République centrafricaine : le CICR intensifie sa réponse à la crise humanitaire

03-04-2014 Interview

La République centrafricaine vit aujourd’hui une crise humanitaire majeure. Pour répondre à cette situation catastrophique, le CICR lance un appel de plus de 15,6 millions de francs suisses afin de renforcer son action dans le pays. Patrick L’Hôte, chef des opérations pour l’Afrique centrale et australe, apporte un éclairage sur les activités CICR passées et à venir.

Le président du CICR, Peter Maurer, s'entretient avec des patients à l'hôpital communautaire de Bangui, où plusieurs équipes chirurgicales prennent en charge les malades et les blessés, dont près de 70% par balle, grenades ou à l’arme blanche. ©CICR

Que vit aujourd’hui la population centrafricaine ?

Aujourd’hui, pour une large frange de la population du pays, on peut vraiment parler de survie. La peur est omniprésente, palpable. Des dizaines de milliers de personnes ont dû se déplacer ou quitter le pays. Certaines n’osent pas quitter leur quartier, tandis que d’autres renoncent à rentrer chez elles par peur de la criminalité ou de nouvelles violences ciblées. Le besoin de sécurité est criant. Il est encore difficile d’avoir une estimation précise, mais un très grand nombre de familles ont été dispersées dans leur fuite, et de très jeunes enfants se sont retrouvés séparés de leurs parents. Pour les personnes déplacées, les conditions de vie dans les camps demeurent très difficiles : certaines ont tout perdu et manquent cruellement d’abris ou des biens les plus essentiels. Pour certains blessés et malades, il est encore aujourd’hui dangereux de se rendre à l’hôpital. Des années de crises successives, ajoutées à une pauvreté endémique et aux conséquences de la récente flambée de violence, ont mis les services de base de l’État, comme la justice et l’éducation, à genoux.

Que fait le CICR dans le pays ?

En 2012, nous avons centré notre action en faveur des communautés villageoises autour de Kaga Bandoro, dans le centre du pays, à Ndele et Birao, dans le nord, ainsi que dans le sud-est. Début 2013, face à la détérioration de la situation, nous avons dû adapter notre réponse. Nous avons lancé des interventions d’urgence, dont certaines en partenariat avec la Croix-Rouge centrafricaine, partout où cela était possible : évacuations de blessés, récupération et inhumation des corps, soins aux blessés, distributions d’eau, de nourriture et d’articles de première nécessité, recherches de personnes séparées de leur famille, et dialogue avec les acteurs de la violence sur le respect et la protection dus aux populations civiles et aux organisations de secours. Ces actions d’urgence se sont souvent déroulées dans un climat extrêmement tendu, dangereux pour les personnes que nous tentions de secourir, mais également pour les équipes de la Croix-Rouge centrafricaine et celles du CICR. La violence qui a frappé le pays ces derniers mois n’a en effet pas épargné nos collègues.

Quelles activités serez-vous en mesure de mener grâce à cet appel de fonds ?

L’aide aux personnes déplacées et à celles qui rentrent chez elles sera renforcée. Nous leur procurerons de la nourriture, de l’eau et du matériel afin qu’elles puissent maintenir un niveau d’hygiène acceptable. Le ramassage des ordures sur les sites de déplacés ainsi que la construction de latrines vont se poursuivre. Notre présence, jusqu’ici mobile et temporaire dans l’ouest du pays, sera bientôt permanente, grâce à l’établissement d’un bureau. En milieu carcéral, nous allons continuer à rendre visite aux personnes arrêtées, afin de nous assurer que leurs conditions de détention et le traitement qui leur est réservé répondent aux normes internationales. En collaboration avec la Croix-Rouge centrafricaine et les Sociétés nationales de la région, nous intensifierons les recherches de personnes séparées de leurs proches, en République centrafricaine et dans les pays voisins. Dans le domaine médical, nous allons poursuivre la réhabilitation de l’hôpital communautaire de Bangui et en améliorer les services, en construisant par exemple une unité de radiographie. Dans le centre du pays, les cliniques mobiles qui sillonnent déjà la région continueront leurs consultations, notamment en faveur des victimes de violences sexuelles. Enfin, nous renforcerons le dialogue avec les porteurs d’armes ou les civils qui participent de près ou de loin aux violences, afin que la population civile soit épargnée par les attaques, mais aussi pour que la mission médicale, l’action humanitaire neutre et impartiale, et l’emblème de la croix rouge soient respectés. Bien évidemment, le CICR n’est pas seul en République centrafricaine : d’autres acteurs humanitaires importants travaillent sans relâche pour tenter d’apporter un peu d’humanité au cœur de cette crise majeure qui, malheureusement, est loin d’être endiguée.

 

Faits et chiffres

  • Près de 100 collaborateurs, locaux et expatriés, viendront renforcer les équipes actuelles.
  • La République centrafricaine devient une des dix opérations du CICR les plus importantes dans le monde.
  • Les équipes du CICR sont présentes dans le pays, sporadiquement depuis 1987, et de manière permanente depuis 2007.
  • Le budget actuel du CICR dans le pays est de 23,6 millions de francs suisses.