Myanmar : dans l’État de Kachin, des personnes déplacées reprennent leur vie en main

02 octobre 2014
Myanmar : dans l’État de Kachin, des personnes déplacées reprennent leur vie en main
État de Kachin, dans le nord du Myanmar. Dawng Nwa (22 ans) et son mari Brang Nang (23 ans) ont fui leur village à la suite des affrontements qui ont éclaté en 2011. © CICR/J. Powell

À la périphérie de Myitkyina, capitale de l’État de Kachin, un jeune couple s’applique à désherber et arroser un potager dans un jardin ombragé. Un spectacle a priori ordinaire, excepté que ce potager symbolise un nouveau départ pour ce jeune couple, dont le véritable foyer est ailleurs.

Dawng Nwa et son mari Brang Nang, âgés respectivement de 22 et 23 ans, comptent parmi les quelque 80 000 personnes ayant dû fuir leurs villages à cause des affrontements qui ont éclaté en 2011 entre l’Armée de l’indépendance kachin (KIA) et les forces armées du Myanmar. Nombre de ces personnes déplacées vivent toujours dans plusieurs camps répartis ça et là dans l’État de Kachin. Dawng Nwa, qui réside actuellement chez ses parents, se souvient parfaitement du jour où elle a dû fuir avec son mari : « C’était effroyable. Je n’avais jamais vécu une chose pareille. On entendait les tirs. On était tous terrorisés. »

Les deux jeunes gens ont dû non seulement quitter leur maison, mais aussi abandonner leurs terres et leurs moyens de subsistance. Sans argent ni aucun moyen de gagner leur vie, ils n’appréciaient guère de dépendre de l’aide de leurs proches ou d’associations caritatives, comme beaucoup d’autres personnes déplacées dans l’État de Kachin. 

Avec l’aide de la Croix-Rouge du Myanmar et du CICR, Dawng Nwa et Brang Nang cultivent des légumes pour nourrir leur famille et avoir un revenu. © CICR/J. Powell

Pour remédier à cette situation, la Croix-Rouge du Myanmar s’est efforcée, en collaboration avec le CICR, d’aider des personnes comme Dawng Nwa et Brang Nang à trouver des sources de revenus. La production de légumes permet par exemple aux familles déplacées de se nourrir et de gagner de l’argent en vendant le surplus de leur production sur les marchés locaux. Le CICR a fourni des semences, des outils et des engrais, et formé des volontaires de la Croix-Rouge du Myanmar pour qu’ils puissent montrer aux familles comment planter les semences, entretenir leurs potagers et résoudre d’éventuels problèmes. Il n’est pas toujours facile de trouver des emplacements pour les potagers. Ainsi, il a fallu convaincre le père de Dawng Nwa d’octroyer une parcelle de son terrain à sa fille et son gendre pour qu’ils la cultivent.

L’expérience est très positive pour Dawng Nwa et Brang Nang. Ils ont déjà récolté des tomates et des carottes, et leur récolte de choux s’annonce tout aussi prometteuse. Ils prévoient d’étoffer leur potager lorsque la saison des pluies aura commencé. Yein Nan, une volontaire de la Croix-Rouge du Myanmar, rend régulièrement visite au couple. « Grâce à l’argent généré par la vente de leur petite production, ils contribuent à augmenter les revenus de la famille », se réjouit-elle en constatant le bénéfice qu’ils tirent de leur activité.

Acquérir de nouvelles compétences

Les initiatives visant à aider les personnes déplacées à acquérir un minimum d’indépendance financière sont récentes. Les volontaires de la Croix-Rouge du Myanmar déterminent, en coopération avec les communautés déplacées, les activités susceptibles d’être développées. À quelques kilomètres aux alentours de Myitkyina, dans le camp de Khar Nan où vivent actuellement 26 familles, une autre solution est en cours d’expérimentation. Les habitants du camp ont décidé de se lancer dans le polissage de l’ambre pour gagner leur vie et acquérir de nouvelles compétences. Cette pierre semi-précieuse de plusieurs millions d’années qui est extraite dans le nord du Myanmar présente tout un éventail de couleurs allant de l’or clair translucide à un rouge profond éclatant. L’ambre brut doit être calibré, taillé et poli avant d’être transformé en bijoux, très prisés tant au Myanmar qu’à l’étranger.

Maung Htun a rejoint le camp de Khar Nan en 2011 avec sa femme et leurs six enfants. « Quand nous sommes arrivés ici, il n’y avait pas de camp, seulement une petite hutte où vivaient deux familles, raconte-t-il. Nous n’avions pas de riz, pas d’huile de cuisine ni de sel. Nous dépendions de la nourriture que les gens pouvaient nous donner. »

« Les combats étaient tout proches, des obus s’abattaient sur le village, faisant des morts et des blessés. Nous ne pouvions plus rester là-bas », explique-t-il en se remémorant les événements tragiques qui l’ont contraint à partir de chez lui avec sa famille.

Maung Htun, qui maîtrisait déjà le polissage de l’ambre, a commencé à l’enseigner à d’autres résidents du camp. La Croix-Rouge du Myanmar et le CICR soutiennent ce projet et prévoient de fournir des meuleuses et des équipements de sécurité supplémentaires afin que d’autres résidents du camp puissent se lancer dans cette activité.

Maung Htun est arrivé au camp de Khar Nan en 2011 après avoir fui son village avec sa femme et leurs six enfants. Il maîtrisait déjà le polissage de l’ambre et a commencé à l’enseigner à d’autres résidents du camp. © CICR/J. Powell

L’ambre brut étant un matériau onéreux, les familles déplacées ne peuvent en acheter qu’une petite quantité à la fois. Elles vendent ensuite leurs colliers d’ambre poli à des grossistes, qui les revendent à leur tour sur les marchés locaux et internationaux. Maung Htun explique avec regret que les bénéfices dépendent du prix des matières premières et des négociations avec les grossistes. Le polissage d’une seule perle pouvant prendre jusqu’à 15 minutes, tous les résidents formés fabriquent ensemble de longs rangs de perles et se partagent ensuite les bénéfices.

Privilégier les projets durables

D’autres projets dans les domaines de la fabrication de vêtements et la réparation de motos sont à l’étude. Ces activités présentent de nombreux avantages. Pour Claudia Matter, responsable des programmes du CICR dans l’État de Kachin, ce type d’initiative constitue bien plus qu’un simple programme d’aide au revenu : « Je suis convaincue que ces projets permettent aux participants d’acquérir des compétences qu’ils pourront mettre à profit une fois de retour chez eux. Il s’agit d’une stratégie axée sur le long terme qu’ils pourront continuer d’appliquer à l’avenir. »

La vie telle qu’elle s’organise dans les camps autour de Myitkyina est une solution provisoire qui peut être amenée à durer, car il n’existe aucune garantie que les résidents pourront un jour rentrer chez eux comme ils le souhaitent. Tant que les conditions de sécurité ne seront pas réunies et qu’il restera des mines et des restes explosifs de guerre dans leurs villages d’origine, tout retour est exclu. Maung Htun en a pris son parti. « Je veux rentrer chez moi, mais pour l’instant ce n’est pas possible, déplore-t-il. En attendant, je dois continuer à polir de l’ambre et essayer de reconstruire un semblant de vie ici. »