daghestan, raconte comment fonctionne le projet.

Nurzhagan Magomedovna est l’une des bénéficiaires du programme de visites familiales lancé au Daghestan en 2007. Si, pour beaucoup, le terme « programme de visites familiales » ne signifie pas grand-chose, pour Nurzhagan Magomedovna il a une résonance toute particulière : il est devenu un véritable pont d’espoir entre elle et son fils

Lorsque je l’ai appelée pour la voir, je suis tombée sur la voix de quelqu’un qui souhaitait sincèrement me rencontrer, et pas seulement pour ce que nous avions fait pour elle. Ma première impression s’est avérée dès le moment où elle m’a accueillie sur le pas de la porte, et j’ai très vite compris que c’était le genre de personnes avec qui il fait bon parler.

Nurzhagan est une travailleuse médicale à la retraite ; elle habite à Makhachkala. Bien qu’en raison d’un handicap, elle se déplace à l’aide de béquilles, elle m’accompagne lestement jusqu’à son salon. Au passage, je remarque le dépliant sur le programme de visites familiales du CICR parmi des journaux et d’autres documents amoncelés sur une table basse. « Depuis que j’ai entendu parler du programme et que j’ai commencé à rendre visite à mon fils, j’ai toujours ce dépliant sous la main », m’explique Nurzhagan. Et elle commence à me raconter son histoire, à partir du jour où sa vie a basculé, lorsque son fils s’est retrouvé en détention provisoire, dans un centre loin du Daghestan. Au cours d’une de ses visites, son fils lui a dit : « Maman, il y a une organisation qui travaille ici au Daghestan. C’est le Comité international de la Croix-Rouge. Tu devrais aller les voir ; on dit qu’ils peuvent nous aider. » Jusque-là, Nurzhagan n’avait jamais entendu parler du CICR. La première fois qu’elle est allée voir son fils avec le soutien du CICR, elle est partie seule ; puis elle a emmené sa petite-fille avec elle. Comme la jeune fille accompagnait une personne handicapée, le CICR a également pris en charge ses frais de déplacement et de séjour. Par la suite, le CICR a aussi permis à l’épouse du détenu et à leur fille de cinq ans de lui rendre visite.

Ce jour-là, Nurzhagan, m’explique combien ces visites lui tiennent à cœur et combien elles sont aussi importantes pour son fils. Elle me dit qu’elle fait en sorte de n’en manquer aucune ; surtout que le CICR lui accorde l’aide supplémentaire dont elle a besoin en raison de son problème de mobilité.

Elle a beaucoup de choses à me dire, et on voit bien qu’elle a attendu longtemps de pouvoir raconter son histoire à quelqu’un. Elle me parle pleine de reconnaissance des collaborateurs du CICR qui travaillent dans notre bureau de Khasavyurt et qui l’ont beaucoup aidée : Nika, une employée locale chargée des activités de protection, Kharun, l’administrateur, Visrail, le garde… Je lui explique que nous ne faisons que notre travail. Nurzhagan est une personne incroyablement optimiste, qui ne voit partout que le bon côté des choses. Cette attitude positive qui la pousse à toujours aller de l’avant l’aide à surmonter ses douleurs physiques, de même que ses souffrances morales, en attendant le retour de son fils. .

Alors que je m’apprête à partir, je me rends compte combien cette entrevue a été bénéfique pour toutes les deux. Nurzhagan souhaitait ardemment une rencontre comme celle-là, car elle avait besoin de parler et d’exprimer tous les sentiments qui l’habitaient. Quant à moi, j’ai appris ce jour-là qu’il ne faut jamais perdre espoir, qu’il faut continuer à lutter et à croire en un avenir meilleur, et aussi qu’il est essentiel de savoir aimer.

J’ai également appris que le programme de visites familiales du CICR ne sert pas juste aux familles à rester en contact, aussi dures que soient les circonstances, mais qu’il leur donne aussi l’espoir qu’elles viendront à bout de leurs difficultés et qu’un jour la vie leur sourira de nouveau.

Photos

Makhachkala, Daghestan. Nurzhagan Magomedovna montre l’exemplaire du dépliant sur le programme de visites familiales du CICR qu’elle a toujours sous la main. 

Makhachkala, Daghestan. Nurzhagan Magomedovna montre l’exemplaire du dépliant sur le programme de visites familiales du CICR qu’elle a toujours sous la main.
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