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Les personnes portées disparues depuis la crise du Kosovo : la réponse du CICR

21-12-2000

   
Réf: MK-N-00001-31
 
Les combats ont peut-être cessé au Kosovo, mais des milliers de personnes n'ont pas pour autant trouvé la paix, car elles sont sans nouvelles de membres de leur famille. Pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), faire face au problème humanitaire que constitue le sort des personnes portées disparues est aujourd'hui l'une de ses priorités opérationnelles les plus importantes au Kosovo et ailleurs en République fédérale de Yougoslavie.
 
 

Malheureusement, ni le sort des détenus ni celui des personnes portées disparues n'a été spécifiquement pris en compte dans l'accord signé à Kumanovo entre l'OTAN et la République fédérale de Yougoslavie, ni dans la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui a été adoptée par la suite, en juin 1999. Néanmoins, en se fondant sur son mandat, qui est internationallement reconnu, le CICR a assumé un rôle de premier plan en ce qui concerne la question des personnes portées disparues et il a réussi à négoci er à Belgrade l'accès aux personnes dont la détention, suite à la crise du Kosovo, avait été notifiée par les autorités et qui se trouvaient toujours détenues.

A la date d'aujourd'hui, plus de 5.165 noms de personnes disparues avaient été recueillis directement auprès des familles ; le CICR a pu établir ce qu'il était advenu de plus de 1.500 d'entre elles, et cela principalement par ses visites de détenus (voir les tableaux ci-après pour les détails de répartition). Les personnes toujours portées disparues (environ 3.600) sont pour la plupart des Albanais du Kosovo, mais on compte aussi un nombre important de Serbes, de tziganes et de membres d'autres communautés.

Chaque jour, des familles se rendent dans les bureaux du CICR au Kosovo et ailleurs en République fédérale de Yougoslavie, dans l'espoir d'obtenir des nouvelles de leurs proches. L'angoisse, c'est évident, ne diminue pas mais au contraire, elle augmente avec le temps. Pour tous ces gens, il est impossible de reconstruire une vie dans la durée alors que tant d'incertitude subsiste.

L'engagement du CICR consiste exclusivement à essayer d'aider les familles dans leur recherche de la vérité. Il y travaille, et continuera d'y travailler, en utilisant tous les moyens disponibles pour répondre à ces familles : par le dialogue avec les autorités concernées à Belgrade et à Pristina, par la suite donnée aux informations crédibles et fiables recueillies sur le terrain, et par la coopération avec d'autres organisations qui s'occupent, elles aussi, de cette question par l'intermédiaire d'un groupe de coordination que le CICR a mis en place et qu'il préside (police de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) et police civile des Nations Unies (CIVPOL), OSCE, Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCNUDH), International Committee for Missing Persons (ICMP), et autres).

Les 21 et 22 février 2000, le CICR a officiellement soumis aux autorités de Belgrade et de Pristina les noms des personnes portées disparues dont il avait jusque-là connaissance, en leur demandant de fournir d'urgence toute information en leur possession qui pourrait faire la lumière sur le sort de ces personnes aussi rapidement que possible, par égard pour leurs familles.

Des équipes du CICR ont été mobilisées dans tous les bureaux de l'institution au Kosovo pour visiter systématiquement les villes et les villages afin d'encourager les familles à donner de leur plein gré des informations sur des proches qui auraient disparu. La plupart des noms ont été recueillis auprès d'Albanais du Kosovo, qui ont signalé que des membres de leur famille avaient été arrêtés, mais au Kosovo et ailleurs en République fédérale de Yougoslavie, le CICR a également récolté des informations venant de centaines de familles serbes, tziganes et d'autres communautés qui déclaraient que des parents avaient été enlevés par l'Armée de libération du Kosovo ou par des civils.

En même temps, les autorités de Belgrade ont fait savoir qu'elles détenaient quelque 1700 personnes; elles ont en outre accordé l'accès à ces personnes au CICR. Cela a non seulement permis à l'institution de faire la lumière sur le sort d'un certain nombre de personnes qu'elle recherchait, mais a aussi provoqué un grand soulagement parmi les familles concernées.

 
  Ampleur du problème
 

 
 

Jusqu'au 31 novembre 2000, le CICR a recueilli et enregistré les informations suivantes sur des personnes portées disparues :

Personnes portées disparues pendant la crise du Kosovo du 1er jan vier 1998 au 30 novembre 2000

 
 

Nombre total de demandes de recherche reçues des familles

 

5 165

Nombre total de personnes dont le sort a été élucidé

  parmi lesquelles :

 

1 582

  • déclarées mortes

391

 

déclarées vivantes

  parmi lesquelles :

1 191

 

visitées en prison

944

 

Nombre total de personnes toujours portées disparues

  parmi lesquelles :

 

3 583

personnes qui auraient été arrêtées par les forces armées ou les forces de sécurité yougoslaves ou qui auraient été enlevées par des civils serbes

 

 

1 810

 

personnes qui auraient été enlevées par l'Armée de libération du Kosovo ou par des civils albanais du Kosovo

403

 

personnes au sujet desquelles on ne dispose d'aucune information

1 370

 

 

 

Visites aux personnes actuellement détenues dans le cadre de la crise du Kovoso au 30 novembre 2000

  Kosovo  

 

Personnes visitées dans les lieux de détention de la KFOR

40

  République fédérale de Yougoslavie  

 

Personnes visitées dans des lieux de détention en République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)

750

Personnes libérées par les autorités et transportées par le CICR au Kosovo

1 195

 


  Mesures prises par le CICR  
 
  •   Visites de détenus   : alors que le CICR avait visité des prisonniers albanais du Kosovo détenus par les autorités serbes pendant de nombreuses années avant la crise actuelle, ces visites ont dû être interrompues en 1999, pendant le conflit entre l'OTAN et la République fédérale de Yougoslavie, pour des raisons de sécurité. En juin 1999, le CICR a pu négocier la reprise de ses visites et, en juillet, il avait enregistré quelque 1.700 détenus et en a immédiatement informé les famill es. Depuis, d'autres visites ont eu lieu, ce qui a permis au CICR de faire la lumière sur le sort de 1.300 personnes environ portées disparues.

  •   Démarches auprès des autorités compétentes   : des efforts ont été faits à plusieurs reprises au cours du conflit interne entre les forces de sécurité serbes et l'Armée de libération du Kosovo, par l'intermédiaire du personnel terrain de cette armée et des représentants politiques des deux parties, afin de savoir ce qu'il était advenu des quelque 150 civils serbes dont la famille avait signalé l'enlèvement. Des démarches analogues en faveur d'Albanais du Kosovo ont été entreprises auprès des autorités de Belgrade. D'autres tentatives ont été faites, et le sont encore, au niveau local depuis la fin des hostilités au Kosovo. Malheureusement, aucune information valable sur le sort de ces 150 personnes, et des autres qui ont été signalées depuis, n'a été recueillie à ce jour.

  •   Recherches sur le terrain   : des équipes du CICR sur le terrain ont déployé des efforts considérables dans les villes et les villages de l'ensemble du Kosovo pour inciter la population à fournir spontanément des informations. Un système de « recherche de personnes par événement » a été mis en place, qui a permis de récolter des renseignements sur des personnes disparues ou qui auraient été enlevées ou seraient détenues au même moment. Grâce à ce système, basé sur l'expérience du CICR en Bosnie-Herzégovine, on a pu obtenir des informations supplémentaires qui ont permis d'éclaircir un certain nombre de cas. Les familles ont également été invitées à notifier la disparition de parents au CICR, ou à la Croix-Rouge yougoslave en République fédérale de Yougoslavie.

  •   Coordination avec d'autres organisations   : le CICR a été officiellement reconnu en tant qu'institution directrice pour la question des personnes portées disparues au Kosovo, et il a mis sur pied un groupe de coordination avec d'autres organisations pour permettre l'échange d'informations. Le CICR encourage fermement la poursuite du processus d'exhumation et d'identification commencé l'année dernière et il entretient de bonnes relations de travail avec les organisations impliquées.

 
  Autres mesures à prendre  

  •   Soutien aux familles   : le CICR examine actuellement les moyens de mieux aider les familles à supporter les épreuves que constituent le chagrin et l'incertitude, par exemple en favorisant la création d'associations familiales, en apportant à ces familles un soutien psychosocial et en les orientant vers des services qui peuvent les conseiller sur les plans juridique et pratique. Le CICR est conscient de la position unique qu'il occupe par le fait que les familles, tant au Kosovo qu'ailleurs en République fédérale de Yougoslavie, peuvent avoir recours à lui. Sa seule préoccupation est d'aider les familles et de répondre à leurs besoins.

  •   Poursuite du travail sur le terrain   : conscient du fait que d'autres familles pourraient encore ne pas avoir signalé la disparition d'un des leurs, le CICR continuera d'enregistrer de nouvelles informations et de les soumettre ensuite aux autorités compétentes. Il suivra de près les allégations d'arrestation ou d'enlèvement.

  •   Visites de détenus   : les visites de détenus en République fédérale de Yougoslavie se poursuivront aussi longtemps que des prisonniers seront incarcérés. De même, le CICR continuera de fournir à ceux qui sont libérés un transport pour rentrer au Kosovo (c'est ainsi qu'une grande majorité des quelque 850 détenus libérés ont été escortés jusque chez eux). Au Kosovo, le CICR a accès à des personnes détenues par la KFOR et la police de la MINUK. Dans tous les cas, le but des visites est le même : s'assurer que les conditions matérielles et psychologiques de détention sont décentes et que les prisonniers sont traités humainement, et leur permettre de garder le contact avec leur famille grâce aux messages Croix-Rouge.

  •   Contacts avec les autorités   : après avoir soumis aux autorités les informations qu'il a recueillies jusqu'à présent, le CICR poursuivra avec elles le dialogue sur cette question et leur demandera instamment de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de faire la lumière sur le sort de personnes qui ont disparu dans les régions placées sous leur contrôle. Le CICR estime qu'il incombe aux autorités concernées de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que ces questions ne restent pas sans réponse.