Communiqué de presse

RD Congo : Dans l’Ituri, un cycle meurtrier qui affecte les populations civiles

Une équipe CICR à Djugu, en Ituri, RD Congo
Bingi Kalinda / CICR

Kinshasa (CICR) - Dans l’Ituri, province située au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), conflits et violences armés maintiennent les populations civiles dans un cycle meurtrier où des milliers de personnes souffrent dans le silence. Pour réduire leur vulnérabilité, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a distribué des vivres à près de 12 000 personnes de retour chez elles, après avoir fui des attaques armées et tout abandonné pour se mettre à l’abri. 

Dans la chefferie de Mambisa, en territoire de Djugu, chaque famille a reçu des biens indispensables au quotidien tels que des ustensiles de cuisine, du savon ou encore des couvertures, ainsi que des vivres pour combler les besoins d’un mois. Revenues après avoir fui une série d'attaques armées et d’incidents violents au mois d'août, la plupart ont trouvé leurs maisons incendiées et leurs biens pillés. Le CICR apporte une aide aux personnes fuyants les violences ainsi que celles qui s’efforcent de rentrer chez elles. Cette aide vise à répondre à leurs besoins immédiats mais leur préoccupation principale reste la sécurité.

« Avant la guerre, je vivais ici avec mes neuf enfants et mes petits-enfants », explique Thérèse* , dont l’un des enfants a péri, d’autres sont grièvement blessés et dont la maison a été incendiée au cours de l‘attaque de son village. « La maison n’était pas grande mais elle nous suffisait. Je n’avais jamais imaginé que je verrai le sang de mes enfants couler dans ma maison et que cette maison nous serait enlevée brusquement par la guerre. »

L’Ituri connait depuis plusieurs années, des cycles de violences marqués par des opérations militaires, des affrontements entre groupes armés, et de plus en plus d’incursions, d’attaques et d’autres incidents violents ciblant directement les populations civiles. Le droit international humanitaire (DIH) interdit les attaques prenant pour cible les populations et les biens civils.

Les conséquences pour la population sont immenses, se traduisant par des pertes en vies humaines, des blessures, des déplacements massifs, des violences sexuelles, des mauvais traitements, le recrutement d’enfants et la perte de leurs maisons et autres moyens de subsistance. Les civils paient le prix fort et subissent le plus lourd tribut de cette violence et du manque du respect du DIH et des principes humanitaires.

Des besoins qui augmentent dans un espace humanitaire contraint

Les conflits et violences chroniques ont affaibli la résilience des communautés et réduit leurs accès aux biens et services essentiels.

La plupart des gens craignent de se faire tuer en se rendant dans leurs champs situés dans des zones où sont présents des porteurs d’armes. La majorité étant agriculteurs, cette situation les empêche de cultiver et aggrave le manque de nourriture.  Environ 1,5 millions de personnes sont en insécurité alimentaire dans la province  selon des chiffres des Nations Unies.

« Depuis 2017, je me suis déplacée de nombreuses fois et j’ai été contrainte de changer trois fois de lieu de vie. Je suis originaire de Fataki en territoire de Djugu, c’est là-bas que ma famille disposait des champs et des biens. Je ne peux plus y rentrer parce que la situation reste instable et il ne nous reste plus rien là-bas », témoigne Joséphine*, bénéficiaire de l’assistance du CICR.

L’accès aux soins est lui aussi réduit alors que le nombre des blessés par armes croît du fait de l’exacerbation des violences. Les structures de santé situées dans les zones affectées par les attaques et les violences peinent à fonctionner normalement et ne peuvent assurer une prise en charge adéquate des malades et blessés. Certaines structures ont été attaquées et pillées et une partie du personnel soignant qualifié a fui. La plupart connaissent des ruptures de stocks d’intrants médicaux et un manque d’équipement. Les blessés sont obligés de parcourir de longues distances pour trouver des soins adéquats. 

Les structures médicales encore fonctionnelles ont accueilli un nombre croissant de blessés par armes particulièrement aux mois de juillet et août dernier où un grand nombre d’attaques a été répertorié. Médecins Sans Frontières (MSF) qui soutient la clinique Salama à Bunia, capitale de l’Ituri, affirme avoir reçu plus de 350 patients victimes de blessures par armes depuis le début de l’années dont plus de 200 entre les mois de juillet et octobre 2025. 

« Le CICR soutient plusieurs structures médicales dans les territoires de Djugu et Irumu. Nos équipes y constatent une baisse du nombre de consultations médicales pour les femmes et enfants, principalement à cause de l’insécurité qui limite l’accès des populations à ces structures », note Alfred Wadie, chef adjoint de la sous-délégation du CICR à Bunia. 

En parallèle, l’afflux massif de personnes déplacées internes aggrave la pression sur les infrastructures liées à l’eau et le manque de ressources adéquates crée des tensions au sein des communautés. Dans les lieux de déplacement comme dans des quartiers urbains, en familles d’accueil, ou dans des sites de déplacés, l’approvisionnement en eau demeure insuffisant, obligeant certaines familles à recourir à des sources d’eau non traitées, avec des risques accrus de maladies hydriques.

 

Des populations en grande vulnérabilité mentale et psychosociale

En plus de la perte de leurs proches et de leurs biens, les personnes en quête de refuge subissent de profondes souffrances psychologiques, notamment celles liés à la séparation des familles ou encore aux conséquences des violences y compris des violences sexuelles. La majorité des personnes soumises aux violences répétées ont développé des traumatismes psychologiques face à toutes ces pertes et douleurs.

La violence observée dans de nombreuses zones en Ituri, y compris de plus en plus dans celles qui servaient de zones de déplacement et de refuge, impose des déplacements pendulaires permanents aux populations qui accroissent leur vulnérabilité.

Les équipes du CICR qui appuient des structures de santé mentale et soutien psychosocial voient des centaines de cas de personnes affectées par des troubles mentaux tels que la dépression, l'anxiété, et les maladies liées aux troubles post-traumatiques. Une situation qui affecte la stabilité globale de toute la communauté.

« Nous appelons toutes les parties aux conflits et tous les acteurs de la violence armée en Ituri à prendre conscience de l’impact dramatique sur les populations civiles. Ils doivent impérativement prendre des mesures pour préserver les populations civiles et leurs biens de toute attaque et des conséquences de leurs confrontations conformément au DIH et aux principes humanitaires », indique François Moreillon, chef de délégation du CICR pour la RDC.



[1] *prénom d’emprunt
 

Actions du CICR en Ituri entre janvier et septembre 2025

Sécurité économique

  • 6 804 personnes déplacées et récemment retournées chez elles sur l’axe Ngongo – Nyangaray dans le territoire de Djugu, ont reçu une assistance en articles essentiels de ménage.
  • 510 personnes victimes des conflits et violences, ont reçu un transfert monétaire pour couvrir leurs besoins immédiats et/ou pour des projets productifs individuels ou en association ou la formation dans un métier.
  • 21 030 personnes, de retour chez elles ont reçu une assistance en semences vivrières et outils aratoires sur les axes Walu – Bayana et Ngongo – Nyangaray dans le territoire de Djugu.
  • 14 226 personnes, de retour chez elles sur l’axe Bayana – Walu dans le territoire de Djugu, ont reçu 59 275 mètres linéaires de boutures saines de manioc afin de relancer leur production agricole.
  • 12 500 mètres linéaires de boutures mères de manioc ont été donnés à une association d’agriculteurs à Songolo dans le territoire d’Irumu pour la multiplication afin d’être redistribués aux communautés l’année prochaine.

Accès à l’eau 

  • 6 817 personnes des localités Busiyo et Malaya, dans le territoire d’Irumu, ont bénéficié de 6 points d’eau potable grâce aux travaux d’aménagement des sources d’eau.
  • 16 683 personnes dont 6 673 déplacés de la localité Nizi, dans le territoire de Djugu, ont bénéficié d’une amélioration d’accès à l’eau potable grâce aux travaux de construction des bornes fontaines faits en collaboration avec la Croix-Rouge de RDC (CRRDC).
  • Une donation d’intrants de traitement d’eau (chlore, chaux et sulfate d’aluminium) a été faite à la régie de distribution d’eau, REGIDESO, pour la poursuite de l’approvisionnement en eau potable de la ville de Bunia.

Santé

  • 40 410 consultations curatives ont été menées dans les centres de santé et hôpitaux soutenus.
  • 664 personnes dont des blessés par arme, victimes de violences sexuelles et utilisateurs des services de réadaptation physique, ont bénéficié des consultations individuelles en soins de santé mentale et soutien psychosocial.
  • 14 blessés par armes (armes à feu et armes blanches) ont été pris en charge à l’Hôpital Général de Référence de Boga.
  • 181 personnes ont bénéficié d’un service de réadaptation physique, d’appareils d’aide à la mobilité, inclus des fauteuils roulants, au centre de réadaptation physique de Rwankole soutenu à Bunia.

Protection des liens familiaux

  • 27 réunifications familiales ont été organisées en faveur d’enfants ayant été séparés de leurs proches par le conflit ou autres situations de violence.
  • 24 demandes de recherches ont été ouvertes et 27 enfants, compris enfants non accompagnés et enfants sortis des forces et groupes armés ont été enregistrés pour procéder à la recherche de leurs proches.

Engagement avec les porteurs d’armes 

  • 193 membres des Forces Armées de la RDC (FARDC) et des groupes armés ont suivi des sessions de sensibilisation sur le DIH, les principes humanitaires, la protection des civils, la lutte contre les violences sexuelles et la protection de la mission médicale.
  • Un dialogue continu, bilatéral et confidentiel, avec les autorités, les porteurs d’armes étatiques et non-étatiques est établi pour porter à leur attention des préoccupations liées à leurs différentes responsabilités auprès des communautés et au respect du DIH et des principes humanitaires dans les territoires d’Irumu et de Djugu.  
     

Informations complémentaires :

Francine Kongolo, CICR Kinshasa, tel : +243 (0) 81 992 23 28 / e-mail : fkongolo@icrc.org

Benita Atosha, CICR Bunia, tel :   +243 (0) 81 473 57 87 / e-mail : batosha@icrc.org 

Eléonore Asomani, CICR Dakar, tel : +221 78 186 46 87 / e-mail : easomani@icrc.org