Déplacée par une attaque dans le nord-est du Nigéria, elle est aujourd’hui une femme leader

08 avril 2021
Déplacée par une attaque dans le nord-est du Nigéria, elle est aujourd’hui une femme leader

Pour Jummai Mohammed, 35 ans, une journée de travail type commence par les prières matinales, avant de préparer ses enfants pour l'école. De retour chez elle, elle prépare le repas de midi et va chercher de l'eau à un puits voisin.

Originaire de l'État de Borno, elle vit dans le camp de Gubio à Maiduguri avec ses six enfants suite à une attaque qui les a forcés à quitter leur foyer. Son mari avait été tué lors d'une précédente attaque. Le camp de Gubio est l'un des nombreux camps qui accueillent plus de 30 462 personnes déplacées à l'intérieur du pays. Malheureusement, la population déplacée dans le nord-est du Nigéria est composée à 80% de femmes et d'enfants.

Un jour, des hommes armés ont attaqué le marché de la ville de Gamboru où vivaient Jummai et sa famille, et ont incendié le poste de police et de nombreux magasins. Au cours des échauffourées, le mari de Jummai a été abattu et tué sur le coup. À l'époque, elle avait fui dans la brousse avec ses enfants pour se mettre à l'abri et avait appris seulement le lendemain que son mari faisait partie des victimes.

À peine trois semaines plus tard, leur ville était à nouveau attaquée. « Nous pensions que c'était les attaques habituelles, qu'ils venaient tout saccager et qu'ils repartiraient ensuite », raconte Jummai. Avec sa mère, ses enfants et ses frères, ils ont réussi à traverser la frontière pour se rendre à Fotokol, au Cameroun, où ils ont vécu pendant six mois. Pendant qu'ils étaient là-bas, une nouvelle attaque a coûté la vie à son oncle et à son neveu.

Jummai et les membres de sa famille sont parvenus à rejoindre l'État d'Adamawa au Nigéria, puis ont été réinstallés par les autorités locales dans le camp de Gubio où ils vivent depuis cinq ans.

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Gubio displacement camp where Jummai lives is a camp prone to overcrowding as more displaced people move there.

 Le camp de déplacés de Gubio

La vie dans le camp n'est pas facile, en particulier pour Jummai et les autres femmes, qui ont dû assumer le rôle à la fois de père et de mère pour leurs enfants. Confrontée à tous ces défis, Jummai n'est jamais aussi heureuse que lorsqu'elle aide ses pairs. En tant que leader des femmes dans le camp, Jummai organise des séances deux fois par mois, qui réunissent à chaque fois environ 25 participantes.

Ces séances ont pour but d'aborder des questions comme le bien-être des enfants, les situations psychologiques et les difficultés à subvenir à leurs besoins et d'aider les femmes à surmonter ces défis. Jummai pense que le fait que le camp accueille des personnes de tribus, de langues et de cultures différentes entraîne des problèmes tels que la discrimination, le tribalisme et un large éventail de croyances traditionnelles.

Au fil des ans, sa sensibilité aux questions relatives à la stigmatisation des femmes anciennement captives de groupes armés s'est accrue et elle les aide à apprendre à gérer ces situations lorsqu'elles se présentent, y compris au sein du camp. Certaines femmes et/ou leurs enfants sont en butte à la stigmatisation et à la discrimination de la part de leur famille, des autorités et des personnes qui les entourent. Parfois, « les enfants du groupe armé », comme on les appelle, continuent d'être stigmatisés, ce qui rend leur intégration difficile.

Pour celles qui ont été aux mains de groupes armés, Jummai organise des « séances de soutien réservées aux femmes et aux filles », où elles disposent d'un espace sûr pour raconter les épreuves qu'elles ont traversées. « Beaucoup de femmes reviennent en ayant honte d'elles-mêmes, elles ne peuvent pas se déplacer librement dans le camp. Les hommes sont parfois rebutés à l'idée de les épouser, ce qui rend leur vie difficile et peut les plonger dans la dépression », explique Jummai.

Grâce à l'éclairage apporté par les séances de Jummai et à l'accompagnement psychosocial fourni, certaines femmes ont repris confiance en elles et sont désormais mieux à même de faire face à leur situation. La communauté les a acceptées, beaucoup d'entre elles se sont mariées et quelque 125 femmes se sont lancées dans diverses activités de subsistance.

La partie la plus importante de mon travail consiste à trouver des solutions pacifiques aux problèmes de stigmatisation qui persistent dans le camp.

Les jeunes filles du camp admirent Jummai et beaucoup la considèrent comme un modèle. Elle leur parle souvent de l'importance de la dignité et du respect de soi et de la contribution qu'elles peuvent apporter à leur communauté. Résoudre les conflits entre personnes, y compris au sein de la famille, est ce qu'elle aime le plus dans son rôle de leader.

Jummai a réussi à faire comprendre aux couples du camp l'importance d'effectuer les tests médicaux prénuptiaux requis. Cela a permis de réduire les cas d'infection et de transmission du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et d'autres maladies sexuellement transmissibles (MST) entre les conjoints.

Jummai a également contribué à lutter contre diverses formes de harcèlement sexuel et/ou d'exploitation sexuelle qui étaient, à une époque, très répandues dans le camp. Elle organise régulièrement des réunions avec les autorités du camp et elle a récemment observé des améliorations concrètes et une réduction significative des cas.

Ma plus grande motivation en tant que femme leader au sein du camp est le soutien que je reçois de ma communauté. Chaque conseil donné et suivi me conforte dans mon action.

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