Yémen : les besoins restent aigus alors que le pays entame une transition

20-02-2013 Conférence de presse

Tandis que le Yémen se prépare à engager un dialogue national, le conflit armé et la violence continuent de sévir dans le centre et le sud du pays, et les besoins restent aigus. Le CICR distribue des secours, fournit des soins de santé, améliore l’approvisionnement en eau et visite des lieux de détention. De retour d’une mission au Yémen, le directeur des opérations du CICR Pierre Krähenbühl a présenté la situation et les défis auxquels les acteurs humanitaires sont confrontés dans le pays à l’occasion d’une conférence de presse à Genève.

Situation

Deux ans après les événements qui ont inspiré le printemps arabe, le Yémen est entré dans une phase de transition et se prépare à entamer un dialogue national. Les attentes sont particulièrement grandes.

Parallèlement, des conflits armés et situations de violence multiples secouent encore des régions du centre et du sud du pays. Dans le nord, la situation est en revanche au plus stable depuis dix ans, des déplacés rentrant désormais chez eux.

Les besoins demeurent globalement énormes, dont certains revêtent un caractère urgent : cette semaine, nous avons par exemple distribué des secours aux civils déplacés par les récents affrontements entre les forces gouvernementales et le groupe Ansar al-Charia, affilié à Al-Qaïda. D’autres formes de soutien sont également nécessaires, et le CICR a joué un rôle important en vue d’aider les déplacés de la ville de Saada, dans le nord du pays, à retourner chez eux depuis les camps où ils avaient trouvé refuge.

Accéder aux personnes vulnérables est essentiel, et nous avons pu étendre notablement notre intervention ces 18 derniers mois, avec de vastes activités dans de nombreuses régions du pays.

M. Krähenbühl rentre d’une visite dans la capitale Sanaa et la ville septentrionale de Saada, au cours de laquelle il a rencontré le président du Yémen, M. Abdo Rabbo Mansour Hadi, le ministre des Affaires étrangères, M. Al-Qirbi, des représentants des Houthis et Tawakul Karman, lauréate du prix Nobel de la paix.

Assistance (2012)

  • Plus de 317 000 personnes déplacées dans le nord et le sud du pays ont reçu des vivres.
  • D’autres articles de première nécessité ont été fournis à 278 000 personnes déplacées à Abyan, Shabwa, Lahj, Saada et Amran.
  • Des abris ont été mis à la disposition de plus de 600 familles de rapatriés à Saada.
  • Plus de 900 familles de rapatriés à Saada ont bénéficié d’initiatives micro-économiques.
  • Des semences, des engrais et des outils ont été distribués à 28 600 agriculteurs à Amran.
  • Plus de 48 600 agriculteurs ont pu faire vacciner et vermifuger 158 000 animaux dans le gouvernorat de Saada.

Soins de santé

  • Des médicaments et des secours médicaux ont été fournis à 20 hôpitaux et centres de soins dans le nord et le sud du pays (notamment à Abyan et Saada).
  • Le ministère de la Santé a reçu 500 000 doses de vaccin contre la rougeole.
  • Un chirurgien et un infirmier instrumentiste du CICR ont apporté leur soutien à trois hôpitaux d’Aden lors des combats à Abyan, avant d’aider l’hôpital Al-Razi. Ils y ont pris part à 70 des 284 opérations qui ont été pratiquées et ont assuré la formation du personnel du département de chirurgie.
  • Quelque 37 000 personnes ont été soignées dans quatre centres de réadaptation physique gérés par le gouvernement et soutenus par le CICR à Al-Mukalla, Aden, Sanaa et Taiz.
  • Quarante-neuf techniciens orthopédistes et physiothérapeutes ont reçu une formation sur place. Huit techniciens orthopédiques ont été envoyés en Inde pour y suivre une formation.

Eau et assainissement

  • Des installations d’approvisionnement en eau ont été réparées à Abyan, Aden, Lahj, Taiz, Amran et Saada, permettant à 400 000 personnes d’avoir accès à l’eau potable.
  • De l’eau a été livrée par camion à plus de 30 000 personnes déplacées dans les gouvernorats d’Amran et de Saada.
  • La réparation des infrastructures dans les lieux de détention à Sanaa et Aden a bénéficié à 5 000 détenus.
  • Les réparations effectuées dans les hôpitaux et les structures de santé, y compris l’hôpital Al-Razi (gouvernorat d’Abyan) ont permis de dégager 735 lits supplémentaires.

Défis

Accès

Accéder aux personnes vulnérables n’est de loin pas facile, comme en témoigne l’enlèvement l’année dernière de l’un de nos collègues. Bien que cet incident ait connu une fin heureuse, le décès tragique d’un collaborateur yéménite a été très difficile pour nous tous. Malgré ces incidents, nous avons poursuivi notre action sans relâche.

Conditions de détention

En 2012, le CICR a pu accéder à 5 400 détenus, dont les personnes privées de liberté que nous avons visitées dans plusieurs lieux de détention sous la responsabilité du gouvernement yéménite, ainsi que 72 soldats yéménites détenus par Ansar al-Charia, que nous avons visités début 2012. Lors de son entretien avec le président Abdo Rabbo Mansour Hadi, M. Krähenbühl a demandé à ce que le CICR puisse consolider et étendre son programme de visites aux lieux de détention sous le contrôle du gouvernement. Le CICR permet par ailleurs à des familles yéménites de communiquer avec leurs proches détenus à Guantanamo. Cette semaine encore, un père a pu discuter par visioconférence avec son fils. Les deux hommes se voyaient et se parlaient pour la première fois en douze ans.

Conduite des hostilités

Le CICR suit la manière dont les parties mènent leurs opérations militaires. Nous accordons une attention spéciale au respect des civils par les forces yéménites et américaines, ainsi que par les groupes armés non étatiques. Plus particulièrement, nous soulignons la nécessité de faire la distinction entre combattants et civils, surtout lors de tirs d’artillerie, de bombardements aériens et d’attaques de drones.

Le Yémen est l’un des premiers pays à avoir soutenu publiquement la campagne « Les soins de santé en danger », qui vise à renforcer la protection des personnels et structures de santé. Ce soutien constitue une preuve de reconnaissance bienvenue du fait que les attaques contre les ambulances, l’usage abusif des véhicules sanitaires et les menaces à l’encontre des personnels médicaux ont de graves conséquences et doivent cesser, au Yémen comme partout ailleurs.

Photos

Pierre Krähenbühl 

Pierre Krähenbühl
© CICR
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Le directeur des opérations du CICR Pierre Krähenbühl discute des problèmes humanitaires avec les communautés locales. 

Saada, nord du Yémen.
Le directeur des opérations du CICR Pierre Krähenbühl discute des problèmes humanitaires avec les communautés locales.
© ICRC / P. Youssef