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Burkina Faso : quand l’aide alimentaire devient le seul espoir

Au Burkina Faso, l’État et les organisations humanitaires sont les derniers recours pour des milliers de déplacés qui affrontent, en plus d’une grave crise alimentaire, une violence armée croissante. La population, en abandonnant récoltes et moyens de production, devient extrêmement vulnérable.

Les faits sont là : la saison agricole 2021, avec un déficit pluviométrique marqué dans une vingtaine de provinces sur les 45 existantes, a été une des plus mauvaises ces dernières années. Ceux et celles qui ont pu semer n'ont souvent rien récolté. Cette situation a occasionné un déficit céréalier de 461 000 tonnes sur l'ensemble du pays. Et selon le gouvernement du Burkina Faso, plus de 450 000 hectares de terres cultivables n'ont pas été exploités en 2021 en raison de conditions de sécurité dégradées.
En 2022, la situation ne s'est pas vraiment améliorée dans la région du Sahel où plus de dix millions de personnes souffrent de la faim.

« Dieu seul sait pourquoi je suis encore vivante »

Salimata Ouédraogo, déplacée, habite désormais à Ouahigouya où nous l'avons rencontrée lorsqu'elle faisait le tour de plusieurs sites où les gens dans sa situation se sont regroupés. Elle espérait tomber sur une distribution de vivres qui lui aurait permis de manger les jours suivants. En vain.

« L'aide se fait rare, cela fait plusieurs heures que je marche. J'ai fait le tour de la ville, mais rien. Je ne peux pourtant pas rentrer ainsi, mes enfants m'attendent et espèrent manger. »

À plus de 400 kilomètres de là, la situation n'est pas plus enviable pour Louari Amsatou, 29 ans, déplacée interne à Fada N'Gourma ; dans l'Est du pays. Une semaine après son accouchement, ses jumeaux sur les bras, elle a repris ce qu'elle faisait avant : sillonner la ville en espérant trouver de quoi se nourrir. « Pendant ma grossesse, on m'a diagnostiquée de la malnutrition et de l'anémie. Dieu seul sait pourquoi je suis encore vivante. Depuis que je suis déplacée, je vis grâce à l'aide des gens qui nous ont accueillis. Mais cette année, ils n'ont rien récolté et nous sommes tous dans la même situation », dit-elle en soupirant.

Selon le ministère de l'Agriculture, plus de 2 millions 800 000 personnes sont aujourd'hui dans une situation de vulnérabilité alimentaire. Les conditions climatiques défavorables ont déjà transformé plus de 50 000 hectares en terres infertiles.
Cette situation, Diabri Ousmane, déplacé depuis deux ans à Fada, ne la connait que trop bien. Les changements climatiques combinés à l'aridité des sols ont fait qu'il n'a rien récolté sur le demi-hectare que lui a cédé un bienfaiteur. « J'avais cru que je retrouverais enfin ma dignité, que je ne dépendrais plus de l'aide, mais mon espoir s'est envolé, » confie-t-il, désespéré.

« La faim tue »

Pour soulager les communautés en détresse, le CICR procède à des distributions directes de vivres et d'argent liquide pour l'achat de vivres. Ainsi à Ouahigouya et à Séguénéga dans le Nord du pays, plus de 4800 personnes ont reçu de l'argent pour se nourrir. L'opération se répètera trois fois pour s'assurer que les personnes bénéficiant de notre programme pourront faire face à la crise alimentaire

Dans la localité de Ouahigouya, une attention particulière est portée aux enfants et aux femmes enceintes et allaitantes, qui reçoivent de la farine enrichie. Plus de 8800 femmes et près de 400 enfants en ont bénéficié.
À Fada, dans un centre de santé soutenu par le CICR, près de 1900 femmes et enfants souffrant de malnutrition ont également reçu de la farine enrichie.

Harouna Sawadogo, infirmier-chef dans un centre de santé à Fada explique : « Les conséquences directes de l'absence de nourriture en quantité et en qualité est la faim, et la faim tue. Il y a aussi la malnutrition. Les enfants en bas âge connaissent des retards de croissance et les formes de malnutrition sévère conduisent aussi, à moyen terme, à la mort. »

Et pour les femmes enceintes, « on enregistre des fausses couches ou des accouchements compliqués ou avant terme », continue Harouna. « La femme allaitante qui n'est pas bien nourrie n'arrive pas à bien nourrir son enfant et ce dernier risque de connaitre la malnutrition à son tour. »

Un autre volet de l'action du CICR consiste à favoriser la récupération des terres agricoles abandonnées. À cet effet, 300 déplacés ont été rémunérés pour participer à la fertilisation de 56 hectares au profit de 75 familles à Ouahigouya.

« Nous intensifions nos opérations dans la région de Ouahigouya», précise Moderatus Kwitonda, délégué du CICR. « La détresse de la population est immense et mon organisation seule ne peut répondre à tous les besoins. J'appelle les acteurs présents à unir leurs forces pour que les bonnes intentions deviennent des actions concrètes sur le terrain. »

Les chiffres clés de 2021

  • Près de 80 000 personnes déplacées des régions du Nord et du Sahel ont bénéficié de trois rations de vivres (mil, riz, niébé, huile et la farine enrichie). Certaines parmi elles ont aussi reçu une assistance financière.
  • Plus de 32 000 personnes parmi les communautés résidentes et déplacées dans les régions de l'Est, du Nord et du Sahel ont reçu des semences de mil, de sorgho, de niébé, de tomate et d'oignon pour entreprendre des activités génératrices de revenus. Elles ont aussi reçu des outils de travail (arrosoirs et binettes).
  • Plus de 38 500 ménages agropasteurs ont bénéficié de la vaccination et du déparasitage de leur cheptel. Ces opérations de prophylaxie ont touché 465 000 bovins et près de 700 000 petits ruminants dans les régions de l'Est et du Sahel. Environ 4 000 personnes parmi les bénéficiaires ont aussi reçu des aliments pour le bétail.