Assemblée générale des Nations Unies, 71e session, Troisième Commission, Déclaration du CICR
Les conflits armés ne sont pas seulement une affaire d’hommes ; les femmes aussi en subissent les conséquences, souvent tragiques : qu’elles prennent part aux hostilités ou qu’elles appartiennent à la population civile, qu’elles soient migrantes, déplacées, ou privées de liberté, les femmes sont systématiquement désavantagées. Très conscient de ces inégalités, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) tient aujourd’hui à vous faire part :
- de sa connaissance pratique, acquise sur le terrain, des diverses menaces qui pèsent sur les femmes et les filles ; ainsi que
- de son approche humanitaire en la matière, qui met l’accent sur le rôle actif que peuvent et doivent jouer les femmes dans leur propre protection.
Nous montrerons aussi comment la participation active des femmes aux décisions qui les concernent contribue à les rendre plus résilientes face aux diverses menaces auxquelles elles sont confrontées dans les situations de conflit armé.
Nous avons pour mission de protéger la vie et la dignité des victimes de conflits armés et d’autres situations de violence, et de leur fournir une assistance. Dans bien des contextes, le CICR est la seule organisation humanitaire, avec quelques autres, à être présente sur le terrain. Grâce à l’acceptation très large dont bénéficie notre institution, nous pouvons nous rendre dans des endroits particulièrement difficiles d’accès, tels que les lieux de détention, ce qui nous permet de voir par nous-mêmes les conditions de vie des personnes que nous cherchons à aider. Ainsi, nous avons souvent pu constater que les besoins des femmes détenues, en particulier, sont insuffisamment pris en compte. Par exemple, aucun quartier séparé n’est prévu pour accueillir les mères détenues avec leurs enfants.
Par ailleurs, nombre de femmes se retrouvent seules pour subvenir aux besoins de leur famille ; celles dont le mari a disparu n’ont souvent pas de statut juridique clair – n’étant plus considérées comme des épouses et ne pouvant pas prétendre au statut de veuves, il n’est pas rare qu’elles rencontrent des difficultés pour accéder à la propriété ou obtenir la garde de leurs enfants. Nous avons aussi constaté que la précarité économique dans laquelle se retrouvent beaucoup de femmes par suite d’un conflit armé favorise la recrudescence de certaines pratiques telles que les mariages précoces et le trafic d’êtres humains. En outre, les mécanismes habituels de protection contre la violence, notamment contre la violence sexuelle, sont souvent amoindris en période de conflit armé. Si les hommes et les garçons peuvent aussi être victimes de ce type de violence, ce sont avant tout les femmes et les filles qui y sont exposées.
Les femmes et les filles sont les mieux placées pour parler de ce qu’elles vivent au quotidien, aussi doivent-elles être invitées à prendre part aux décisions qui les concernent. Le CICR estime que les femmes ont un rôle actif à jouer dans leur propre protection. Nous leur demandons de nous faire part des facteurs de vulnérabilité auxquels elles sont exposées ainsi que des moyens qu’elles mobilisent pour y faire face. Nous les associons à la conception et à la mise en œuvre de nos programmes d’assistance : certains s’inspirent des stratégies de résilience qu’elles ont mises en place de leur propre initiative, d’autres leur offrent des solutions de substitution lorsque les stratégies auxquelles elles ont recours leur sont dommageables.
Le fait d’associer les femmes et les filles à la conception et à la mise en œuvre des programmes humanitaires destinés à répondre à leurs besoins contribue à renforcer leur autonomie et leur résilience. Voici quelques exemples :
- Pour limiter les risques d’agression auxquels elles sont exposées pendant leurs activités quotidiennes telles que la collecte de l’eau ou le travail aux champs, les femmes s’organisent pour se déplacer en groupe. Le CICR les aide à établir un emploi du temps commun et à mettre en place d’autres solutions leur permettant de vaquer à leurs occupations en toute sécurité.
- Le fait de pouvoir exercer une activité génératrice de revenus compatible avec la culture locale contribue à dissuader les femmes de recourir à des stratégies d’adaptation néfastes (par exemple, faute d’autres possibilités, certaines se prostituent, donnent en mariage un ou plusieurs de leurs enfants ou les envoient chercher du travail pour subvenir aux besoins de la famille).
- Un autre moyen de renforcer l’autonomie des femmes est de les informer de leurs droits et des services auxquels elles peuvent prétendre. Par exemple, dans le cadre de nos activités d’assistance aux familles de personnes portées disparues, nous nous employons à limiter le risque d’exploitation auquel les femmes sont exposées en leur expliquant qu’elles n’ont pas à payer en échange d’informations sur le sort de leurs proches.
S’il est important de reconnaître le rôle actif que les femmes et les filles peuvent et doivent jouer dans leur propre protection et de les associer à la conception et à la mise en œuvre des programmes visant à répondre à leurs besoins, nous rappelons aussi aux États qu’il leur incombe au premier chef de porter assistance aux populations placées sous leur responsabilité. Nous demandons donc à tous les États de veiller à créer un environnement sûr pour les femmes et les filles et de s’employer à limiter les risques auxquels elles sont exposées en respectant et en faisant respecter les normes internationales pertinentes, en particulier le droit international humanitaire.