Femmes et guerre
Portraits de femmes au cœur des combats.
Dans ce projet, nous essayons de briser les stéréotypes qui réduisent les femmes au seul statut de victime, pour mettre en avant les rôles parfois complexes et difficiles qu'elles tiennent désormais dans la guerre : combattantes, militantes, mères, filles, dirigeantes, ouvrières ou survivantes.
Fatima, 17 ans, vit avec sa mère et sa sœur dans un camp de déplacés à Maiduguri, au Nigéria.
Il y a deux ans, son village est attaqué. « Vers cinq heures du soir, après le repas, nous avons entendu des coups de feu. Je tremblais de peur. Le village était encerclé, il n'y avait aucun moyen de s'enfuir. Nous nous sommes cachés dans une pièce. Les coups de feu se rapprochaient. »
Fatima est restée enfermée pendant une semaine, sans nourriture, avant d'être libérée. « Quand on nous a laissées partir, ma mère a couru dans une direction, moi dans une autre. On est restées cachées dans la brousse sans se voir pendant 18 mois. » C'est la Croix-Rouge qui les a remises en contact. « J'ai d'abord parlé avec ma tante à Maiduguri. Nous étions en pleurs au téléphone. »
Il faut faire preuve de résistance pour exister en tant que femme dans ce conflit.
Hozan Badie Sindi, 25 ans, en deuxième année d'internat, est médecin au West Erbil Emergency Hospital de Mossoul (Kurdistan irakien).
Son hôpital a l'habitude de traiter chaque année des centaines de personnes blessées dans les affrontements armés. « Je souffre avec les gens et je veux les aider mais parfois leur sort échappe à mon contrôle » avoue-t-elle. Avant de poursuivre : « Le fait d'être une femme m'a-t-il rendu plus triste ? Ce que je sais, c'est que je dois survivre et aider les autres à survivre. J'aimerais pouvoir désamorcer certaines situations pour que la prochaine génération comprenne que le conflit n'est pas la solution. »
J'étais une victime, Je suis devenue une battante.
Dionisia Calderon vend des fruits et des pommes de terre dans son village natal de Morochucos, département d'Ayacucho au Pérou.
Durant le conflit qui a ravagé la région dans les années 1980 et 1990, son premier mari a disparu sans laisser de traces et le second est mort après avoir été violemment torturé.
Refusant de rester silencieuse, Dionisia est devenue une porte-parole des femmes victimes de violences sexuelles.
Je me disais : « Pourquoi suis-je une femme ? J'aurais dû être un homme. Avec les soldats et le Sentier lumineux, nous avons enduré tellement de choses. Toute cette violence était insupportable. Si je suis aujourd'hui en vie, c'est parce que certaines femmes m'ont dit que ce que pensaient les autres n'avaient pas d'importance car ils ne savaient pas tout et qu'en tant que femme, je devais lutter avec la plus grande énergie. J'étais une victime. Maintenant, je me bats pour la justice et la vérité. »
Je suis une victime et une survivante à la fois.
Eufemia Cullamat, une fermière de 57 ans, milite pour la fin de la présence des compagnies minières sur les terres de ses ancêtres, dans la province de Surigao del Sur (île de Mindanao aux Philippines). Son cousin, très impliqué dans la contestation, a été exécuté en 2015 avec deux de ses compagnons.
Les peuples indigènes des provinces de Davao del Norte, Surigao del Sur et Bukidnon sont parfois harcelés et forcés de quitter leurs propres terres. Le CICR a aidé les familles de Surigao del Sur qui ont décidé de recommencer leur vie ailleurs.
Elles portent le deuil, ont dû fuir leur village natal, se battent contre la souffrance et l'injustice et trouvent même dans la guerre les ressources pour se forger une nouvelle identité.
Les hommes font la guerre ; les femmes en subissent les conséquences. C'est du moins la manière dont les choses sont parfois perçues.
Un article du National Geographic, écrit avec le soutien du CICR, donne un éclairage précis sur la façon dont les femmes réagissent dans les épreuves imposées par les conflits armés, que ce soit dans la sphère familiale ou professionnelle.
Dans ce projet (intitulé A Woman's War), nous essayons de briser les stéréotypes qui réduisent les femmes au seul statut de victime, pour mettre en avant les rôles parfois complexes et difficiles qu'elles tiennent désormais dans la guerre : combattantes, militantes, mères, filles, dirigeantes, ouvrières ou survivantes.
« Je crois que les femmes agissent pour le changement. Je crois qu'elles apportent beaucoup de stabilité dans les zones conflictuelles et qu'elles permettent à leur famille et à leur communauté de rester unies », affirme Mary Werntz, directrice adjointe des opérations au CICR. « J'ai l'espoir que nous tous, humanitaires compris, puissions voir les femmes dans toutes leurs identités et plus seulement comme des victimes de tel ou tel événement. »
La question du genre est ardue... pouvoir, privilèges, habitudes culturelles, attentes diverses... Un fait cependant est incontestable : les conflits armés exacerbent les inégalités. Que se passe-t-il quand le soutien de famille – souvent un homme – part à la guerre ou est tué ? Les rôles sociétaux changent et les femmes se retrouvent dans des situations qui constituent un défi ou, parfois, une opportunité.
« Je pense que les femmes sont souvent forcées d'assurer le bien-être de leur famille pendant les conflits armés » poursuit Werntz. « Elles doivent devenir ouvrière ou fermière, elles n'ont souvent pas d'autre choix que de travailler. Tout en assumant l'éducation de leurs enfants. »
Le photographe du National Geographic Robin Hammond s'est rendu en Irak, pays qu'il connaît bien, ainsi que dans des pays aux conflits moins connus, comme les Philippines et le Nigéria. Le destin des gens peut parfois continuer à être déterminé par les guerres passées, comme au Pérou. Robin s'y est aussi rendu pour rendre compte de cicatrices qui ne veulent pas se refermer.
Nasifa, 29 ans, est spécialisée dans le traitement des personnes blessées par balles et explosifs. Elle travaille au State Specialist Hospital de Maiduguri, au Nigéria, dans un département créé et géré par le CICR. « Les attentats se passent la plupart du temps dans des lieux publics, comme les marchés, et la majorité des victimes sont des femmes. Quand vous sortez de chez vous, vous ne savez pas si vous allez pouvoir revenir. »
Nasifa se désole que le conflit non seulement tue et blesse un grand nombre de femmes, mais les pousse également dans la pauvreté quand leur mari disparait. Beaucoup d'entre elles mendient désormais dans les rues de Maiduguri avec leurs enfants, une scène « exceptionnelle » avant le conflit, dit-elle.
Jalilah (nom d'emprunt) vit avec l'ensemble de sa famille dans le centre de déplacés de Saguiaran, près de Marawi City aux Philippines. Les derniers combats en 2017 ont fait plus de 1 100 tués et occasionné la fuite de 300 000 personnes. Une de ses sœurs manque à l'appel, personne ne l'a revue depuis les combats. « C'est douloureux de perdre un proche. Et puis comme c'est une femme, quelque chose de grave a pu lui arriver. Elle nous manque. » Suspecté d'appartenir à l'opposition armée, le beau-père de Jalilah a été arrêté dans le camp.
Elle conclut : « J'aimerais me faire de nouveaux amis ou tomber sur des proches que je n'ai pas vus depuis longtemps. »
Victoria Prado Rodriguez, 65 ans, vit dans les faubourgs de la ville péruvienne d'Ayacucho, qui a été au cœur du conflit meurtrier des années 1980 et 1990. Le 26 mars 1989, deux de ses frères sont kidnappés. Si l'un a été libéré, l'autre, Graciano, détenu un temps par l'armée, n'est jamais revenu.
Ses vêtements ont été retrouvés dans une fosse commune des années plus tard. Mais pas son corps. Victoria est une membre active de l'Association nationale des familles de kidnappés, de détenus et de disparus du Pérou. Elle dit qu'elle pleure toujours son frère et qu'elle ne trouvera le repos que lorsqu'elle saura ce qu'il lui est arrivé.
Dans dix ans, je m'imagine professeur, discutant avec mes élèves des guerres du passé.
Rana Khalid, 16 ans, a fui avec sa famille lorsque la région où ils habitaient est devenue une ligne de front. Pendant deux ans, ils ont vécu dans des camps, avec d'autres déplacés. Ils ont enfin pu rentrer chez eux. « J'espère que la guerre ne va pas éclater de nouveau en Irak. Les gens ont dû abandonner leur maison, ils ont été à court d'argent. Nous avons beaucoup souffert. »