Conflit du Haut-Karabakh : mines terrestres, le rappel traumatisant de la guerre
Le conflit du Haut-Karabakh a éclaté il y a 25 ans, bouleversant la vie des populations de la région. Des années se sont écoulées, mais les gens continuent d’être hantés par les fantômes du passé. Terrible rappel de cette période traumatisante, les mines terrestres non découvertes demeurent enfouies sous les terres agricoles arables dans la région.
Les mines frappent sans discrimination, touchant aussi bien les civils que les militaires.
La mission du CICR au Haut-Karabakh a dénombré 747 cas de personnes victimes de mines terrestres, dont 59% de civils. Avec une population d’environ 140 000 personnes, ce chiffre interpelle car la plupart des survivants de l'explosion de mines terrestres vivent désormais avec un handicap physique permanent. La triste réalité est que ces malheureux auront besoin de soins pour le restant de leurs jours et qu’ils ont difficilement accès aux services de réadaptation physique.
Malgré toutes les épreuves, nombreux sont ceux qui trouvent le courage de se relever et d'aspirer à un avenir meilleur. Robert Sarkisyan est l'une de ces âmes vaillantes.
Officier de l'armée, Robert avait 36 ans lorsqu'il a marché sur une mine terrestre en tentant de sauver la vie d'un ami. Son ami n'a pas survécu et Robert a perdu l'usage de sa jambe gauche.
Accablé par le désespoir, Robert a trouvé une raison d'espérer dans le soutien qu'il a reçu dans un centre de réadaptation physique. Grâce aux soins et à son extraordinaire volonté, Robert a retrouvé son autonomie en six mois à peine. Après des premiers pas hésitants, il marche aujourd'hui sans aide. Le processus n'en a pas moins été éprouvant.
Dans le cadre de sa thérapie, Robert s'entraîne à la salle de gym, fait du vélo et nage dans la piscine. Nager est l'activité physique qu'il préfère, souvenir de son passé d'officier de la marine.
Il ne faut jamais abandonner. Le plus important est de rester en vie. Tout le reste est facile.
Certaines blessures ne guérissent jamais totalement. Armen Avetisyan est un homme jeune et solide, mais l'explosion d'une mine terrestre l'a privé de l'usage de ses membres inférieurs. Lors du conflit du Haut-Karabakh dans les années 1990, il commandait une section de déminage.
Connu pour son tempérament prudent et pour être un maniaque du détail, il s'est rapidement forgé la réputation de quelqu'un qui ne se trompe jamais. Il disait être capable de trouver et de neutraliser 60 mines terrestres en moyenne par nuit.
Un démineur ne peut se tromper qu'une fois. Je pourrais être mort depuis longtemps. Aujourd'hui encore, je ne sais pas comment j'ai été capable de faire le travail. C'est comme attraper un serpent : on ne sait jamais s'il va mordre ou pas.
Ironie de l'histoire, la voiture d'Armen a explosé lors d'un accident causé par une mine terrestre en 1995, lui infligeant d'importantes lésions à la moelle épinière. Après avoir perdu sa maison dans un glissement de terrain et avoir dépensé tout son argent pour les soins, il s'est adressé au CICR pour obtenir un prêt afin de lancer une petite activité génératrice de revenus.
Il a acheté une machine à concasser les aliments pour le bétail, l'a adaptée à sa chaise roulante et a commencé à proposer ce service aux villageois. Grâce à son travail et à sa famille – en particulier sa fillette de deux ans – il parvient à gérer les difficultés quotidiennes.
Sur le nombre total de victimes de mines terrestres recensées par la mission du CICR au Haut-Karabakh, 523 demeurent le soutien principal de leur famille, 316 étant désormais au bénéfice d'une pension. Gnel Ghulyan est la preuve vivante que perdre un membre ne saurait empêcher quiconque d'aspirer à une vie active. Pour gagner sa vie et subvenir aux besoins de ces cinq enfants, il a dû repartir de zéro.
Cultiver des légumes, s'occuper d'un grand jardin, voyager de ville en ville pour commercer – telles sont quelques-unes des activités qui assuraient la subsistance de Gnel. Au seuil de sa vie d'adulte, à seulement 22 ans, son potentiel de développement a été stoppé net par le conflit dans les années 1990. Il a décidé que cela n'arriverait pas à ses quatre enfants. Lui et sa femme ont consacré la majeure partie de leur existence à assurer une éducation de qualité à leur progéniture.
L'heure est venue pour Gnel de prendre soin de lui et d'avoir une prothèse plus sophistiquée. Grâce à cette nouvelle jambe artificielle, il pourra sortir, rencontrer des gens et reprendre confiance.
Je vais souvent en chaise roulante jusqu'à la route principale et je regarde passer les voitures pendant des heures. C'est terrible d'être incapable de faire quoi que ce soit. Je ne peux ni parler aux villageois, ni travailler dans notre jardin, ni aider ma femme. Ce n'est pas facile.
Les explosions de mines terrestres touchent tout le monde - hommes et femmes, jeunes et vieux, civils et militaires.
Il y a cinq ans, le mari de Gayane Abalyan est mort dans une explosion de mine terrestre antichars alors qu'il faisait paître son troupeau. Il savait qu'il y avait des mines dans la région, mais il s'était en quelque sorte habitué à risquer sa vie pour subvenir aux besoins de sa famille.
De tels accidents figurent parmi les principales causes de décès de civils, au même titre que les comportements négligents adoptés lors d'activités agricoles ou de déplacements. La triste réalité est qu'il y a eu plus de victimes d'explosions de mines terrestres après que pendant le conflit.
Gayane's life completely changed after she lost her husband. She became the family's sole breadwinner, moving to a town where she worked two jobs. She was barely making enough to take care of her daughter's education.
To supplement her monthly income, the ICRC supported her daughter Anna in buying a sewing machine – an essential equipment for her studies in textile design. They are hopeful that this investment will contribute to building a better future for the family.
La vie de Gayane a été bouleversée par la perte de son mari. Devenue le seul soutien de famille, elle a déménagé dans une ville où elle occupe deux emplois. Elle gagne à peine de quoi assurer l'éducation de sa fille. Pour compléter son revenu mensuel, le CICR a participé à l'achat d'une machine à coudre – indispensable pour permettre à sa fille de poursuivre ses études de design textile, dans l'espoir que cet investissement contribuera à assurer un avenir meilleur à la famille.
Le mari de Gayane n'est pas le seul membre de la famille à avoir été victime d'une explosion de mine terrestre. Le conflit arrivait à son terme lorsque Ishkhan Movsisyan, son frère alors âgé de 20 ans, a laissé tomber un objet inconnu dont les éclats l'ont blessé à la main, à la poitrine et à un œil.
Sans cette explosion, Ishkhan est persuadé que sa vie aurait pris un autre tour. Il a dû tout recommencer à zéro.
De la construction d'une serre à un emploi dans une école, puis dans une compagnie du gaz, il est devenu Maître Ishkhan, l'homme à tout faire du village. Ce n'est pas facile de gagner sa vie dans un petit village et Movsisyan a surmonté son handicap en devenant plus créatif au fil des années. Aujourd'hui, il est soudeur et fabrique des poêles à bois artisanaux.
Toutes ces personnes sont parvenues à remonter la pente et à surmonter les difficultés physiques, psychologiques et socioéconomiques. Mais le problème des munitions non explosées subsiste. Cela représente une menace quotidienne, entravant l'activité agricole, les déplacements et les possibilités de développement de la population, alors même que le conflit a pris fin il y a des décennies.