Protection des services de soins de santé : le monde académique et universitaire est-il prêt à relever le défi ?

10 janvier 2018
Protection des services de soins de santé : le monde académique et universitaire est-il prêt à relever le défi ?
L’université Palacký d’Olomouc, en République tchèque.

L'université Palacký d'Olomouc, en République tchèque, est un brillant exemple de la manière dont le monde académique et universitaire peut aider à relever le défi de la violence exercée contre les personnels de santé et les structures médicales. Une conférence a été organisée en mai 2017 par cette université afin d'examiner la question du point de vue de l'Europe centrale et orientale. Organisée conjointement par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Croix-Rouge tchèque, la rencontre a réuni des représentants de différentes instances – gouvernements, forces armées, services de soins de santé, organisations non gouvernementales, autres Sociétés nationales et milieux académiques et universitaires. L'université Palacký intègre actuellement dans ses programmes d'études les messages-clés de l'initiative « Les soins de santé en danger ». Pour en savoir plus, nous avons posé quelques questions à Mme Ivana Oborna, vice-rectrice chargée des relations internationales de l'université.

Comment avez-vous appris l'existence de l'initiative « Les soins de santé en danger » ?

J'ai découvert l'initiative « Les soins de santé en danger » il y a quelques années, à l'occasion d'une réunion sur les conflits armés contemporains organisée au siège du CICR à Genève. Avant cela, je n'avais pas vraiment conscience du problème des violences exercées contre des personnels de santé et des structures médicales. Ce qui m'a le plus frappée, c'est l'ampleur du problème et des souffrances qui en résultent. J'ai aussi compris, d'une part, l'importance des mesures de préparation et de prévention permettant de mieux gérer la violence si et quand elle se manifeste et, d'autre part, la contribution capitale que les actions de sensibilisation apportent à ces efforts. En tant qu'universitaire, j'ai immédiatement eu le sentiment que le monde académique et universitaire pourrait contribuer de manière importante à l'avancement de cette initiative.

Quel rôle les instances académiques et universitaires peuvent-elles jouer dans la protection des services de santé ?

Des discussions ouvertes – portant sur les différents aspects de la violence exercée contre les personnels de santé et les structures médicales (ses causes, ses victimes, ses auteurs et son impact) – sont nécessaires pour identifier et mettre en place des mécanismes de prévention et de réponse. Même si les décisions sont finalement prises ailleurs, nos établissements peuvent offrir un espace sûr pour discuter de sujets aussi sensibles. L'intégration de messages de l'initiative « Les soins de santé en danger » dans nos programmes d'études – ainsi que, plus largement, l'utilisation des réseaux universitaires pour accroître la sensibilisation et partager les connaissances – sont des mesures allant dans la bonne direction.

J'ai aussi compris, (...), l'importance des mesures de préparation et de prévention permettant de mieux gérer la violence si et quand elle se manifeste

Pourquoi avez-vous décidé d'organiser une conférence sur ce thème ?

À mon retour de Genève, après cette réunion, j'ai fait part à mes collègues de mes premières réflexions sur la manière dont nous pourrions agir pour faire prendre davantage conscience du défi posé par la violence contre les personnels de santé et les structures médicales. Il existait cependant un autre élément dont je n'avais pas tenu compte. En effet, lorsque nous avons commencé à discuter avec divers interlocuteurs en République tchèque, nous avons remarqué que la manque de connaissance ne constituait que l'un des aspects du problème : un autre défi majeur résidait dans l'absence de coordination entre les différents services de santé aux niveaux local et international (y compris les services civils/militaires, pré-hospitaliers/hospitaliers et publics/privés).

Nous avons donc eu l'idée d'organiser une conférence à l'université Palacký afin de réunir tous ces interlocuteurs. Nous pensions qu'une telle conférence donnerait à des personnes qui, normalement, ne sont pas appelées à se rencontrer, l'occasion de partager des expériences, de discuter de préoccupations communes et d'explorer des solutions possibles. Réalisant qu'elle présentait également un intérêt pour eux, nous avons décidé d'ouvrir la conférence à des participants venant d'autres pays d'Europe centrale et orientale.

Vous a-t-il été difficile d'obtenir l'adhésion à ce projet ?

Les réactions ont été vraiment différentes d'une personne à l'autre. Par exemple, les représentants du gouvernement et de l'armée ont tardé à confirmer leur présence car ils avaient besoin de l'approbation de leurs supérieurs ; il est important de prévoir un délai supplémentaire pour ces catégories de participants. Il en est allé tout autrement pour ce qui est des universités : elles étaient prêtes à explorer de nouveaux domaines et partenariats. Le monde académique et universitaire a rapidement apporté son soutien à notre projet.

Les projets qui associent les sphères civile et militaire et les services de santé civils et militaires présentent, semble-t-il, un intérêt non seulement pour tous les participants, mais aussi pour les autorités. C'est là une autre façon dont le monde académique et universitaire peut contribuer à combattre la violence exercée contre les personnels de santé.

Quelles sont les prochaines étapes du combat contre la violence dont sont victimes les personnels de santé et les structures médicales ?

Tout d'abord, nous devons veiller à ce que le degré d'engagement ne faiblisse pas. Le fait d'offrir aux gens l'occasion de partager leurs connaissances et leurs expériences – comme nous l'avons fait lors de notre conférence – constitue une contribution majeure. Il serait assurément utile de reproduire cette expérience dans l'ensemble de notre réseau. J'espère que d'autres universités relèveront ce défi.

Nous devons également trouver des moyens de faire connaître au public les initiatives ou les événements mis en place dans d'autres pays mais risquant de passer inaperçus. Dans le cadre de l'initiative « Les soins de santé en danger », une communauté d'intérêt a été créée à l'échelle mondiale : bien que comprenant une plateforme en ligne pour le partage d'informations, elle demeure peu connue. L'excellente initiative lancée au Royaume-Uni sous le nom de CitizenAID pourrait servir de modèle pour impliquer davantage le public. Il est important d'examiner les expériences d'autres acteurs et de tirer parti des leçons apprises.

Les approches ayant pour objectif de lutter contre la violence visant le personnel de santé et les structures médicales doivent être intégrées aux cursus universitaires – médecine, droit, journalisme, etc. L'université Palacký s'est déjà engagée sur cette voie : les messages clés de l'initiative « Les soins de santé en danger » ont été intégrés au programme de base du cursus de médecine générale dès l'automne 2017. Un autre exemple mérite d'être retenu, celui du « camp PEIRA » reproduisant la vie réelle dans un camp de réfugiés lors d'un conflit armé non international. Organisé en octobre 2017 par la faculté de droit de l'université Palacký, cet exercice de simulation a réuni des étudiants de différentes facultés (droit, médecine, etc.) de notre propre université et d'autres universités du pays, ainsi que des représentants des Forces armées tchèques, de la Croix-Rouge tchèque, du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et du CICR. La réaction a été très positive. Les projets qui associent les sphères civile et militaire et les services de santé civils et militaires présentent, semble-t-il, un intérêt non seulement pour tous les participants, mais aussi pour les autorités. C'est là une autre façon dont le monde académique et universitaire peut contribuer à combattre la violence exercée contre les personnels de santé.

Le projet « Les soins de santé en danger » est une initiative du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge destinée à rendre l'accès aux soins de santé et la fourniture des soins de santé plus sûrs dans les conflits armés et les autres situations d'urgence. L'initiative appelle au respect et à la protection des travailleurs de la santé, des structures médicales et des véhicules sanitaires, ainsi qu'à la mise en œuvre d'une série de recommandations et de mesures pratiques visant à protéger les services de santé et leur mission humanitaire. Elle est soutenue par de nombreux partenaires, personnes et organisations, qui forment la communauté d'intérêts des soins de santé en danger.

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