Cent ans après La Haye, cinquante ans après Genève : le droit international humanitaire au temps de la guerre civile

30-06-1999 Article, Revue internationale de la Croix-Rouge, 834, de Marie-José Domestici-Met

  Marie-José Domestici-Met est professeur de droit international à l’Université d’Aix-Marseille III (France), membre de son Centre d’études et de recherches internationales et communautaires et directrice du DESS «Aide humanitaire internationale — Urgence et réhabilitation».  

Parodiant Jean-Jacques Rousseau [1 ] , on pourrait dire: «Le droit humanitaire a été conçu pour la guerre entre États; et partout, il est méprisé dans les guerres civiles». Or, si ce droit «comprend un régime, très élaboré, applicable aux conflits armés internationaux», c’est «un autre, plus sommaire, qui s’applique aux conflits armés non internationaux»[2 ] . Il s’agit de l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève pour la protection des victimes de la guerre, des 28 articles du Protocole II additionnel aux Conventions de Genève et de l’article 8, paragraphes 2 c) et 2 e) du Statut de la Cour pénale internationale. Pourquoi, dès lors, cet intérêt porté par le législateur aux situations où le droit international humanitaire est méprisé? Un intérêt qui, de surcroît, s’exprime à travers des dispositions que la formule, négative, de «conflits armés non internationaux» pourrait faire passer pour marginales, c’est-à-dire pour l’exception s’appliquant à des crises situées à la lisière du champ normal couvert par le droit international humanitaire.

En fait, les conflits internes se sont multipliés, tandis les guerres entre États ont presque disparu, partiellement sous l’effet d’un équilibre durable entre «super-grands» naguère encore qualifié d’équilibre de la terreur. C’est ainsi que, sur les deux dernières décennies, on recense péniblement une demi-douzaine de conflits de ce type, alors que «plus de trente conflits [… ] de pouvoir, de territoire, de minorités, de religions» ensanglantaient la planète à l’heure de l’ouverture de la XXVIe Conférence internationale de la Croix Rouge et du Croissant-Rouge, en décembre 1995 [3 ] .

De plus, les guerres civiles, elles-mêmes, ne sont plus ce qu’elles étaient au temps d’Henry Dunant. Après les guerres civiles politiques, après les guerres «périphériques», plus ou moins idéologiques et en tout cas parrainées par les «super-grands», voici venues les guerres civiles de la troisième génération, largement endogènes, qui déstructurent des États et dans lesquelles des populations sont systématiquement prises pour cible. Pourchassées pour leur appartenance ethnique – on n’insistera pas sur ce phénomène trop connu –, elles peuvent aussi être simplement visées parce qu’elles représentent un enjeu. Celui-ci peut être politique: la population représente un élément constitutif de l’État, il faut donc la dominer coûte que coûte, par l’élimination des rebelles irréductibles [4 ] et par le chantage à la nourriture exercé sur ceux qui ne sont pas irrécupérables [5 ] . En cours de crise, et la déstructuration s’accentuant, l’enjeu peut devenir purement économique pour des groupes qui ne prétendent même pas au pouvoir politique, mais se disputent la mainmise sur l’aide humanitaire, directement ou à travers ses bénéficiaires.

Dans ce contexte, les victimes les plus nombreuses sont justement celles que le droit international humanitaire exempte en principe de l’effet des conflits: les civils [6 ] . Et, qui plus est, ces civils sont le plus souvent dans une situation à propos de laquelle ce droit n’a pas instauré de statut spécifique à la mesure de leur détresse. Privés du respect qui leur serait en principe dû en tant que non-combattants, dépouillés de ce qui faisait leurs conditions normales d’existence, ils n’ont , souvent, plus d’espoir de salut que dans une fuite éperdue. Déplacés sur leur propre territoire, ou migrants de la peur répondant imparfaitement au qualificatif de «réfugié» [7 ] , ils se comptent par millions [8 ] . Aux yeux de l’opinion publique, l’image type de l’humanitaire n’est plus celle de l’emblème qui protège et de l’intermédiaire neutre qui intervient pour adoucir les conséquences de la guerre. Cette image est estompée par celle de ces fugitifs, de préférence décharnés et les yeux hagards, poursuivis jusque dans leur pitoyable refuge. Fauchés par les épidémies, rongés par la faim, voire séparés de leurs sauveteurs potentiels par un cordon de mauvaise volonté tendu par leurs bourreaux…, c’est ainsi qu’ils incarnent, à travers les médias, le nouveau visage de l’action humanitaire. Celle-ci se situe, pour l’opinion, dans un registre axé sur l’assistance plus que sur la protection, sur une aide plus spécifiquement alimentaire, et parfois encore sur l’impossibilité de secourir!

Est-ce l’impasse? Par un extraordinaire paradoxe, alors que se multiplient les actes d’inhumanité et que l’opérationnalité du droit international humanitaire se trouve mise au défi (I), le droit humanitaire des conflits armés non internationaux connaît une avancée normative remarquable (II), et devant lui s’ouvre une nouvelle frontière (III).

     

  I. Une impasse opérationnelle?  

«[P ] artout dans le monde, la guerre, la violence et la haine s’étendent [… ] , les droits fondamentaux de la personne humaine [sont ] bafoués de plus en plus gravement et de plus en plus systématiquement [… ] , des blessés [sont ] achevés, des enfants massacrés, des femmes violées, des prisonniers torturés, des victimes privées d’assistance humanitaire élémentaire [… ] , la famine [est ] utilisée comme méthode de guerre contre des civils [… ] , les po pulations civiles deviennent de plus en plus souvent la principale victime des hostilités…» [9 ] . On pourrait y ajouter les enfants-guerriers, souvent plus sauvages que leurs aînés, les hostilités financées par les trafics de drogue ou d’armes, et – signe des temps – les compagnies pétrolières ou les exploitants de gisements de diamants recrutant des milices armées.

En fait, devant certains aspects de l’actualité, on peut se demander si la célèbre clause de Martens, lorsqu’elle renvoie aux «exigences de la conscience publique», dans une formule qui semble suggérer l’universalisme, n’est pas une simple manifestation d’utopie. Derrière les blocages divers subis par l’action humanitaire (A), les acteurs de terrain qui cherchent à penser leur action et à trouver une explication signalent le caractère presque schizophrénique de la réalité internationale (B).

  A   . Les blocages de l’action humanitaire  

Les blocages de l’action humanitaire sont liés à l’évolution de la conflictualité. En 1996, le vice-président du CICR donnait, des conflits du temps présent, un aperçu en trois volets particulièrement significatifs: ils seraient dénaturés (parce que la population est devenue l’objet plutôt que la victime des combats), déstructurés (parce que les combattants obéissent de moins en moins à des instructions, fût-ce de milices paramilitaires) et débridés (parce que la violence y devient souvent l’expression de pulsions individuelles, d’un pur et simple instinct de mort). Dans un tel contexte, comment espérer que soit accueilli favorablement l’organisme qui vient «plaider la cause humanitaire» [10 ] de personnes dont les combattants veulent non seulement l’élimination mais encore, parfois, la souffrance gratuite?

Alertée d’abord sur le problème de l’accès aux victimes (1), la communauté inte rnationale est sans cesse confrontée aujourd’hui à de dramatiques récits d’insécurité (2).

  1. L’accès aux victimes  

L’accès aux victimes est indispensable, que ce soit pour mener des activités de protection ou pour fournir une assistance. Et si les médias s’intéressent davantage au refus de laisser acheminer des secours matériels, la protection fait encore bien davantage peur aux bourreaux. Souvent l’accès aux prisonniers est totalement refusé. Longue est la litanie des conflits dans lesquels le CICR n’a pas été autorisé à visiter des combattants capturés.

L’accès à des fins d’assistance est, bien entendu, prévu dans les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels de 1977, même si les articles pertinents reconnaissent aux États concernés [11 ] le rôle d’autoriser cet accès. Les conditions posées au refus d’autorisation ne laissent, en effet, que bien peu de place à l’arbitraire [12 ] . Cependant, la multiplication des guerres civiles a engendré de plus en plus de refus d’accès à des civils dont la détresse n’était plus un épiphénomène, mais un objectif. Or, il s’avère que parmi les différents régimes juridiques de l’accès aux secours, celui des conflits internes de haute intensité, régi par l’article 18 du Protocole II de 1977, est le moins généreux. En effet, il ne suppose que l’accord de l’État partie et ne reconnaît pas la compétence d’un mouvement rebelle organisé et maître d’une partie du territoire à se prononcer sur le même point. De plus, s’il n’y a ni conflit international ni conflit interne de haute intensité, aucun article spécifique n’est consacré au problème de l’accès aux victimes.

Aussi, quelques faiblesses de la lettre, sinon de l’esprit, des Conventions de Genève et des Protocoles additionnels [13 ] ont-elles engendré le désir de trouver de nouvelles voies de droit – de la tentative qu’a faite l’UNDRO, en 1984 , d’élaborer une Convention sur l’acheminement des secours jusqu’à la résolution de l’Institut de droit international en 1989. La tentative la plus connue et la plus provocatrice sur le plan du vocabulaire a pour nom «ingérence». Malheureusement, il faut se rendre à l’évidence: les refus d’accès sont plus souvent dus au mépris total du droit qu’à des dispositions trop timides de celui-ci. Du fait de la nature même des conflits, tout l’équilibre des articles sur l’assistance humanitaire se trouve pris en défaut.

Il l’est au niveau de la définition de l’autorité territorialement compétente, dans des situations où la force est, de fait, entre les mains d’entités qui ne sont ni des autorités légitimes ni des pouvoirs effectifs. Chefs de clans et bandes de pillards ne figurent pas au nombre des autorités citées dans les dispositions pertinentes des Conventions et des Protocoles [14 ] . C’est, pourtant, du bon vouloir de tels acteurs que dépend, dans bien des situations, l’accès aux victimes.

Le système est encore pris en défaut au niveau des motifs prévus pour justifier un refus. Le pouvoir de dire non, conféré aux autorités territorialement compétentes, est, selon les textes, «lié». Si l’on fait la synthèse de ses motifs légaux, on constate qu’ils se ramènent globalement au contrôle du caractère humanitaire des prestations fournies: vérification du fait qu’il ne s’agit pas d’armes, du fait que l’un des belligérants ne puisse pas en tirer un avantage économique pour soutenir son effort de guerre, exigence d’un contrôle de la distribution par un intermédiaire neutre [… ] . Rien de tout cela n’entre dans les mobiles d’un groupe qui tient un point de passage, avec la ferme intention de s’emparer du bien «aide humanitaire», ou d’utiliser l’arme de la faim à travers un blocage de cette aide.

  2. L’insécurité du travail humanitaire  

«Le mépris des n ormes humanitaires, l’effondrement des structures étatiques et la méconnaissance des règles essentielles du droit international humanitaire posent tous trois de très graves problèmes de sécurité au personnel engagé dans l’action humanitaire d’urgence» [15 ] .

On le sait, les personnes civiles paient un lourd tribut aux conflits actuels. Hélas, leur calvaire ne cesse pas nécessairement lorsqu’elles sont prises en charge en tant que victimes. Au viol subi en camp de détention peut succéder le viol en camp dit de réfugiés ou de déplacés. Et les camps en question peuvent aussi – l’affaire du Kivu l’a démontré – être pris d’assaut, tout comme les équipements sanitaires peuvent être bombardés. Ces très graves dysfonctionnements démontrent que l’emblème ne jouit plus du même respect qu’autrefois. L’insécurité n’est pas le lot des seules victimes. Elle atteint aussi le personnel humanitaire dans un triste palmarès. Dans un article consacré à l’assassinat de six membres du personnel du CICR en Tchétchénie en 1996, un délégué régional se demandait si les conditions dans lesquelles se déroulent les actions humanitaires d’urgence auraient changé au point que celles-ci ne pourraient plus être menées qu’un revolver au poing, ou alors, au péril de sa propre vie [16 ] . Il ajoutait que le CICR ne peut plus se bercer de l’illusion qu’il est moins vulnérable que les autres organisations humanitaires [17 ] .

Quant à la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1994 pour tenter d’améliorer la sécurité des travailleurs humanitaires, elle n’a pas encore fait ses preuves.

Tous ces éléments dessinent une réalité écartelée entre, d’un côté, l’engagement humanitaire et, de l’autre, des comportements totalement contraires à l’éthique.

  B   . Une réalité schizophrénique  

On assiste à une sorte de banalisation de ce que l’esprit humanitaire considère comme inacceptable. L’incommunicabilité s’instaure entre divers segments de la société internationale.

La multiplication de certains faits laisse envisager une effroyable accoutumance à des comportements inqualifiables. Malheureusement, les acteurs qui n’hésitent pas à commettre les actes les plus sauvages ne sont pas qu’une poignée de désaxés. De plus, la détresse n’est pas l’exception, bien circonscrite, à laquelle l’on pourrait remédier rapidement. Sévices et dénuement sont aujourd’hui présents sur une grande échelle.

Le rapport que le CICR avait préparé pour la Conférence internationale pour la protection des victimes de la guerre fait un recensement éloquent des formes précises que revêt aujourd’hui l’inacceptable et laisse deviner leur fréquence: faim la plus absolue [18 ] , massacres de civils crûment rapportés [19 ] , exécutions sommaires [20 ] , tortures [21 ] , manque criant de soins [22 ] . D’autres sources décrivent l’aisance avec laquelle peuvent être pratiquées les mutilations, considérées comme un moyen d’attirer l’attention. Pourtant, tous ces actes sont condamnés par les Conventions de Genève, qui comptent parmi les instruments juridiques plus ratifiés au monde!

C’est qu’en fait, à cette banalisation vient s’ajouter l’incommunicabilité. L’universalité est de façade: «[D ] errière le consensus formel des États se cachent les véritables réticences propres aux identités culturelles et aux strates qui n’ont jamais été associées à ce consensus, sinon par la main de plénipotentiaires [… ] dont l’autorité est aujourd’hui remise en cause par la plupart des guerriers dans les conflits actuels» [23 ] .

On mesure mieux encore l’écart conceptuel, lorsque l’on songe qu’une branche du milieu humanitaire occidental avait créé le concep t de l’ingérence – possibilité exceptionnelle de faire prévaloir le droit à la vie des victimes sur la souveraineté étatique –, et que les responsables politiques et les médias occidentaux avaient été pour la plupart séduits. En revanche, les juristes étaient plus réticents, en raison notamment de certaines imprudences de langage. C’est la conviction que l’heure n’était pas aux poussées normatives qui motivait la réticence du CICR [24 ] , plus qu’un respect quasi religieux du consentement de l’État territorial, comme on pouvait alors l’entendre dire. Car si en principe, «[L'] objectif [… ] du CICR est de parvenir à un accord explicite avec les parties belligérantes pour entreprendre à la fois une action de secours et des visites aux prisonniers…» [25 ] , on relève également certains comportements assez audacieux de sa part [26 ] . Et si aujourd’hui, ceux qui étaient, naguère, les plus chauds partisans de l’ingérence adoptent un langage prudent [27 ] , c’est parce que le message n’était pas «recevable» aux yeux du tiers monde. La plus grande faiblesse de ce plaidoyer était sans doute d’être daté dans le temps. Il se voulait en quelque sorte l’ opinio juris [28 ] d’une pratique – celle de l’aide transfrontalière – qui véhiculait, dans son imagerie d’Épinal, l’épopée des French doctors pénétrant clandestinement en Afghanistan depuis le Pakistan avec des groupes de résistants. Mais il s’agissait d’un conflit très spécifique: celui d’une superpuissance et d’un peuple du tiers monde. La proclamation d’un droit d’ingérence, dans ce cas précis, pouvait signifier le droit du faible contre le surpuissant.

Non seulement, en dehors de ce contexte, les États du tiers monde ne peuvent que craindre pour leur souveraineté, mais encore «…de nombreux belligérants dans le monde de l’après-guerre froide n’ont jamais entendu parler des Conventions de Genève, ne connaissent pas le CICR ni les emblèmes de la croix rouge et du croissant rouge, ou considèrent la mort et la souffrance des civils comme des moyens d’atteindre leurs objectifs personnels et politiques» [29 ] . La responsabilité collective, honnie dans le droit occidental, est l’une des notions majeures de certaines guerres civiles: «des réfugiés appartenant à une ethnie jugée coupable de crimes sont pourchassés avec la conviction qu’il s’agit d’une juste cause» [30 ] . Par ailleurs, selon des collaborateurs africains du CICR, «…maintes ethnies africaines sont purement guerrières et considèrent que tuer est une forme de bravoure» [31 ] ; c’est pourquoi elles subliment la violence à travers des rites initiatiques. Dès lors, incompris dans leurs motivations profondes, les opérateurs humanitaires sont parfois perçus comme les chevaux de Troie de la culture occidentale, les agents de la politique étrangère des pays riches. Ou bien, plus simplement, chez les peuples du Caucase qui pratiquent encore couramment la prise d’otages, ils apparaissent comme des proies toutes désignées.

L’incompréhension peut venir aussi du monde occidental, dont l’opinion est le premier destinataire des images d’opérations humanitaires. Or ce public est un prisme déformant, à double titre. Par son individualisme, il est imperméable à la réalité des conflits identitaires et donc prêt à en nier la profondeur. Habitué à une «société de consommation», il est plus réceptif aux données quantitatives qu’à la souffrance intime des personnes réduites à n’être plus que des victimes. Il est, dès lors, plus porté à financer des prestations matérielles qu’à soutenir des actions de protection.

Enfin, l’incompréhension peut venir des opérateurs humanitaires eux-mêmes, dont «la réticence à s’adresser à ceux [qu’ils tiennent ] pour responsables des catastrophes» [32 ] peut entraver, à leur insu, l’impartialité.

Ainsi, la situation qui prévaut au sein de la société internationale n’est guère propice à l’adoption de nouvelles normes destin ées à renforcer l’applicabilité du droit international humanitaire. En revanche, elle n’a pas freiné la poussée normative dans des domaines moins liés à l’applicabilité directe. Et les situations de conflit interne en bénéficient très largement.

  II. Des avancées normatives signicatives  

Le droit international humanitaire n’a pas fait l’objet d’une réécriture depuis les derniers changements géopolitiques. Sans doute avait-il pris en compte, à travers les Protocoles additionnels de 1977, l’élargissement de la société internationale dû à la décolonisation: la «réaffirmation» [33 ] du droit antérieurement codifié était au prix d’une reconnaissance du caractère international des guerres coloniales. Et une partie non négligeable de son «développement» [34 ] , dans le sens de la réglementation de la conduite des hostilités, était inspirée par la prise en compte de la guérilla [35 ] . Cependant, la poursuite des guerres «périphériques», aujourd’hui orphelines, et les conflits nés de l’éclatement de l’ex-Union soviétique n’ont pas, quant à eux, suscité de nouveaux développements du droit international humanitaire sous la forme de nouveaux Protocoles. Pourtant, tout comme la décolonisation, ces phénomènes traduisent un élargissement de la scène internationale à de nombreux peuples qui, jusque-là, n’étaient pas des acteurs à part entière. Les conflits armés non internationaux, qui se sont introduits bien modestement dans le droit humanitaire conventionnel il y a cinquante ans, ne sont, aujourd’hui encore, couverts que par un nombre limité de dispositions de ce droit.

Le droit humanitaire a dû faire face aux nouvelles formes de conflit alors même qu’il ne contient pas de dispositions couvrant spécifiquement les gigantesques mouvements de population des trois dernières décennies [36 ] . S’ils ne sont pas tous provoqués par des guerres civiles, la plupart sont, cependant, motivés par le désir de fuir une situation troublée, dans laquelle les hostilités n’opposent pas des armées mais déchirent le tissu social lui-même, une situation dans laquelle la possibilité de vivre normalement n’existe plus. De plus, le Protocole II n’est pas souvent applicable, soit faute de ratification, soit faute de gouvernement effectif confronté à une opposition et exerçant une réelle autorité territoriale. Le conflit interne relève alors simplement de l’article 3 commun aux Conventions de 1949, qui ne comporte aucune règle relative à la conduite des hostilités. Or, les Conventions, en prohibant les déplacements forcés et le recours à l’arme de la faim seraient de nature – pour peu qu’elles soient respectées – à mettre fin au phénomène des mouvements de population, ou du moins à considérablement réduire le nombre des déplacés et des «quasi-réfugiés».

Face au phénomène des exodes massifs, le droit international humanitaire offre à certains déplacés internes le régime juridique des personnes civiles touchées par les conflits. Au droit d’initiative du CICR mentionné à l’article 10 de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre et à l’article 143, qui permet aux représentants de l’institution de les visiter dans leur lieu d’internement, s’ajoutent les articles 50 et suivants du Protocole I. Quant aux «quasi-réfugiés» qui ont cherché la paix en franchissant une frontière, mais sont restés à proximité de celle-ci, exposés au risque d’une incursion par exemple, on peut considérer qu’ils relèvent de l’article 5, par. 2. d) des Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui permet au CICR d’apporter protection et assistance aux victimes des conflits armés et de leurs suites directes.

Tout ce dispositif reste en place. Des développements nouveaux sont apparus du côté du droit du maintien de la paix, lequel a, depuis quelque temps, intégré l’idée qu’un conflit interne pouvait constituer un e «menace à la paix», et donc conduire le Conseil de sécurité à adopter des mesures au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, et notamment à créer des tribunaux pénaux internationaux. Dans ce contexte, le droit international humanitaire a soudain connu un développement considérable. Désormais, la guerre civile est mieux couverte par le droit international et un régime répressif est appliqué en cas de non-respect.

  A   . Une meilleure couverture de la guerre civile par le droit international humanitaire  

Au cœur de la guerre civile, l’immunité de la personne civile en tant que telle a-t-elle un sens? C’est la solution retenue par le Protocole II, qui lui maintient sa protection, sauf en cas de participation directe aux hostilités. Mais qu’en est-il d’un conflit déstructuré, où chacun peut être amené à s’armer à sa manière?

En 1990, l’Institut international de droit humanitaire de San Remo a cherché à répondre aux nouveaux besoins juridiques en élaborant une Déclaration sur les règles du droit international humanitaire relatives à la conduite des hostilités dans les conflits armés non internationaux [37 ] . Il s’agit d’un texte ambitieux, puisqu’il «identifie en tant que droit international positif ou droit international en formation» un certain nombre de règles précises. Son intérêt réside dans ce qu’il méconnaît toute catégorisation des conflits armés non internationaux, unifiant les situations régies par le Protocole II et celles ne relevant que de l’article 3 commun aux Conventions de Genève. Plus encore, pour l’ensemble de ces situations, il va parfois au-delà de la lettre du Protocole II, vers le texte du Protocole I. Il en résulte que l’ensemble des conflits armés non internationaux seraient régi par des règles internationales se rapportant aux méthodes de combat. On y retrouve les différe ntes facettes de la protection des populations civiles, jusque et y compris la protection des biens indispensables à la survie, l’interdiction de causer des maux superflus et les mesures de précaution dans l’attaque. Toutefois, le document de San Remo demeure une interprétation doctrinale.

Le rapprochement, en droit positif des conflits armés [38 ] , entre le régime de la guerre civile et celui des conflits armés internationaux s’abreuve à de nombreuses sources.

Les accords entre parties belligérantes sont conclus à l’invitation des Conventions de Genève elles-mêmes. Dans le conflit bosniaque, l’Accord du 22 mai 1992 se fondait expressément sur l’article 3 commun aux Conventions de Genève, ce qui signifie que «…les Parties concernées considéraient les conflits armés auxquels elles participaient comme des conflits internes…» [39 ] . Pourtant, l’Accord reprenait «la plupart des dispositions des Conventions de Genève et du Protocole additionnel I applicables aux conflits armés internationaux» [40 ] . Dans le cadre des accords conclus sous les auspices du CICR, les parties ont donc rapproché ad hoc les régimes juridiques des conflits internationaux et des conflits internes.

Par ailleurs, le rapprochement entre guerres civiles et conflits internationaux s’est poursuivi à la faveur de nouveaux textes négociés au sein de l’ONU. C'est est le cas du Protocole II sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs, tel qu’il a été modifié le 3 mai 1996 [41 ] . Et pour décevante qu’ait pu paraître – à d’autres titres – la nouvelle version, qui devait être dépassée par le traité d’Ottawa sur l’interdiction complète des mines antipersonnel [42 ] , on observera que le Protocole II

modifié constitue un progrès majeur pour ce qui est de la couverture des conflits armés non internationaux par les traités de droit international humanitaire. Son arti cle 1, par. 2, dit en effet que le Protocole s’applique désormais aux conflits relevant de l’article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949. L’article 1, par. 3, du Protocole modifié ajoute qu’en cas de conflit armé non international, chaque partie au conflit, fût-elle privée, «est tenue d’appliquer les interdictions et restrictions prévues par le présent Protocole».

Moins médiatisé, un autre résultat de la Conférence d’examen de la Convention de 1980 sur l’interdiction ou la limitation de certaines armes classiques est un véritable succès, puisque le nouveau Protocole IV [43 ] interdit d’utiliser des armes à laser aveuglantes. Si son champ d’application n’est pas précisé dans le texte, les travaux préparatoires montrent qu’un consensus s’est dégagé quant au fait que le Protocole doit s’appliquer aux conflits non internationaux comme aux conflits internationaux [44 ] . On peut y ajouter un Protocole, en préparation, à la Convention relative aux droits de l’enfant, qui fixerait à 18 ans l’âge minimum pour le recrutement. Le CICR le veut applicable dans tous les types de conflits armés.

À la faveur des opérations militaires à but humanitaire, un autre pan du régime des conflits armés internationaux est devenu moins étranger aux guerres civiles. En effet, le droit des conflits armés non internationaux ne connaît pas les zones et localités sanitaires et de sécurité ni les zones neutralisées de la IVe Convention de Genève. La création répétitives de zones de sécurité (ou «zones humanitaires sûres») n’y supplée pas. En Bosnie, par exemple, on ne retrouve ni l’aspect consensuel ni l’aspect démilitarisation, et que ces zones, n'ont pas été respectées à Zepa et Srebrenica… Néanmoins, l’idée de mettre à l’abri des personnes protégées est présente. En forçant un peu le trait juridique, on pourrait dire qu’il s’agit d’assurer l’exécution forcée d’une obligation d’abstention: l’obligation de s’abstenir de nuire aux personnes civiles. Conceptuellement, la zone de sécurité pourrait donc aller au-delà de l’idée de protection physique, et se rattacher à la notion de protection juridique. Cependant, elle apporte aussi une prestation immatérielle – la prestation sécuritaire – qui est loin d’être négligeable, puisque c’est à son aune que Montesquieu mesurait la liberté [45 ] . Entre protection et prestation s’est développé un concept qui rapproche le conflit interne de certaines pratiques propres aux conflits armés internationaux.

Néanmoins, on considère souvent que la solidité d’une norme se mesure à la manière dont les infractions sont réprimées.

  B   . La naissance d’une sanction internationale pour les infractions commises dans les guerres civiles  

Le droit conventionnel de 1949 et de 1977 prévoit la répression pénale par une voie extrêmement internationaliste – la compétence pénale universelle – dans l’hypothèse d’«infractions graves» commises en cas de conflits armés internationaux. Ce n'est nullement le cas dans le Protocole II, ni dans l’article 3 commun aux Conventions de 1949, même si un rapprochement des deux types de conflits a été amorcé en ce qui concerne l’obligation de faire respecter le droit international humanitaire [46 ] . Mais force est de prendre en compte l’évolution des guerres civiles, celle de l’éclatement yougoslave, et celle qui a engendré le génocide au Rwanda. On a connu successivement trois techniques juridiques.

  L’élargissement   ad hoc  

Par l’accord du 1er octobre 1992 déjà mentionné, les différentes parties au conflit bosniaque sont convenues «de rendre punissables les violations du droit international humanitaire perpétrées dans le cadre de ce confli t», qu’elles continuent cependant à qualifier de conflit interne.

Le Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda incrimine les «violations graves de l’article 3 commun et du Protocole additionnel II», c’est-à-dire des textes qui sont étroitement liés à la notion de conflit interne.

  L’assimilation de principe: la similitude dans l’horreur  

Dans l’affaire Tadic, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a rejeté l’idée, émise par le procureur, selon laquelle le conflit devait être considéré comme international en raison de la qualification qui lui avait été conférée par le Conseil de sécurité. Dans le même temps, il a rejeté les arguments de Tadic, qui affirmait que l’article 3 du Statut du TPIY, selon lequel le Tribunal «est compétent pour poursuivre les personnes qui commettent des violations des lois ou coutumes de la guerre», était inapplicable. La Chambre d’appel du TPIY a cependant affirmé que l’article 3 du Statut couvre toutes les «violations sérieuses» du droit international humanitaire conventionnel et coutumier. Elle ajoute qu’il existe un droit coutumier des conflits armés non internationaux [47 ] . Dans l’étude de celui-ci, la Chambre d’appel a des phrases très fortes: «… dans le domaine des conflits armés, la distinction entre conflits entre États et guerres civiles perd de sa valeur en ce qui concerne les personnes» [48 ] , ou: «l’essence générale de ces règles [et non la réglementation détaillée qu’elles peuvent renfermer ] , est devenue applicable aux conflits internes…» [49 ] . Selon le Tribunal, le contenu de ce noyau coutumier «impose une responsabilité pénale pour les violations graves de l’article 3 commun…» [50 ] . Ce qui est criminel entre États ne saurait ne pas l’être dans un conflit armé non international.

  L’adoption de dispositions spécifiques aux conflits non internationaux  

L’article 8 du Statut de la Cour pénale internationale consacre ses sections c) et e) aux crimes de guerre commis dans le cadre de conflits ne présentant pas un caractère international. Il est vrai, cependant, que le régime de cette Cour appelle deux observations de nature à réduire la portée générale de sa signification en matière de conflits internes.

Tout d’abord, le souci de rigueur qui a présidé à la définition des crimes de guerre conduit à l’établissement de listes distinctes pour les conflits internationaux et les conflits non internationaux. Or, la seconde de ces listes est plus brève. Y manque, notamment, malgré les vigoureux efforts du CICR, l’utilisation de l’arme de la faim. L’existence d’une liste fait qu’il sera désormais plus difficile de faire jouer le raisonnement de l’arrêt Tadic.

En outre, une disposition destinée à préserver de manière générale la souveraineté des États peut avoir des conséquences très négatives sur la compétence de la Cour en matière de conflits internes. Il s’agit de l’article 12 du Statut qui subordonne l’exercice de la compétence de la Cour, hormis le cas de saisine par le Conseil de sécurité, au fait que ladite compétence doit être reconnue par au moins l’un des deux États les plus directement liés au crime: l’État de commission ou l’État de nationalité de l’accusé. Le risque, pour un État, de voir juger internationalement les acteurs d’une guerre civile qui a ensanglanté son territoire est ainsi limité, l’État en question remplissant à lui seul les deux rôles évoqués par l’article. Il suffit que cet État n’accepte pas la compétence de la Cour.

Néanmoins, l’innovation est ici bien plus remarquable que dans le cas des conflits armés internationaux, pour lesquels existait déjà la compétence pénale universelle [51 ] . L’institution d’une juridiction pénale internationale représente l’espoir d’un gain d’effec tivité procédurale. En cas de guerre civile, il ne s’agit de rien moins que de l’internationalisation d’événements qui concernent la vie de l’État et de lui seul, au motif que des moyens inacceptables ont été employés pour «gérer» le différend interne. C’est un recul de la souveraineté étatique sans commune mesure avec ce qui se passe dans l’hypothèse d’un crime commis au cours d’une guerre internationale.

La création de la Cour pénale internationale a été accueillie avec un immense espoir, particulièrement dans la «société civile» des États occidentaux. Pourtant, il serait naïf de croire que le bilan est d’emblée satisfaisant, car le droit international humanitaire ne saurait se contenter de succès symboliques, à l’heure où il rencontre tant de difficultés de mise en œuvre.

La synthèse des deux constats dressés jusqu’ici – des obstacles matériels et psychologiques paralysant parfois l’action, et des percées normatives fulgurantes réalisées parfois grâce aux conflits eux-mêmes – appelle à de nouveaux efforts. Si la guerre civile échappe trop souvent au contrôle du droit international humanitaire, ne serait-ce pas parce qu’elle n’entre que trop tardivement dans le champ d’application de celui-ci? Si le droit humanitaire cesse progressivement, on l’a vu, d’attribuer un statut juridique mineur aux conflits armés non internationaux, doit-il maintenir le seuil juridique existant entre conflits armés et troubles internes?

  III. Une nouvelle frontière pour la promotion du droit international humanitaire?  

Les difficultés rencontrées n’ont pas incité les utilisateurs et les promoteurs du droit international humanitaire à la résignation. Bien au contraire, les dix dernières années ont été caractérisées par une très grande activité intellectuelle dans le domaine humanitaire. En ce qui concerne par exemple le phénomène de la violence à l’intérie ur d’un État, la recherche fait apparaître l’existence d’un continuum entre différentes intensités de violence. On parle d’«axe temporel des situations de tensions internes, de troubles intérieurs, de conflit…» [52 ] .

Les situations de troubles ne sont pas véritablement définies par l’article 1er du Protocole II, qui se contente de les mentionner pour les exclure de son champ d’application. Le Commentaire du Protocole II publié par le CICR cite cependant à titre d’exemples des «émeutes, telles des manifestations n’ayant pas d’emblée de dessein concerté; les actes isolés et sporadiques de violence, les arrestations massives de personnes en raison de leurs actes ou de leurs opinions» [53 ] . On peut ajouter la proclamation de l’état d’urgence ou de la loi martiale, ou l’existence de troubles entre factions, auxquels l’État ne participe pas directement, ou encore les actes de terrorisme qui ne prennent pas la forme d’une véritable guérilla. Cependant, rien de tout cela ne donne de critères, si ce n’est un critère négatif: l’absence d’opérations militaires menées par des forces armées ou des groupes armés. De plus, le problème de la frontière entre ces situations et les conflits armés de caractère non international est faussé par le fait que «…les gouvernements peuvent répugner à reconnaître l’existence d’une situation de conflit armé interne, pour des raisons politiques évidentes» [54 ] .

Outre ces problèmes de définition, les troubles intérieurs posent des problèmes de régime juridique et d’approche pratique. En ce qui concerne le régime juridique, il est extrêmement léger. D’une part, il s’agit de circonstances dans lesquelles, précisément, des dispositions des conventions relatives aux droits de l’homme prévoient la suspension de l’application desdites conventions, sauf pour un noyau de droits fondamentaux [55 ] . D’autre part, les traités de droit international humanitaire n’incluent pas ces situations dans le champ d’application de cette branche du droit, mêm e si le CICR puise dans les Statuts du Mouvement [56 ] un certain droit d’initiative. Or, pour ce qui est de l’approche pratique, il semble que l’intervention d’un intermédiaire neutre serait «plus difficile dans des troubles intérieurs que dans un conflit armé non international [… ] Les manifestants, par définition peu organisés, n’ont généralement pas un organe dirigeant avec qui le CICR pourrait dialoguer [… ] Lors de troubles, c’est donc principalement auprès du gouvernement que le CICR peut faire des démarches à propos du traitement des manifestants et de l’usage de la force pour réprimer les troubles» [57 ] . Le Comité a moins d’emprise sur les opposants, ce qui pourrait poser le problème de son appréhension globale de la crise, voire de la perception que les tiers auraient de sa neutralité.

Il apparaît aujourd’hui qu’il faut consacrer des efforts accrus au traitement de ces troubles, dans l’espoir de mieux maîtriser la chaîne des comportements inhumains. Deux types d’actions sont envisageables: l’élaboration de codes de conduite pour les situations qui ne relèvent d’aucun texte, d’une part, et la définition d’une nouvelle stratégie de diffusion du droit international humanitaire auprès du public, d’autre part.

  A   . La défense des règles minimales du droit humanitaire dans les situations de violence interne  

Il s’agit d’éviter qu’une remise en cause de l’opérationnalité du droit international humanitaire n’entraîne celle de la validité des principes de base. Les «codes de conduite» n’ont pas la valeur de conventions et, pour la plupart, ne prétendent pas davantage avoir celle de la coutume. Ils sont néanmoins des «textes de référence utiles» [58 ] .

Le premier à proposer un code de conduite pour les situations de tension qui n’atteignent pas le stade du conflit armé a été Hans -Peter Gasser, dans un article publié dans la Revue en 1988 [59 ] . Depuis, l’idée a fait son chemin, et le groupe d’experts qui a mis au point la Déclaration de Turku (Finlande) en 1990 prévoyait l’adoption solennelle par les Nations Unies d’une Déclaration de normes humanitaires minimales [60 ] . Avec la Déclaration de Turku on a, une fois encore, un texte ambitieux. Notant dans son préambule que, dans les situations de violence et de troubles intérieurs, «le droit international relatif aux droits de l’homme et les normes humanitaires applicables dans les conflits armés ne protègent pas les êtres humains de façon adéquate», la Déclaration énonce les normes qui lui paraissent constituer le minimum.

Quant au contenu, l’un de ses principaux intérêts est de transposer la distinction entre civils et combattants en parlant de «personnes ne prenant pas part aux actes de violence», sans préciser «armée». En outre, le projet de Déclaration utilise des règles applicables au droit des conflits armés internationaux, contribuant ainsi au rapprochement troubles internes/guerre civile/guerre internationale. C’est ainsi qu’il prohibe, en toutes circonstances, y compris dans les simples tensions internes, les armes dont l’utilisation est interdite dans un conflit armé international. Le texte insiste particulièrement sur les personnes détenues ou assignées à résidence, ainsi que sur les garanties judiciaires en leur faveur. Mais, surtout, les normes énoncées doivent être appliquées par toutes les personnes et à toutes, par tous les groupes de la société et à tous, par toute autorité.

Cela signifie, même si les mots n’apparaissent pas dans la Déclaration, qu’il s’agit d’une éthique sociale à enseigner à tous les niveaux. Et s’il est difficile d’obtenir une progression normative rendant applicables à de tels troubles les règles des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels, il n’est pas impossible de repenser à leu r intention la diffusion du droit international humanitaire.

  B   . La défense de l’esprit humanitaire dans la société  

Beaucoup d’armées ont aujourd’hui parfaitement intégré les concepts du droit de Genève dans l’instruction de leurs troupes et dans leurs règlements militaires. Elles les intègrent même in concreto dans leurs instructions de campagne, en utilisant un vocabulaire adapté. Dans les États concernés, l’effort de diffusion doit donc se recentrer sur d’autres publics cibles, au demeurant déjà mentionnés dans les Conventions de 1949 et leurs Protocoles additionnels [61 ] , mais quelque peu délaissés dans les activités de diffusion jusqu’à ces dernières années [62 ] . Il faut affronter les vrais problèmes d’aujourd’hui avec les outils utilisables. La guerre civile étant désormais la principale cause de désordre et de violence, le droit international humanitaire se doit d’aborder le phénomène dans sa globalité, c’est-à-dire dès l’amont des situations qualifiées de conflit armé non international.

Dans l’élaboration du message, on se penchera tout particulièrement sur la distinction «principes – règles». Cela devrait permettre de se concentrer sur l’essentiel et d’assurer une diffusion mieux adaptée à la diversité des cultures et aux contextes dans lesquels règne la violence.

  Une diffusion mieux adaptée à la diversité des cultures  

L’objectif est d’ancrer le message du droit international humanitaire dans les cultures locales, même s’il ne paraît pas réaliste d’espérer trouver les principes de ce droit dans tous les fonds culturels locaux. Cependant, des travaux sont actuellement en cours au Guatemala, pour discerner, dans les us et coutume s mayas, des points de contact avec le droit international humanitaire. Le même effort est mené au Rwanda [63 ] .

Cet effort d’acculturation a eu deux conséquences majeures. Tout d’abord, le CICR, mais aussi les grandes organisations non gouvernementales, ont aujourd’hui davantage recours aux historiens, sociologues et anthropologues afin de déterminer quelle partie du message humanitaire est apte à être mieux reçue. Des efforts particulièrement importants ont été faits au Burundi après les événements d’octobre 1993. Ils ont abouti à l’élaboration d’une «Déclaration pour les normes de comportement humanitaire: un minimum d’humanité en situation de violence interne», qui met l’accent sur «une formulation pragmatique de comportements observables plutôt que théorético-universels». Le texte contient beaucoup de proverbes burundais, et son lancement s’est fait à travers un film et une chanson. Toutefois, malgré ces formes, que l’on pourrait qualifier d’aimables, et le réalisme des objectifs – qui n’étaient pas l’instauration de la paix, mais la modération de la violence –, le message est intransigeant. Il écarte, par exemple, l’idée que le non-fonctionnement de la justice pourrait légitimer la vengeance. Même si le déchaînement de la violence en 1995 a entravé la diffusion de la Déclaration, celle-ci a cependant répondu aux attentes de ses auteurs en ce sens qu’elle a paru appropriée aux premiers groupes de Burundais avec lesquels elle a été discutée [64 ] .

Par ailleurs, la forme du message est de plus en plus souvent adaptée au public visé, fût-ce à travers des concepts qui ne sont pas à proprement parler humanitaires. C’est dire que le message est dépouillé des règles, pour se limiter aux grands principes, quand ce n’est pas à des principes extérieurs au droit international humanitaire, susceptibles d’avoir la même conséquence pratique que ceux du droit international humanitaire. On pourrait évoquer ici l’exemple que cite Marion Harroff-Tavel du milicien somal ien sermonné au nom du code d’honneur de son clan, dans une saynète utilisée pour la diffusion [65 ] . De même, plusieurs proverbes utilisés au Burundi dans la Déclaration susmentionnée sont surtout des conseils de prudence [66 ] , et seuls quelques-uns traduisent un esprit réellement humanitaire [67 ] .

  Une diffusion mieux adaptée aux contextes de violence  

Les troubles internes ont-ils une limite inférieure en deçà de laquelle les principes, comme les règles du droit international humanitaire et les thèmes de la Déclaration de Turku eux-mêmes, n’auraient plus de pertinence? Ou, au contraire, l’indifférence aux principes humanitaires ne pourrait-elle pas, par contagion, favoriser les troubles internes, puis le développement des conflits armés non internationaux? La guerre civile ne se nourrit-elle pas de l’incivisme individuel, du mépris de l’autre, sans même qu’existe un arrière-plan politique? Dans les sociétés dites «en paix», et développées, la violence caractérise les relations de certains jeunes entre eux, les relations entre certains jeunes et les services publics, entre certains jeunes et les personnes vulnérables (sans domicile fixe ou handicapés, par exemple). Certaines enquêtes menées dans les quartiers dits «difficiles» en France montrent que cette violence est peut-être moins une forme d’action révolutionnaire que l’expression de valeurs culturelles fondées sur la force.

La révolution humanitaire engagée au XIXe siècle auprès des combattants en uniforme est à faire aujourd’hui auprès des combattants occasionnels. Aussi recensera-t-on brièvement quelques problèmes de stratégie de diffusion.

     

  Le contenu de la diffusion – Bien entendu, c’est ici de l’esprit humanitaire et non du droit humanitaire q u’il s’agit. Le premier s’abreuve aux mêmes principes que le second, même s’il ne développe pas des règles «situées» dans les conflits armés. À l’immunité du civil ou du non-combattant se substituera par exemple celle du camarade plus faible, inoffensif. À l’interdiction de nuire au soldat blessé et malade se substitue celle de nuire au vieillard, à l’enfant plus jeune que soi, à la femme enceinte, ou tout simplement à la personne qui est en position de faiblesse. Il importe, cependant, de centrer le message sur des pratiques concrètes, et non sur une solidarité abstraite avec des peuples lointains, ou sur la condamnation de comportements médiatisés se situant à des milliers de kilomètres.

     

  Le choix du moment de la diffusion – Rien n’exige que le message vise les adolescents. Au nom du continuum et de la prévention, il ne nous paraît pas inutile de mener des activités de diffusion auprès des écoliers.

     

  L’objectif de la diffusion – Il s’agit de susciter des réflexes humanitaires dans la lecture des événements, un sentiment de responsabilité par rapport à la détresse de l’autre, la capacité de viser des objectifs à sa portée et de les atteindre, plutôt que de céder à un sentiment d’impuissance. Il s’agit, en fin de compte, de donner aux individus l’aptitude de se déterminer moins en fonction de critères économiques que par rapport à l’inaliénable dignité de l’être humain.

L’ambition est vaste sans doute, mais elle n’est pas excessive au regard des besoins d’un monde dont la globalisation ne se fait pas autour des principes humanitaires.

La situation du droit international humanitaire, dans le contexte d’une guerre civile, est faite de f orces et de faiblesses. Un acquis essentiel réside dans la tendance, semble-t-il irréversible, vers l’unification par le haut des régimes juridiques. Mais les exactions commises sur les victimes, le blocage des secours, les meurtres de membres du personnel humanitaire sont-ils compensés par la jurisprudence progressiste du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et par l’adoption d’une nouvelle convention répressive? Sans doute la sanction a posteriori est-elle une contribution majeure à l’effectivité d’une règle de droit. Mais on ne saurait s’en tenir là, alors que dans les situations les plus banales on ressent davantage le recul que le progrès de l’esprit humanitaire. Le défi, aujourd’hui, est d’instaurer aussi une approche plus préventive, afin de réduire la nécessité de prendre une sanction. Puisque la guerre civile naît – comme la guerre entre États – dans l’esprit des hommes, c’est donc dans l’esprit des hommes qu’il faut semer et les germes de la paix et la modération, bien avant que les crises ne se déclarent. C’est d’une prévention sociale qu’il faut se doter aujourd’hui.

  Notes  

     

  1. «L'homme est né libre, et partout il est dans les fers.», Le contrat social , 1762.

  2. Denise Plattner, «La protection des personnes déplacées lors d'un conflit armé non international», RICR , No. 798, novembre-décembre 1992, p. 593.

  3. Déclaration du président du CICR à l’occasion de l’ouverture de la XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Genève, 1995), RICR , no 817, janvier-février 1996, p. 24.

  4. Voir Philippe Peccatier, «Libéria: la paix… ou la famine», Géopolitique de la faim , PUF, Paris, 1998, p. 36.

  5. On prête à l’un des proches d’un chef d’État déchu cette terrible formule à propos de l’embargo qui visait la population civile: «Tant mieux, qu’ils souffrent, cela leur apprendra à nous contester», AFP Bulletin Quotidien de l’Afrique , no 15077, 13 novembre 1997.

  6. On rapproche fréquemment deux chiffres, sans doute arrondis, mais néanmoins hautement significatifs: 5 % de civils parmi les victimes pendant la Première Guerre mondiale, 90 à 95 % dans les conflits des années 1990. Les estimations de la «Campagne mondiale pour la protection des victimes de guerre» comportent cependant le chiffre de 15 % pour la Première Guerre mondiale,  RICR , no 789, mai-juin 1991, p. 327.

  7. Car, même s’ils ont franchi une frontière, ils ne font pas nécessairement l’objet de persécutions.

  8. Le président de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, lors de l’ouverture de la XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Genève, 1995), a déclaré que l’aide aux réfugiés et déplacés représentait 70 % des opérations de terrain du Mouvement. Voir RICR , no 817, janvier-février 1996, p. 19. Quelq ue 30 millions de personnes relèvent du mandat du HCR; parmi elles, 13 millions environ sont juridiquement des réfugiés.

  9. Déclaration finale de la Conférence internationale pour la protection des victimes de la guerre (Genève, 1993), par. I 1 et I 3, RICR , no 803, septembre-octobre 1993, p. 401.

  10. E. Rœthlisberger, «Face aux défis d’aujourd’hui et de demain, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge doit-il repenser son éthique?», RICR , no 819, mai-juin 1996, p. 353.

  11. C’est-à-dire, selon le cas, l’État sur le territoire duquel se déroule le conflit, la puissance occupante, les États voisins dont il faut emprunter le territoire pour passer.

     

  12. D. Plattner, «Le régime des Conventions de Genève et des Protocoles additionnels en matière d’assistance aux victimes des conflits armés», dans M. J. Domestici-Met (éd.), Aide humanitaire internationale: un consensus conflictuel? », Economica, Paris, 1996, p. 225 et suiv.

  13. P. Jean, «Plénitude ou lacunes du droit international humanitaire», dans Domestici-Met, op. cit. (note 12), p. 245 et suiv.

  14. IVe Convention de Genève, articles 23 et 59, Protocole I, article 70, Protocole II, article 18.

  15. Rapport su r la protection des victimes de la guerre, préparé par le CICR pour la Conférence internationale pour la protection des victimes de la guerre, RICR , no 803, septembre-octobre 1993, p. 415 et suiv.

  16. Philippe Comtesse, «Comment réagir à la nouvelle vulnérabilité des travailleurs humanitaires?» RICR , no 824, mars-avril 1997, p. 151 et suiv.

  17. Au cours des années 80, quelques volontaires d’ONG ont été accusés d’espionnage en Afghanistan, des membres de Médecins sans frontières ont été enlevés en Somalie ou abattus dans un avion au Sud-Soudan. Au triste palmarès de la décennie qui s’achève on trouve l’assassinat d’une vingtaine de délégués du CICR, ainsi que de volontaires de Médecins du Monde, de représentants du HCR…

  18. «La plupart des cabanes abritaient des personnes très gravement marasmiques, qui restaient couchées en attendant ou de l’aide ou la mort», op. cit. (note 15), p. 426.

  19. « [A ] mas de cadavres et de blessés», «à coups de pieds, à coups de matraques et à coups de baïonnettes [… ] , ils ont frappé, renversé, bousculé [… ] les victimes [… ] . Certains n’ont eu la vie sauve que pour avoir été chargés les premiers sur les camions et recouverts d’une couche de corps protectrice», op. cit. (note 15), p. 422-423.

  20. « Après deux heures d’attente, [… ] ils les ont conduits au bord d’une falaise, située au-dessus de la rivière et les ont tués [… ] [d’ ] une balle dans la tête. Leurs corps furent précipités en bas de l a falaise, dans le lit de la rivière», op. cit. (note 15), p. 424.

  21. « Certains prisonniers sont battus jusqu’au sang avec des barres de fer, des bâtons et des câbles [… ] . Récemment, nous avons vu une brûlure étendue du troisième degré sur un dos, due soit à un chalumeau, soit à un fer rouge», op. cit. (note 15), p. 424.

  22. « [… ] une situation indescriptible, tant il y avait de sang et de gens en train de mourir», op. cit. (note 15), p. 425.

  23. J.-L. Chopard et V. Lusser, «Pour qui parlent les humanitaires? Quelques réflexions sur la diffusion», RICR , no 826, juillet-août 1997, p. 405.

  24. «…[L ] e CICR craignait que le texte, très ambitieux, n’éveille de vieux démons chez nombre d’États [… ] L’expérience des quatre années de négociation difficiles [… ] de 1974 à 1977 [… ] avait appris qu’il ne fallait pas espérer, dans les circonstances actuelles, de gains normatifs sérieux.» – Frédéric Maurice, «L’ambition humanitaire»,  RICR , no 796,  juillet-août 1992, p. 378.

  25. David P. Forsythe, «Le Comité international de la Croix-Rouge et l’assistance humanitaire: analyse d’une politique», RICR , no 821, septembre-octobre 1996, p. 555. L’auteur ajoute que «le CICR a parfois utilisé l’assistance comme un «appât» ou une carotte» pour avoir accès aux détenus». Ibid. , p. 569.

  26. Certains touchent même à son action au Biafra, qui fait souvent dire que le conservatisme du CICR aurait poussé les médecins de l’institution à ouvrir une nouvelle voie. Voir T. Hentsch, «Face au blocus: la Croix Rouge internationale dans le Nigéria en guerre», Institut universitaire de hautes études internationales, Genève, 1973. De même, de 1976 à 1987, le CICR a aidé les Tigréens et les Érythréens, en rébellion contre le régime du DERG éthiopien, en participant à une opération de secours «transfrontalière» menée depuis le Soudan. D. Forsythe, op. cit. (note 25), p. 552 et suiv., particulièrement p. 558. De même, en 1979, le CICR et l’UNICEF, parfaitement informés de l’hostilité du nouveau gouvernement de Phnom Penh, ont décidé d’apporter depuis la Thaïlande une aide à des civils se trouvant en territoire cambodgien, à proximité de la frontière thaïlandaise.

  27. P. ex. Mario Bettati, «L’embargo filtrant: une solution efficace?», Géopolitique de la faim , PUF, Paris, 1998. Des représentants d’ONG autrefois très liées à Bernard Kouchner cofondateur de Médecins sans frontières affirment aujourd’hui que cette doctrine est allée à l’encontre du but recherché.

  28. D’où la volonté de faire émettre cette opinio juris par l’Assemblée générale des Nations Unies. Il en a résulté les résolutions 43/131 et 45/100, d’ailleurs très en deçà des espérances de ses promoteurs.

  29. D. Forsythe, op. cit. (note 25), pp. 553 et 554. Voir aussi, à propos de la Somalie, Jennifer Leaning, «When the system doesn’t work: Somalia 1992», Kevin Cahill (ed),  A framework for survival: Health, human rights, and humanitarian assistance in conflicts and disasters , Council of Foreign Relations, New York, 1993.

  30. Un proverbe burundais affirme «un fautif dans la famille, c’est toute la famille qui est fautive».

  31. Cité dans Marion Harroff-Tavel, «Promouvoir des normes visant à limiter la violence en situation de crise: un défi, une stratégie, des alliances», RICR , no 829, mars 1998, p. 13.

  32. J.-L. Chopard et V. Lusser, op. cit. (note 23), p. 400.

     

  33. Formule tirée de l’intitulé de la Conférence diplomatique (1974-1977) dont sont issus les Protocoles additionnels du 8 juin 1977.

  34.   Idem.  

     

  35. Voir Protocole I, art. 44, par. 3.

  36. Les rares dispositions nommément consacrées aux réfugiés au sens de la Convention de 1951 ne concernent nullement les exodes récents. Voir IVe Convention de Genève, articles 44 et 70, par. 2. Ces dispositions sont d’ailleurs protectrices et anticipent sur la Convention relative au statut des réfugiés de 1951.

  37.     RICR , no 785, septembre-octobre 1990, p. 438 et suiv.

  38. Voir également l’affaire Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie , arrêt du 11 juillet 1996, par. 31, où la Cour internationale de Justice affirme que les obligations qui pèsent sur les États en matière de prévention et de répression du crime de génocide sont les mêmes, qu’il s’agisse d’un conflit interne ou d’un conflit international.

  39. Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Le procureur c. Dusko Tadic , arrêt du 2 octobre 1995 (Appel), par. 73.

  40. M. Sassòli, «La première décision de la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie: Tadic (compétence)»,  Revue Générale de Droit International Public , 1996-1, p. 101 et suiv.

  41.   RICR , no 819, mai-juin 1996, p. 399.

     

  42. Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, du 18 septembre 1997, RICR , no 827, septembre -octobre 1997, p. 603.

     

  43. Protocole relatif aux armes à laser aveuglantes (Protocole IV), RICR , no 8 19, mai-juin 1996, p. 320.

     

  44. L. Doswald-Beck, «Le nouveau Protocole sur les armes à laser aveuglantes»,  RICR , n° 819, mai-juin 1996, p. 306.

     

  45. «La liberté est l’opinion que chacun a de sa sûreté.», De l'esprit des lois.  

     

  46.   Affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci , arrêt du 27 juin 1986, C.I.J. Recueil 1986, par. 220 et 255.

     

  47.   Affaire Tadic , supra (note 39), par. 96 à 127.

     

  48.   Ibid. , par. 97.

     

  49.   Ibid. , par. 126. Les crochets sont de l’auteur de cet article.

     

  50.   Ibid ., par. 134.

     

  51. Selon certains, la notion de crimes de guerre commis lors d’un conflit interne était en cours d’apparition coutumière avant l’adoption du Statut de la Cour. Voir T. Meron, «International criminalization of internal atrocities», AJIL , vol. 89, 1995, pp. 559-562, et T. Graditzky, «La responsabilité pénale individuelle pour violation du droit international humanitaire applicable en situation de conflit armé non international»,  RICR , no 829, mars 1998, p. 29 et suiv.

     

  52. Texte extrait du Projet «Avenir» du CICR, point 3.2, «Ancrer l’action dans la proximité et dans la durée et fixer des priorités»,  RICR , no 829, mars 1998, p. 139. Le texte poursuit l’axe en évoquant les «conflits gelés».

     

  53.   Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949 , CICR/Martinus Nijhoff Publishers, Genève, 1986, par. 4471 et suiv.: commentaire à l’art. 1er, par. 2, du Protocole II.

     

  54. H.-P. Gasser, «Quelques réflexions sur l’avenir du droit international humanitaire»,  RICR , no 745, janvier-février 1984, spécialement p. 24.

     

  55. Droit à la vie, interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, interdiction de l’esclavage, principe de la non-rétroactivité des peines, droit à des garanties judiciaires.

     

  56. Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, art. 5, par. 3.

     

  57. Marion Harroff-Tavel, «L’action du Comité international de la Croix-Rouge face aux situations de violence interne», RICR , no 801, mai-juin 1993, p. 228-229.

     

  58.   Ibid ., p. 234.

     

  59. H.-P. Gasser, «Un minimum d’humanité dans les situations de troubles et de conflits internes: proposition d’un Code de conduite», RICR , no 769, janvier-février 1988, p. 39 et suiv.

     

  60. Voir p. ex. H.-P. Gasser, «Un nouveau projet de déclaration sur les normes humanitaires minimales», RICR , no 789, mai-juin 1991, p. 348 et suiv.

     

  61. Les États parties doivent «en incorporer l’étude dans les programmes d’instruction militaire et, si possible, civile, de telle manière que les principes en soient connus de l’ensemble de la population». Voir Conventions de Genève, articles communs 47/48/127/144, Protocole I, article 83, et Protocole II, article 19.

     

  62. Parmi les indices d’une nouvelle approche, citons la «mallette pédagogique» mise au point par la Croix-Rouge française à l’intention des enfants des écoles, mais dont la diffusion reste encore insuffisante… et mérite, en tout cas, de grands efforts.

     

  63. Marion Harroff-Tavel, op. cit. (note 31), p. 5 et suiv.

     

  64. Voir E. Baeriswyl et A. Aeschlimann, «Réflexions sur une action de diffusion au Burundi»,  RICR , no 826, juillet-août 1997, p. 409 et suiv.

     

  65.   Op. cit. (note 31), p. 5.

     

  66. Par exemple: «La mort emporte les autres, mais ne t’oublie pas», ou «N’appelle pas la foudre sur tes ennemis, car elle peut aussi emporter tes amis». Une pareille vulgarisation ne fait cependant pas l’unanimité.

       

  67. «On ne frappe pas celui qui ne peut pas le rendre.»