Éthiopie : ensemble à nouveau

12-09-2008 Éclairage

Le conflit frontalier entre l’Érythrée et l’Éthiopie, qui a pris fin en 2000 après deux ans d’affrontements sanglants, a laissé de nombreuses blessures parmi la population civile. Huit ans plus tard, des familles multinationales vivent toujours des situations particulièrement difficiles. Récit de Natalie Klein-Kelly et de Patrick Mégevand du CICR.

Etalem Gezahegn est éthiopienne ; elle vient de Debre Markos. En épousant un ressortissant érythréen, qui enseignait à l’époque dans une école d’État en Éthiopie, elle n’avait pas imaginé les problèmes que l’origine de son mari allaient engendrer par la suite.

     
    © CICR      
   
28.05.2008 : Addis-Abeba, Yeshewas Eshete. Etalem exhibant des photos de sa famille.      
         

Lorsque le conflit a éclaté, en 1998, le mari d’Etalem a été arrêté et incarcéré en raison de sa nationa lité. « Quand il a finalement été libéré, au terme de deux ans de détention, il n’a pas pu réintégrer sa place, ni d’ailleurs retrouver quelque autre travail, toujours pour les mêmes raisons. Cela nous a rendu la vie difficile, explique Etalem. Nous avons alors décidé d’aller vivre en Érythrée tous les deux, mais, ayant appris par la suite que les citoyens éthiopiens n’étaient pas autorisés à s’y rendre, mon mari est finalement parti avec nos six enfants, sans moi. »

  Des familles dispersées, des mères totalement délaissées  

Etalem s’est retrouvée seule : elle n’avait pas les moyens financiers de subvenir aux besoins de ses enfants sans le soutien de son mari. « Comme la Croix-Rouge ne pouvait rien faire pour moi afin de me réunir avec ma famille, une année plus tard, en 2004, j’ai tenté de passer illégalement en Érythrée, par le Soudan. J’ai malheureusement été prise, et j’ai passé un an en prison. Après cette expérience, je n’ai plus réessayé », se souvient Etalem.

Pendant toutes ces années, Etalem est néanmoins parvenue à rester en contact avec sa famille grâce à des messages Croix-Rouge. Heureusement, début 2008, les autorités ont fait savoir qu’elles allaient consentir à ce que les épouses éthiopiennes de citoyens érythréens rejoignent leurs proches en Érythrée. Le CICR s’est alors immédiatement mis en contact avec Etalem, et toutes les dispositions ont été prises. Elle a pu franchir la frontière sous les auspices du CICR, le 11 juin 2008, retrouvant ainsi son mari et ses enfants.

Merkeb Arega n'avait lui que sept ans lorsque le conflit a éclaté. Ses parents étaient binationaux. Son père était décédé et il vivait en Éthiopie avec sa mère, d’origine érythréenne, et sa sœur Roza.

  Parti en vacances, il ne peut plus rentrer chez lui  

En février 1998, Merkeb s’est rendu en Érythrée pour rendre visite à sa grand-mère. « Je devais rentrer au bout de deux mois. Mais une fois sur place, ayant retrouvé mes oncles et d’autres membres de ma famille, j’ai décidé de rester un peu plus longtemps. C’est alors que la guerre a éclaté : je ne pouvais plus retourner à la maison, car la frontière était fermée, et il était trop dangereux de traverser », explique-t-il. C’est ainsi que Merkeb a perdu le contact avec sa mère et sa sœur.

     
    © CICR      
   
21.05.08 : Addis-Abeba, Yeshewas Eshete. Merkeb assis aux côtés de sa sœur, après avoir été réuni avec elle par le CICR.      
         

Malheureusement, la mère de Merkeb est décédée en 2000, avant que les liens ne puissent être rétablis entre eux. Il y a deux ans, sa sœur Roza est enfin parvenue à se mettre en contact avec lui. « Ce n’est qu’une fois à Khartoum que j’ai pu obtenir le numéro de téléphone de ma grand-mère en Érythrée ; c’était en 2006, confie Roza. J’ai ensuite entendu d ire par des Érythréens vivant en Éthiopie que la Croix-Rouge aidait les gens séparés les uns des autres à rétablir le contact et, si possible, à les réunir. Je me suis immédiatement adressée à mon oncle en Érythrée pour qu’il vérifie cette information et voie s’il était envisageable de déposer une demande.

  Des retrouvailles au goût aigre-doux  

« Le jour du rapatriement, j’étais un peu anxieux : je ne croyais pas vraiment que cela puisse marcher, avoue Merkeb avec émotion. J’ai revu ma sœur le vendredi ; c’était le soir. On ne nous avait pas permis de nous retrouver véritablement ce soir-là, mais elle avait réussi à me faire dire de sortir de ma tente. Je l’ai reconnue immédiatement, car nous nous étions envoyé nos photos. Lorsque nous nous sommes vus, elle n’a rien dit. Nous nous sommes juste salués ». Aujourd’hui, pour Merkeb, la priorité est qu’il apprenne rapidement l’amharique et qu’il s’inscrive dans une école pour la prochaine année académique.

Des familles éthiopiennes et érythréennes qui avaient été dispersées par le conflit peuvent aujourd’hui être réunies dans les deux pays grâce au programme de rapatriement du CICR. Et ce ne sont pas seulement les personnes qui souhaitent rentrer dans leurs pays respectifs qui bénéficient de la possibilité de franchir la frontière sous l’égide du CICR, mais également les familles mixtes qui font le choix de vivre dans l’un ou l’autre de ces deux pays.