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Personnes disparues : l’impossible oubli

Journée internationale des personnes disparues 2025
Gloria Berden holding her missing son's wallet

Le 30 août de chaque année, nous célébrons la Journée internationale des personnes disparues pour honorer les innombrables personnes dont les proches ont perdu la trace lors d’un conflit armé, d’une situation de violence, d’une migration ou d’une catastrophe naturelle, ainsi que les familles en proie à l’angoisse et l’incertitude.

Partout dans le monde, d’innombrables familles attendent des nouvelles d’un proche, parfois depuis plusieurs dizaines d’années. Tiraillées entre l’espoir et la peine, en quête permanente de réponses, elles subissent jour après jour la douleur de ne rien savoir. Cette page rassemble quelques récits recueillis à travers le monde, qui illustrent les souffrances liées aux disparitions, la résilience des familles et le travail mené pour élucider le sort des personnes disparues et défendre le droit des familles d’en être informées.

Soudan du Sud : des familles dispersées par le conflit

Au Soudan du Sud, le conflit et les épisodes de déplacements séparent les familles depuis plusieurs dizaines d’années, privant des milliers de personnes de nouvelles de leurs proches. Nyakol avait 18 ans quand son frère aîné a disparu. Cela s’est passé lors des affrontements à Malakal, en 2014, et plus de dix ans plus tard, sa famille n’a toujours aucune idée de ce qui lui est arrivé. Nafisa, qui a quitté le Soudan voisin en 2023, n’a pas revu Ahmed, son petit-fils de sept ans, depuis leur fuite chaotique. Les deux femmes s’accrochent à de précieux souvenirs, même si l’incertitude pèse lourdement sur leurs familles respectives.

Dans son sillage, le conflit a déchiré des centaines de milliers de familles à travers le Soudan du Sud et le Soudan. En juin 2025, le CICR et la Croix-Rouge du Soudan du Sud géraient plus de 6000 dossiers de disparitions. Chaque dossier résolu apporte un souffle de paix, mais pour une majorité de familles, l’attente de réponses est interminable.

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CICR
CICR

Jordanie : des boîtes à souvenirs pour perpétuer la présence des personnes disparues en Syrie

Les familles de personnes disparues en Syrie vivent toujours dans l’incertitude et la douleur – souvent depuis plus de dix ans. Dans le cadre de son programme d’accompagnement, le CICR en Jordanie a mis en place une activité de création de « boîtes à souvenirs », qui fournit un soutien psychosocial aux familles de personnes disparues originaires de Syrie, mais résidant en Jordanie, en les aidant à entretenir et partager la mémoire de leurs proches. Cette initiative est née au sein de groupes d’entraide dans lesquels des proches de personnes disparues, après avoir eux-mêmes puisé une certaine force dans cette expérience collective, ont commencé à épauler d’autres personnes confrontées à la perte d’un être cher.

Chaque boîte est remplie d’effets personnels : une paire de lunettes, un flacon de parfum, une lettre manuscrite, une montre ou encore un trousseau de clés. Ces objets porteurs de souvenirs bien vivaces font perdurer la présence des personnes disparues dans la vie quotidienne de leur famille. Ainsi, lorsqu’il tient les lunettes de son frère, Abdul s’imagine qu’il voit le monde à travers son regard. De même, un effluve de son parfum rappelle que l’absence n’efface pas l’amour. Chérir les lettres d’Alaa, son fils disparu, procure à Wafa à la fois du réconfort et de la force pour poursuivre ses recherches.

Au-delà de simples reliques, les boîtes à souvenirs représentent un acte collectif de résilience. Elles contribuent à transformer la douleur en mémoire et le silence en récit. En préservant de précieux symboles de personnes disparues, les familles peuvent garder espoir – l’espoir qu’un jour, elles auront une réponse et leur proche rentrera à la maison.

Belongings of a missing person

Philippines : un livre de souvenirs pour honorer les personnes disparues à Marawi

Aux Philippines, les familles des personnes disparues pendant le conflit à Marawi, en 2017, restent plongées dans une douloureuse incertitude. Pour honorer leurs proches et donner de l’écho à leurs voix, le CICR a lancé le Livre des souvenirs ainsi qu’une exposition photo publique à Iligan.

Dans un ouvrage de 77 pages, le photojournaliste philippin Larry Monserate Piojo a rassemblé une série de portraits et de témoignages personnels. Chaque récit est accompagné d’effets précieux, comme un portefeuille qu’une mère conserve avec elle ou les ustensiles du quotidien qu’une autre a emportés dans sa fuite. Ces objets incarnent à la fois l’absence et la présence, en préservant la mémoire de proches qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs.

L’exposition, accessible fin août pendant la semaine de la Journée internationale des personnes disparues, utilise des ossatures de maisons comme une métaphore saisissante de la perte et la résilience : une communauté est meurtrie par la guerre, mais elle reste intacte dans sa quête de vérité. Les familles décrivent les embûches quotidiennes de leur parcours juridique ainsi que leurs difficultés à obtenir une aide, et surtout, à vivre sans réponses à leurs questions.

Depuis 2017, le CICR a accompagné plus de 400 familles à Marawi, en leur fournissant une aide psychosociale ou à travers des initiatives de soutien aux moyens de subsistance et une expertise forensique. Pourtant, comme le dit une mère, le souvenir seul ne suffit pas. La guérison ne peut s’amorcer que le jour où les familles savent ce qu’il est advenu de leur proche et où le long silence est enfin brisé.

Book of Memories cover
CICR
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Ukraine : des voix de familles qui vivent dans l’incertitude

En Ukraine, plusieurs milliers de familles vivent dans l’angoisse de ne pas savoir ce qu’il est advenu de leurs proches portés disparus lors du conflit en cours. Deux brèves vidéos du CICR permettent d’entendre les voix de femmes confrontées à cette absence quotidienne, qui s’efforcent à la fois de garder espoir et de trouver les moyens de surmonter leur peine.

Liudmyla, une grand-mère dont le petit-fils a disparu, décrit la dévastation entraînée par son absence. Pour soulager son propre chagrin et celui d’autres personnes, elle tisse des liens sur les réseaux sociaux avec des familles confrontées à la même situation et elle anime des groupes de poésie, où les mots, comme une forme de remède, apportent un peu de réconfort au milieu du silence.

Nataliia évoque son compagnon, qui a été tué au front. Elle raconte que chaque jour depuis sa disparition est une « torture » et que les personnes qu’il laisse derrière lui ont « l’âme rongée ». Son témoignage traduit le fardeau émotionnel que les familles portent partout dans le pays, chaque jour étant marqué par l’attente désespérée de nouvelles et le besoin de réponses.

À travers leurs histoires, les familles rappellent au monde entier que derrière chaque personne disparue, il y a tout un cercle de parents et d’amis dont l’existence est à l’arrêt. Leur résilience et leur solidarité entretiennent la flamme de l’espoir tandis qu’ils continuent de rechercher la clarté et la vérité quant au sort de leurs proches.

L’Agence centrale de recherches du CICR

Depuis plus de 150 ans, l’Agence centrale de recherches du CICR œuvre pour rétablir les liens familiaux entre les proches séparés par un conflit. Son objectif est aussi simple que fondamental : transmettre des informations par-delà les lignes de front et les frontières et aider les familles à élucider le sort de leurs proches disparus. Si les outils ont évolué, passant de simples listes manuscrites à des plateformes numériques, la mission est quant à elle restée inchangée : donner aux familles un peu de réconfort et d’espoir malgré une absence insoutenable.

CICR : notre action au service des personnes disparues et de leurs proches

Chaque minute, nous aidons quatre familles séparées par un conflit, une situation de violence, la migration ou une catastrophe naturelle, à se parler au téléphone.

Chaque heure, nous aidons à faire la lumière sur le sort et la localisation de deux personnes portées disparues.

Chaque jour, nous facilitons la réunification de vingt personnes avec leur famille.

A woman's hands holding a picture of a missing loved one. ICRC

En 2024

94,000+

personnes signalées comme disparues par leur famille auprès du Réseau des liens familiaux

284,400

personnes portées disparues au total à ce jour

16,000

personnes retrouvées

90,500+

messages Croix-Rouge échangés

2.3 M

d’appels téléphoniques organisés

Jordan_Memory Boxes missing Syria
CICR
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