Centre de santé du secteur 11 de Fada N'Gourma. Halimatou Amadou / CICR

Burkina Faso : des milliers de déplacés échoués en ville

Au Burkina Faso, plus d’un million trois cent mille personnes sont déplacées en raison des violences armées et du conflit.
Article 20 août 2021 Burkina Faso

Confrontées à des difficultés d'accès aux services sociaux de base, beaucoup n'ont d'autres choix que se déplacer vers les zones urbaines espérant trouver un peu de sécurité et des opportunités de survie. Leurs conditions de vie restent précaires et elles sont confrontées à des pénuries alimentaires et à un accès limité aux soins de santé.

Un accès limité aux soins de santé

Le centre de santé du secteur 11 de Fada N'Gourma ne dispose que d'une capacité de six lits pour près d'une centaine d'accouchements par mois. Halimatou Amadou / CICR.

Alice est arrivée à Fada N'Gourma, à l'Est du Burkina Faso il y a environ huit mois avec sa famille. Elle a accouché un soir de juillet mais dès l'aube, faute d'espace disponible à la maternité, elle a cédé son lit à une autre femme qui venait d'accoucher. Le centre de santé du secteur 11 de Fada N'Gourma ne dispose que d'une capacité de six lits pour près d'une centaine d'accouchements par mois.

« J'ai dû parcourir une longue distance pour atteindre le centre de santé. Parfois j'étais malade durant ma grossesse mais je devais me résigner à rester chez moi car je ne pouvais pas marcher des kilomètres à pieds dans mon état », explique Alice.

La population déplacée n'a souvent pas les moyens de se procurer des médicaments ou payer le transport. Cela réduit davantage leurs options d'accès aux soins de santé, déjà réduites par le manque de personnel médical dans la région.

« De nombreuses femmes enceintes doivent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour accéder à des soins parce que les centres de santé sont fermés ou n'arrivent plus à assurer les références ou parce que les ambulances ont été plusieurs fois l'objet d'attaques », raconte Dr Leonel Dekouwin Hien, en charge des activités médicales pour le CICR à Fada N'Gourma.

Le CICR soutient le centre de santé du secteur 11 à Fada N'Gourma pour apporter une aide indispensable à ces personnes vulnérables. Il l'approvisionne en médicaments et à travers la donation d'une ambulance tricycle facilite le transport et les références des urgences obstétricales.

Forcés de fuir les violences armées

Agée de 40 ans, Aida vivait dans un village de la région de l'Est qui a été frappé par une attaque. Sa famille fait partie des quelques 100.000 personnes qui ont rejoint Fada N'Gourma en raison du conflit et de l'insécurité généralisée.

"Des hommes ont encerclé notre cour et ont tué mon beau-frère. Deux jours plus tard c'était au tour d'un autre frère. Nous avons laissé nos terres et nos bœufs derrière nous pour sauver nos vies", dit Aida.

Comme des milliers d'autres familles, elle a bénéficié de biens de premières nécessités distribué par le CICR avec le soutien des volontaires de la Croix-Rouge du Burkina Faso.

"Par la suite, d'autres organisations humanitaires nous ont apporté des vivres. C'est grâce à cela que nous survivons mais je ne peux m'empêcher de me demander ce qu'il nous arrivera si les dons venaient à s'arrêter. Je ne veux même pas penser au retour chez moi. Je suis toujours hantée par le cauchemar qu'ont été mes derniers jours au village", poursuit-elle.

Le CICR veille à améliorer des conditions de vie précaire

La plupart de ces familles déplacées ont improvisé des installations de fortune dans des ilots non lotis. Les conditions de vie sont précaires et la disponibilité limitée de nourriture est un problème supplémentaire qui pourrait avoir des conséquences sur la santé des personnes les plus vulnérables, en particulier les femmes enceintes et les enfants. Selon Nassouri Thombiano responsable de la maternité du secteur 11, beaucoup de femmes enceintes qui viennent en consultation prénatale souffrent de malnutrition ainsi que leurs enfants.

Le CICR réhabilite et construit de nouveaux forages pour améliorer l'accès à l'eau des populations. Dans le secteur 11 de Fada N'Gourma, la population a plus que doublé passant de 700 à 1700 habitants avec l'arrivée de nouveaux déplacés au cours des derniers mois.

« Nous avons construit un forage car dans cette zone, les habitants devaient marcher environ 3 kilomètres pour s'approvisionner en eau », explique Adboul Karim Tankoano, Technicien en eau et habitat pour le CICR.

Dépendant de l'aide humanitaire, mais désireux d'autonomie

A son arrivée à Fada N'Gourma, Alice et sa famille ont trouvé un logement en location. « Nous avons des arriérés de loyer mais heureusement le propriétaire ferme les yeux. Notre principale préoccupation reste la nourriture car nous n'avons plus de terres pour cultiver », poursuit Alice.

Bien que les personnes déplacées soient dépendantes de l'aide humanitaire, beaucoup sont impatientes de pouvoir développer une activité génératrice de revenus pour subvenir seules à leurs besoins.

« Depuis que le conflit a commencé on a remarqué un surnombre au sein de la population. Je vois beaucoup de gens, beaucoup de femmes qui tournent dans les maquis pour ramasser des capsules de bière pour aller les revendre. Quand on voit ce genre de situation, on est vraiment touché », raconte Idrissa Zongo, chargé de la jeunesse, de la formation et du volontariat à la Croix-Rouge du Burkina Faso.

Des femmes déplacées se réunissent autour d'un jardin communautaire pour cultiver des légumes et des herbes aromatiques et ensuite les revendre pour subvenir à leurs besoins.

Le projet de jardin communautaire encourage les familles à sortir de leur isolement. Cette initiative de la Croix-Rouge du Burkina Faso et du CICR est aussi un moyen de combler les clivages entre les groupes ethniques, politiques et socio-économiques.

« Cela a changé un peu leur vie parce qu'elles arrivent à revivre. Chaque matin quand elles viennent ici, elles ont des activités à faire. Elles vont pomper l'eau, elles vont arroser, elles ont des amis pour discuter. C'est le plus important ! », conclut Idrissa Zongo.

Chiffres clés

  • À la date du 31 juillet le Burkina Faso enregistre 182 441 ménages déplacés soit 1 368 164 individus déplacés dont 60,73% d'enfants.
  • La région de l'est accueille 113 867 déplacés.
  • Environ 822 000 personnes ont peu ou pas d'accès aux soins de santé en raison de la situation sécuritaire
  • 2,9 millions de personnes auront besoin d'assistance alimentaire dans les mois à venir.
  • En 2020, le CICR a visité 3 700 détenus dans 14 lieux de détention permanents et transitoires dans les régions du Centre, Centre-Nord, Est et Hauts-Bassins
  • En 2020, plus de 210 000 déplacés ont reçu une assistance en vivres et non vivres dans les régions de l'Est, du Nord et du Sahel ;
  • En 2020, plus de 108 000 déplacés ont bénéficié de soins de santé primaire en réponse aux urgences sanitaires dans les régions du Sahel, de l'Est, du Centre-Nord et du Nord. Plus de 180 000 personnes ont été reçues en consultation infirmière dans les 6 formations soutenues par le CICR dans les régions ci-dessus citées.
  • En 2020, le CICR a réparé 93 Pompes à Motricité Humaine et réalisé 9 autres dans les régions du Sahel, Centre-Nord, Nord, Est et Boucle du Mouhoun toute chose qui aura permis d'améliorer l'accès à l'eau potable à 51 000 déplacés et les populations hôtes.