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Déclaration conjointe du CICR et de la IFRC à la deuxième conférence sur la Déclaration politique sur les armes explosives dans les zones peuplées

A rusted, unexploded mortar round lies on scorched ground in an abandoned area of Gedo’s Luuq district, Somalia. Behind it, twisted metal sheets and damaged structures sit under a heavy, overcast sky, highlighting the destruction left by recent fighting.
Photo: Ismail Taaxta/ICRC

Deuxième Conférence internationale relative à la Déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées

San José, Costa Rica, 18-20 novembre 2025
 

Lorsque les villes sont frappées par des armes explosives lourdes, les volontaires et le personnel du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Mouvement – composé des Sociétés nationales, du CICR et de la Fédération internationale) voient le nombre de civils blessés ou tués atteindre des niveaux effroyables. Nous voyons des quartiers entiers être réduits à l’état de ruines, leurs habitants ensevelis sous les décombres. Les infrastructures essentielles à la survie de la population civile sont dévastées ou endommagées et ne peuvent être remises en état faute de moyens appropriés. Nous voyons des hôpitaux détruits, des systèmes de santé s’effondrer et des malades qui auraient pu être sauvés décéder par manque de soins.

 

Nous nous employons à alléger les souffrances humaines dans tous les conflits armés, notamment en fournissant des soins médicaux, de l’eau et des solutions d’assainissement ainsi qu’en aidant les familles à rétablir le contact avec leurs proches disparus. Nos volontaires et nos collaborateurs sont confrontés chaque jour aux conséquences humanitaires de la guerre urbaine, et pleurent des collègues tués. C’est pourquoi nous appelons à mieux protéger le personnel humanitaire et les personnes auxquelles il vient en aide.

 

La Déclaration politique de 2022 sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées reconnaissait à juste titre les effets dévastateurs de ces armes sur la population civile et les biens de caractère civil. Pourtant, trois ans plus tard, leur utilisation à grande échelle continue de causer de graves dommages aux civils. Il reste encore aux États qui ont adopté la Déclaration à exploiter pleinement son potentiel politique et normatif pour donner lieu à des changements concrets et prévenir les souffrances. Or, en définitive, les efforts déployés pour conférer une portée universelle à la Déclaration et en assurer la mise en œuvre rigoureuse doivent viser avant tout à apporter des améliorations tangibles dans la vie des civils touchés par l’utilisation d’armes explosives dans le cadre des conflits, que ce soit au Soudan, en Syrie, en Ukraine, à Gaza ou ailleurs, aujourd’hui et à l’avenir. 

 

Par conséquent, le Mouvement exhorte les États à intégrer de façon effective les objectifs et les engagements de la Déclaration dans leurs politiques nationales et leurs pratiques opérationnelles. Les efforts de mise en œuvre, au niveau tant national qu’international, doivent accélérer sensiblement. La conférence en cours offre une occasion importante de prendre des mesures concrètes à cette fin, lesquelles mesures doivent impérativement être soutenues au niveau national. Il est urgent de répondre à l’impératif de changement sur le terrain. Le Mouvement se tient prêt à aider les autorités politiques et militaires, comme il conviendra et en fonction du mandat et des capacités de chacune de ses composantes, à renforcer leurs cadres juridiques et politiques ainsi qu’à adopter des mesures pratiques visant à atténuer les risques que l’utilisation d’armes explosives dans des zones habitées fait peser sur les civils. À cet égard, les recommandations soumises par le CICR à cette conférence proposent des pistes concrètes et efficaces pour aller de l’avant.

 

En particulier, le Mouvement demande aux États de privilégier les deux engagements suivants dans leurs efforts de mise en œuvre : 

  • s’abstenir d’utiliser des armes explosives à large rayon d’impact en milieu urbain, et

  • s’employer à faire respecter les engagements de la Déclaration par toutes les parties aux conflits armés, y compris à travers des décisions et des mesures concernant les transferts d’armes. 

 

L’une des principales avancées normatives de la Déclaration réside dans son engagement, énoncé au paragraphe 3.3, en faveur de « la restriction ou [de] l’abstention, le cas échéant, de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, lorsque leur utilisation risquerait fortement de nuire aux populations civiles ou à des biens à caractère civil ». Les types d’armes explosives connus pour engendrer les dommages les plus importants sont ceux qui ont un large rayon d’impact : munitions à forte puissance explosive équipées ou non de système de guidage, systèmes d’armes à tir indirect sans guidage et lance-roquettes multiples. Ces armes ont sur les populations civiles et les biens de caractère civil des effets directs et indirects bien documentés. Aucun acteur des conflits ne peut affirmer de bonne foi ne pas être informé des dommages systématiques et prévisibles qu’elles causent aux civils dans les zones habitées.

 

Nous invitons ainsi instamment les États à concentrer leur réflexion, au cours des débats ici, à San José, ou dans le cadre de leur processus national de mise en œuvre, sur la façon de donner corps à l’engagement figurant dans la Déclaration de s’abstenir d’utiliser certaines armes explosives, dans le respect de sa lettre et de son esprit, afin de renforcer efficacement la protection des populations civiles. Il y a à peine un an, le Mouvement a solennellement appelé tous les États, ainsi que les parties aux conflits armés, à adopter et mettre en œuvre des politiques visant à éviter l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’impact dans des zones habitées compte tenu de la forte probabilité qu’elles aient des effets indiscriminés, notamment dans le cadre de l’engagement énoncé au paragraphe 3.3 de la Déclaration. De fait, il ne faudrait pas – par principe et à titre de bonne pratique – utiliser des armes de ce type dans des zones habitées, à moins que des mesures d’atténuation suffisantes puissent être prises pour limiter leur rayon d’impact et le risque associé de dommages civils.

 

L’une des ambitions de la Déclaration est d’influencer plus largement les pratiques des États en matière de conduite des hostilités en milieu urbain à l’échelle mondiale, comme précisé au paragraphe 4.8, qui engage les États signataires à « viser le respect » de la Déclaration et des pratiques qu’elle préconise par toutes les parties aux conflits armés. Cet engagement peut être mis en application par toute une série de moyens, notamment la formation au droit international humanitaire (DIH) ; le partage des bonnes pratiques en matière de protection des civils contre les conséquences découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les guerres urbaines ; des initiatives diplomatiques et la communication avec le public ; et des pratiques responsables en matière de transferts d’armes. Un moyen efficace de viser le respect de la Déclaration consiste donc, pour les États signataires, à imposer des conditions particulières au transfert d’armes explosives, de leurs composants et de leurs dispositifs de lancement aux parties susceptibles d’utiliser ces armes (ou qui les ont déjà utilisées) d’une manière qu’eux-mêmes ne pourraient pas justifier compte tenu des engagements qu’ils ont pris au titre de la Déclaration.

 

L’engagement politique de viser le respect de la Déclaration vient compléter les obligations juridiques en matière de transferts d’armes incombant aux États. Tous les États sont tenus, au minimum, de respecter et de faire respecter le DIH, y compris dans leurs prises de décisions concernant les transferts d’armes. De plus, bon nombre d’États réunis ici, à San José, se sont engagés en faveur de restrictions plus détaillées en concluant des accords régionaux sur ce sujet ou en adhérant au Traité sur le commerce des armes. Par exemple, les États parties au Traité ont l’interdiction d’exporter des armes ou des composants d’armes s’ils estiment, à l’issue d’une évaluation des risques et d’un examen des mesures d’atténuation, qu’il existe un risque prépondérant que ceux-ci soient utilisés pour commettre une violation grave du DIH ou du droit international des droits de l’homme, ou pour en faciliter la commission. 

 

Cette conférence représente une occasion cruciale de réaffirmer l’engagement en faveur du renforcement de la protection des civils dans les conflits urbains, qui est une nécessité impérative. Nous demandons instamment aux États qui ne l’ont pas encore fait d’adopter sans tarder la Déclaration, et nous appelons toutes les parties aux conflits armés – États comme groupes armés non étatiques – à s’attacher à respecter les engagements qu’elle contient ainsi qu’à prendre des mesures effectives pour les mettre en œuvre consciencieusement. Nous demandons enfin à tous les États ayant adopté la Déclaration d’en faire la promotion au sein de toutes les instances appropriées.