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CICR : l'accès aux victimes des conflits : un défi majeur pour le CICR

22-01-1999 Communiqué de presse 99/03

Le directeur des opérations du CICR, Jean-Daniel Tauxe, a donné le 20 janvier une conférence de presse au cours de laquelle il a présenté aux médias le budget de l'institution prévu pour les opérations en 1999. Cette présentation, qui faisait suite à une rencontre avec les représentants des missions permanentes auprès des Nations Unies à Genève, a été l'occasion d'un large tour d'horizon des problèmes humanitaires dans le monde ainsi que des principaux défis auxquels le CICR doit faire face.

L'analyse de l'évolution des situations de conflit en 1998 permet de discerner plusieurs grandes tendances, qui doivent être prises en compte dans la conduite des opérations humanitaires, et qui sont :

- l'imprévisibilité : c'est le cas pour la guerre entre l'Éthiopie et l'Érythrée, les événements en Indonésie, en Guinée-Bissau, en Sierra Leone et au Kosovo ;

- l'extension : il s'agit des situations où des conflits prennent une dimension régionale (République démocratique du Congo, Afghanistan, ainsi que les pays voisins) ;

- l'enlisement : pour certains conflits, il semble n'exister aucune perspective de solution (Soudan, Afghanistan, Sri Lanka) ;

- la réactivation : certaines guerres reprennent, comme en Angola ou en Irak ;

- la paupérisation : sur le plan socioéconomique, le fossé se creuse dans le monde entier entre les nantis et les laissés pour compte, entraînant une augmentation inéluctable de la violence et de la criminalité. Ce phénomène a été observé dans la presque total ité des contextes où le CICR mène ses activités. Il en résulte des actes de pur banditisme, qui viennent s'ajouter à la violence issue d'une situation de conflit.

- Enfin, sur le plan humanitaire, l'analyse des conflits démontre que les civils ne sont plus seulement des victimes mais deviennent également des cibles, notamment dans les Balkans, en Afrique centrale, en Sierra Leone ou en Colombie.

Avec l'évolution des conflits, le CICR se trouve confronté à deux défis majeurs : l'accès aux victimes et la nécessité de faire respecter le droit international humanitaire. Ces difficultés apparaissent de diverses manières.

Les modes d'action du CICR – basés sur les principes d'impartialité, de neutralité et d'indépendance – sont de plus en plus contestés et difficiles à faire accepter. La sécurité des victimes et du personnel des organisations humanitaires dans des contextes explosifs impose des contraintes à l'action. Enfin, on assiste à une multiplication du nombre des acteurs impliqués dans la violence et il est essentiel non seulement de les identifier mais également de les responsabiliser.

Pour le CICR, l'enjeu consiste à développer des stratégies pour faire face à ces défis. Il s'agit, d'une part, d'assurer la proximité avec les victimes tout en tenant compte des contraintes liées à la sécurité. D'autre part, il est impératif d'élargir les réseaux de contact en poursuivant le dialogue avec les interlocuteurs politiques et militaires traditionnels mais également avec d'autres acteurs, notamment au sein de la société civile et dans les milieux économiques.

Au cours de l'année 1998, de multiples contraintes politiques et liées à la sécurité ont empêché l'institution de réaliser pleinement les objectifs prévus, pa r exemple en Afghanistan, en Tchétchénie, en Somalie ou en République démocratique du Congo.

Il faut toutefois souligner que, pendant la même année, le CICR était présent en permanence dans 58 pays et que ses délégués ont pu visiter plus de 190 000 détenus dans quelque 1300 lieux de détention. Environ 64 000 tonnes de secours ont été distribuées dans 50 pays, pour une valeur de 76 millions de francs suisses.

Pour 1999, le budget terrain, s'élève à 660 169 500 francs suisses, ce qui représente une légère baisse par rapport au budget 1998, qui était initialement de 675 millions.

Il est à noter que le CICR a introduit un nouveau système pour fixer ses objectifs et déterminer son budget. Ce système n'est plus fondé sur des activités mais sur des populations cibles, et les objectifs sont planifiés en fonctions des résultats. Cette nouvelle technique doit permettre de mieux cerner les besoins des victimes, tout en analysant plus précisément l'environnement dans lequel elles évoluent. Le budget 1999 se veut donc explicite et plus réaliste en termes d'objectifs.

La plus grande partie de ce budget, soit 48,2 %, est destinée au continent africain avec en priorité l'Afrique centrale, mais également la Corne de l'Afrique, la Sierra Leone et les pays voisins. La région Europe et Amérique du Nord vient ensuite, avec 19,9 % (en particulier pour les Balkans) ; 17 % sont attribués à l'Asie et au Pacifique (essentiellement l'Afghanistan et aussi l'Indonésie). L'Amérique latine se verra consacrer 7,9 % avec en priorité la Colombie, mais aussi le Pérou et le Mexique. Enfin, 7 % iront au Moyen Orient et à l'Afrique du Nord, en particulier pour Israël, les territoires occupés et les territoires autonomes, et l'Irak .

Il a été rappelé, en outre, que l'année 1999 marque le 50 e anniversaire de la signature des Conventions de Genève. Le CICR a lancé, dans 12 pays touchés par la guerre, un projet intitulé « Les voix de la guerre ». Il s'agit de donner la parole à ceux qui ont vécu la guerre pour leur permettre d'expliquer comment ils perçoivent le droit international humanitaire et de dire ce qu'ils attendent de l'avenir. Cette consultation sera également menée dans six pays ou règne la paix, auprès de personnes pour qui la guerre est un phénomène étranger qu'elles ne connaissent qu'à travers les médias. Un rapport sera ensuite rédigé pour engager un vaste débat sur le sujet.