Honorine dans son épicerie. Albert Nzobe / CICR

RD Congo : du désespoir à la résilience, l’exceptionnelle reconstruction d’Honorine

Victime de viol il y a cinq ans à Sange, dans la province du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), Honorine* jongle désormais avec son travail à l’hôpital, son restaurant et son épicerie. Le succès de ses entreprises, fruit de l’aide financière du CICR, est devenu un exemple pour d’autres survivantes de violences sexuelles.
Article 09 mars 2021 République démocratique du Congo

De retour chez elle après une longue journée de travail, Honorine*, mère de trois enfants, règle les détails de son ménage avant d'aller se coucher. « Je me lève chaque matin à 5 heures et je fais tout pour être au lit à une heure raisonnable le soir », dit-elle. Entre sa maison, son travail à l'hôpital et ses deux commerces, ses journées sont bien remplies.

« Les horaires de travail à l'hôpital varient chaque semaine entre la nuit et la journée. Si je travaille le matin, je peux vers 16 heures me diriger soit vers l'épicerie, soit vers le restaurant pour prêter main forte aux équipes. J'ai six employés en tout. »

Honorine n'hésite pas à se mettre aux fourneaux lorsqu'elle est libre la journée. Son restaurant, bondé de clients dès les premières heures du matin, a été précieux dans la réalisation de son rêve. « C'est grâce à ce commerce que j'ai pu payer mes études d'infirmière », explique-t-elle.

Les affaires étant florissantes, Honorine est désormais une figure de son quartier, et son entourage apprécie sa contribution au développement économique de Sange, une ville de plus de 50 000 habitants. Mais Honorine n'a pas toujours été cette femme forte, admirée pour ses accomplissements professionnels.

La ville de Sange, dans la plaine du Ruzizi, dans la région du Sud-Kivu.
La ville de Sange, dans la plaine du Ruzizi, dans la région du Sud-Kivu. Albert Nzobe / CICR

La descente aux enfers

La ville de Sange, comme d'autres localités de la plaine de la Ruzizi dans le Sud-Kivu, est connue pour sa criminalité. Les enlèvements crapuleux ou les violences sexuelles y sont monnaie courante. Les montagnes environnantes abritent des groupes armés locaux et étrangers. Un jour de 2016, Honorine ramassait du bois de chauffe dans les environs de la ville. « Deux hommes armés ont surgi et m'ont violée », lâche-t-elle.

Victime de stigmatisation, profondément affectée par les conséquences physiques, psychologiques et sociales de ce drame, Honorine n'a plus la force de se battre. Ses revenus financiers en souffrent. « J'avais perdu le goût de vivre. Mais tout cela est maintenant derrière moi », note-t-elle.

Peu de temps après les faits, Honorine a la chance de rencontrer les membres de Sopadi, une organisation locale soutenue par le CICR qui vient en aide aux victimes de violences sexuelles. « Ces femmes m'ont reçue et écoutée. Et puis elles m'ont orientée vers un hôpital. Sans elles, je ne m'en serais pas sortie aussi bien. »

Une agente psychosociale (de face) reçoit une victime de violences sexuelles dans la maison d’écoute de la ville de Sange. Le CICR apporte son soutien à une douzaine de maisons d'écoute dans les deux Kivus, lieux où les victimes de violences sont accueillies et prises en charge.
Une agente psychosociale (de face) reçoit une victime de violences sexuelles dans la maison d’écoute de la ville de Sange. Le CICR apporte son soutien à une douzaine de maisons d'écoute dans les deux Kivus, lieux où les victimes de violences sont accueillies et prises en charge. Albert Nzobe / CICR

Après les soins médicaux, Honorine reçoit du CICR une assistance financière dans le cadre d'un programme de soutien économique aux survivantes des violences sexuelles. Elle crée alors son premier commerce et accède à un crédit grâce à l'ouverture d'un compte dans une institution locale de microfinance. « J'ai eu la possibilité de faire des affaires, et avec les profits, j'ai remboursé mon emprunt, ce qui m'a permis d'obtenir d'autres crédits. Ma vie actuelle avec tous mes biens, c'est grâce aux femmes de Sopadi et à cette aide financière du CICR », affirme Honorine.

Un modèle de force et de courage

Sarah Khenati, responsable du programme de lutte contre les violences sexuelles de CICR en RDC, revient sur l'expérience d'Honorine : « La stigmatisation dont souffrent les victimes de ces violences vient se rajouter au traumatisme vécu. Les femmes comme Honorine subissent une double peine. Notre rôle au CICR est d'apporter une réponse médicale et psychosociale aux survivantes, mais aussi de les accompagner dans leur réinsertion sociale et économique. Au bout du compte, il s'agit de leur redonner confiance, une place dans la société et leur dignité. »

Rukiya Sadiki, une des agentes psychosociales qui avaient rencontré Honorine au sein de l'association Sopadi, se souvient d'elle : « Elle s'est donnée de la force et du courage pour reprendre le cours de sa vie. Elle est un modèle pour les femmes qui ont perdu tout espoir et qui pensent qu'elles sont indignes et s'isolent. Son cas montre qu'il peut en être autrement. »

Quant à Honorine, l'espoir d'un meilleur avenir ne doit jamais faiblir. « Une femme doit se battre pour gagner sa vie. Même avec la vente d'un seul bidon d'huile, on peut émerger !», conclut-elle sur un ton décidé.

En 2020, le CICR a offert une réponse médicale et psychosociale à 3 710 victimes de violences sexuelles en RDC.

*Nom d'emprunt

Victime de viol il y a cinq ans à Sange, dans la province du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), Honorine* jongle désormais avec son travail à l'hôpital, son restaurant et son épicerie. Le succès de ses entreprises, fruit de l'aide financière du CICR, est devenu un exemple pour d'autres survivantes de violences sexuelles.