Étude d'ensemble de toute la question des opérations de maintien de la paix sous tous leur aspects

18-11-1996 Déclaration

Assemblée générale des Nations Unies, 51e Session, Quatrième Commission, Points 86 de l'ordre du jour. Intervention du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), New York, 18 novembre 1996

Monsieur le Président,

Dans les déclarations qu'il a faites devant cette Commission au cours des dernières années, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a exprimé ses préoccupations en ce qui concerne l'applicabilité du droit international humanitaire aux forces de maintien ou d'imposition de la paix. Il convient en effet d'autant plus d'apporter des éclaircissements à cette question que le caractère du maintien de la paix évolue.

Dans le même esprit, le Comité spécial des opérations de maintien de la paix a demandé, l'année dernière, au Secrétaire général " d'achever l'élaboration d'un code de conduite du personnel de maintien de la paix de l'ONU, conforme aux dispositions applicables du droit international humanitaire " . [1 ]

Monsieur le Président,

Conformément à son mandat de " travailler à la compréhension et à la diffusion du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés et d'en préparer les développements éventuels " [2 ] , le CICR s'est penché sur le contenu éventuel d'un tel code.

À cette fin il a organisé, en mars et en octobre 1995, deux réunions d'experts des milieux militaires et universitaires. D'anciens responsables des forces des Nations Unies et des représentants du Secrétariat des Nations Unies ont également été invités à donner leur opinion d'experts. Les participants ont analysé toutes les dispositions du droit humanitaire, afin de déterminer leur applicabilité aux forces de maintien de la paix, et ont élaboré un projet de code de conduite.

Ce projet a par la suite été examiné conjointement, dans un esprit d'étroite collaboration, par le CICR et le Secrétariat des Nations Unies, en particulier le Département des opérations de maintien de la paix et le Bureau des affaires juridiques. Une version définitive a été rédigée en mai 1996, intitulée Guidelines for UN Forces Regarding Respect for International Humanitarian Law (lignes directrices relatives au respect du droit international humanitaire à l'intention des forces des Nations Unies); le mot " Guidelines " fut ultérieurement remplacé par " Directives " . Ce document définit le contenu et la portée des " principes et de l'esprit " du droit humanitaire auxquels il est fait référence dans de nombreux accords sur le statut des forces. Le Bureau des affaires juridiques mène actuellement une dernière série de consultations auprès des pays contributeurs de troupes. Le CICR a compris que ce texte important sera mis au point de façon définitive avant la fin de l'année.

Monsieur le Président,

Ces Directives sont conçues à l'intention des forces de l'ONU placées sous le commandement et le contrôle des Nations Unies lorsque, dans des situations de conflit armé, celles-ci sont activement engagées en tant que combattants. Les Directives sont censées être utilisées dans le cadre d'opérations de maintien de la paix ainsi que d'opérations d'imposition de la paix, lorsque le recours à la force est autorisé pour des raisons de légitime défense ou en application d'un mandat spécifique du Conseil de sécurité.

Il faut souligner que les Directives ne constituent pas une liste exhaustive de s principes et des règles du droit international humanitaire opposables au personnel militaire. Il importe de continuer à édicter des règles d'engagement, ou d'autres directives pertinentes adaptées aux circonstances particulières. Il faut également souligner que les casques bleus restent tenus, par leur législation nationale, de respecter les instruments du droit international humanitaire par lesquels leurs pays d'origine sont liés. En conséquence, s'ils violent le droit, ils peuvent être poursuivis devant leurs tribunaux nationaux.

Monsieur le Président,

Le CICR est convaincu qu'une bonne formation en matière de droit international humanitaire comporte tout à la fois une valeur préventive et des avantages opérationnels. Les deux sont également importants pour les forces militaires. Une telle formation est, sans aucun doute, la meilleure garantie pour que les opérations soient menées dans le respect du droit, et pour que les contingents des Nations Unies soient en mesure de s'assurer que les parties belligérantes respectent le droit. Nous pensons que les forces des Nations Unies doivent constituer un exemple à cet égard.

C'est pourquoi il est important à nos yeux que chaque contingent national reçoive une formation adéquate en matière de droit international humanitaire avant d'être déployé. Nous espérons que les Directives fourniront un cadre conceptuel adéquat pour une telle formation, et nous sommes prêts à mettre nos compétences à contribution, dans la mesure de nos moyens, pour en faire la promotion.

Monsieur le Président,

Le CICR, las de voir la neutralité et l'impartialité du travail humanitaire compromises lorsqu'il n'y a pas d'entente ou d'accord sur la nature spécifique des opérations humanitaires, a très souvent demandé qu'un espace humanitai re soit préservé dans les situations de conflit. Toute entente de ce type devrait reposer sur un concept clair, défini par le mandat confié aux forces de maintien de la paix par le Conseil de sécurité.

L'objectif unique de l'action humanitaire est de s'assurer que les victimes reçoivent assistance et protection. C'est pourquoi le CICR estime vital que l'action politique ou militaire, y compris toute action entreprise sous les auspices des Nations Unies, soit conçue de telle manière qu'elle ne porte pas atteinte à la neutralité et à l'impartialité des opérations humanitaires.

Dans ces conditions, et tout en maintenant une complète indépendance de décision et d'action, nous dialoguons fréquemment avec les forces de maintien de la paix afin de préciser nos tâches respectives, notamment dans les cas où leur mission est de faciliter ou d'assurer l'acheminement de l'assistance humanitaire, ou, d'une manière plus générale, lorsque des questions humanitaires sont en jeu. Au cours des opérations quotidiennes, les délégués du CICR et les membres des forces de maintien de la paix des Nations Unies échangent des informations utiles sur l'exécution de leurs mandats respectifs.

Enfin, la coopération et la complémentarité sont plus difficiles à réaliser, ou ne sont même pas recherchées, lorsque des mesures de coercition sont adoptées. Dans de telles situations, il est possible que la nature des relations entre le CICR et les troupes de maintien de la paix change, et le CICR peut devoir jouer son rôle d'intermédiaire neutre, par exemple en visitant des personnes détenues par des forces de maintien de la paix.

Permettez-moi de conclure en soulignant que l'action humanitaire peut être menée parallèlement à l'action militaire ou politique, mais qu'elle ne saurait la remplacer. La politisation de l'action humanitaire ne peut intervenir qu'au détriment des victimes des conflits armés, en faisant des otages de considérations politiques. Les tentatives, même bien intentionnées, de mettre une étiquette humanitaire à des actions de nature politique ou militaire sont tout aussi risquées. C'est pourquoi nous devons, dans un esprit de coopération et de complémentarité, poursuivre nos efforts communs en vue de trouver les moyens de remplir nos mandats respectifs dans le meilleur intérêt possible des victimes. Le CICR est certain que le dialogue constructif qu'il a développé avec les Nations Unies à cet égard se poursuivra.

Monsieur le Président, je vous remercie.

  Notes  

1. Cf. Doc. NU A/50/230, par. 73

2. Cf. article 5, par. 2 (g) des Statuts du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Réf. UN(1996)34,b