Mesures auxquelles peuvent recourir les Etats pour remplir leur obligation de faire respecter le droit international humanitaire

28-02-1994 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 805, de Umesh Palwankar

  Umesh Palwankar   a fait ses études à l'Université de Genève (institut universitaire de hautes études internationales), où il a obtenu un doctorat en relations internationales. Il a été assistant à la faculté de droit de l'Université de Genève et a aussi participé, en qualité de rapporteur, à plusieurs tables rondes et réunions d'experts organisées par l'Institut international de droit humanitaire, San Remo.  Depuis 1991, il est membre de la Division juridique du CICR et a publié précédemment un article dans la Revue intitulé «Applicabilité du droit international humanitaire aux Forces des Nations Unies pour le maintien de la paix» (no 801, mai-juin 1993, pp. 245 à 259).  

     

  Introduction  

La présente étude traite d'un aspect spécifique d'une question plus vaste qui est la recherche des moyens de mieux faire respecter le droit international humanitaire, c'est-à-dire l'exécution de l'obligation de faire respecter ce droit, telle qu'énoncée à l'article premier commun aux Conventions de Genève de 1949 et à leur Protocole additionnel 1 de 1977.  L'étude repose sur la prémisse qu'il n'y a pas de contestation quant à l'interprétation de cet article premier, en vertu de laquelle l'obligation de faire respecter le droit international humanitaire signifie que toute Haute Partie contractante est tenue de prendre des mesures à l'égard de toute autre Haute Partie contractante qui ne le respecterait pas. Par conséquent, l'étude ne traite pas de cette question, mais plutôt identifie et commente brièvement les différents types de mesures auxquelles peuvent recourir les Etats pour s'acquitter de cette obligation. Les exemples donnés pour les différentes mesures servent simplement à les illustrer et ne sauraient en rien être considérés comme un jugement de l'auteur sur le bien-fondé de ces mesures dans les circonstances où elles ont été prises.

  Remarques générales  

La présente étude a pour objectif principal d'identifier, classifier et examiner brièvement certains aspects juridiques des mesures qu'ont adoptées les Etats, dans diverses circonstances, pour faire respecter le droit international en général, et de fournir ainsi une liste des mesures qu'ils pourraient envisager d'adopter, le cas échéant, afin de remplir leur obligation en vertu de l'article premier commun.

En conséquence, la présente étude ne se livre pas à une analyse approfondie de la véritable nature juridique de cette obligation [1 ] . Il convient toutefois de signaler qu'en raison de la ratification quasi universelle des Conventions de Genève et du nombre croissant d'Etats parties à leurs Protocoles additionnels, ainsi que de la transcendance des principes humanitaires et, de là, du caractère erga omnes de l'obligation de les respecter [2 ] , tous les Etats ont le droit de veiller à ce que tout autre Etat respecte le droit humanitaire coutumier, et tous les Etats parties y sont tenus, aux termes stricts des Conventions et du Protocole I, vis-à-vis de tout Etat partie à ces instruments [3 ] .

L'article premier commun impose aux Hautes Parties contractantes l'obligation d'agir, mais sans définir une ligne de conduite spécifique.  Aucune indication n'y est donnée sur la manière dont elles devraient procéder pour faire respecter le droit international humanitaire. C'est avant tout pour combler cette lacune que les moyens licites disponibles doivent être identifiés. Une autre raison découle du fait que, pour faire progresser la mise en oeuvre du droit international humanitaire, spécialement dans le contexte de l'article premier, il est nécessaire de dépasser le cadre du droit international humanitaire lui-même et d'envisager d'autres options, comme la «diplomatie humanitaire», qui concerne surtout les Etats et les Nations Unies. Dans ce contexte particulier, l'action humanitaire se trouve ainsi évidemment mêlée à la politique, mais cette responsabilité, tant individuelle que collective, énoncée dans l'article premier, incombe aux Etats et de ce fait implique nécessairement la politique.

Il est utile de préciser à ce stade que la présente étude porte essentiellement sur les mesures qui permettent aux Etats de «faire respecter» le droit international humanitaire par les autres Etats, dans le sens de faire rétablir le respect de ce droit par les Etats qui le violent [4 ] . Toutefois, il ne faudrait pas perdre de vue que les Etats peuvent aussi remplir leur engagement de faire respecter ce droit au moyen de mesures conçues pour aider d'autres Etats à le respecter, spéc ialement en temps de paix (et peut-être pendant les conflits armés de longue durée). Parmi ces mesures, citons, par exemple, la désignation de conseillers juridiques chargés d'aider à mettre au point et à adapter la législation et le code pénal des pays pour une mise en oeuvre efficace du droit international humanitaire et de former des conseillers juridiques au sein des forces armées; l'enseignement du droit international humanitaire dans le cadre de la coopération militaire, quelle que soit la forme de cette coopération; l'organisation de séminaires régionaux et internationaux avec la participation des Etats afin de débattre des problèmes spécifiques liés au respect du droit international humanitaire; l'aide apportée pour l'installation et la mise à jour de banques de données régionales (ou d'une seule banque de données internationale) sur les divers aspects touchant aux mesures prises au niveau national et à leur application. Ces banques de données seraient accessibles à tout Etat qui aurait besoin d'information.

Les mesures licites que peuvent prendre des Etats tiers, c'est-à-dire des Etats qui ne sont pas parties à un conflit armé international ou non international, pour qu'ils fassent respecter le droit international dans le cas où celui-ci serait violé, se répartissent en quatre grandes catégories.  La première comprend les mesures visant à exercer des pressions diplomatiques.  La deuxième concerne les mesures coercitives prises par les Etats eux-mêmes. La troisième porte sur les mesures que peuvent prendre les Etats en coopération avec les organisations internationales.  La quatrième catégorie diffère des trois autres en ce sens qu'elle ne se rapporte pas à des mesures dont le but est d'obliger un Etat qui viole le droit international à le respecter à nouveau, mais plutôt à cet aspect de l'obligation de faire respecter qui confère aux Etats le devoir, moral pour le moins, de contribuer à des activités d'assistance entreprises en conformité avec le droit international humanitaire. Dans ce cas, de telles mesures pourraient être considérées comme des contributions à l'action   humanitaire.  

Enfin, dans la mesure où il est question de droit international humanitaire, il convient de noter qu'aux termes de l'article premier («en toutes circonstances», c'est-à-dire chaque fois que le droit international humanitaire est applicable) et en vertu de l'article 3 commun aux Conventions de Genève, l'obligation de faire respecter s'applique tant aux conflits internationaux qu'aux conflits non internationaux.

  Mesures visant à exercer des pressions diplomatiques  

En règle générale, ces mesures ne posent aucun problème d'un point de vue juridique. Elles peuvent grosso modo prendre les cinq formes suivantes :

     

  a) Protestations vigoureuses et répétées de la part du plus grand nombre       possible de Parties dans leurs pays respectifs auprès des ambassadeurs       représentant l'Etat en question et, inversement, par les représentants       de ces Parties accrédités auprès du gouvernement dudit Etat.  

  b) Dénonciation publique, par une ou plusieurs des Parties et/ou par une organisation régionale particulièrement influente, de la violation du droit international humanitaire.  

On pourrait citer comme exemple la déclaration faite par les Etats-Unis d'Amérique au Conseil de sécurité le 20 décembre 1990 à propos de la déportation de civils palestiniens des territoires occupés: «Nous estimons que de telles déportations constituent une violation de la IVe Convention de Genève (...) Nous demandons instamment au gouvernement israélien de cesser immédiatement et définitivement ces déportations, et de se conformer entièrement à la IVe Convention de Genève dans tous les territoires qu'il a occupés depuis le 5 juin 1967 "

(S/PV.2970, partie II, 2 janvier 1991, pp. 52 et 53). De même, le Conseil de la Ligue des Etats arabes, à sa session extraordinaire des 30-31 août 1990 tenue au Caire, a condamné dans sa résolution 5038/ES, par. 1, «(...) la violation par les autorités irakiennes des dispositions du droit international humanitaire relatives au traitement des populations civiles sur le te rritoire koweïtien sous l'occupation irakienne».

     

  c) pressions diplomatiques exercées, par la voie d'intermédiaires, sur   l'auteur de la violation.  

Par exemple, les mesures prises par la Suisse pour persuader la Chine et la France d'exercer des pressions sur les Etats arabes dans l'affaire de Zarka en 1970, où trois avions civils ont été détournés par des mouvements palestiniens.

  d) Saisine par un Etat de la Commission internationale d'établissement   des faits (article 90, Protocole additionnel I) à l'égard d'un autre   Etat, lorsque tous deux ont reconnu la compétence de ladite   commission.  

En réalité, le fait même qu'un Etat qui a fait la déclaration d'acceptation de la compétence de la Commission internationale d'établissement des faits affirme qu'il souhaite s'adresser à cet organisme, même si l'Etat contre lequel une enquête est requise n'a pas quant à lui déclaré reconnaître la compétence de ladite Commission, pourrait bien être un moyen d'amener ce dernier à reconnaître la compétence de cette Commission, du moins dans certains cas, et/ou à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux violations répétées du droit international humanitaire. En cas de refus les Etats pourraient exprimer publiquement leur désapprobation.

  Mesures coercitives que les Etats peuvent prendre eux-mêmes  

La liste suivante ne comporte que des mesures licites en droit international auxquelles les Etats peuvent recourir. Elle ne prend donc pas en considération l'intervention armée menée par un Etat ou un groupe d'Etats de manière unilatérale, c'est-à-dire sans référence aucune à un traité ou une coutume, étant donné qu'une telle intervention n'est pas autorisée dans le cadre du droit international public, et qu'aucune intervention armée ne peut se fonder sur le droit international humanitaire [5 ] .

Il serait utile à ce stade d'aborder très brièvement la licéité, en droit international, de l'adoption par des Etats de mesures coercitives (bien que non années) à l'encontre d'autres Etats. La pratique démontre que les Etats ont recours à toute une série de mesures de ce type, afin d'exercer des pressions sur d'autres Etats en réaction à un acte commis par l'Etat contre lequel ces mesures sont dirigées. Ces mesures se répartissent en deux grandes catégories, à savoir les mesures de rétorsion et les représailles non armées.

Par mesures de rétorsion on entend des actes inamicaux, voire préjudiciables, mais intrinsèquement licites, qui répondent à un acte antérieur qui pourrait lui aussi avoir été inamical mais licite, ou illicite au plan international.

Les représailles sont des actes qui, par leur nature même, sont illicites mais exceptionnellement justifiés à la lumière d'un acte illicite antérieur commis par l'Etat contre lequel elles sont dirigées. La Commission du droit international, qui emploie le terme «contre-mesures» pour désigner de tels actes, considère que l'illégalité initiale constitue une circonstance qui exclut d'avance l'illégalité de la réponse [6 ] .

La licéité des mesures elles-mêmes [7 ] ,   notamment en ce qui concerne leur contenu et leur mise en oeuvre, est déterminée non seulement en fonction des limites que leur dictent la civilisation et l'humanité, mais aussi en fonction de leur but. Le but poursuivi n'est ni de punir (il s'agit de contre-mesures, non de sanctions) ni de chercher des compensations, mais uniquement d'obliger l'Etat responsable d'avoir violé le droit à cesser de le faire, en lui infligeant des dommages, et de le dissuader de recommencer à l'avenir. Ainsi, pour rester licites, les mesures coercitives doivent:

- être dirigées contre " Etat responsable de l'acte illicite proprement dit;

- être précédées d'un avertissement adressé à l'Etat en question, lui demandant de mettre fin audit acte;

- être proportionnelles; toutes les mesures qui ne seraient pas proportionnelles à l'acte qui est à leur origine seraient excessives, et donc illicites;

- respecter les principes humanitaires fondamentaux, comme le prévoient le droit international public et le droit international humanitaire, selon lesquels il est interdit de prendre ce type de mesures à l'encontre de certaines catégories de personnes; [8 ]

-  être provisoires et par conséquent cesser dès que l'Etat en question cesse de violer le droit [9 ] .

  Mesures de rétorsion possibles  

  a) Expulsion de diplomates  

Par exemple, pendant la prise d'otages à l'ambassade américaine à Téhéran (1979-1980), les Etats-Unis ont expulsé certains membres du personnel diplomatique iranien en poste à Washington.

  b) Rupture des relations diplomatiques  

Immédiatement après la décision mentionnée ci-dessus, les Etats-Unis ont rompu leurs relations diplomatiques avec l'Iran.

  c) Interruption des négociations diplomatiques en cours ou refus de       ratifier des accords déjà signés  

En 1979, suite à l'invasion de l'Afghanistan, le Sénat américain a refusé d'examiner les accords SALT II, déjà signés par l'URSS et les Etats-Unis.

  d) Non-renouvellement des privilèges ou accords commerciaux      

A la suite de la répression en Pologne, les Etats-Unis ont décidé en 1981 de ne pas renouveler leur accord maritime bilatéral avec l'URSS et de soumettre à des restrictions l'admission des navires soviétiques dans les ports américains à partir de janvier 1982.

  e) Réduction ou suspension de l'aide publique à l'Etat en question  

En décembre 1982, en réaction contre les tueries commises par la milice et autres violations des droits de l'homme au Suriname, les Pays-Bas ont suspendu la mise en oeuvre d'un programme d'aide à ce pays

qui portait sur une période de 10 à 15 ans.

  Représailles non armées possibles  

Parmi ces mesures figurent notamment les pressions économiques [10 ] . Leur but est d'entraver les relations économiques et financières normales, soit en ne respectant pas les accords en vigueur, soit en prenant des décisions qui vont à l'encontre des règles régissant ces relations.

  a) Restrictions et/ou embargo commercial sur la vente des armes, la       technologie militaire et la coopération scientifique  

Le 4 août 1990, les Communautés européennes ont pris une série de décisions à l'égard de l'Irak qui comprenaient notamment un embargo sur la vente d'armes et d'autres équipements militaires, et la suspension de toute la coopération technique et scientifique.

  b) Restrictions aux exportations et/ou importations à destination et en       provenance de l'Etat qui commet des violations; interdiction totale       de relations commerciales  

A la suite de l'invasion de l'Afghanistan en 1979, les Etats-Unis ont décrété un embargo céréalier à l'encontre de l'URSS; les Communautés européennes ont imposé une interdiction totale sur les importations en provenance de l'Argentine pendant le conflit des Falkland-Malvinas en 1982; les Etats-Unis ont suspendu leurs relations commerciales avec l'Ouganda en 1978, en réaction contre les violations des droits de l'homme.

  c) Interdiction des investissements  

En 1985, la France a interdit tous les nouveaux investissements en Afrique du Sud, suite à un durcissement de la répression liée à l'apartheid.

  d) Gel des capitaux  

Les Communautés européennes ont décidé de geler les avoirs irakiens sur le territoire des Etats membres (4 août 1990).

     

  e) Suspension des accords relatifs au transport aérien (ou autres accords)      

Le 26 décembre 1981, les Etats-Unis ont suspendu le US-Polish Air Transport Agreement (accord sur le transport aérien entre les Etats-Unis et la Pologne) de 1972 à la suite de la répression du mouvement Solidarité par le gouvernement polonais.

  Mesures prises en coopération avec les organisations internationales  

  Organisations régionales  

En plus des décisions de prendre des mesures pour exercer des pressions économiques, comme celles décrites précédemment, certains organismes régionaux, surtout ceux qui agissent dans le domaine des droits de l'homme, peuvent contribuer d'une autre manière à promouvoir le respect aussi bien des droits de l'homme que du droit international humanitaire [11 ] . Cela a été le cas des Commissions européenne et interaméricaine des droits de l'homme.

En 1967, les gouvernements danois, norvégien, suédois et néerlandais ont déposé une requête auprès de la Commission européenne à l'encontre du gouvernement grec, accusant celui-ci de violer la Convention européenne des droits de l'homme. L'affaire n'ayant pas été portée devant la Cour, c'est le Comité des ministres qui a pris une décision.

Les deux Commissions susmentionnées ont aussi entrepris des missions d'établissement des faits sur le terrain et eu des entretiens privés avec des prisonniers: la Commission européenne en Turquie (1986), et la Commission interaméricaine pendant la guerre civile en République dominicaine (1965).

  Nations Unies  

Comme nous l'avons signalé précédemment [12 ] , l'article premier, en imposant une obligation aux Etats, fait inévitablement intervenir la politique. Or, l'un des moyens les plus importants à la disposition des Etats, au niveau international, est précisément l'Organisation des Nations Unies. En outre, tout effort réel tenté par un Etat pour faire respecter le droit international humanitaire, spécialement en cas de violations massives, se révélerait difficile, voire impossible, sans l'appui politique de la communauté des Etats, et les Nations Unies sont un des moyens les plus largement utilisés à ce propos dans le monde contemporain . L'article 89 du Protocole additionnel I le reconnaît implicitement: «Dans les cas de violations graves des Conventions ou du présent Protocole, les Hautes Parties contractantes s'engagent à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies et conformément à la Charte des Nations Unies».

Les différents types de mesures que peuvent prendre les Etats en coopération avec les Nations Unies sont énumérées ci-dessous [13 ] .

  Mesures décidées par le Conseil de sécurité  

  a) Contre-mesures non armées  

L'article 41 de la Charte des Nations Unies énumère une série de mesures que le Conseil de sécurité peut éventuellement décider de prendre s'il constate l'existence d'une des trois situations mentionnées à l'article 39, à savoir une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression. Dans la pratique, on constate toutefois une certaine réticence et une démarche empirique de la part du Conseil de sécurité, qui n'a pas toujours jugé utile ni de citer expressément les articles sur lesquels il se fonde, ni de déterminer formellement, dans le préambule ou le dispositif d'une résolution, si la situation dont il s'occupe correspond à l'une des trois mentions de l'article 39 [14 ] . Il faut donc admettre que lorsque le Conseil de sécurité se place dans le cadre du chapitre VII de la Charte, c'est qu'il a admis implicitement qu'il se trouvait en présence de l'une des trois situations indiquées à l'article 39. En outre, le Conseil de sécurité a toute latitude pour classifier les situations, et «... il est très difficile de retrouver dans les différentes résolutions un fil directeur qui permette une classification cohéren te des diverses situations énumérées à l'article 39 " [15 ] . Par exemple, dans la résolution 688 du 5 avril 1991, le Conseil de sécurité a estimé que la répression des populations civiles irakiennes dans les zones de peuplement kurde menaçait la paix et la sécurité internationales dans la région (par. 1).

Les mesures non armées citées à l'article 41 sont l'interruption complète ou partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques.

Ainsi, à partir de 1965, le Conseil de sécurité a adopté plusieurs décisions demandant aux Etats membres qu'ils interrompent toutes leurs relations commerciales avec la Rhodésie du Sud.

  b) Emploi de la force armée  

Il est généralement admis que toutes les contre-mesures militaires prises par un Etat sont illicites et que les Nations Unies et en principe, au sein de cette organisation, le Conseil de sécurité sont les seuls organes compétents pour imposer une sanction impliquant le recours à la force armée [16 ] . Les Etats peuvent donc agir avec l'autorisation du Conseil de sécurité pour utiliser la force afin d'obliger l'Etat en question à remplir ses obligations internationales.

Un exemple caractéristique serait l'action entreprise depuis le 17 janvier 1991 pendant la crise du Golfe, conformément à la résolution 678 du 29 novembre 1990 du Conseil de sécurité.

Toutefois, comme on l'a déjà fait remarquer, le Conseil de sécurité a toute latitude pour décider quelles situations constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales. Par exemple, la résolution 794 du 3 décembre 1992 stipule que la tragédie humaine causée par le conflit en Somalie, qui est encore exacerbée par les obstacles opposés à l'acheminement de l'aide humanitaire, constitue une menace à la paix et la sécurité internationales (par. 3 du préambule). En conséquence, pour lutter contre les violations du droit international humanitaire, en particulier les actes qui font délibérément obstacle à l'acheminement de l'aide humanitaire (par. 5), le Conseil a décidé que des mesures devaient être prises en vertu du chapitre VII de la Charte qui comprendraient notamment l'emploi de tous les moyens nécessaires pour instaurer des conditions de sécurité pour les opérations de secours humanitaire en Somalie (par. 7, 8 et 10). Cette décision est répétée dans une large mesure dans la résolution 814 du 26 mars 1993, qui utilise une terminologie plus ou moins analogue (paragraphe introductif de la section B et par. 14 en particulier).

Dans ce contexte, il serait utile de faire les observations suivantes. Bien que les mesures mentionnées ci-dessus, qui comprennent l'emploi de la force, aient été décidées par le Conseil de sécurité dans le but de faire respecter le droit international humanitaire en cas de conflit armé (apport de l'aide humanitaire dans ce cas), elles l'ont été premièrement sur la base de la Charte des Nations Unies et non du droit international humanitaire, et deuxièmement avec comme objectif premier (le seul autorisé dans le cadre du chapitre VII de la Charte) de rétablir (ou de maintenir, le cas échéant) la paix et la sécurité internationales. La licéité du recours à la force dans ces circonstances est strictement limitée à cet objectif, et ne peut dériver d'aucune règle ou disposition du droit   international humanitaire, pas même de l'article 89 du Protocole additionnel I, qui demande aux Etats parties d'agir, en coopération avec les Nations Unies et en conformité avec sa Charte, en cas de violations graves de ce droit. Car le droit international humanitaire part de la prémisse que tout conflit armé entraîne des souffrances humaines, et entreprend de développer un ensemble de règles destinées précisément à   alléger ces souffrances. Il   serait en effet logiquement et juridiquement indéfendable de déduire que ce même droit autorise le recours à la force armée, y compris dans des cas extrêmes [17 ] . Les mesures de coercition sortiraient par conséquent du cadre du droit international humanitaire.

  Mesures décidées par l'assemblée générale  

  a) Contre-mesures implicitement autorisées  

Il peut arriver que l'Assemblée générale reconnaisse de manière plus ou moins explicite qu'un Etat n'a pas rempli ses obligations aux termes de la Charte, mais sans faire aucune recommandation aux Etats Membres pour qu'ils adoptent des contre-mesures à son encontre.

Par exemple, la résolution A/RES/ES.6/2 adoptée par l'Assemblée générale à sa sixième session extraordinaire d'urgence du 14 janvier 1980, déplore vivement l'intervention armée en Afghanistan (par. 2), mais ne mentionne pas l'URSS. Dans de tels cas, rien n'empêche les Etats de prendre des contre-mesures licites.

  b) Contre-mesures explicitement recommandées  

L'Assemblée générale peut recommander aux Etats Membres (et parfois même à d'autres Etats) d'adopter des sanctions contre un Etat dont la conduite est qualifiée de contraire aux règles de la Charte.

Un exemple parfait serait la résolution A/RES/ES/9/1 du 5 février 1982, adoptée par l'Assemblée générale à sa neuvième session extraordinaire d'urgence sur la situation dans les territoires arabes occupés. La résolution énumère toute une série de mesures à appliquer contre Israël: suspension de l'assistance et de la coopération dans les domaines économique, financier et technique, rupture des relations diplomatiques, commerciales et culturelles (par. 12c) et d) afin d'isoler totalement ce pays dans tous les domaines (par. 13).

  c)   Outre les résolutions demandant aux Etats d'appliquer des contre-mesures, le Conseil de sécurité, l'assemblée générale et le Secrétaire   général peuvent être appelés par les Etats Membres à faire des   déclarations sur l'applicabilité du droit international humanitaire et   à dénoncer les violations qui ont été commises.  

Le Conseil de sécurité s'est dit préoccupé par les attaques menées contre les populations civiles dans le Golfe dans la résolution 540 du 31 octobre 1983 sur la situation entre l'Iran et l'Irak, qui a spécifiquement condamné «toutes les violations du droit humanitaire international, en particulier des dispositions des Conventions de Genève de 1949 sous tous leurs aspects», et a demandé «la cessation immédiate de toutes opérations militaires contre des objectifs civils, notamment les ville s et les zones résidentielles» (par. 2); la résolution 681 du 20 décembre 1990, par. 4, a souligné l'applicabilité de la IVe   Convention de Genève aux territoires occupés par Israël; la résolution A/45/172 du 18 décembre 1990 de l'Assemblée générale, concernant la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales en El Salvador, s'est reportée au droit international humanitaire; le Secrétaire général a fait plusieurs fois appel à l'Iran et à l'Irak pour qu'ils libèrent et rapatrient immédiatement tous les prisonniers malades et blessés (par. 40 du rapport S/20862 présenté au Conseil de sécurité, le 22 septembre 1989).

  d)       Par ailleurs, les Etats peuvent avoir recours aux procédures publiques (dénonciation) et confidentielles (en principe, négociations       discrètes) prévues par la Commission des droits de l'homme afin       d'exercer des pressions sur les Etats pour qu'ils respectent le droit       international applicable. Ils peuvent également encourager les références au droit international humanitaire au sein de la Commission et de la sous-commission.  

Au cours de leurs sessions de 1990, par exemple, la Commission et la sous-commission citées ci-dessus se sont toutes deux référées au droit international humanitaire dans les cas de l'Afghanistan, de l'Afrique australe, d'El Salvador et d'Israë l.

  e)       Les Etats peuvent encourager les Nations Unies à recourir aux       services de rapporteurs spéciaux mandatés pour mener des enquêtes       sur des violations spécifiques du droit international humanitaire, en       prenant pour modèle la procédure déjà utilisée dans le domaine des       droits de l'homme.  

En 1984, des experts désignés par le Secrétaire général pour enquêter sur les allégations de la République islamique d'Iran concernant l'emploi d'armes chimiques ont établi un rapport (S/16433, 26 mars 1984); dans la résolution 1993/2 A, par. 4, (19 février 1993), la Commission des droits de l'homme a décidé de nommer un rapporteur spécial pour enquêter sur les violations par Israël des principes et des fondements du droit international, du droit international humanitaire, et plus particulièrement de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, dans les territoires palestiniens qu'il occupe depuis 1967.

  f) En outre, par l'intermédiaire du Conseil de sécurité et/ou de l'Assemblée générale (dans les limites définies à l'article 96, par. 1, de       la Charte), les Etats peuvent demander à la Cour internationale de       justice un avis consultatif sur la question de savoir si un fait établi   -   à savoir la violation alléguée du droit international humanitaire       par un ou plusieurs Etats parties à un conflit - constitue réellement       une violation d'un engagement international pris par ces Etats.      

Cela n'équivaut pas à demander à la Cour internationale de justice de trancher le différend à l'origine du conflit armé en question, ce qu'elle refuserait de faire [18 ] , mais plutôt de se prononcer sur une question plus abstraite liée à la responsabilité des Etats parties à un traité international.

  Contributions aux efforts humanitaires  

     

Ces actions peuvent prendre la forme d'un appui aux organisations s'occupant d'aide humanitaire ou de mesures pratiques visant à faciliter ce type d'aide.

  a) Soutien  

Les Etats pourraient fournir un soutien financier et/ou matériel à des organisations permanentes comme le CICR et le HCR, et à des structures spéci ales, comme celle qui a été accordée à Saddrudin Aga Khan pour l'«Opération Salaam» en Afghanistan.

  b) Mesures pratiques  

Les Etats, surtout ceux de la région concernée, pourraient mettre à disposition leurs infrastructures logistiques (aéroports, ports, réseaux de télécommunication) et médicales (hôpitaux, personnel).

Dans le conflit armé des îles Falkland-Malvinas (1982), par exemple, l'Uruguay, pays neutre qui a une frontière commune avec l'Argentine, a autorisé le rapatriement par air à partir de Montevideo des blessés appartenant au personnel militaire britannique. Il a aussi autorisé le transit sur son territoire du matériel médical destiné aux navires-hôpitaux britanniques (sous la supervision de délégués du CICR) et le rapatriement de prisonniers argentins et leur remise aux représentants de leurs propres autorités, également à Montevideo. [19 ]

  Puissances protectrices  

Citons pour terminer le système des Puissances protectrices qui, comme le prévoit le droit international humanitaire, vise essentiellement à faire respecter ce droit plus efficacement. Ainsi, une Puissance protectrice est un Etat mandaté par une des parties à un conflit pour qu'il sauvegarde les intérêts de celle-ci au plan humanitaire vis-à-vis d'une ou de plusieurs autres parties au même conflit. Cependant, s'il est exact que la désignation des Puissances protectrices incombe aux parties à un conflit, des Etats tiers pourraient néanmoins encourager les belligérants à recourir à ce système, soit en s'adressant à eux unilatéralement avec des propositions dans ce sens, soit en éveillant un intérêt pour ce système au sein des Nations Unies.

    conclusion  

Dans un monde marqué par une inquiétude croissante face aux violations du droit international humanitaire, qui dans certains cas se produisent dans des proportions inacceptables, la nécessité pour les Etats de remplir leur obligation de faire respecter ce droit est devenu urgente et aiguë. Comme la présente étude le confirme, il existe bien un large éventail de mesures à leur disposition, mesures qu'ils ont adoptées autrefois, à diverses reprises et dans différents contextes. Il dépend donc d'eux, comme le précise la Déclaration finale de la Conférence internationale pour la protection des victimes de la guerre (30 août- 1er septembre 1993), de tout mettre en oeuvre pour «assurer l'efficacité du droit international humanitaire et, conformément à ce droit, prendre des mesures énergiques à l'encontre des Etats portant la responsabilité de violations du droit international humanitaire en vue de mettre un terme à ces violations». [20 ]

  Notes :  

1. Pour une telle analyse, voir notamment Luigi Condorelli et Laurence Boisson de Chazournes, «Quelques remarques à propos de l'obligation des Etats de respecter et faire respecter le droit international humanitaire en toutes circonstances» dans Christophe Swinarski (ed.), Etudes et essais sur le droit international humanitaire et sur les principes   de la Croix-Rouge en l'honneur de Jean Pictet, Martinus Nijhoff, Genève-La Haye, 1984, pp. 17 à 36; Nicolas Levrat, «Les conséquences de l'engagement pris par les Hautes Parties Contractantes de faire respecter les Conventions humanitaires» dans Frits Kalshoven & Yves Sandoz (ed.), Mise en oeuvre du droit international humanitaire, Martinus Nijhoff, Dordrecht, 1989, pp. 263 à 296.

2 «... car une telle obligation ne découle pas seulement des Conventions elles-mêmes, mais des principes généraux du droit humanitaire dont les Conventions ne sont que l'expression concrète», Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci   (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique) fond, arrêt, CIJ Recueil 1986, par. 220, p. 114. Dans l'affaire de la Barcelona Traction la Cour internationale de justice (CIJ) a constaté que des obligations des Etats envers la communauté internationale dans son ensemble peuvent découler des instruments internationaux de caractère universel ou quasi universel et que tous les Etats peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces obligations soient respectées, Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited, arrêt, CIJ   Recueil, 1970, par. 33 et 34.

3. Voir aussi la résolution XXIII de la Conférence internationale des droits de l'homme, Téhéran, 1968, qui souligne le fait que l'obligation de faire respecter les Conventions incombe même aux Etats qui ne sont pas directement impliqués dans un conflit armé. On notera également qu'aucune réserve ni déclaration interprétative concernant l'article premier n'a été faite. De même, aucun Etat n'a contesté la validité des appels lancés par le CICR en 1983 et 1984 au titre dudit article à tous les Etats parties aux Conventions, en relation avec le conflit entre l'Iran et l'Irak. En outre, tant l'Assemblée générale que le Conseil de sécurité des Nations Unies ont fait référence à ladite obligation en vertu de l'article premier, comme la résolution 681 du 20 décembre 1990 du Conseil de sécurité concernant les territoires arabes occupés par Israël qui, au paragraphe 5, demande aux Hautes Parties contractantes à la IVe Convention de Genève: « ... de veiller à ce qu'Israël, puissance occupante, s'acquitte des obligations qu'il a contractées aux termes de l'article premier de la Convention»; et la résolution 45/69, du 6 décembre 1990, de l'Assemblée générale relative au soulèvement (intifada) du peuple palestinien [qui ] demande [également ] , au paragraphe 3, à tous les Etats parties à la IVe Convention de veiller à ce qu'Israël respecte la Convention, en conformité avec les obligations que leur impose l'article premier de celle-ci.

4. Comme le constatent L. Condorelli et L. Boisson de Chazoumes, cet aspect (à l'égard d'autres Etats) de l'obligation de faire respecter porte sur ce qui est requis des Etats face aux violations du droit humanitaire imputables à un autre Etat.  Supra, note 1, p. 26.

5. Yves Sandoz, «Ce serait tout de même un comble de voir le droit international humanitaire, dont la philosophie est de ne pas lier son application au jus ad bellum, devenir lui-même un prétexte à intervention armée».  Annales de droit international médical, no 33, 1986, p. 47. Voir également le préambule du Protocole I, considérants 2 et 4. En ce qui concerne les droits de l'homme, «l'emploi de la force ne saurait être la méthode appropriée pour vérifier et assurer le respect de ces droits», Arrêt Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique,   CIJ Recueil, 1986, par. 268, p.134. Pour un aperçu général, avec de s références détaillées, de l'interdiction de la force en droit international, voir la Commission du droit international: Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, chapitre X-A., «L'interdiction de la force» (Doc. A/CN.4/440/Add.1, 14 juin 1991).

Il convient de souligner ici que l'inadmissibilité du recours à la force par les Etats se limite à un tel recours entrepris unilatéralement (article 2, par. 4, de la Charte des Nations Unies) et par conséquent, est sans préjudice des cas où interviennent les Nations Unies, conformément aux articles 42 et 43, par. 1, de la Charte. En outre, elle ne porte pas sur le droit de légitime défense individuelle ou collective (article 51 de la Charte).

6. «L'illicéité d'un fait d'un Etat non conforme à une obligation de ce dernier envers un autre Etat est exclue si ce fait constitue une mesure légitime d'après le droit international à l'encontre de cet Etat, à la suite d'un fait internationalement illicite de ce dernier Etat». (Commission du droit international, projet d'article 30 sur la responsabilité des Etats), Annuaire de la Commission du droit international, 1979, vol. 2, p. 128. Concernant l'extinction d'un traité ou la suspension de son application comme conséquence de sa violation, voir article 60, par.1 à 4, de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Voir aussi la sentence arbitrale de l'affaire concernant l'accord relatif aux services aériens du 27 mars 1946 entre les Etats-Unis d'Amérique et la France, décision du 9 décembre 1978, par. 81. «En présence d'une situation qui comporte à son avis la violation d'une obligation internationale par un autre Etat, l'Etat a le droit, sous la réserve des règles générales du droit international relatives aux contraintes armées, de faire respecter son droit par des contre-mes ures», Recueil   des Sentences Arbitrales, vol. XVIII, p. 483. Pour une étude détaillée, voir Frits Kalshoven, Belligerent Reprisals, Sijthoff, Leyden, et Institut Henry-Dunant, Genève, 1971, 389 pp.

7. Cela concerne principalement les représailles. Pour la jurisprudence traitant de la [icéité des représailles, se référer aux affaires «Naulilaa» et «Lysne», sentences arbitrales du 31 juillet 1928 et du 30 juin 1930 respectivement, Recueil des Sentences Arbitrales, vol. 11, p. 1023 et p. 1052. Cependant, les considérations suivantes s'appliquent aussi, par analogie, aux mesures de rétorsion qui, bien qu'intrinsèquement licites ne devraient toutefois pas dépasser les limites de la licéité. Par exemple, elles doivent respecter le principe de la proportionnalité en relation avec l'objectif poursuivi. Elles ne peuvent être utilisées dans un but autre que celui de mettre fin à l'acte illicite qui est à leur origine.  Néanmoins, ni la pratique ni la jurisprudence ne donnent d'indications précises quant aux limites de la licéité des mesures de rétorsion. Pour plus de détails sur la licéité et les considérations connexes relatives aux mesures de rétorsion et aux contre-mesures, voir la Commission du droit international: Troisième rapport sur la responsabilité des Etats, chapitre I.B. «Mesures de rétorsion» (Doc. A/CN.4/440, 10 juin 1991) et Quatrième   rapport sur la responsabilité des Etats, chapitre V. «Les contre-mesures interdites» (Doc. A/CN.4/444/Add.1, 25 mai 1992).

8. Conformément, entre autres, à l'article 60, par. 5, de la Convention de Vienne sur le droit des traités . En outre, le paragraphe 4 du même article réserve les dispositions spécifiques de chaque traité applicable en cas de violation. Aux termes du droit international humanitaire, l'interdiction de prendre certaines mesures à l'égard de personnes protégées est mentionnée dans les articles 46, 47, 13(3) et 33(3) des quatre Conventions de Genève respectivement et dans certains articles du Protocole additionnel I, comme les articles 20, 51(6), 54(4). Voir aussi supra, note 7, le Quatrième rapport sur la responsabilité des Etats, chapitre V.C. «Contre-mesures et respect des droits de l'homme» où le rapporteur observe que «...les limitations imposées pour des considérations d'ordre humanitaire au droit de réaction unilatérale à des faits internationalement illicites ont pris de nos jours (... ) une valeur restrictive qui ne le cède qu'à celle de la condamnation du recours à la force» (par. 78). Parmi les exemples qu'il cite à l'appui, on trouve l'arrêt total des relations commerciales avec la Libye décrété en 1986 par les Etats-Unis, qui ont interdit l'exportation vers la Libye de tous biens, technologie ou services en provenance des Etats-Unis à l'exception des publications et des dons d'articles destinés à soulager des souffrances humaines, tels que denrées alimentaires, vêtements, médicaments et fournitures médicales strictement réservées à des fins médicales (par. 79).

9. Il conviendrait aussi d'interpréter cette condition en tenant compte de la résolution 2131 (XX) de l'Assemblée générale du 21 décembre 1965 sur l'inadmissibilité de l'intervention dans les affaires intérieures de l'Etat et la protection de son indépendance et de sa souveraineté, et de la résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970 sur la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies, qui toutes deux condamnent l'usage de mesures économiques et politiques par les Etats pour contraindre un autre Etat à subordonner l'exercice de ses droits souverains ou pour obtenir de lui des avantages de quelque ordre que ce soit.

10. Cette expression semble la plus appropriée pour couvrir l'éventail complet des mesures en la matière, plutôt que l'emploi de termes plus restrictifs comme «embargo», qui strictement parlant ne concerne que les exportations, ou «boycott», qui de la même manière se rapporte uniquement aux importations.

11. A ce sujet, voir Dietrich Schindler, «Le Comité international de la Croix-Rouge et les droits de l'homme», Revue   internationale de la Croix-Rouge, no 715, janvier-février 1979, pp. 3 à 15.

12. Voir les remarques générales qui suivent l'introduction.

13. Voir aussi l'étude récente réalisée sur ce sujet et des sujets connexes par Hans-Peter Gasser, «Ensuring respect for the Geneva Conventions and Protocols : The role of Third States and the United-Nations», Hazel Fox et Michael M. Meyer (eds.) Armed Conflict   and the New Law, vol.   Il, Effecting Compliance, The British Institute of International and Comparative Law, Londres, 1993, pp. 15 à 49.

14. La Charte des Nations Unies: Commentaire article par article, Jean-Pierre Cot et Alain Pellet (ed.), Economica/Bruylant, Paris/Bruxelles, 1985, p. 651 ss.

15. Ibid., p. 654.

16. Supra, note 5.

17. Pour cette raison, le droit international humanitaire s'applique également à toutes les parties à un conflit armé, et indépendamment de considérations relatives à la légitimité du recours à la force (Interventions du CICR sur l'applicabilité du droit international humanitaire aux forces de maintien de la paix des Nations Unies, 47e et 48e sessions de l'Assemblée générale , 1992 et 1993 respectivement). Voir aussi le Rapport sur la protection des victimes de la guerre, préparé par le CICR pour la Conférence internationale pour la protection des victimes de la guerre, publié dans la Revue internationale de la   Croix-Rouge, no 803, septembre-octobre 1993, par. 3.1.3. En fait, s'il était admis que le droit international humanitaire permet bien l'emploi de la force armée pour mettre fin aux violations de ce droit, on pourrait aussi soutenir que tout usage de la force armée qui est conforme audit droit à la lettre est de ce fait «licite» en vertu de ce droit, indépendamment des dispositions de la Charte. Ce serait absurde, ce qui est précisément une des raisons pour lesquelles le droit international humanitaire ne peut et ne doit en aucune manière   être associé à la légitimité du recours à la force.

18. Interprétation des traité, de paix, Avis consultatif, CIJ, Recueil, 1950, p. 72, où la CIJ fait savoir qu'il lui serait impossible d'exprimer un avis lorsque la question qui lui est posée concerne directement le point essentiel d'un différend actuellement né entr é deux Etats de sorte qu'y répondre équivaudrait en substance à trancher un différend entre les parties.

19. Pour plus de détails, voir Sylvie Stoyanka-Junod, La protection des victimes du   conflit armé des îles Falkland-Malvinas (J 982): Droit international humanitaire et action   humanitaire, CICR, Genève, 1984, 45 pp.

20. Voir partie   Il, par.11 de la   Déclaration finale in RICR, no 803, septembre-octobre 1993, p. 404.